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Full text of "Revue des langues romanes"

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REVUE 


DBS 


LANGUES  ROMANES 


REVUE    /v^l 


LANGUES  ROMANES 


PUBLIEE 

PAR   LA  SOCIÉTÉ 

POUB  L'ÊTUDË  DES  LANGUES  KOUANtiS 


Tome  XLII 


V"  SéaiB  —  TomeW) 


MONTPELLIER 


B«  d*  fAjictMi-Coiinlar,  J 


PARIS 

G.   PEDONE-LAURIEL 

Likriin-Ultiic 

13,  BDl  BOUFFLOT 


floU3L 


OCT  16 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


(Suite) 


21 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(=  B.  Gr.  242,  46) 

I.  Lo  douz  chanz  dun  auzel 
Que  chantauen  un  plais 
Mi  desiuet  *  lautrier 
De  mon  chami  em  trais 

5  E  iostal  perlaissaditz  ^ 
Ou  3  fon  lauzelz  petitz 
Plagnen  en  un  tropel 
Trei  tozal  ^  en  chantan 
Ja  ^  desmesura  gran 
10  Ca  près  iois  e  solatz 
Don  usnchi  ^  plus  viatz 
Per  miels  entendrel  chan 
E  dissi  lor  aitan 
Tosas  de  oui  chantatz 


15  E  de  cui  vos  clamatz. 

II.  E  cobret  son  mantel 
La  maier  qui  saup  mais 
E  dis  dun  encombrier 
Qe  moc  dels  ries  sauais 
5  Fer  qes  jouenz  delitz 
Qua  vli  ^  col  pros  es  guitz 
A  bon  près  qel  chapdel 
El  creschel  pareira  * 
Si  so  mes  a  sodan 

10  Li  peior  delz  ®  maluatz 
Qe  suis  ^^  alegrauatz 
Mu  ^^  faziatz  semblan 
Il  vos  auidaran  *2 
Conqa  ioi  non  aiatz 

15  Si  vos  lor  es  priuatz. 
III.  Tosa  ies  tan  isnel 
Nô  son  ves  bos  assais 
Com  foron  li  prumier 


1  c.  en:  desuiet  —  ^  c.en:  plaissaditz —  3  c.  en:  On —  ♦  c.  en:  tozas  — 
B  c.  en  :  La  —  ®  /.  :  uengui  —  "^  c.  en  :  Qua  tili,  /.  :  Quaissi  —  ^  c,  en  : 
par  enan  —  ^c.en:  dels —  *<>  c.  en  :  sius  —  i*  c.  en  :  Nin  —  12  ^  en  : 
aiudaran 

XLii  —  Janvier-Février  1899. 


6 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Cant  aondaua  iais 
5  E  cant  era  grazitz 

Qeu  neis  don  sui  marritz 
Non  trop  ia  qi  mapel 
Nim  qira  ^  nim  deman 
Anz  fui  raubatz  ogan 

10  Entre  très  reis  prezatz 
Si  qe  luns  des  regniatz 
Mo  ua  contrarian 
E  parec  al  fera 
Qe  mera  gen  donatz 

15  E  fom  mal  presentatz. 
IV.  {p.  36)  Segnier  dauol  fardel 
Se  cargue  dauol  fais 
Qi  rauba  soudadier 
Ni  sen  vest  ni  sen  pais 
5  El  luecs  es  pois  aunitz 
On  el  es  acuillitz 
Qaital  lairô  fradel 
Plen  domal  ^  e  denian 
Si  rai  '  sufire  nil  blan 

10  Nul  aura  ^  poestatz 
Non  pot  esser  onratz 
Qe  ben  leu  ne  dira 
Al  ^  que  non  o  sabra n 
Qel  eis  ner  encolpatz 

15  Oil  0  neschai  lameitatz. 

V.  A  qem  irai  '^  som  ^  reuel 
Amîga  ni  mirais 
Curatz  vol  •  qeil  derrier 
Se  meton  en  leslais 

5  Per  ai  tais  colps  petitz 
Ni  loues  ni  durzitz 
Des  qe  tir  en  lapel 
Qes  venha  meilhuran 
Per  pauc  colp  de  verchan 


10  Ne  ^®  qes  fassa  viatz 
Qus  vers  pros  hom  prezatz 
Si  dona  parsonâ 
Doptara  pois  lafan 
Et  "  tenra  p^r  graualz 

15  Si  gaireil  demandatz. 
VI.  Senier  li  fort  chastel 
Don  la  maleza  nais 
E  li  mur  eil  terrier 
De  dreig  e  de  biais 
5  An  tout  donz  e  conuitz 
Coi  *'  nom  *^  es  om  garnitz 
Si  non  fa  maug  arel  ^^ 
Qe  pas  sobre  lamian  *^ 
E  pois  ira  cridan 

10  Ans^^  vilans  ërabiatz 
Tota  la  nueg  veillatz 
Qeu  ai  auzir  ^^  mazan 
A  la  donc  ^^  leuaran 
E  vos  si  nous  leuatz 

15  Seres  ocaisonatz. 
VII.  Sil  segnier  de  bordel 
Amig**  no  fostel  *^  fais 
E  nos  da  consirer 
Com  del  tôt  nom  abais 
5  Lo  monz  er  peritz 
Qe  mos  iois  er  failli  Iz 
Te  "  tôt   lais  {p,  37)  non 

[espel 
A  bon  pretz  ben  estan 
Ni  ia  lai  non  veirâ  2* 

10  Ni  dieus  ni  fes  ni  patz 
On  segnier  reing  iratz 
Ca  lui  lazesmaran  ^^ 
Aug  ^^  cil  cab  el  estan 
E  desqe  iois  li  platz 


*  :  /.  queira  —  *  /.  :  de  mal  —  ^c,  en  :  isl —  ^  c,  en  :  auta.  —  ^  c.  en: 
Cil  —  «  c.  en  :  Cil  —  '  /.  :  ual  —  *  c.  en  :  sim  —  »  /.  :  Cuiatz  vos  — 
i<>  c.  en  :  Ni  —  ii  c.  en  :  Es  —  1*  /.  :  Car  —  1»  c.  en  :  non  —  1*  c.  en  : 
mangatel  —  i5  c.  en  :  lanuan  —  *•  c.  en  :  Uns .  —  ^^  c.  en  :  auzit  — 
18  /.  :  Et  adonc  —  *«  c.  en  :  amies  —  *o  /.  :  sofrel  —  *•  c.  en  :  De  — 
•*  c.  en  ;  venran  —  **  e.  :  sazesmavan  —  *^  c.  en  :  Tug 


LE  CHANSONNIER  DE  BBRNÂRT  ÂMOROS 


15  Alegras  vas  totz  latz. 
VIII.  Amiga  el  temps  nouel 
Soliom  esser  gais 
Or  no  volô  vergier 
Tros  cal  frugz  los  engrais 

5  Ni  lor  platz.  chantz.  ni  critz 
Totz  lo  monz  es  marritz 
E  plu;  li  iouencel 
Coi  bon  conor  no  fan 
Qeu  vi  '  per  un  gan 

10  Si  lor  fos  enuiatz 

Sen  niescler  >  vs  barnatz 
Qe  durera  tôt  lan 
Eraus  en  con  diran  ' 
Lor  daufas  *  amistatz 

15  Mais  en  fol  pretz  triât z. 
IX.  Toz  eu  mirai  laissan 
De  chantar  mais  oian 
Sa  mon  sobretotz  platz 
Qe  non  son  enastratz. 

X .  Segnier  li  diu  ^  bertran 
Sai  ben  que  vos  diran 
Qe  mal  es  conseillatz 
Si  del  chant  vos  laissatz. 
XI.  Toza  car  deshonoratz  ^* 

Es  cama  desamatz. 
XII.  E  vos  ia  conseillatz 

Segnier  com  am  forsatz. 

22 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(  =  B.  Gr.  242,  65) 

I.   Sanc  iom  agui  loi  ni  solatz 
Ar  sui  iratz 
E  per  totz  temps  desespe- 

[ratz 


Car  mauentura  nom  terrai* 
5  Ja  cobre  n  ^  iai 

Cades  mi  defui  '  em  tresuai 
Quiram  repauze  cossirers 
Qem  fan  doler  dans  e  de- 

[rers. 

II.  Qar  en  traspers   ore  fui  * 

[natz 
Ca  deu  no  platz 
Qe   nuils  bos    mos  amies 

[priuatz 
Viua  tan  con  lautra  gens  fai 
5  Aissi  meschai 

Per  mon   vngnaure    quen 

[non  ai 
Pois  mos  iois  em^*^  faille 

[primera 
E  cuim  comenset   lencom- 

[briers. 

III.  (p.  W)Eramalqes**  conor- 

[tatz 
Comhom  forsatz 
Qar  vos  ynaures  mamauatz 
Mas  eram  desconortarai 
5  Cant  vos  **  veirai 
Ni  iamais  nom  venran  de 

[lai 
Salutz   ni    certes   messat- 

[gier 
Don  iois  mi  sol  venir  en- 

[tiers . 
IV.  Hai  bels  amies  ben  ensen- 

[gniatz 
Vescis  *3  als  fatz 
E   doitz  e  sauis  als  mem- 

[bratz 
Per  vos  teing  vil   abril  e 

[mai 


*  /.:  vi  que  —  ^  c.  en:  mescler  —  3  /.  :  escondiran  —  *  c.  en  ;  dausas  — 
»  /.  :  dui  —  8«/.:  deshonratz.  —  «  /.  :  retrai  —  '  /.  :  cobre  —  ^  c.  en  : 
de  sui  —  9  c.  en;  sui  —  *•  L  :  me  —  i*  /.  :  Et  eram  alqes  —  is  i.  : 
nous  —  13  c.  en  :  Nescis 


8 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNÂRT  ÂMOROS 


5  El  dolç  tems  gai 

Ni  iamai  non  alegrarai 

Ni  non  chanterai  volontiers 

Mas  nous  puesc  ben   pla- 

[gnier  estiers. 

Y.  Ai  tantz  bels  sabers  qau- 

[ratz  * 
Oui  los  laissatz 
Jamais  vostre  pars  ner  tro- 

[batz 
Cane  non  vi  ni  ia  non  verrai 
5  Tant  non  irai 

Dim  ^  sol  orne  tan  bel  assai 
Ni  non  deu  dire  cauallers 
Qe  tât  entrai  gués  3  oliuers. 
Yl.  Âr  es  morta  bella  foudatz 
E  iocs  de  datz 
E  donz  e  domneis  oblidatz 
Per  vos  sol  pert  près  es 

[dechai 
5  Tro  part  balai  * 
Maint    pron     esdenendran 

I  sauai 
Oui  vos  fos  guitz  e  compai- 

[gniers 
Cô  hom  après  de  bos  mes- 

[tiers. 
Yll.  Dels  vostres  fins    trobars 

[smeratz  ^ 
De  las  bontatz 
Del  pretz  del  sen  de  las  rie- 

[tatz 
Eu  ^  degrâ  deueuir  gran  iai 
5  Cels  cui  peigz  vai 
Ja  moB  bes  noi  retrairai 
Quel  bôs    maiestres  ba- 

[langiers 
En  resemblera  lauzengiers. 


y  m.  Qen  vos  es  mortz  près  e 

[bamatz 
Ë  largetatz 

Bels  faitz   bos  digtz  e  bels 

[solatz 
E  ia  per  ma  fe  non  creirai 
5  Si  ben  stai^ 

Qe  dieus  als  sieus  sains  ioi 

[ver ai 
Nos  *  vos  accuilla  totz  pri- 

[miers 
Pos  tant  bels  dons  vos  det 

[entiers. 
IX .  (p.  30)  Ja  dison  qe  per  vos 

[sestrai 
Pro  en  sa  de  faitz  galaubiers 
Ams  ^  lai  non  es  tant  fa- 

[zendiers 

X.  Francs  seignier  si  fos  aciers 

Lo  cors  sim  degra  far  qar- 

[tiers. 

23 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 

(  =  B.  Gr.  242,  24) 

I  •  Ben  es  dregz  mas  en  tal  ^^ 

[port 
Nos  ha  nostre  segnier  tra- 

[mes 
Gab.ioi  lien  refeiran  ^^  merces 
E   chascuns  poign   a  plan 

[esfortz 
5  Qer  sia  lauzatz  e  grazitz 
Tan  adeitz^'  guitz 
Cuiterzematz**  e  ploi  e  venz 
Seru  ab  esser  obedienz 


^c.  en  :  qauiatz  —  *  c.  ew  :  Don  —  »  c.  en  :  ualgues  —  ^  c.  en  :  valai 
^^c.  en  :  sineratz.—  •  c.  en  ;  En  —  '  /.  :  estai  —  •  /. :  Non  —  *  cen: 
Cuns  —  10  ^  :  aital  —  "  c.  en  :  refeiram—  i*i.  :  adreitz—  i'  /.  :  terr  e 
mars 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


9 


E  qil  ten  car 
10  Ben  pot  esser  siz  *  cal  pa- 

[gar 
Venral   centesmes    guizar- 

[dos 
Jal  seruizis  nom  ^  er  iam  ^ 

[bos. 

II.  Epossabemcancnofes  tort 

Nil  fara  daiso  qens  promes 

Anz  enfer  ades  mager  bes 

Prô  deu  valer  nostre  conorz 

5  Quaicel     qes  desfaigz    els 

[fruratz  * 
Ëls  mais  nutitz  ^ 
Acoil  els  fai  viure  valenz 
Ben  sembla  quels  ries  pe- 

[nedenz 
Voilla  logar 
10  Sil  cors  eil  obra  ven  em- 

[par 
Tro  mieils  qels  forfaitz  so- 

[fraitos 

Qar  mais  val  lor  confessios. 

111.  Per    qes  degral  plus   ries 

[plus  fort 
Ësforsar  com  mais  li  pla- 

[gués 
Pos  genz  garnirs  ni    bels 

[coures 
Ni  cortesia  ni  deportz 
5  Noil  notz  des  qe  sains  es- 

[pmtz 
1  met  rays 

Ni  ia  per  so&   belsgarni- 

[menz 
Des  qe  sa  vides  auinenz 
Non  deu  doptar 


10  Qe  nostre  segnior  desam- 

[par 
Los  genz  retenenz  nils  plus 

[pros 
Si  nols  en  toi  autra  razos. 
IV.  {p,  40)  Ni  non   crei  qe  al 

[dreit  port 
Sil  cors  noi  falsa  ni  la  fes 
Qe  si  aissi  iutiarz  ^  ni  près 
Cal  cora   non  venga  sous 

[vetz  "^ 
5  Qi  non   sap  viure  esmaritz 
Qe  mi  es  guiz 
E  car    vau  trebailliatz    te- 

[menzr  • 
Non  puesc    sufirir  qe  non 

[comonz  * 
Vn  sol  chantar 
10  Ab  qe  eu jaua  remembrar 
Los  auols  ries  de  valor  blos 
Fer  qes  failtitz  *®  conduitz  e 

[eos." 

V.  E  si  nô  fos  qen  al  ma  cortz 

Don  maue  a  pensar  mânes 

Ane  nô  forô  peigz  escomes 

E  mais  atendreial  plus  fortz 

5  Per  qes  lois  e  iouenz  au- 

[nitz 
E  pretz  faiduz  *^ 
Ses  amde  sens  reuolenz  ^^ 
Caisi  cou  fol  comenzamenz 
Ab  ioi  menai  ** 
10  De  bon  pretz  eral  fan  baissar 
Tan  ni  a  paucs  de  coratjos 
Oui  non  espauen  messies. 
VI.  E    ai   pognos  ^^   tarzar  la 

[mort 


1  /.  :  fiz.  —  *  c.  en  :  non  —  3  /.  :  tant  —  *  /.  :  qels  d.  e.  frunitz  —  '  c. 
en  :  nuritz  —  •  /.  :  iutiatz  —  '  c.  «i  ;  sors  eniz  —  •  /.  :  temenz  — •  c.  en  : 
couienz,/.  :  comenz  —  lO  c.  en:  faillitz —  i*  c.  e7i:  los  —  **/.  :  faiditz  — 
13  c.  en  :  aiude  sons  beuolenz  —  **  c.  en:  menai,  /.  :  menar  —  i6  c.  en  : 
E  qi  pogues 


10 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNA RT  AMOROS 


Yn  îom  0  dos  qe  non  ven- 

[gues 
Ben  estera  com  botezes  * 
Enô  fora  tan  autz  lo  ioetz  ^ 
5  Mas  ieu  crei  anc  celui  nO  vitz 
Qeu  fos  auzîtz 
Oui  veiatz  ni   sabeis  ^    ni 

[senz 
Ni  manentra  *  fos  guirenz 
Dan  mot  parlar 
10  Doncs  pois  ieu  segurasiar^ 
Coi  non  es  tan  bella  meissos 
Con  diuer^  pretz  antreis^ 

[baros. 

VII.  E  pos  per  saber  ni  per  sort 

Reis  ni  ducs  ni  comsni  mar- 

[ques 
Non  viu  lo  menor  jorn  dun 

[mes 
Cô  el  *  de  laner  mentren- 

[tortz  » 
5  Qe  noil  fail  tro  qel  es  failli tz 
El  auolz  critz 

Régna    e    mostra  main  tas 

[gens 
Las  obras  els  captenemenz 
El  fai  blasmar 
10  Per  ques  deuria  soin  donar 
Totz  om  mentrenei  *®   lez- 

[eros 
Qe  noil  remanses  mal  res- 

[sos. 

VIII.  (p.  41)  Laissera  **  estar 

Lauol  gen  caissis  fai  a  far 

E  parlem  des  turcs  orgoillos 

Con  lor  auols  e  ieis  ^^  caia 

[ios. 


IX.  El  segnier  qi  nos  ^'  poderos 
Nos  conduia  et  si  ab  nos. 


24 

GIRAUT  DE  BORNEL 

(=  B.  Gr.  282,  69) 

1.  Sieus  qieir  cosseil  bella  mia 

[lamanda 

Per  dieu  Iom  datz  com  co- 

[chatz  lous  demanda 

Qe  som  retrais  vostra  domna 

[truanda 
Qe  totz  soi  for  issitz  de  sa 

[comâda 
5  Qe  so  qê  dettot  mestrai  em 

[desmanda 

Qem  consseilatz 

Ca  pauc  mos  cors  dinz  dira 

f  SOS  ira  branda  ** 

Can  *5  fort  en  son  iratz. 

II.  Per  dieu  giraut  ges  tôt  aissi 

[aranda 
Velers  ^^  damic  nos  fai  ni 

[nos  garâda 

Quar  si    luns   fail    lautre 

[couen  que  blanda 

Que  niuls  ^^  destrics  entre 

[lor  nô  sespanda 

5  Anz  sella  ditz  daut  poig  que 

[sia  landa 
Vos  lan  crezatz 
E  plassa  vos  lo  bes  el  mais 

[sil  manda 
Caissi  seres  amatz. 


^  c.  en  :  ho  fezes  —  *  c.  en  :  metz,  /.  :  tortz  ~~  ^  c,  en  :  sabers  —  *  c. 
en  :  manentia  —  ^  c.  en  :  abiar,  /.  :  afiar  —  «  /.  :  dauer  —  "^  c.  en  : 
antrels  -^  ^  c.  en  :  er  —  •  c.  en  :  mentrencortz  —  lo  /.  :  mentren  es 
.  _  II  c.  en  ;  Laissem  —  la  c.  en  :  a.  Ieis  —  i»  c.  en  :  nés—  i*  /.  :  dira 
non  mabranda  —  i6  /.  :  Tan  —  «  c.en  :  Volers  --^^  c.en:  nuils 


LE  CHANSONNIER  DE 

III.  Com  puesc  suffrir  qe  contre 

[goil  *  non  gronda 
Ja  sias   vos  donzela  belle 

[blonda 

Paires  ^  diraus  noz  e  paucs 

[lois  3  vos  aonda 

Mais  qe  nô  es  premeira  ni 

[segonda 

5  El  eu  qem  te  m  dest  ira  qem 

Qe  men  lauzatz       [côfouda 

Sim  rem  *  périr  qem  traga 

[plus  ves  londa 

Mal  cre  qem  captenjatz. 

IV.  Si  menqeretz  daital   razon 

[prionda 

Fer  dieu  giraut  non  sai  qe 

[men  responda 

Pos  vos  dizes  ca  pauc  son 

[iauzionda 

Mais   voil   pelar  mon  prat 

[cautre  lom  tonda 

5  Et  seus  er  oi  del  plag  far 

[deztronda  ^ 

Ja  li  cerchatz 

Con  son  bon  cor  vos  esdiga 

[eus  resconda 

Ben  par  con  es  cochatz. 

V.  {p,  42)  Donzel  oi  mais  no 

[siatz  trop  parleira 

Plus  de  cent  ves  ma  ramat  • 

[premeira 

Cuiaz   vos  donc  qz««u  tos- 

[temps  lio  sufieira 

Semblaria  co  fezes  per  ner- 

[ceira  ^ 
5  Dautramistat   ar   ai  talant 

[qeus  feira 


BERNART  AMOROS  1 1 

Si  nO  callatz 

A  neillor  ^  cosseil  saup  dar 
[ma  berengeira 
Qe  vos  nô  mi  donatz. 
VI.  Lora  vei  eu  giraut  qelaus  o 

[meira 
Car   lapellatz    camiairis  ni 

[leugeira 
Cuiatz  vos  donc  qe  de  plait 

[vos  enqeira 

Ai  ®  non   aig  *°    ges  qil  sia 

[tant  maneira 

5  Anz  er  oimais  sa  promessa 

[dereira 

Qe  qeus  digatz 

Si    sen   destrein  tan  qe  ia 

[noust  pifeira 

Trega  ni  fin  ni  patz. 

VII.Bella  per  dieu  non  perda 

[uostraiuda 
Car  bë   sabes   con   mi  fon 

[couenguda 
Seu   ai    faillit  per  lira  cai 

[aguda 

Nom  tenga  dan  sanc  sentis 

[can  "  leu  muda 

5  Cors  damador.  amige  sanc 

[fos  druda 

Del  plair  *•  pësatz 

Car  ben  sapcbatz  mortz  sui 

[si  lai  perduda 

Mais  no  men  descubratz. 

VIII.  Segnier  amies  ia   nagrius 

[fui  ^^  volguda 
Mais  elam  ditz  cadreit  ses 

[vascuda  ^* 
Cautran  preies  con  fols  tôt 

[a  saubuda 


1  /.  ;  contr  orgoil  -^  ^  c.  en  :  Paucs  —  »  /.  :  lois  —  *  c.  en  :  tem  — 
»  ..  ;  dezironda.  —  *  c.  en  :  ma  ia  mentit  —  M.  :  nesceira  —  «  c.en  : 
MeiUor—  «  c.  en  :  Ni  —  lo  /.  :  cug  —  ii  c.  en  :  con  —  i«  c.  en  :  plait  - 
13  c.  en  :  nagrieus  fin—   i*  c.  en  :  irascuda 


12 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNÂRT  AMOROS 


Qe  no  val  lieis,  ni  vestida 

[ni  nuda 
5  Donc  8Î  nous  gic  ben  fara 

[que  vencada 
Sautran  pregatz 
Beus  malrai  *  ia  lai  eu  man- 

[tengada 
Si  mais  nous  i  mesclatz. 

IX.  Bella  perdeu  si  de  lai  vos  > 

[crezuda 
Par  mi  lio  aatreiatz. 

X.  Beus  i  valrai  mas  can  vos 

[er  renduda 
Samors  non  laus  toilljatz. 

25 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(=  B.  Gr.  242,  5) 

I.  Alegrar  mi  volgreu'  chantan 
[E  chantar  per  qem  alegres 
E  si  dun  sol  pauc  maiudes 
Mos  bel  : . . .  nier  ni*  bon  talan 
5  Qe  ia  per  nuisa  ni  per  dan 
Qim    creges    nom    desco- 

[nortes 

Qes tiers  nom  feira  fraigz  ^ 

Nil  genz  pascors     [la  flors 

Ni*  solatz 

1 0  Mas  uaillam  chausimens  sil 

[platz 
E  maint  bona  sospeissos 
En  un  uers  far  qe  sia  bos.] 
U.  (p.  43)  E  pero  ben  a  mais 

[dun  an 
Com    mi    pregaira    ^    qeu 

[chantes 


E  foram  bon  qem  neaforces 

Sim  pogues  pagardelmazan 

5  Mas  voill  qell  cors  sacordel 

[chan 
E  qe  la  boca  renda  *  près 
Dels  bels  ditz  e  dels  faitz 

[maiors 
Grat  e  laozors 
Qar  si  chantatz 
10  De  tal  qias  plassae  ul  '  s  us  t  '<^ 

[en  patz 
Vostres    precs   ni  vostras 

[chanzos 
Trop  len   eschai  ries  gui- 

[zardos. 

III.  E   sérail  près  a  mon  sem- 

[blan 
Si    vostre    chantz    meillur 

[ades 

E  si  ia  ''  vis  qes  meillures 

Lo  meus  com  fora  son  côman 

5  Tostemps  mais  e  si  ia  dafan 

Qieu  nagues  trait  in  ''  co- 

[rilles 
Tostemps  mi  defedes  amors 
De  sas  honors 
E  fos  mostratz 
1 0  Gon  hom  fols  e  desmesuratz 
De  îoî  desemparatz  e  blos 
A  cui  nos  taing  honors  ni 

[pros. 

IV,  Dieus  qe  mer  anatz  regaran 
Si  ia  vifa  *'  qe  magrades 

E  non  ges  per  zo  qe  cuges 

Qe  nuUa  res  mabeillis  tan 

5  Prou  **  maue  meils  qe  nom 

[deman 
E  con  nô  mo  diras  fols  es 


*  c.  en  :  i  ualrai  —  »  /.  :  nés  —  3  /.  :  Volgren  -  *  /.  :  seignier  ai  — 
»  /.  :  fruigz— •  /.  :  Joisni  —  »  c.  ffw  :  pregaua  —  »  c.  en  :  tenda  —  3/.: 
us  —  10  c.  en  :  sufr  ^  it  c,  en  :  la  —  i*  c,  en  :  mi.  —  ts  c,  en  :  iufa, 
/.  :  vira  —  »*  c.  en  :  Pron 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


13 


Ja  sabes  tu  daquetz  ama- 

[dors 
Leus  parladors 
Qe  lur  foudatz 
10  Qan   tôt  surs^    affars    ses 

[aussatz 
Lor  toi  plazers  e  digz  e  dos 
EIs  mena  trist  e  consiros. 
V.  Per  qieu  qe  nom  agrat  de- 

[nian 
Nom  2  volgra  cautre  men- 

[segnes 
So  qe  mon  ici  mi  destorbes 
Anz   magrobs    lom     pares 

[enan 
5  E  per  som  vau  sols  alegran 
E  consir  cossi  ne  trobes 
Conseil  damics  e    de   sei- 

[gnors 
Nim  fos  acors 
Sobre  tarzatz 
10  E  loin  me  de  mos  plus  pW- 

[uatz 
Tan  dopn  '  qe  luecs  o  sai- 

[zos 
Membles  carqe  *  mot  pml- 

[los. 
VI.  (p,  44)  E   non   ies  per  so 

[qieu  soan 

Lur  solatz  e  moût  non  prezes 

Fauzes  ^  dir  e  qe  demandes 

A  cels  qi  venon  ni  qeiran  ^ 

5  Tais  nouas  en  ^  qanes  mes- 

[clan 
So  qe  chascuns  nom  enten- 

[des 
Qe  per  uns  prims  entende- 

[dors 


Me  toi  paors 
0  treuoldatz* 
10  Car  non  aug  •  esset  *^  ben 

[amatz 

Mainz    gabs    mainz     digz 

[mainz  fuigz  ^*  gingnos 

Per  qe  fora  bautz  e  ioios. 

Vil.  E  diran  aig  *•  qieu  dis  ogan 

Qa  tôt  home  qi  ben  âmes 

Agrobà  cun  bon  amie  trobes 

En  qe  nO  sanes  tre  doptan 

5  Qe  uns  non  sap   de  qe  ni 

[qan 
Serei  obs  com  lo  conseilles 
Mas  er  die  qals  entendedors 
Es  valedors 
Conseils  priuatz 
10  Car  greu  er  si  nous  engar- 

[datz 
Qe  luns  dëtre  très  compai- 

gnjnos 
Nous  sia  soen  enoios. 
VIII.  Cascuns  sigartsi  coneu  faz 
Tant  be  sobre  totz  qe  neus 

[vos 

Non  sabes  cals  sesmarazos. 

IX.  Ben  leu  man  lai   part  les 

[gloros  '* 
0  sai  0  lai  o  sus  o  ios. 


26 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(  =  B.  Gr.  242,  6.) 

1 .   Al  honor  dieu   torm**  mon 

[chau 
Donmera  loignatz  et  parti  tz 


'  /.  :  lurs  —  *  c.  en:  Non  ^9  c.  en  :  dopti  —  ♦  c.  fn  :  calqe  —  ■  c.  eji  : 
Sauzes  -^  ^  c.  en  :  qe  uan  —Tcenieu—^cen:  freuoldatz  —  »  c.  en: 
cuig—  *o/.  :  esser  —  "  c.  en  :  faigz  -  ^*  c.  en  :  tug  —  i«  c.  en  :  glotos. 
**  c.  en  :  tomi 


1  4  LE  CHANSONNIER   DE 

E  non  me  *  torna  brais  ni 

[critz 

Dauzels  ni  fueilla  de  verian 

5  Ni  ges  no  mesiau  en  chan- 

[tan 
Anz  2  siu  corrossos  et  marritz 
Qen  mains  es  critz 
Conois  e  uei 
Qapodera  pechatz 
10  Per  qeu  fail  fes  e  sortz  ini- 

[quitatz. 
II.  Consiri  ^  ma  iauillan  * 
Con  ses  lo  segles  endurmitz 
E  com  bes.  serba^   sa  ra- 

[zitz 
El  mais  sabiiux  ^  vai  poian 
5  Qar  a  penas  prezom  ni  blan 
Si  dieu  s  es  ancra tz  ^  ni  lai- 
Qals  arabitz  [ditz 

Trufâ.  ses  lei 

{p,  45)  Reman  surjen  *  patz 
10  E    sai   tensor'    entre    les 

[poestatz. 

III.  E  pero  ges  no  mes  semblan 

Com  valga   darmatz   ni  ar- 

[ditz 
Pois  aital  coches  dieus  fail- 

[litz 

Ja  senz  vergoinaltorndenan 

5  Mas   cel  caura  près  dautri 

[bran 
De  granz  colps  e  del  sien  *° 

[feruz  ^* 
Et«acuillitz 
Si  de  laurrei  *^ 
Qes  renra  ^^  per  priuatz 


BERNART  AMOROS 

10  Qel  non   es   ies   de  donar 

[eissarratz. 

IV.  E  pos  a  cor  de  bon  talan 

Dona  poder  sanz  eperitz 

Esloignom  ({ue  noi  si  aizitz 

De  doble  trafan  plen  denian 

5  E    guidon  *•  cil  qab    dieu 

[iran 
Cuns  de  sa  forsa  non  sirritz 
Ga  penas  vitz 
P«r  gran  desrei 
De  vauas  *•  voluntatz 
10  Granz  iauzimenz  venir    ni 

[demanz  *^  latz. 
V.  Mas  die  qe  seg  an.  tug  un 

[ban 
Echascuns  voilleser  grazitz 
E  qi  mais  pot  si  afortitz 
Caissi  sapchan  qe  venceran 
5  E  cil  aiuden  qi  noi  van 
Per  que  dieus  sia  miels  ser- 
Pero  es  ditz  [uitz 

Cunsqwecs  amnei  ^* 
So  qel  mon  plus  li  platz 
10  El  se  guamitz  *•  qi^el   vos 
[remis  ^^  despoillatz. 
VI.  Ai  chaituia  2*  gens  que  di- 

[ran 
Quant  el  remêbrarals  vblitz 
E  voira  comte  des  petitz 
Cil  qera  noil  aiudaran 
5  Veires  ben.   qal  razon  ren- 

[dran 
De  canz  qwil  naion  segnio- 

[ritz 
Era  2*  lor  guitz 


*  c.  en  ;  mi  —  «  /.  :  sui  —  3  /.  :  Consiri  molt  —  ♦  c.  en  :  marauillan 
—  ^  c.  en  :  sécha  —  *  /.  sahriu  e  —  '  c.  en  :  antatz  —  *  c,  en  :  surjem. 
/.  suri  em—  »  c.  en:  tensoz  —  *»  /.  :  sieu.  —  **  c.  en  :  feritz  —  12  c.  en  : 
Er.  —  1'  ^  :  son  rei— **  c.  en  :  tenra  —  *8  /.  ;  Esquiuam  —  ^^  c.  en  : 
vairas  —  *'  c.  en  :  denianz  —  i»  /.  :  abnei  —  *»  .  c.  en  :  segua  nutz  — 
20  c.  en  :  reims  — •'  c.  en  :  chaitiua  —  22  /.  ;  Eia 


LE  CHANSONNIER  DE   BERNART  AMOROS 


15 


Se  *  que  vos  dei 
Qels  aura  mal  guidatz 
10  Non  leur  fara  ni  conort  ni 

[solatz. 

VII.  Ben  sapchatz  qem  peza  del 

[dan 
Ma  perlanctan  ^  son  esbaitz 
Quil  trafanet  dais  bruis  > 

[vestitz 

Qi  dieu  ni  lei  ni  ben  non  an 

5  Fassen  sobre  nos  so  qe  fan 

(p,  46)  Tan  lag  nos  an  enui- 

[lanitz 
Cane  non  auzitz 
En  tal  agrei 

Del  temps  qe  dieus  fo  natz 
10  Tan  gran  perill.  qe  tan  leu 

[fos  portatz. 

VIII.  Pero  si  vau  solatz  cobran 
Qi    mera  loingnjatz   e  per 

[anotz  * 
E  mosvers  es  en  ioi  teratz  * 
Qera  comensatz  em  ploran 
5  Deisqe  las  ost  chauaujarft 
El  socors  dels  reis  es  ple- 

[nitz  • 

Mal  er  bailuz  ' 
So  vos  autrei 
Soudanz  e  amiratz 
10  Can  il  venran  si  non  son 

[deslôgnatz. 

IX.  El  coms  richartz  es  ben  gar- 

Cal  siens  aitz  •  [niz 

Qi  quel  menuei 

Ses  tais  afars  mesclatz 

5  Qi    ben    es    granz    e  sian 

[dieus  lauzatz. 


27 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 

(=  B.  Gr.  242,73) 

I.  Si  per  mon  sobre  totz  non 

[fos 
Qi  ditz  qieu  chan  e  sia  gais 
Jal  suaus  temps  can  lerba 

[nais 
Ni  pratz,  niboscs,  ni  rams, 

[ni  flors 
5  Ni  dieus  •  segnier  ni  van 

[amors 
Nom  pogron  mètre  en  les- 

[tais  «0 
Mas  daissom  teing  ab  lui 
Qe  pos  iois  defui 
Merma  pretz  e  barnatz 
10  E  pos  las  prestatz** 
Ses  fraigneron  ^^  de  iai 
De  quant  qel  mieiller  fai 
Non  so  '^  per  mi  lausatz 
Caisin  siu  **  conseillatz 
15  Qieu  mil  ^*  rie  non  enuei 

Qi  tant  mal  segnorei. 
II.  Qella  ^*  vetz  eral  segles  bos 
Can  per    totz  era  acuillitz 

[iais 
E  cel  grazitz  on  era  mais 
E  pretz  sauemar  "  ricors 
5  Er  apellom  pros  los  peiors 
E  sobranzier  qui  plus  sirais 
E  cel  qi  mais  adui 
Conqes  pot  de  lautrui 
Sera  plus  enueiatz 
10  De  qem  terng  **  per  forsatz 


1  /.  :  Fe  — «  /.:lantam—  3  c.  en:  brus  -  *  c.  en  :  e  gandiz  —  8  c.  en: 

tercitz—  ^  c.  en:  pleuitz  —  '  c.  (?w  :  bailitz  -  *  /.  :  aizitz.  ^  ^  c.  en:  durs 

-  !•  c.  en  :  leslais  —  n  c.  en  :  poestatz  —  i«  /.  :  Sestraigneron  —  ^3  c. 

^n  :  fo  —  **  c.  en  :  sui  —  i»  /.  :  nu(  —  i«  /.  ;  Sella  —  i'  /.  :  saueniab  — 

*•  c.  en|:  teing 


16 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNÂRT  ÂMOROS 


Coin  daaol  plai.  sauai 
Coilla  pretz  bon  verai 
Don  degresser  {p.  47)  blas- 

[matz 
E  voz  car  non  pensatz 
15  Se  taing  com  pretz  autrai  * 
Celui  qui  lag  feunei. 

III.  Mal    son  '    capdelada  ra- 

fzons 
Desqom    p^r   pros  tenc  los 

[sauais 
Els  francs    els   cor  tes  els 

[verais 

Razonet  hom  -per  sordeiors 

5  E  moc  la  colpa  dels  auzors 

Cant   deuers   bessillet    nis 

[frais 
Qem  non  fai  ^  per  cui 
Toi  hom  lonor  celui 
Qui  nerab  dreit  cassatz 
10  E  cels  en  corillatz 
Diran  qe  mieil  estai 
Qem  *  cel  qeu  non  dirai 
Sera  meillier  armât  z 
E  pois  fius  ^  enbargatz 
15  De  pretz  ni  de  domnei 
Mes  •  auetz  el  conrei. 

IV.  Eu  vi  com  prezaua  chanzos 
E  qe  plazra  "^  segles  gais 
Era  vei  qe  pois  hom  sestrais 
Desolatzni  de  faitz  gensors 

5  Ni  lafars  de  finz  amadors 
Se  viret  de  dreit  en  *  biais 
Qe  totz  deuer8  defui 
Qe  si  hom  se  deblui 
La  carn  el  uin  els  bratz  * 
10  E  fol  la  compagnatz  <® 


  pretz  non  o  tendrai 
Ni  crezutz  non  serai 
Mais  nô  segral  pechatz 
Qe  valra  pauc  ricratz  ** 
15  So  qui  la  menai  desrei 

Ni  dreit  noi  sec  ni  lei. 
V.  Er  aug  del  rei   qera    plus 

[pros 
E  plus  valenz  e  manz  assais 
De  totz  cels   cui  manda   *^ 

[pais 
Qe    sobrels    messianz    els 

[maiors 

5  A  crée  sos  prese  sahonors 

Enon  temra  *^  sanz  **  ni 

[fais 
Que  si  86  plagnon  dui 
Lo  ters  lor  o  destrui 
Quem  par  mal  enseignatz 
10  Qieu  non  aug  *5   cane  fos 

[natz 
Da  carlemagnê  sai 
Reis  per  tam  bel  assai 
Mentagutz  ni  prezatz 
Mas  ia  leu  non  crezatz 
15  Cafars  tan  mal  estei 
Qensemz  lo  plagnô  trei. 
VI.  E  qe  val  doncs  bellafaissos 
Ni  granz  poders  qaissi  sa- 

[bais 
Era  passia  un  **  part  roais 
Lo  noms  el  près  e  la  paors 
5  Entrels  parans  *^  galiadors 
Quanc  [p.  48)  un  sol  pueg 
[areir  nols  trais 
Per  qe  fail  qis  delui  ** 
Pos  aissi  leu  sesdui 


*  /. :  autrei  —  ^  c.  en  :  fon  —^cen:  Qera  non  sai—  *  cen:  Qai  — 
* c.  en:  suis,  /.  :  sius  —  ^  l.  :  Mens  —  "^  c.  en  :  plazia  —  •  c.  en  :  em 
—  9  /.  ;  blatz  —  *o  /.  :  E  sel  acompagnatz  —  *W.  :  rictatz  —  *«  c.  en 
uianda  —  *3  c.  en  :  temia  —**/.;  afanz  —  '«  /.  ;  cuig—  **  /.:  E  ia  pas- 
^ua  —  ^T  c,  en  :  paians  -^  ^^  c.  en  :  desdui 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


17 


So  tom  *  plus  vol  nil  platz 
10  De  qem  teing  per  greuatz 
Gels  qe  mais  podon  sai 
Si  nO  adobon  lai 
Qan  chamiaran  rictatz 
Caion  calque  solatz 
15  De  lor  gran  chalabei 
Deuât  ^  lo  maior  rei. 
Vil.  Qel  trafanz  segles  enuios 
Dona  lui  peig  qi  plus  nar- 

[rais  * 
Qom  noi   a  mas  qel   cors 

[engrais 
E   fassa    conqes  pot    son 

[cohors  * 

5  E  larma  pert  senz  lo  socors 

De   lui  cui   sos   couenz  e 

[frais 
Cuns  tan  gent  non  sestrui 
Ni  nos  serra  nis  dui  ^ 
De  bels  murs  batailiatz 
10  Can  seira  trapassatz 
Al  port  lai  on  seschai 
Gom  merme  son  esmai 
Totz  non  si  esarratz 
Fer  qes  conseils  sennatz 
15  Gom  de  sai  se  captei 
Qe  SOS  tortz  lai  vol  ^  grei. 
VIII.  Lui  prec  qes  sols  damatz 
Uns  dieus  e  trinitatz 
Qem  gart  qieu  non  solei  ' 
Sai  tant  qe  lai  me  grei. 
IX.  E  chascuns  lo  cortei 

Qe  SOS  tortz  lai  volgrei  *. 


28 


GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(  =  B.  Gr.  242.  45  ) 

I.  Leu  chansonet  e  uil 
Maurra  *  obs  a  far 
Qe  pogues  enuiar 
En  aluergnal  dalfi 

5  Pero  sel  dreit  cami 
Pogues  neblon  trobar 
Bel  poirra  *®  retrar 
Qeu  die  qen  lescujzir  ^^ 
Non  es  lafanz 
10  Mas  en  lobresclarzir. 

II.  E  qi  de  fort  fozil 
Non  vol  cotel  ^^  tocar 
Ja  voil  ^*  cui  laffilar 
En  un  mol  dêbeli 

5  Qar  jes  aiga  de  vi 
Non  fei  dieus  al  manjar 
Anz  sen  vole  eisauzar 
E  ses  **  esdeuenir 
Daiga  qera  enanz 
10  Pois  vi  per  meils  grazir. 

III.  (p,  49)  E  qi  dinz  son  cortil 
Em  *^  om  vol  *®  pot  forzar 
Se  vana  daiudar 
Pois  non  fai  mas  qen  ri 

5  Pro  a  de  qes  chasti 
E  qi  de  son  gabar 
Vol  SOS  clamius  pagar 
Ja  dieus  en  candezir 
Nonca  lenanz 

10  Ni  loi  lais  auenir. 

IV.  Per  qieu  dôme  sotil 
Qi  sap  sos  miels  triar 
Nom  mer  a  castrar  " 

^  c.  en:  com  —  »  c.  en  :  Denant  —  3  /.  :  natrais.  —  *  L:  cors  —  ^  l,  : 
clui  —  *  c.  en  :  nol  —  '  c.  en:  folei  —  «  c.  en  :  nol  grei.  —  •  c.en: 
Mauria  —  •<>  c.  en  :  poiria  —  "  /.  :  lescurzir  —  **  c.  en:  cutel—  *3  c.  en  : 
noil  —  1*  c.  en  :  fei  —  ^^  c,  en  :  En,  /.  :  On  —  i«  c.  en  :  nol  —  i'  c.  en  : 
met  a  castiar 


18 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Ni  fort  *  nom  natrai 
5  Mas  un  pauc  me  desui 
Car  nO  o  puesc  mudar 
Tarn  mes  gréa  a  portar 
Qui  non  sap  essernir 
Tan  de  ferâz 

10  Ne  cug  con  al  partir. 

V.  E  sil  faig  son  gentil 
A  la  valor  leuar 
Als  finz  fan  aguidar 
Com  sem  ^  sent  a  la  fi 
5  Qe  lo  sauis  me  di 
Qe  ges  al  nou  tensar 
Non  dei  home  lausar 
Per  son  ben  escremir 
Ni  per  colps  granz 

10  Qe  prez  pren  al  fenir. 
VI.  E  qi  per  3  un  fil 

Pen  prez  com  sol  amar 
El  pourra  *  greu  trobar 
Si  romp  qi  fer  ni  ^  lo  li 
5  Cap.  pauc  en  un  trai 
No  sen  ^  los  ries  auar 
Qaissi  cos  degrausar  "^ 
Per  els  e  reuenir 
Prez  e  bobanz 

10  E  iois  len  fan  fugir. 
VII .  Mas  eu  trop  un  de  mil 
Pero  nO  laus  nomnar 
Per  paor  de  cuiar 
Qel  dreices  lo  corxi  * 
5  Coi  del  ser  al  mati 
Non  pot  res  meillurar 
Ni  ia  après  sopar 
Non  lauzires  ren  dir 
Qeus  lo  mazanz 

10  Non  eschai  près  durmir. 


VIII.  Aiam  »  torn  en  un  mil 

Vas  mon  *^  bel  segnior  car 
Rem  als  non  sai  comtar 
Mal  *  *  qe  samors  mauci 
5  Ane  peior  asaissi 
Noqam  saup  enuiar 
Qera  non  puesc  pausar 
Anz  trebail  e  consir 
Si  qe  mos  chanz 

10  Es  la  12  près  del  fenir. 

IX.  {p,  60)  E  deurial  mandar 
Mon  sobretotz  e  dir 
Qel  mager  danz 
Er  siens  sim  fai  fenir. 

29 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 

(=  B.  Gr.  242,54) 

I.  Obs  magra  Qe  mo  consentis 
La  saizos  del  temps  entenerg 
Qen  calqe  solaz  mesiauzis 
Qen  cot  freg*'  magrobs  ves- 

[tirs 
5  E  contrai   tort  queu  pren 

[merces 
E  contrais  trop  trazir**  chan- 

[tars 
E  contrais  cambes  dels  ba- 

[ros 

Fracs  seigner  e  certes  e  bos. 

II.  Eragram  *'.  Plus  caut   los 

[matis 
Sim  sentis  mos  obs  en  lal- 

[berg 
Qe  ia  forsatz.  fors  non  eissis 


^  c.  en  :  sort  —  '  c.  en  :  sen  —  3  /.  :  per  sol  -^^  c.en  :  poira  —  *  /.: 
f erm  —  •  /. :  son  —  '  c.  en  :  degrau  far  —  ^  c.  en  :  coixi  —  ^  c,  en:  Aram 
—  ^^cen:  mom  —  **  c.  en  :  Niai,  /.  :  Mas  —  **  c,  en  :  ia.  -^  ^^  c,  en  : 
contra  steg,  /.  .*  contra  freg  —  **  c.  en  :  taizir   —  ^^  c.  en  :  Elagram 
/.  :  £  iagra 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


19 


Qa  penas  mes  amans  grazirs 
5  E  qi  sufferre  sen  pogues 
Ben  fora  nauges  demandars 
Ab  80  que  si  donar  no  fos 
Ja  no  saubrom  qis  fora  pros. 

III.  E  plagra  Mais  a  mos  vezis 
Manenz  que  paubres  qe  pos 

[serg 
Totz  mos  obs   vns  non  er 

[tan  fiz 
Prouetz  non  lenui  lescon- 

[dirs 

5  Ë  qi  trop  fres  autrui  contes  < 

Sofra  mier  laqals  qe  disnars 

Qe  pos  safîcha  des  lomos  ^ 

Semblail  faillapas  a  maizos. 

IV.  EplagramGenzersomes  vis 
Enquere  sobre  son  aulberg  ^ 
Sautra  madaula  li  faillis 
Del  sieu  car  moit  mes  bels 

[seruirs 
5  E  qes  fai  del  autrui  certes 
Pos  del  sieu  sera  sobrau- 

[ars 
6es  no  mes  vis  li  port  razos 
Qa  lui  repairel  gazardos. 
V.  Som  agra-Mens  non  acuillis 
Si  puin  uim  nranei  ^  ni  esterg 
Los  iouenseus  nils  enantis 
Genser  en  paregral  seruirs 
5  E  qieus  fara  semblan.  queil 

[pes 
Ensegnamens  ni  castras  ^ 
Eus  trebaillatz  pois  cautre 

[fos 
Fragnier  i  podes  mil  ^  bas- 

[tos. 


VI.  {p,  61)  Podagra  Ons  ia  non 

[garis 
0  gran  mescap  en  plâ  co- 

[derg 
OaP    qel   plus  luignedanz 

[lauzis 

E  mal  on  •  si  segues  carnitz 

5  0  podehc  voltra*  lauengues 

Cui  ioi  non  platz  ni  depor- 

[tars 
Qe  maïs  pessamës  enoios 
Loignon    de    rai  *•    bonas 

[chanzos. 

30 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 

(  =  B.  Gr.  242,66  ) 

I.  Sera  nom  poia  mos  chanz 
Non  sai  percui  mais  senanz 
E  se  non  val  des  ananz  ** 
Qe  far  non  solra  *^ 
5  Ben  auras  dreit  lom  soanz 
0  per  qe  no  mo  demanz 
Qe  non  to  diria. 
II.  E  sim  seras  drogomanz 
A  liers  *3  de  cui  soi  comanz 
E  com**  entendra  tos  manz 
Ja  daisso  not  sia 
5  Qels  ditz  els  faitz  els  sem- 

[blanz 
El  nom  el  pretz  el  bobanz 
Ter  guitz  en  laura.  *5 
III.  E  tu  iat  fas  conoisenz 
Eu  hoc  e  dOcs  non  entenz 
Cans  metz  **  fatz  fas  apren- 

[dens 


*  /.  :  conres  —  a  c.  en  :  somos  —  3  /.  ;  ausberg  —  4  c.  ew  :  uianei,  /.  : 
manei  —  *  c.  e/i  ;  castias  ^^c,  en:  nulal  —  '  c.  en  :  Tal  —  «  c.  en  :  an  — 
»  c.  en  :  volria  —  *»  c.  en  :  de  mi  —  n  c.  en  :  dos  aitanz  —  «2  c.  en  :  solia 
—  "  c.  en  :  lieis  —  i*  c.  en  :  con  —  «  c.  en:  la  uia  —  le  /,  :  motz 


20 


LE  CHANSONNIER  DE   BERNART  AMOROS 


E  ses  mestrîa  * 
5.  Si  fas  be  mas  tôt  el  ^  sens 
Con  car  vueil  qe  tota  gens 
Li  port  garemia.  ^ 
IV.  Qel  sieu  bels  cors  couinenz 
Es  assatz  ^  e  manenz 
De  totz  bos  enseignamenz 
Ë  de  cortesia 
5  Ja  nauras  tu  maluolês 
Car  en    trop  laozar    ten- 

[prenz 
E  qet  graziria. 
Y.  Seu  enemics  e  guerrers 
Non  farian  voluntiers 
Cuns  enoios  malparliers 
Trobom  cascun  dia 
5  For  qieu  -  non  soi  sobran- 

[zers 
Mas  si  lam  blasmauauguis^ 
leu  lon^  combatria. 

VI.  Qel  siens  lauses  drechurers 
El  noms  vers .  elprez  entiers 
E  sim  era  vis  estiers 
Nom  nantremetra  ' 

5  Quanc  fort  non  fui  souen- 

[diers 
Daitals  lauziers  plasentiers 
Ni  no  mo  séria. 

VII.  {p,  52)  E  tu  qe  tam  «  sos 

[lauzers 
Ja  ten  forsa  sobramars 
Mais  ten  vairra  ^  callars 
Ben  ditz  gram  follia 
5  Qe  per  dieu  sol  lo  parllars 
Madutz  tais  cent  bons  pen- 

[sars 


Cunsqegz  men  vairra  '^. 
Vlll.  E  si  totz  ditz"  not  ten  cars 
Non  tem*^  volgras  esser  pars 
leu  nô  per  re  qt^l  cudars 
Mauiden  ^^  sembria 
5  So  mes  vis  totz  mos  affars 
E  valran  mais  mos  chantars 
Per  aital  paria. 
IX.  E  sil  bos  reis  de  nauars 
Mo  lauza  del  belastinars  ^* 
Grazire  *^  non  daria. 

31 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 

(  =  B.   Gr.  242,80) 

I.  Un  sonet  fàs  maluatz  e  bo 
E  ren  no  sai  de  qal  razo 
Ni  con  de  qem**  per  qe 
Ni  rem  "  no  sai  de  qem  soue 
5  E  sarai  *•  lo  mas  vol  ^*  sai 

[far 
E  chant  lo  qui  nol  sap  chan- 

[tar. 
II.  Mal  ai  cane  hom  plus  sanz 

[non  so  20 
Ereing^'  maluais  home  per 

[pro 

E  don  assatz  can  nô  ai  ren 

E  voil  mal  celui  qem  vol  be 

5  Tan  sui  finz  anucs  *^  senz 

[amar 
Cane  sem  pert  qim  vol  gai- 

[zanjar. 
III .  Sieu  ai  donna  no  ueil  qem 

[son 


*  /.  :  maestria  —  2  e.  en  :  es  —  '  c.  e7i:  garentia  —  *  c.  en:  asasatz  — 
'^  c.  en  \  angiers,  /. :  augiers  —  *  /. :  len  —  ^  c.  en:  nentremetria  —  *  c. 
en  :  tain  —  ^  c.en:  valria—  *o  /.  :  valria  —  "  c.  en  :  tos  doiz  —  ^^  c,  en  : 
No.  ten  —  13  c.  en  :  Maiud  en  —  ^*  c,  en  :  belastmars,  /.  :  blasmars  — 
18  /.  :  Gaire  —  *®  c.  en  :  qe  ni  —  l'ï  c.  en  :  ren  —  i*  c.  en  :  farai  —  i*c. 
en  :  nol  —  «o  c.  en  :  fo  —  **  c.  en  ;  teing  -^^^cen:  amies 


LE  CHANSONNIER  DE 

Ni  sies^  faz  tort  quez  me 

[perdon 

Sem  volgra  ^  colgar  ab  se 

Abpaucnouosvir'  p«rmafe 

5  Qepron*  men  fariaprerar^ 

Mas  non  deu  hom  trop  spa- 

[nar  •. 
IV.  Entom  mi  vai  e  de  veiro 
Foudatz  qtiar  mais    s  ai   de 

[caro  ' 
De  vas  la  coa  vir  lo  fie  * 
Sautre  plus  fols  no  men  rete 
5  Quaital   sen   mi  fes  ensei- 

[gniar 
Al  pnm  aram  fes  soleiar  *. 
V.  {p,  53  )  Drutz  ai  estât  una 

[sazo 
Ses  enjan  e  ab  tracio 
Et  ab  *®  ergoilai  trobat  mer- 

[ce 

A  lautrui  aissi  com  per  me 

5  Qieu  van  lai  ou  nO  cug  anftr 

E  serc  so  qiMin  non  puesc 

[trobar. 

VI.  A  celeis  vau  qe  nom  somon 
E  qier  li  cant  non  a  q3  do 
Ver  gent"  estât  son  a  gau- 

[fre  " 
Qaissi  sai  far  so  qem  coue 
5  Qem  leu  cant  li  autre   van 

[colgar 
E  plor  so  don  degra  chan- 

[tar. 

VII.  Totz  hom  qem  ser  en  gui- 

[zardo 
Eu  sai  ben  trobar  ochaizo 
Ver  qel  seruizis  si  recre 


BERNART  AMOROS 


%l 


Caissim  auon*»far  de  mal  be 

5  Gab  maluastar  auon  **leuar- 

E  mais  valer  p«r   sordeiar. 

VIII.  Non   sai   de  qe    mai    faig 

[chanzo 
Si  dôc  autre  nomo  despo 
Caital  saber  foudatz  maue 
E  ia  ren  non  sabres  per  me 
5  Car  cil  mafag  outracurar** 
Cane  nom  voUc**  amie  apel- 

[lar. 
IX.  Sim  volgues  amie  apellar 
Anquer  pogra  moseu  *'  co- 

[brar. 

32 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(=  B.  ar.  272,28) 

I.  Qar  non  ai 
Joi  qe  maon 
Mi  tent  *»  de 
Ghantar  souë 

5  Et  si  menten 

En  far  chanzo  s 

No  mes  pros 

Caissi  con  solia 

Noi  puesc  auenir 
10  Anz  men  cug  partir 

E  gicraimen 

Non  per  re 

Qeram  soue 

Qim  près  e  qoi  ^*  ris 
15  Fors  de  mon  pais. 

II.  E  dirai 

Qi  ses  ni  don 


*  /.  :  sil  —  2  c.  en  :  volia  —  '  c.  en  :  iur  —  *  c.  eni  prou  —  ^  c.  en: 
preiar  —  6  c.  en:  soanar  —  '  c.  en  ;  cato  —  «  c.  en  :  fre  —  »  /.  :  foleiar 
—  !•/.:  Ab  —  11  /.  :  estar  —  it  c.  en:  ganfre  —  i»  csn  :  cuion  —  i*  c. 
en  :  maluastat  cuion  —  i»  c.  en  :  outracuiar  —  i*  cen  :  vole  —  ^^  c,  en: 
mosen  —  i»  c.  en  :  tenc  —  *^  c,  en  :  qim 


22 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Non  eu  qe 

Leugeiramen 
5  Fail  e  mespren 

Qis  fai  iâglos 

  sazos 

Per  qeu  seu  dizra^ 

Gui  am  e  dezir 
lO  Si  cO  ho  consir 

Gab  faillimen 

Sestran  se 

Cil  cui  qer  be 

Gui  eu  sieu^  pltM  finz 
15  Qelena  paris. 

III.  (p.  54)  Mais  non  sai 
Gom  de  priom  ^ 
Com  de  privom* 
Map^te 

Caci^  marrimen 
5  Et  denien<^ 

Fas  mi  ielos 

Enoios 

Gaisqeu  conostria 

Per  sobras  dalbir 
10  Mas  se  dieus  mazir 

Seu  veramen 

Be  non  cre 

Si  nom  recre  ' 

Meils  non  er  assis 
15  Sola  •  res  qe  dis. 

IV.  Qeiatfai 
Mal  et  cofon 
Deu  merce 
Can  fadamen 

5  Parlom  souen 
Si  qe  mai  bos 
Dis  qe  dos 
Com  me  confondria 


Sim  fai  cauzir  • 
10  Anz  la  dei  grazir 

Lo  pensamen 

Qe  men  ve 

Ab  qe  mestre 

De  zo  qe  lai  qis 
15  As  ^^sols  la  seruis. 
V.  Eram  trai 

Aias  ^1  mon  segon 

Tôt  mantenen 

[Ë  nô  len] 
5  E  port  prezen 

Al  rei  nanfos 

De  mos  sos 

€autra  manentia 

Nd  ai  mais  de  dir 
10  Qeil  aus  per  offrir 

Qvarc  **  ha  valen 

E  mante 

Pretz  mi  coue 

Qieu  li  estiaclis 
15  Ser  outramaris. 
VI.  Ben  es  razos 

Sel  mante  *' 

Vas  sainsere 

Gab  **  trop  mai  conque  ** 
5  Sobre  serrazis. 

33 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(=  B.  Gr.    242,72) 

1.  Sim  sentis  fizels  amies 
Per  ves  *•  encuser  amor 
Mas  en  "  mo  lais  per  paor 
Qem  dobles  lautrei*®  des- 

[  tries 


» c.   en:  dizia  —  »  c.  en  :  sui  —  »  c.  en  :  prion  ^  ^  c,  en  :  privon 

—  8  /.  :  Gai  —  6  c.    ^n  :  de  men  —   7  ^   :  refre  —  «  /.   :  Folla  —.»/.; 
esiauzir  —  «o  c.  en:  E  —  *W.  :  vas  —  "  /.  :  Quar  —  "  c.  en  :  maute 

—  1*  /.  :  Car  —  *»  /.  :  conquis  —  *«  c.  en  :  ver  —   "  c.    en  :    er  — 
18  c.  en  :  lautelf  /.  :  lant  el 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


23 


5  Mais  aiso  puesc  dire 

Sen  can 

Cane  deniam  * 

Ni  de  non  fe 

Nom  mebret  pos  amei  ben 
10  Per  cai  suffert  de  granz  mais 

Caissi  saue  als  lerals  *. 
IL  E  car  non  grana  lespics 

Si  com  pareis  a  la  flor 

Cuias  qe  plassal  segnior 

Anz  lien  creis  ire  genzics 
5  Qe  consire 

Delan 

Enairan^ 

Qansap  e  ne 

Qe  SOS  affars  non  la  ve 
10  Qeu  inia  eus  ferrais  * 

Anera^  meilliers  eus  nadals. 

III.  Eu  vilora  qera  ries 
Segon  lo  cers  qera  cor 
Qe  tëra  del  honor  ^ 

Que   maîoz  ^   plaitz  donet 

[sos  abrics 
5  Com  veneutz  suffrire 
Qe  blan 
Suffertan 
Car  nô  reere 

(p,  55)  So  qe  plais  *  li  des- 

[eoue 
10  A  segon  qe  ses  égals 
Lamors  ni  lamies  eabals. 

IV.  E  si  uns  si  fem  *  enies 

Per  espauentar  mi  los  lor  *® 
Can  plâz  volers.  noi  acor 


Paue  li  vnl  *'  porcs  "  ni 

[chanzics  ^^ 
5  Per  son  sai  **  bon  rire 
Daman 
Qe  lafan 
Damor  soste 

E  nol  fap  1^  lOgniar  de  se 
10  Pos  ve  qes  vira  venais 

Es  lo  donc  amors  aitals. 
V.  Cuiaiz  *•  ioues  ni  amies  " 
Pos  en  sabailien  cor 
Criu^*  dels  dos  danz  lo  me- 

fnor 
Non  feiral  veis  *•  lozoles  ^^ 
5  Deu  som  donc  aucune  ^^ 
Prerau  •* 
Dreit  nai  gran 
Qieu  sai  e  ère 

Mar  *3  qe  non  o  die  per  me 
10  Cols  ^^  verais  amies  corals 
Non  vai  enaur  **    lur  cap 

cals.  " 
VI.  Hoi  mai  semblera  predics 
Mos  chanz  e  sieu  deu  adzor 
Qe  anc  nô  ms  ^^  trobador 
Cui  meins  noz  anera  ni  tries 
5  Mas  per  miels  asfire  *^ 
Mon  chan 
Aian*'  cercan 
Bos  motz  esfre 
Que  son  tug  cargat  e  pie 
10  Duns  estrainz  sons  ^^  natu- 

[ralz 
E  non  sabon  tuig  de  qals. 


1  /.  ;  denian  —  *  c.  en:  leials  —  *  c.  «i  :  Enauan  —  *  c.  ew  :  uiuia  eus 
feirals  —  *  /.  :  Mera  —  ^  c,  en  :  ténia  deshonor  —    '  c.  en  :  E  maintz 

—  •  c.  en  :  plus.  —  •  c.  en  ;  fein  —  *o  c.  en:  lors  —  ^^  c,  en:  val  —  **  c. 
en:  percs,  /.  :  precs  —  *3  /,  ;  chastics  — ^*c,  en:  sui  —  ^"  c.  en  ;  sap  — 
*•  c.  en  :  Cuiarz,  /. :  Guiatz  —  i'  /. : antics  —  ^*  c,  en:  Triu  —  ^*  /. :  reis 
'-'**  c.en:  lozuics  —  **  c.  en  :  aucire  —  22  c,  en:  Preian  ^  *^  c,  en:  Mas 

—  •*  /.  :  Cals  —  ^'  /.  :  enan  —  '•  c.  en  :  captais  —  2?  c.  en  :  nom  uis  — 
*^  c,  en:  assire  —  "  c.  en:Uan,  /. :  Vau  —  *<>  c.  en:  sens 


24 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


VII.  Nomen  cal  calq  ^  unsmendis 
Loin  de  proz  che  *  valor 
MiraU  qes  fan  gabador 
Lora  qe  lur  fail  astics 

5  Car  b6  bos  suffrire 
Per  tan 
Car  non  nin  ' 
Egal  abre 

Son  si  brau  e  sens  merce 
10  Cuns   mazanz  nissim  ^  tais 
Prat  ^lenueg  sil  frai  sauals. 

VIII.  E  qar  mais  nom  val  chas- 

[tics 
Cades  nom  fion  peior 
Ges  no  ma  tant  de  sabor 
Car  solatz  com  dels  galics 
5  Dieus  los  dieng  mal  dire 
Cantan 
Per  un  gan 
De  qera  ®  souen 
Pero  sis  feira  tasse  ' 
10  Mogron  mist.  nO  feza  fais 
Tal  guerra  pois  fo  mortals. 

34 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(  =  B.  Gr.  242,13  ) 

I.  Ar  |ai  grand  ioi  qem   re- 

[membra  lamor 
Qem*  ren  mon  cor  saluen 

sa  fezeutat 
Qe  lautrer  vins  en  an  ver- 

[gier  de  flors 

Molt  gen  cubert.  Ab  chanz 

[dauzel  mesclat 


5  (p,  66)  E  rant  *  estan  en 

[aqels  bels  jardis 

Lai  maparec  '^  la  bella  flor 

[de  lis 
E  presmos  oils  e  sazic  mon 

[coratge 
Siqeancpuis"  remenbran- 

[sa  ni  sen 
No  aie  mas  cant  de  lieis  en 

[oui  menten. 
II.  III  es  cella  per  eu  eu  chant 

[e  pi  or 
Tant  mes  e  me  fin  talant  es- 

[merat 
Souen  sospir  e    soplei  r^^ 

[aor 
Ves  lai  on  vi  resplandir  sa 

[beutat 
5  Flors  de    dOna  com    aore 

[grazis 
Es  aqella  qe  til  gen  ma  con- 

[quis 

Douze  boira  '^  humils    de 

[gran  paratge 

E  faitz  gentils  ab  solanz  ^^ 

[auinen 

Agradiua  vas  me  a  tota  gen. 

III.  Ben  fora  ries  sauzes  dir  sa 

[lauzor 
Ca  totas  genz  vengra  lau- 

[zirs  en  grat 
Mais  paor  ai  qe  fais  lau- 

[zenjador 
Fel  **  esqui  *•  sobre  desme- 

[surat 
5  Mentendesson  et  ai  trop  de- 

[nemis 


*  c,  eun  :  cal  cw  —  *  c.  en:  preze  de  — '  c.  en:  uan—  ^c.  en:  nissira  — 
*  c.  en  ;  Part  —  •  c.  en:  qem  —  '  c.  en  :  lasse.  —  •  c.  en  :  Quein  —  »  c. 
en  :  cant —  *•  c.  en  :  maparet  —  ^^  c,  en  :  pueis  —  »*  c.  en:  e —  ^^  c.  en  : 
bona  —  1*  c.  en:  solaiz,  /.  :  solatz  —  *•  /.  :  Fel  et—  *•  e.  en  ;  esqiu 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


25 


A  me*  nO  plas  com  se  fassa 

[deuis 

Mais  omt  '  veirai  home  de 

[son  lignatge 

Baissarlai  tan  tro  la  bocha 

[mi  fen 
Tan  domO  '  port  al  sien  bel 

[cors  iauzen. 
IV.  Ja  nO  laisses  per  mi  ni  per 

[amor 

Fais  lansengiers    complitz 

[de  maluastat 

E  demandatz  oui  ni  cals  es 

[ni  or 
Ses  loing  o  près  caisous  ai 

[ben  emblat 

5  Camz  *  foz  eu  mortz  qen  ai- 

[tais  motz  faillis 

Cami  non   ai    ben    daisso 

[nom  trais 
Qem  ^  om  nô  es  nO  ma  ^  p«r 

usatge 

Ne  fol  vezin  qeil  vai   mal 

[enqeren 
Perqieu  nom  fi  em  frai  ni 

[empren''. 
V.  Ara  diram^  de  mi  escarni- 

[dor 
Ai    farant  illz  conten    sos 

[oilz  en  fat 
E  sa  camba  dorgoil   e  de 

[ricor 

Qieu  non  consir  ser  (  n  vn 

[grant  mercat 

5  Mas  cant  de  1ers  ®  on  mos 

[cors  ses  assis 


E  rent  '*  los  oils  viratz  vas 

[cel  pais 
On  ilh  estai  e  parle  mO  co- 

[ratge 

A  des  de  lieis    on   mos  fiz 

[cors  saren  ** 

Car  non  ama  qi  non  o  sa  ^' 

[paruen. 

35 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(  =  B.  Gr.  242,70  ) 

I.  {p,  57)  Sil  cors  nom  nistra 

[dreg 
E  mal   mon  grat  non    la 

[fraing 
Em  *3  vn  chantaret  sotil 
Nom  es  ius  *^  qera  safraina 
5  Se  nom  "  es  forsatz 
En  aitals  motz  peteratz  *s 
Ja"  fos  qieu  men  trameua  ^* 
Plus  qeras  non  faz 
Ca  meils  me  e  lesta  ^* 
10  Gapenas  hom  conoissia 
Mos  lieugers  digtz  veziatz 
Sotils  et  menus  foudatz'®. 
II.  E  sil  chantar  lais  pel  freg 
Don  mainta  gens  se  com- 

[plain 
Ni  nai  mon  conort  plus  vil 
Bon  estara  qem  sostaina  '^ 
5  Gam  ^*  vëra  lestatz 
Jois  e  deportz  et  solatz 
E  pos  dauol  compâgnia 


*  c.  en  :  Ams,  /.  :  Ami  —  *  c.  «w  :  oint,  /.  :  qant  —  ^c.  en:  damor.  —  *  l.: 
Gainz  —  »  c.  en:  Qen.  —  *  c.  en  :  aia  —  '  /.  :  paren  —  ^  c.  en:  diran  — 
^c,  en:  leis  —  lO  c.  en  :tenc  —  "  c.  en:  saten  —  "  c.  en  :  fa.  —  *'  e.  en  : 
En  —  1*  c. en  :  uis  —  ^^c.en:  non  —  !•  c.  en  .peteiatz,  /. :  peceiatz  —  i*  c. 
en  :  La  —  i«  c.  en  :  trametia  —  »•  c.  en  :  me  e  lesia  —  *•  /.  :  soudatz  — 
81  /.  :  sofraina  -^  *^  c,  en  :  Can 


26 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Nom  ten  a  pagatz 
Si  chantar  gurpia 
10  Digatz  mab  qem  defendria: 
Dels  auols  mal  enseignatz^ 
Qem  fan  peigz  qe  neus  ni 

[glatz. 

III.  E  sa  cors  del  cors  a  dreg 
No  ab  qem  conort  em  re- 

[frain 
No  mi  uen  sai  part  labril 
Al  tom  qe  farai  despaignha 
5  Ja  lai  nO  creatz 
Qe  Hors  ni  vergiers  ni  pratz 
Gaire  maint  ni  bom  sta  ^ 
Nil  chanz  pel  plaissatz 
Quer  dautrui  paria 
10  Nom  agrat  tant  cam  '  solia 
Nim  tem  per  assolassat 
Per  qeu  pronc  *  mains  breus 

[cQjatz. 

IV.  Pero  si  mal  mon  estreg 
Qe  aplana  fort  remain 
Garatz  sen  *  un  pauc  cortil 
Nagra  ia  trebail  ni  lauia  * 

5  Molt  es  mal  anatz 
Totz  om  sobrenamoratz 
Qe  per  aual  nos  chastra  '' 
Ja  plus  nescratz  ^ 
No  o  conoiserra  • 

10  Sil  ^<^tarza  ni  sembria 
Sos  bes  ni  fas  ^^  voluntatz 
Pos  ben  es  apoderatz. 

V.  E  car  non  esper  espleg 
De  mania  ^^  cui  non  tain 
Qe  tan  sabais.  ni  sumil 
Ja  ma  coilha  en  fa  ^^  com- 

[pagnia 


5  (p,  58)  Pron  soi  ben   me- 

[natz  1* 
Sim  deinba  suffrir  nil  platz 
Qe  mos  chantars  lapel  mia 
Per  dieu  ben  soi  fatz 
E  die  gran  folia 
10  De  qal  razon  sofriria 

Qem  fezes  tant  sos  priuatz 
E  donc  qem  nacosseilhatz. 

VI.  Gaissim  ten  amors  destreg 
Qentendeire  ses  gazain 
Soi  dun  rie  loc  segnioril 
Gelât  e  de  terrestragnha 

5  Dont  non  soi  priuatz 
Per  qem  par  nescietatz 
Qieu  chan  si   no  men  ven- 

[raia  ** 
Gierdos  o  gratz 
Pero  sil  plagia 
10  Gapeles  per  cortesia 

Sieus    mos  chanz  deisam- 

[paratz 
Aut  los  mauria  leuatz. 

VII.  E  monstran  en  mi  venrra^* 
Jois  e  bes  dauas  totz  latz. 
Sil  tan  ^7  me  sufifri  en  patz. 

36 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(=  B.  Gr,  242,  30) 

I.  De  chantar 
Ab  déport 
Mi  for  eu  laissatz 
Mas  can  son  ben  iratz 

5  Esteinh  lira  ab  lo  chan 


^  c.  en  :  esseiguatz  —  •  c.  en  ;  sia  —  »  c.  en  :  can  —  ♦  c.en:  prenc  — 
*  c.  en  :  seu  —  *  /.  :  lania  —  "* c,  en  :  aital  nos  chastia  -^  *  c.en  :  nes- 
ciatz,  /.  :  ueziatz  —  •  c.  en  :  conoiseria  —  *o  /.  :  sis —  n  c.  en  :  fal,  /.  :  sas 
—  12  /.  :  mamia  —  i3  c.en  :  sa  —  i*  c.  €?i :  meiratz  — -  **>  c.  en  :  venra,  /. : 
venia  —   ^*  c.  en  :  venria  —  i'  /.  :  can  — 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


27 


E  vau  mi  conortan 
Qestiers  non  fora  patz 
Entre  lirel  coratge 
Qes  Contran  mal  uzatge 
JO  Si  rais  qe  poie  ^  creis 
Car  es  faillitz  domneis 
Dom  sol  om  esser  gais 
E  prez  nom  pot  ni  rais  ' 
Reuenir  entre  tanz 

15  Qer  es  de  senz  ^  clamanz 
Per  au  *  degra  valer 
Si  es  pretz  ses  poder 
Longamen 
Sas  ^  non  dura 

20  Ses  clam  o  ses  rancura. 

II.  Alegrar 
Mi  voil  fort 
E  soi  naissi  passatz 
E  si  nom  semblés  fatz 
5  No  camieral  talan 
Mas  tenô  samazan 
Mainz  bos  sonetz  qe  fan  ^ 
Vilan  dauol  linatge 
Gant  pros  hom  de  paratge 

10  Sen  ben  auzir  ateis 
Del  escoutar  non  feis 
Nil  plazer  non  estrais 
E  non  es  ben  sauaiz 
Gui  iois  non  platz  ni  chanz 

15  E  dais  fezes  engrais 
Qui  no  sap  retener 
Eil  ''  agratnil  plazer 
En  defen 
Nis  rancura 

20  Sil  laltrui  iois  se  dura. 
III.  (p.  69)  E  nouz  par 
Peigz  de  mort 


Com  cui  satamg  '  solatz 
Viua  descornotatz  ® 
5  Ni  fassa  mal  semblan 
Al  ver  dieu  me  coman 
En  cal  ora  fo  natz 
Ab  aital  cor  saluatge 
Qe  lauzel  el  boschatge 

10  [ ]«û 

Mouon  entrels  mens*^ 
Sonetz  e  critz  e  lais 
E  qui  ia  non  er  gais 
CO  pot  esser  duranz 

15  Res  mai  non  es  afans 
Mas  ira  sostener 
Ni  res  tan  mal  saber 
Ni  bon  sen 
Ni  mesura 

20  Cô  ira  non  peiura. 
IV.  Dun  afar 
Mi  conort 

Don  degresser  celatz 
Qe  bem  fora  clamatz 
5  Daco  qeil  auctor  fan 
E  del  mal  e  del  dan 

[ ]'• 

Mas  en  gran  volpillatge 
Ma  mes  vilam  *^  passatge 

10  Qen  parlera  forceis 
El  seiner  qem  nés  peis 
Can  mabateral  fais 
Am  comandat  qe  mais 
Non  sia  corillanz 

15  Plus  qil  son  de  lur  danz 
Ni  dautrui  nO  deuer 
Non  puesca  moût  caler 
E  senc  ^^ 
Si  bes  peiura 


^  c.  en:  poit —  *  c.  en:  lais—  3  /.  :  seuz  —  *  c.  en:  cui  —  *  c.  en  :  Sar,/.  : 
Sai.  —  6  /.  :  fatz  —  '  c.  en  ;  Sil  —  «  c.  en  :  sataing  —  *  c.  en  :  desco- 
nortatz  —  ^^vers  omis  par  le  copiste  —  ^^  c,  en:  mesis,  L  :  me-seis  — 
"  L  :  vilan—  i*  /.  :  Era  sen 


2« 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


20  Lor  afars  nis  meillura. 
V.  Bon  proar 

Magrab  fort 

Vn  des  meillors  letratz 

Si  iauria  vertatz 
5  Ni  viures  ses  enjan 

Ni  se  ia  cobraran 

Jois  deportz  ni  barnatz 

Lor  ancian  estatge 

Non  metrra  *  ges  gatge 
10  Gan  poral  ^  mais  anceis 

E  drechura  ni  leis 

No  mes  aissi  verais 

Con  ia  diz  ni  retrais 

Establimenz  ni  manz 
15  Per  qe  lor  deisenanz 

E  tart  al  remaner 

E  si  del  captener 

Dieus  non  pren 

Calqe  cura 
20  Nos  niran  lambladura. 

37 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 

(=  B.  Gr.  242,25) 

I.  Ben   couen  pos   ia  bassail 

[ram 
La  fueillel  frutz  après  las 

[flors 
Qe  dun  vers  en  qun^  son 

[tarzatz 
Mesforz  con  al  primer  len- 

[gail 
5  Qestiers   nomer   honors  ni 

[pretz 
Pos  luecs  men  aiude  gens 

[temps 


Si  de  cal  *  maneira  nol  faz 
Qe  contra  passels  plus  pre- 

[zatz. 
IL  E  per  ma  guereira  cni  am 
Car  es  vna  de  las  meillors 
Coue  si  vo  can  ^  son  amatz 
Qe  per  lauenturam  trebail 
5  £  men  fegnha  coindes  e  letz 
No  fai  anz  cug  qeu  nai  dig 

[nemps 
Poa   lieis  non  agrada   nil 

[platz 
Qeu  men  déport  nim  na  se 

[latz. 

III.  (p.  60}  E  doblam  doH  voler 

[la  fam 
Per  qe  ses  vertuda  lamors 
Queran  soi  pi  "^  enamoratz 
E  leis  sembla  qela  mirai 
5  Can  die  vos  qi  non  o  sabes 
Tan  gê  tet  sa  veno  e  sems 
Lo  senz  el  pretz  e  la  beutatz 
El  francs  cors  qe  bona  fos 

[natz. 

IV.  E  sim  sol  eu  tener  son  clam 
Con  uassaltz  de  sos  bos  se- 

[gniors 

E  no  men  soi  del  tôt  laissatz 

Qel  nescis  cors  ab  qem  ba- 

[rail 

5  Sis  *  contra  leis  e  vatz  mi 

[qetz 

Me  diz  qelam  fo  *  vêle  rems 
De  mains  emcumbriers  cai 

[passatz 

En  qem  fora  desesperatz. 

V.  Pero  de  cabrol  e  de  dam 

Si  precs  entendes  ni  clamors 

Cui  era  fos  adomesgatz  **^ 


^  cen  :  metria  —  ^  c.  en:  poial.  —  ^  l.  :  qem  —  *  /.  :  tal  —  ^  c.  en  :  po 
cam  ,  /.  :  nocam  —  «  /.  :  del  —  '  /.  :  plus  —  •  c.  en  :  Fis  —  •  c.  en  :  so  — 
*o  c.  en  :  adomeschatz 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


29 


Mas  vos  ma  dona  nô  massail 
5  Clams  ni   merces  car  non 

fvezetz 
Los  mais  qeu  trac  nils  plains 

[nils  gemps 
Qe  faz  la  nueg  qant   son 

[colgatz 
El  iorn  non  puesc  estar  era- 

[patz  *. 

VI.  E  si  per  dieu  sotz  cui  estam 
Vous  '  platz  qem  traspas 

[ma  dolors 
Qe  maucira  si  non  pensatz 
Greu  mer  e  sorgoils  nous  i 

[fail 

5  E  pezaram  si  non  sentes 

Con  es  ioitz  freuolitz  e  semps 

Qant  de  seruizi  no  uen  gratz 

Celui  qui  nés  moût  trebail- 

[latz. 

VII.  E  sim  tenetz  près  e  liam 
E  vô  ^  val  forsa  ni  valors 
Nam  deu  valer  *  humilitatz 
Si  fai  mas  en  re  nô  trassail 

5  Vostras  mans  e  sim  destrei- 

[gnetz 
Qe     mais     me    volgresser 

[reemps 

De  mais  mutz  o  de  reuelatz 

Qen  tal  trebailha  fos  liuratz. 

Vin.  Per  vos  dona  qem  destrei- 

[gnetz 
Cuier  eu  ben  esser  reems 
E  de  mais  mutz  o  de  reue- 

[latz 
Anz  caissi  fos  vistiziatz^. 
IX.  Dona  merce  car  non  pensatz 
Con  eu  no  fos  tost  temps 

[forsatz. 


38 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(=  B.  Gr.  323,  1) 

I.   {p,  ôi)  Abanzqeil  blanc  poig 

[sian  vert 
Ni  veram  *  flor  en  la  cima 
Can  lauzel  son  derhantar  ^ 

[nec  • 
Cus  plus  contra  freg  no  ses- 

[perta 
5  Adoncs    voii   nouels   motz 

[laissar 
Dun    vers     qentendam    li 

[meillor 
Qel  bes  entre! s  bos  creis  e 

[par. 

II .  Per  som  par  cant  lo  temps 

[no  ®  vert 
Mostres  vers  de  razon  prima 
Als  valentz  cui  sabers  con- 

[sec 

Car  estât  *o  gentz  mal  aperta 

5  Non  sap  sol  re  qe  val  leuar 

Qe  sens  per  nuil  doctrinador 

Ses  bon  cor  non  pot  meil- 

[lurar. 

III.  Dinz    es    poirida   semblan 

[vert 

Un  auols  gentz  qe  blastima 

To  so  qe  anc  dreitura  amec 

E  pois  negun  non  sacerta 

5  Dieus  qant  pot  hom  en  els 

[blastinar  *i 
Cane  noi  agron  larteil  me- 

[nor 
Maint  om  a  cui  aues  prez 

[dar. 


^  c.  en:  empatz  —  ^  c.  en  :  Nous  —  ^  l.  :  nom  —  *  c.  en  :  Non  deu 
valet  —  *  c.  en:  iustiziatz. —  6  c.  en  :  veiam  —  '  /.  ;de  chantar —  ^  c.  en  : 
uet  —  *  /.  :  uei  —  *o  /.  :  esta  — i^  c.  en,  :  blasmar. 


30  LE  CHANSONNIER  DE 

IV.  Nols  *  hom  del  mont  non  a 

[près  vt  2 
Gant  vol  daurare  pois  lima 
Per  qes  ^  cel  qe  sia  sec 
Pois  ve  qe  be  non  reuerra  * 
5  Qa  la  coua  *  pot  hom  proar 
Amie  de  bocha  ses  amor 
Mas  don  non  vez  non  espe- 

[rar. 

V.  Qui  anc  ui  fresch  ni  ioue  ni 

[uert 
Ar  es  mort  per  gent  caima 
Qi  cuida  far  tôt  lo  mon  sec 
Qieu   non  uei  fol  nimain- 

[berta 

5  Qui  non  faza  suffren  son  par 

Per  80  fruitz  torna  en  peior 

Donc  semblan  a  sabor  cla- 

[mar  •. 

VI.  Ben  sap  far  paisser  herba 

[uert 
Femna  qel  marit  en  crima 
Per  son  viol  ^  fai  tenir  nec 
Da  qi  nais  la  gens  desta  ^ 
5  De   près   cuns    non   lauza 

[parlar 
Mas  de  mal  frug  mala  sa- 

[bor 
E  cil  •  non  volon  sordillar .  *  ® 

VII.  Aissi  naisson  sec  e  non  vert 
Gus  dengan  non  repaima 
Ni  anc  pos  dieus  adam  for- 

[met 

Non  tenc  tan  sa  port  uberta 

5  Gauzra  ^*  qen  fai  mainz  ^^ 

[intrar 


BERNART  AMOROS 

Qe  lop  son  tornat  li  pastor 
Qe  degron  la  *>  fedas  gardar. 
Vlll.  Cobezexa  a  mort  près  vert 
Qeseignals  baros  descrima 
E  cobezeitatz  abrassec 
Un  ardors  qes  uberta 
5  Dont   vezom     maintz    ries 

[abrazar 
Prez  cuian  traire  dauol  lau- 

[zor 
Mais  i  anc  ses  dieu  non  vi 

[recar. 

39  ** 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 

(—  B.  Gr.  242,  29) 

1.    (p.  62)  Chant  em  broil 
Ni  flors  enuierjan 
Ni  gentz  temps  can  lamena- 

[brils 
Ni  vertz  herba  ni  blancha 

[flors 
5  Tan  nomenanza  nî  atrai 
Vas  vers  far  com  sol  lo  may*^ 
De  mon  adreit  seignior  el 

[rais  *® 
Qê  fai  car  ditz  qel  loncs  es- 

[pers 
El  cujars  maduira  sabers. 
II.    E  sim  doil 

Dimz  e  de  forz  chan 
Per  qera  "  paregra  virars 

[vils 
Si  tant  ferm  nom  lies  amors 


1  /.  :  Nuls  —  •  /.  :  vert  —  ^  l.:  qesfols  fols  —  *  /.  :  reverta  —  ^L:  coi  ta. 
•  /.  :  damar  —  '  /.  :  auol  —  •  /.  :  desQPta  — •  /.  :  fil  —  *o  /.  .-  sordeiar  — 
lï  c.  en:  Gauzia,  l.  :  Bauzia  —  *•  c.  en:  maiuz  —  »'  /.  :  las  —  **  Voyez 
le  texte  rétabli  de  cette  chanson  par  G.  Chabaneau  dans  la  Revue  des 
langues  romanes^  1884,  I,  209  ss.  —  **  c.  en:  lo  mauz  —  ï«  c.  en:  lais 
—  1'  c.  en:  qem 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


31 


5  Qe  messeigna  qen  son  esmai 
Sesmera  coratjos  amanz 
[Ë  qem  feigna  coindes  e  gais 
Ë  sufra  qel  plus  cars  auere 
Dona  bos  suffrir  se  temers. 

III.  Ë  sim  soil 
Anar  corillan 

Car    mi   semblée   murs   lo 

[chambrils 

Pero  ben  conosc  qes  follors] 

5  Qem  plagna  daiso  qieu  non 

[ai 
CassaU  mi  degra  bels  sem- 

[blanz 
Pagar  pos  chacus  poignal 

[mais 
Ë  cant  bos  seigner  als  sieus 

[ders 
Es  lo  noms  auinenz  e  vers. 

IV.  Mas  lorgoil 

Seul  sobre  deman 
Abais  lauinenz  cors  gentils 
Abmerce  caissimaura  sors 
5  Ë  si  ses  deue  ni  sos  chai 
Qem  coche  mos  sobretalans 
Ca    qalqe  trop    nir  trun  * 

[eslais 
Fralgnalz   orgoilz   es    non 

[deuers 
Lo  sobramars  el  trop  volers. 
V.  Car  sim  toil 

Mos  precs  en  chantan 
Non  soi  pro  sauis  ni  sotils 
Sa  fait  nom  comti  las  ho- 

[nors 
5  El  bon  pensamen.  qem  sec 

[sai 
Car  ades  cug  caura  très  anz 


Qem  guidet  em  gauc  ^  em 

[trais 
De  preizon  tal.  qen  sols  dos 

[sers 
Magra  délit  lo  remaners  '. 
VI.  Qeram  dou  * 
De  mal  e  dengan 
E  serai  ferms  amies  humils 
Ja  nai  agutz  maintz  blasma- 

[dors 
5  Qi  dizon  qeu  non  creirai 
Qe  qe  drutz  senantros  '^  e  se- 

[nanz 
Ab  orgoil  mais  no  voil  qem 

[bais 
MoB  bels   segniers  sil   fiz 

[plaziers 
Loc  non  demandaue  lezers. 

VII.  E  qil   ner   primers  drogo- 

[manz 
Qem  toil   dautramistat  em 

[lais 
Crescal.  benananse  poders 
Qeu    nO    voil    baisars    ni 

[iazerz. 

VIII.  E  quant  sobre  totz  sai  nos 

[trais 
Noil  es  cregutz  aqel  poders 
Qe  dona  baizars  e  iazers  ^. 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(  =  B.  Gr.  242.  63) 

1.  (p,  63)  Sazo  e  luec 
E  cor  e  sen 

E  grat  de  mo  seignior.  e 

[mais 


i  c.  en:  uir  nim  —  *  c.  en  :  garic  —  3  c.  en  :  reinauers  —  *  c.  en  : 
toil  —  ^  c.  €71  :  senantisc  —  6  Les  deux  envois  manquent  dans  l'édition 
de  M.  Ghabaneau.  —  ^  Voir  l'édition  de  M.Chabaneau  dans  lafleu.  d,  L  r. 
1884,1,  211. 


32 


LE  CHANSONNIER  DE 


Agréa  si  pogaes  auenir 
5  En  an  lea  chantar  comde  * 

Qem  dones  iai 

Ab  qem  partis  dan  fol  es- 

Qe  soil  menar  [mai 

Gant  aaaaals'  baros  rema- 

[ner  ' 
10  A  cobrar  cortz  e  messies 

E  car  non  i  paesc  aaengar 

E  vei  qe  non  séria  pros 

Lais  lo  a  ^  trebail 

Qem  sol  greujar 
15    Ë   torn     a     mas    garas  * 

[chansos. 
II.  E  renc  '  ma  jaec 

Lor  fallimen 

Qe  lai  don  mon  lo  iois  që 

[pais 

Mes  dich  qels  ublit  els  air 
5  E  qe  ia  nols  na  congé 

E  mais  ben  fai 

Ca  cors  de  conseil  trobarai 

Ben  dei  pensar 

Del  gent  serair.  e  del  amar^ 
10  Autals  capteners  •  es  bos 

A  lui  qis  vol  iauzir  damor  ' 

E  fallhimenz  e  mespreios 

Gant  fols  trassail 

De  loinhar  **> 
15  Gouenz  e  manz**  e  guizerdos. 
111.  E  seu  **  moc 

Lentendement 

Qades  no  fos  fiz  e  uerais 

Vas    mon    segnior    e    ses 

[faillir 


BERNART  AMOROS 

5  Tostemps  voil  qS  deslonge 
So  qeil  qerrai 

Mas  per  lo  bon  respit  qeu 

[nai 
Dei  ben  chantar 
E  sen  cuies  pins  gazainar 
10  Trop   milleoras  motz  ol  *' 

[sof<* 
Gar  dris  **  com  alet**  dale- 

[grar 
Li  dobla  poders  e  razos 
Ë  seignier  fail 
Can  pot  poiar 
15  Les  siens  els  laissa  chazer 

[jos. 
IV.  Cor  flac  eueg  " 
Denseignamen 
Ai  eu  sanc  de  lamor  *^  mes- 

[trais 
Mais  la  ni  si  ^'  démentir 
5  Lai  cor  ni  tal  '®  calonge 
So  qil  deurai 

Chantar  li  dei  consum'^  farai 
Qe  meillurar 

Ne    puesc  ma  trobe   mon 

[afifar 
10  Qan  dis  qe  motz  chantars. 

[liai  w  bos 

Ë  sieu  poguesen  trasgnar'^ 

Dels  sieus  certes  ditz  amo- 

[ros 
So  qal  chan  val 
Pogra  doblar 
15  Si  qe  pois   valgra  per  un 

[dos. 


1  c.  en  :  coinde  —  *  c,  en  :  cuiauals  —  ^  /.  :  rengar  —  *  /.  :  L.  lo  — 
^  c.  en  :  gaias  —  •  c.  en  :  tenc  —  ^  c.  en  :  onrar  —  •  /.  :  Caitals  capte- 
nemens  •—•/.:  damar  —  lû  /.  :  Fai  deloinhar  —  i*  /.  :  enianz —  "  l,  : 
seu  anc  —  ^^  c.  en  :  meillurerals  motz  el  —  i*  l.  :  sos  —   **c.  en:  deis. 

—  *•  /.  :  a  luec —  i'  c.  en  :  euueg  —  *•  c.  en  :   samor  —  i9  /.;  vini  si 

—  ^*  c.  en  :  ial  -~^^  cen  :  coasen,  /.  :  consim  —  **  c.  en  :  li  es  —  «'  /.  : 
trasgitar 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


33 


V.  Qaissi  sa  ploc 
Trop  bellamen 
Samors   al    cor  qem  broil 

[em  nais 
Ab  qe  ma  fait  iauzent  languir 
5  Qal  partir  se  ^  santonge 
Con  pera  sai 

Non  sai  sim  notz  car  o  dirai 
Qal  comensar 

En  auer  ^  eu  plus  leu  pas- 

[sar 
10  Mais  puis  per  la  fe  qe  del 

[vos 
Mes  si  taijat  qe  del  laissar 
No  si  ^  serai  poderos 
Per  qeu  mgail  * 
Si  nocaus  par 
15  Lo  fols  els  sauis  amoros. 
VI.  {p.  64)  Qar  con  del  fuec 
Qi  ses  compren 
Don  ni  cug  la  flâma  poral  ^ 

[fais 
E  creis   tant   com  noi  pot 

[suffrir 
5  Com  non  a  monge 
Trusqen  vêlai 

Vas  son  bon  abat  tant  verai 
Qe  ses  trichar 
Plus  finamen  a  de  corelar® 
10  No  lan  7.   perqe  la  sospei- 

[sos 
Me  fai  partir  e  delongar 
De  maintz   clamz  vilas  e 

[noios 
E  sim  val  ^ 
Qan  dei  aussar 
15  Camijat  ®  mal  nom  de  bo- 

[nafos. 


VIL  Mus  *®  sanc  amies   per  es- 

[perrar 
Fo  bautz  ni  iauzentz  ni  ioios 
Sobre  tolz  en 
Dei  ben  cuiar 
5  Qenqer  aurai  nom  bonafos. 

41 

GIRAUTZ  DE  BORNEILL 
(  =  Br.  G.  242,  3  ). 

I.  Ai  los  "  comuer.  qe  as  amies 
Eu  son  iratz 
Per  cal  razon 

Car  anc  iorn  mis  menten- 

[tion 
5  En  leis  qem  fes  lo  bel  pa- 

[ruen 
E  a  **  per  so  ton  cor  dolen 
Si  ai 

As  aissi  donc  ton  cor  en  lai 
Oi  eu  plus  fort 
10  lest  doncs  aissi  pretz  '^  de 

[la  mort 

Oi  eu  plus  qe  no  vol**  sai  dir 

Per  qet  laissas  aissi  morir. 

II.  Car  soi  miep  **  vergoignos 

[e  sis  *^ 
Non  las  requis 
leu  per  dieu  non 
E  pe^  qe  menas  tal  renson*^ 
5  Tro  aias  sauput  son  talen 
Segnierfai*^  mi  tal  espauen 
Qefai 

Samor  qe  me  ten  en  esmai 
Ben.  as  gran  tort 
10  Guias  te  qela  to  aport 


*  /.  :  de  —  *  /.  :  cuiei  —  3  /.  :  sui  ni  —  ♦  /.  :  megail  —  •  /.  :  poial  — 
•  /.  :  cor  clar  —  '  /.  :  lam  —  8  /.  :  nual  —  •  /.  :  Camjat  —  *o  c.  en  :  Mais. 
"/  :las  —  1*  /.  :  as—  i3 c.  en:  près  —  **/.:  vos  —  ^^  c,  en:  truep  — 
ï«  c.  en  :  fis  —  *'  c.  en  :  tenson  —  **  c.  en  :  sai 


34  LE  CHANSONNIER  DE 

leu  no  mas  no  maus  enar- 

[dir 
Trop  poiras  tu  ton  dan  suf- 

[frir. 
III.  Segnier  e  cals  cosseils  ner 

[près 
Bos  e  cortes 
Er  lom  digatz 
Tu  venras  deuant  lei  viatz 
5  Et  enqerras  la  de  samor 
E  si  so  ten  a  desonor 
Not  cal 

E  selam  respon  lay   ni  mal 
A  tas  ^  suffrenz 
10  Qe  totz  temps    bos  sufirire 

[venz 
E  sis  napercep  lo  gelos 
Adoncs  nobrarem  plus  gin- 

[gnos. 
IV.  Nos  hot  ben  sol  qi  o  volgues 
Er  qe  sim  cres 
Crezutz  sias 

Ben    tisera   tos    lois  '  do- 

[blatz 
5  Sol  lo  digtz  not  fassa  paor. 
Segner  tan  senti  la  dolor 
Mortal 

Per  qes  ops  co  partam  égal 
Ar  doncs  toi  ^  senz 
10  Te  vailla  e  {p.  65)  totz  ar- 

[dimenz 
Oc  e  ma  bona  sospeissos 
Garda  ti  qe  gent  ti  razos. 
y.  Raisonar  nom  sabrai  ia  ben 
Digas  per  qe 
Per  leis  gardar 
Non   sabras  doncs   ab  leis 

[parlar 
5  lest  aissi  del  tôt  esperdutz 


BERNART  AMOROS 

Oc   cane    li    son    deuant  ^ 

[vengutz 
Tes  pertz 

Oi  eu  qe  non  son  de  ren 

[certz 
Aital  fan  tug 
10  Sil  qe  son  per  amorperdug 
Oc  mais   ieu  forzarai  mon 

[cor 
Ara  non  o  tornz  en  demor. 
VI.  Ben  ma  adug 

Amors.  a  so  qe  sabon  tug 
Qe    mal    viu    qi     deziram 

[muor 
Per  qieu  non  sai  plaigner 

[mon  cor. 
VII.  Vas  ton  desdug 

Uai  amies  anz.  co   sapchon 

[tug 
Per  qe  non  perdas   ton  te- 

[sour 
Qe  leuet  pert  hom  son  de- 

[mor. 

428 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(  =  B.  Gr.  242,  78  ) 

I.  Totz  temps  mi  sol 

Plus  iois  plazer 

En  abril  can  safrancha  lanz 

E  qe  reman  els  veianz  ^ 
5  La  flors  e  las  follias  e  nais 

El  genz    déport    dauzel    el 

[plais 

Mostron  afar 

Un  conjnen  ^  per  conortar 

Pretz  e  iouen 


*  c.  en  :  Sias.  —  *  c,  en:  iois  —  ^  c,  en  :  tos  -^^  c.  en  :  denant.  — 
5  Voir  rédition  de  M.  Ghabaneau  dans  la  Revue  d,  l.  r.,  1884,  I,  216  s. 
—  6  /.  :  qe  si  r.  e.  verianz  —  '  /.  ;  cortes  vers 


LE  CHANSONNIER  DE   BERNART  AMOROS 


10  E  ges  per  zo  sim  ^  venc  len 
Po8  no  mes  fai 
Qe  tôt  qan  ten  fin  amie  '  gai 
Ni  donna  capertz  ^  ni  valor 
Trop  en  mon  cor  saissi  me- 

[chai 
15  Com  esper  de  mon  bel  se- 

[gnior. 
il.  Chera  sem  col 
Ses  mos  saber 
Mon  solatz  ni  les  bels  mos 

[chanz 

Tôt  zo  qe  mera  mais  e  danz 

5  Mer  iauzimenz  e  lira  tais  * 

Ades.  qe  vas  mos  precs  sa- 

[frais 
Pro  ni  deu  cujar 
Qe  ben  sai  chauzir  e  gardar 
De  faillimen 
10  Del  sieu  adreg  cors  auinen 
Certes  e  gai 

Qe  luein  de  trebail  e  desmai 
Qaissi    couen    de   bon  se- 

[gnior 
Desqels  siens  leua  ni  refai 
15  Gon  tan  ^qe  nai  honor. 
111.  Ar  sai  sim  vol 
m  retener 

Enompuesca  nozer  enjanz 

Pos  dechai  sa  fina  lus  prianz 

5  De  lautre  penz  qe  no  sa- 

[bais 
Gaissil  serai  finz  e  verais 
Quchaizonar 

Nom   cuig   qem  puesc  em 

[ben  amar 
A  mon  viuen 
10  (p.^(î)Nidenegungaliamen 
Qe  len  dechai 


Lamistatz  e  tom  en  nafrai 
De  cels  qe  son  galiador 
E  per  pauc  de  mescap  trasai  * 

15  Amors  damic  e  de  segnior. 
IV.  Mas  no  mi  dol 
Dautrui  tener 

Nimclamdautrui  ^desenanz 
Car   damor  ai  las  merces 

[granz 
5  Plus  de  ioi  cane  non  aie  mais 
E  sanc  temp  failli  ni  mes- 
[Nim  fez  semblar  [trais 
Vera  la  fiula  de  bretmar 
Tôt  bonamen 

10  Loi  fenisc  ua  e  lo  faillimen] 
Qeras  perai 

De  sa  maluanza.  ^  de  lai 
Si  dieus  mi  salua  mon  se- 

[  gnior 
Ai  tal  gazardon  con  seschai 

15  Si  fos  de  plus  amador  *. 

V.  So  per  qem  sol 
Plus  mais  tener 
Car  non  men  ven  salutz  ni 

[manz 
Caissi  couen  de  fiz  amanz 

5  Qe  lus  per  lautre  sia  gais 

[ ] 

Nos  pen  veniar 

Ni  non  deu  sa  colpa  celar 

Qe  doblamen 

10  Mescaba  qi  son  tort  defen 

E  nos  nestrai 

Per  qieu  si  puesc  ni  chau- 

[zirai 

Com  per  ira  ni  per  folor 

No  faza  mon  bon  sen  sauai 

15  Don  pergal  ioi  de  mon  se- 

[gnior. 


M.  ;  si  me  —  *  /.  :  ren  —  *  /.  :  gran  pretz  —  *  /.  :  iais. 
—  •  /.  :  trasvai  —  '  /.  :  dels  autrui  —  »  /.  :  malananza 
Le  reste  de  la  chanson  n'est  conservé  que  par  notre  ms. 


.  B  /.  :  G.  tenga 
9  /.  :  p.  fin  a. 


36 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


VI.  Mas  prim  lazol 
Mi  pot  tener 

Daizom  vaaen  emen  bobanz 

Qe  qes  diga  Ions  dels  ber- 

[tranz 
5  Ab  qe  non  volaa  n!  biais 

Qe  la  bona  speranzam  pais 

Ëm  fai  laissar 

Maintas  res   de  qem  saeil 

[clamar 

E  nom  ten 
10  En  tal  van  domneiamen 

Qï  ven  e  vai 

Qe  ia  per  re  no  men  partrai 

Del  seruizi  de  mon  segnior 

Ni  eu  si  puesc  ia  non  aurai 
15  Fais  cor  trafan  ni  trichador. 

VII.  EncmivoP 
Per  remaner 

La  meiller  e  la  plus  prezanz 

Qella  si  auia  cor  em  balanz 

5  On   ia   nuls    pros  drutz  ni 

[sauais 
Luec  non   aura  qabantz  ni 

[bais 
E  pot  trobar 

Voil   porria  *    semblan.   ni 

[par 
Mon  escien 
10  Ira  la  fondât  qieu  ' 
Non  qerrai 

Anz  vos  dis  *  ben  qe  reman- 

[tai5 

Sen  sobretotz  non  er  anz  lor 

Qelgranz  benananza  sesjai 

15  Fiz  e  segurs  de  bon  segnjor. 

VI II.  {p.  67)  Epoismos  sobretotz 

[sarrai  • 


Vas  nna  domna  ia  ^  seignor 
Qi  prec  e  prec  e  pregarai 
Qe  sol  aia  fizel  seignor. 

43 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(=  B.  Gr.  242,  49) 

1.  Nom  platz  chantz  de  ros- 

[signol 
Tan  ai  mon  cor  mom  e  trist 
E  pero  sis  *  merauill 
Car  nom  alegret  abrils 
5  Cane  mais  no  fon  negus  ans 
Nom  dômes  *  de  ioi  dos  tanz 
Mas  ugan  nom  plane  ^®  la 

[flors 
Nil  freig  dera  nom  agrada. 
II.  Morir  mi  faram  ^*  de  dol 
Ast^'messatgier  qe  man  qist 
Ai  car  si  sanpessen  ill 
Com  som  valc  vs  paucs  cor- 

[rils 

5  Mais  qe  lai  vs  palais  granz 

Trop  mes  lur  solastz  pesanz 

E  parara  ^^  mi  deshonors 

Sab  lur  torn  e  mencontrada. 

III.  Pauc  saben  daizo  qe  sol 

E  non  crei  cane  mai  fos  vist 
Com  vas  sa  terra  saissill 
Mas  mi  es  saluatges  e  uils 
5  E  reparais  *^  mes  afanz 
E  piegz  ^*  trac  un  plus  lai 

[men anz 
Si  qe  vergoigna  e  paors 
Men  dobla  qega  vegada. 

IV.  Qui^*  mo  lauza  ben  nom  vol 


*  c.  en  :  col  —  ^  c.  en:  Noil  poiria  —  ^  c.  en:  qweren  ^  *  c.  en  :  die 
—  8  c.  en  :  remanrai  —  *  c.  en:  satrai  —  "^  c.  en  :  la.  —  •  i.  :  sim  —  •  c. 

en  :  dones  —  lo  /.  :  plac  —  i*  c.  en:  faran  —  i*  c.  en  :  Ist ^^  L:  parra 

1*  c.  en  :  repairars  —  i*  /.  :  Piegz  —  ^^  c.  en  :  Qi 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNÂRT  ÂMOROS 


37 


Era  ^  flacs  cors  con  volguist 
Qe  tant  cars  amors  rouiil 
Ane  no  fezist  qe  gentils 

5  Cane  eor  de  des  '  fiz  amanz 
Non  vi  hom  miels  duns  sem- 

[blanz 
Cora  qe  sobre  valors 
Qus  las  er  apoderada. 

V.  Car  per  aisso  nom  acol 
Sieu  lai  vau  cella  ni  cist 
Qe  de  tornar  ma  volpill 
Qai  lois  sobre  segnorils 

5  On  estai  feniz  '  mos  talans 
Es  tais  per  qieu  nom  balanz 
Don  nos  pot  loignar  ualors 
Se  meni  emplana  baca  *. 

VI.  Maspero  pel  fort  laxol 
De  la  man  ab  qem  presisl 
Veille  mieils  e  mes  rendill  '^ 
E  non  taurs  ni  cabrils 

5  Bella  dona  ben  estanz 
Dest  anar  nom  sia  danz 
Qe  ieu  tornar  ai  de  cors 
E  vos  non  sias  cambiada. 

VII.  Cane  paris  contrai  fillol 
Non  fez  *  tal  failla  per  crist 
Nil  paire  contrai  ^  fill 

De  lai  con  sa  riual  ^  nils 
5  Tro  sai  on  sol  es  colganz 
Pero  dei  esser  mos  chanz 
Sus  totz  autres  chantadors 
Per  vos  domna  cai  amada. 
VIII.  {p.  68)  Era  nom  platz  chan- 

[tadors 
Per  nos  domna  cai  laissada. 


44 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 

(=  B.  Gr.  242,  7) 

L   Al  plus  Ieu  qeu  sai  far  chan- 

[zos 
Com  cel  qe  dautret  estagna 
Mi  empren.  eras  mas  dop- 

[tos 
Siu    *   mons  sabers  nO  se 

[fragna 
5  Mas  per  tal  mi  plas  essaiar 
Qon  Ieu  chanzoneta  fezes 
Car  zo  chantom  mais   qes 

[meinz  car 
Per  qeu  vau   planan  mon 

[chantar 
Descurs  ditz  qom  Ieu  lap- 

[ses  *<». 
11.  Loncs  temps  aiamatemper- 

[dos 
Non   puese    sufrir   no   më 

[plagnha 
E  non  sai  per  qal  vchaizos 
Mas  ben  esperanz  gazagna 
5  Per  qeu  aten  mas  ^tart  mi 

[part  " 
Qe  leis  qe  mes  del  eor  plus 

[près 
Fassamors  tant  humeliar 
Qô  don  ioi  car  nom  pot  ve- 

[dar 
Qeu  nô  lam  ab  qil  nO  vol- 

[gués. 
111.  Ges  damar  leis  un  an  o  dos 
Nom  plane  si  tôt  mes  estra- 

[gna 
Qoras  iorns  e  temps  e  sazos 


*  /.  :  E  tu  —  «  /.  :  dos.  —  »  /.  :  fermz 
mestendill  —  •  c.  en:  f etz  —  '  /.  :  c.  bon 
Soi»  10  c.  en:  lapreses  —  **  /.:  par 


^  /.  :  bada  —  >  /.  :  nuech  e 
*  c.  en:  sabriual  —  ^  c,  en: 


8 


38 


LE  CHANSONNIER  DE  BEHNART  AMOROS 


E  amors  tem  qem  sofragna 
5  Qanc  pos  la  ui  p^r  rail  * 

[pensar 
No  fon  qinzel  cor  nom  estes 
Sos  semblanz  p^  qeu  la  ui 

[clar 
E  la  mi  fez  pels  oils  passar 
Sa  beutat  qe  totz  temps  mi- 

[res. 
IV.  Souen  remire  sas  faissos 
Qamors  mi  ten  en  grieu  la- 

[gna 

Ë  nom  par  ni  cre  qe  anc  fos 

Vas  ren  de  mala  compagna 

5  Mas  vas  me  qe  ges  desa- 

[mar 
Non  la  puesc  per  dan  qui 

[en  prézes 
Qel  mais  mes  douz  a  sufer- 

[tar 

Per  ques  bes  mes  a  mesurar 

QuenaXen  mas  no  motardes. 

V.  De  leis  seruir  sui  voluntos 

Cal  melz  aitan  cug  menta- 

[gna 
Qe  mainz  luecs  es  seruizis 

[bos 
Eras  ai  trop  dig  remagna 
5  Cab  vn  fil  de  son  mantel  var 
Sa  leis  fos  plazenz  qel  mo- 

[des 
Me  feira  plus  iauzent  estar 
E   mais  rie  qe  non  pogra 

[far 
Autra  del  mont  qab  sim  col- 

[gues. 
VI.  Fiz  amies  desauentures  ' 
Abpauc  de  ioi  ses  mesclagna 
Mezongiers    de    mezongas 

[blos 


E  qi  pos  couzel  ^  de  sagna 
5  Per  vendre  ou  per  donar 
Vos  ai  estât  e  sius  plagues 
Degra  ab  vos  merce  trobar 
Domna  pos  al  nom  voletz 

[far 
Sufrizetz  qeus  vis  eus  pre- 

[gues. 
VIL  {p,  69)  Ghanzon    tu  miras 

[laudar  * 
Celui   qi  mes  el   cor   plus 

[près 
E  diran.  R.  ses  doptar 
Qiemcug  a  leis  demonstrar 
5  Plus  leu  dun  falcon  yslan- 

[des. 
VIIL  Non  veratz  eu  fai  ^  tant  da- 

[mar 
Qe  miels  désire  miels  tenc 

[car 
E  miels    am  dôme    qant  ^ 

[nasqes. 

45 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 

(=  B.  Gr.  242,  81) 

L  Un  sonet  nouel  faz 
Per  ioi  e  per  solatz 
E  non  es  ges  mos  gratz 
Mas  car  als  adreitz  platz 
5  Qe  si  non  fos  blasmatz 
Non  chantera  mais  re 
Pois  vei  cunielitatz 
Ni  pretz  ni  amis  ta tz 
Ab  mi  donz  pro  nom  re  '. 
IL  Granz  mais  nai  sufFertatz 
Sui  ^  amâz  non  amatz 
A  las  oras  ai  patz 


1  /.  :  nul  —  *  /.  :  desauenturos  —  »  c.  en  :  cauzel  —  *  c.  en:  saludar  — 
*  c,  en: sai  —  «  /. :  qanc  —  »  c.  en  :  te  —  «  /. :  Fins 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 

Si  fizanta**  di  te 


39 


Maitas  *  ves  son  iratz 
5  Ben  son  apoderatz 
Qestat  nai  per  ma  fe 
Con  hom  desesp^ratz 
Ben  a  des^  anz  passatz 
E  ges  nom  en  recre. 

III.  A  legon  3  los  plusors 
Segnenz  *  galiardos  • 
Non  amerai  aillors 
Siam  sens  o  follors 

5  Tant  es  granz  sa  valors 
EU  beutatz  ca  ab  se 
Qil  es  marails  ®  e  flors 
De  totas  las  meillors 
Al  iucrament  ^  de  me. 

IV.  Moût  mi  den  ^  car  amors 
Els  gazardos  meillors 
Mas  pron  dona  dolors 

[ ] 

5  Pauc  mi  fai  de  secors 
E  daiude  de  be 
Meinz  ca  totz  amadors 
Estier  car  mes  honors 
Cades  mi  ten  ab  se. 
V.  Domna  cueimdab  '  cors  gai 
On  iois  e  pr^tz  estai 
Mais  qieu  non  die  ni  s  ai 
Vos  am.  mas  qeus  dirai 

5  Pos  autre  pro  non  ai 
A  sufrir  men  coue 
DOcs  men  conortarai 
Enaissi  com  poirai 
Ab  lo  mal  qe  men  ue. 
VI.  Chansos  can  seras  lai 
Mon  cossir  liretrai 
E  di  li  per  qem  fai 
Morir  en  tal  esmai 

5  Pueis  recomandarai  **^ 


Tro  inz  el  cor  li  vai 
Cadoncs  i  trobarai 
Ben  leu  mais  de  m^ce. 

46 

GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(=  B.  Gr.  242,  74) 

L  {p.  70)  Si  sonis  ^«  senz 
E  planz  aturs  no  mirail  *' 
Qe  mos  leus  chanz 
Vaille  puege  esmer 

5  Non  esp6r  ren  semblanz 
Qem  puesca  rem  valer 
La  cuida  ablesper 
Qe  men  sol  aiudar 
Per  qe  a  mi  nom  par 
10  Qe  nuls  chantars 
Sia  valens  ni  cars 
Si  cudars  o  temers 
0  pezanc  plazens  ^* 
Non  mensegna  com  cban 
15  Grazizen  o  claman. 
II.  E  car  no  uenz 

La  benananzal  mal 
El  greus  afanz 
Celui  ca  trop  suffer 

5  Qades  sia  clamanz 
Del  autrui  nOchaler 
Voletz  qe  diga  ver 
Qem  desplatz  en  amar 
Qom  ia  puesca  trichar 
10  Ni  sia  vars 

Celui  qel  sera  clars 
E  ben  volenz  e  vers 
Ni  sia  tais  poders 


>  /.  Maintas  —  *  /.  :  dos  ^  ^  c.  en  :  segon  —  ♦  c.  en  :  Fegnenz  —  •  /.  : 
galiadors  —  *  c.  en:  mirails  —  '  c.  en  :  iutiament  —  •  /.  :  ten  —  •  c. 
en  :  cueindab  —  !•/.:  te  comandarai  —  "  /.  ;  sazauta  —  '^  cen:  sotils  — 
^^cen  :  nom  val —  **  /.  :  pesanza  o  plazers 


40 


LE   CHANSONNIER  DE    BERNA RT  ÂMOROS 


Que  sim  amie  engan 
15  Nis  page  de  son  dan. 

III.  E  sel  cors  genz 
Se  vira  no  men  cal 
Vaz  fols  mazantz 
Ab  zo  qe  no  sofer 

5  De  salutz  ni  de  manz 
Cug  cab  meîz  dechazer 
Mi  poira  retener 
Qe  molt  fai  aprezar 
Cortes  a  solassar 

10  E  manz  auars 
On  si  demora  mars 
E  fai  de  granz  plazers 
E  pueis  ad  ob  hus  sers 
La  coreillia  ^  dun  an 

15  A  cels  qi  ben  i  uan. 

IV.  E  sieu  sieu  ^  lentz 
Eu  mai  lo  cor  leral  ' 
Ni  desamâtz 

De  so  que  vol  ni  qer 
5  E  laissamen  ab  uiranz  * 

Qeu  trob  e  mon  saber 

Pos  mi  donet  lezer 

Ses  forza  de  preiar 

Mos  segner  de  chantar 
10  E  mos  trobars 

Son  *  per  samors  espars 

Adonc  mirraubem  ders 

E  failliram  sabers 

Si  per  pr6cs  qeu  li  m  an 
15  Enqtter  con  hom  desinan  *. 
V.  E  sim  bistenz 

Nim  desrei.  nil  reial 

Lo  pros  es  granz 

Mal  danz  non  sai  cals  ner 
5  E  sil  encortilantz  "^ 

Oir  *  sauzet  eschazer 


Del  venir  son  plazer 
Passa  del  ben  venjar 
Pueissam  lais  esperar 

10  E  costeiars 

Qel  rei  faran  lanars 
Val  mais  qel  remaners 
Pos  rictatz  ni  valers 
No  sen  pot  puiartan 

15  Qe  i  pauzes  son  man. 
VL  E  dieus  a  gentz 
Vian  nostre  capdal 
E  nos  enantz 
Tant  qe  sira  ses  sera  ^ 

5  Sufram  perdas  e  danz 
Tro  vengal  dechaer 
E  hom  nom  deu  temer 
Mal  per  dieu  gazagnar 
{p.  71)  Ni  no  fai  doptar 

10  Lo  comenzars 
Qe  gascos  e  nauars 
Si  lur  aonda  vers 
E  durai  bos  espers 
E  dieus  iran  deian  ^^ 

15  Los  nostres  capdelan. 

47 

EN  GIRAUT  DE  BORNEL 
(  =  B.  Gr.  242,  71  ) 

I.  Sim  plagues  tan  chantz 
Quan  sol  derenantz 
Chantera  mas  fre 
Ai  qem  recre  ** 
5  Qe  chantz  no  mez  fais  *^ 
Anz  pert  mos  iornals 
Chantan  qar  qecs  fui  ** 
Zo  qe  pretz  adui 


^  c»  en:  cereillia  —  *  c.  en  :  sui  —  3  c.  en  :  leial  —  *  c.  en  :  ab  ni  anz 
—  8  /.  :  Fon  —   ^  c.  en:  desman.  —  ^  c,  en  :  encorrilantz  ^  ^  c.  en: 
Car  -^9  c,en:  fera,  /.  :  fer  —  lo  c  en  :  deran,  /.  :   denan.  —  i*  c.  en  : 
rete  —  ^^  /.:  sais  —  *3  c.  en:  sui 


LE   CHANSONNIER   DE  BERNART  AMOROS 


41 


E  merma  lois  iauzimentz  ^ 

[solatz 
10  Don  perfc  amors   son  près  e 

[las  rictatz. 
II.  Mas  iea  sec  sos  manz 
Sîam  pros  o  danz 
E  nai  mal  e  be 
E  sai  dir  de  qe 
5  Son  amîls  ^  ni  qals 
E  qan  plane  mes  mais 
Gard  on  ni  a  cui 
Tan  tem  lo  fol  brui 
E  qan  respond  gard  qe  die 

[qar  foudatz 
10  Es  dicha  leu  pcr  qeu  respon 

[viatz. 
m.  Qar  sobre  talanz 
Forzals  fis  amanz 
Capenas  sen  re  ^ 
Negus  per  qieu  cre 
5  Nesca  danz  morfcals 
E  dôc  nO  es  fais 
Qi  met  son  esdui 
En  trop  gran  refui 
Pauc  preza  se.  e  cil  a  cui  ses 

[datz 
10  Sen  descubert.  en  ditz  sas 

[voluntaz. 
IV.  Si  demanda  manz 
Dels  cobes  amanz 
San  domna  de  se 
Diran  non  qua  me 
5  Mas  iea  nô  sui  tais 
Anz  die  qe  liais 
Amies  sui  de  lui 
Em  *  par  amdui 
Qar  qeigz  a  so  qa  dos  taing 

[ab  tan  patz 
10  Qe  boca   ditz   per  qom    es 

[encolpatz. 


V.  Cel  es  drulz  truanz 
Qi  nO  es  eelanz 
Sa  domna  ni  se 
Sobz  ^  autra  re 
5  Deu  gardar  si.vals 
Ses  amies  corals 
C         Nô  gab  ab  autrui 
Qar  si  eis  destrui 
Sas  autra  part  es  des  con- 
[seil  perriuatz  • 
10  Qe  ia  non  er  per  los  autres 

[celatz. 

48 

EN  GIRAUT  DE  BORNEL 
(=  B.  Gr.  242,  11) 

I.  A  penas  sai  comenzar 

Un  vers  qe  voil  far  leugier 
E  si  nai  penssat  des  ier 
Qel  fezes  del  tal  razon 
5  Qe  lentenda  tota  genz 
E  qei  ^  fassa  leu  chantar 
Qeil  fai  per  pla  doptar  *. 

II.  (p,  72)   Bes    saupra  plus 

[cubert  far 
Mas  non   ha  chantz  pretz 

[entier 
Can  tuig  noi  sonparzonier 
Qi  qes  nazir.  mi  sap  bon 
5  Can  aug  dire  per  contens 
Mon  sonet  rauqet  e  clar 
E  laug  a  la  fon  ®  portar. 
III.  Ja  pos  voirai  élus  trobar 
Non  cug  auer  maint  parier 
Ab  so  qe  ben  ai  mestier 
A  far  una  lieu  chanzon 
5  Qeu  cug  catretan  gran  senz 
Es  qui  sap  razon  gardar 


*  c.  en  :  e  auinentz  —  «  c.  en:  amies  —  *  /. 
en  :  Sobr,  /.  :  Car  sobr  —  «  /.  :  del  c.  priuatz. 
tap  —  •  c.  en:  son 


:  te.  —  ♦  /.  :  Et  em  —  »  c. 
—  '  /.  :  qes  —  *  /.  :  depor- 


42 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Con  es  motz  entresbrescar. 
IV.  Dais  mauen  a  consirar 

Qieu  am  tal  cui  non  enquier 
Per  zo  qal  descossirier 
Sai  be  qe  faz  meepreizon 

5  Qe  sarai  '  qus  ardimentz 
Mi  ven  que  lan  razonar 
E  paors  fai  mo  laissar. 
V.  Ben  loi  vorra  *  mandar 
Sitrobaua  messatgier 
Mas  sin  fatz  autrui  parlier 
leu  tem  qe  men  uchaizon 

5  Qar  non  es  ensegnjamentz 
Com  ia  faza  autrui  parlar 
Daqo  qe  sols  vol  celar. 
VI.  Tarn  ben  sap  lo  cors  comtar 
La  veritat  el   pretz  sobrier 
Qe  gran  batallian  sofîer 
Qar  noi  vau  a  esperon 

5  Pois  men  ven  us  espauentz 
Qe  men  fai  desacordar 
E  mon  ardimen  laissar. 

VII.  Ges  non  la  puesc  oblidar 
Tan  me  fai  gran  dezirier 

E  voill  piegz  qa  mon  guerrer 
Celui  qe  dais  me  somon 
5  Qai  '  lai  es  mos  pensamentz 
E  miels  non  pot  solassar 
Sol  qem  lais  de  lei  pensar. 

VIII.  Conssirers  men  es  guirentz 
Qanc  ren  tant  non  pot  ^  ca- 
Mas  laui  ni  tener  car.  [mar 

49 

EN  GIRAUTZ  DE  BORNEL 
(=  B.  Gr.  242,2) 

I.  A  semblan  me  fai  dechazer 
Amor  sem  ^  dona  marrimen 


Qar  semblan  mes  de  ici  qa- 

[den* 
Qe  tal  ^  cor  non  esdaire 
5  Qar  en  trop  rie  repaire 
Bels  semblanz  me  guida 
Qem  ditz  qe  iauzida 
Naurai  ses  {p,  73)  fallida 
Mais  som  deschai 
10  Don  fort  mesmai 

Qar  lus  semblanz  mabriua 

[lai 
E  lautrem  desirai  ^ . 

II.  Ab  bel  semblan  me  fai  voler 
Mi  donz  zoqe  plus  mi  defen 
Ab  art  et  ab  fais  geing  me 

[pren 
Com  sieu  leni  ^  trichaire 
5  Per  leis  perd  mon  veiaire 
Tan  mes  abeillida 
Qar  on  plus  moblida 
Cant  obs  me  serra  *<* 
Mon  cors  sen  vai 
10  Lai  ou  li  plai 
Ses  corviu 
Car  ab  me  nO  lai 
Qil  la  embailia. 

III.  Grieu  mi  poirra"  pron  tener 
De  samor  ia  segon  mon  sen 
PoB  aman  noi  trop  chauzi- 

[men 

Si  con  fîz  amaire. 
5  Doncs  pois  gazains  noi  gaire 

Qe  non  ai  ieqida 

Lamor,  qem  couida 

Damar  chascun  dia 

Qar  non  puesc  mai 
10  Per  camarai 

Qe  ben  leu  enqeras  naurai 

De  ioi  a  ma  guia. 


1  /.  :  farai  ^-^  c,  en:  voria  —  ^  /.  :  Qar  —  4  c.  en  :  poi.  —  *  /.  :  Amors 
em  —  •  c.  en:  qaten  —  '  c.  en  :ial  —  ^c.en:  desuai,  /.  :  desuia  —  •  c. 
en:  lera  —  ^^  c,  en:  séria  —  n  c.  ew  :  poiria. 


LE   CHANSONNIER  DE   BERNART  AMOROS 


43 


IV.  Pos  non  puesc  mais  a  bon 

[esper 
Aleuiarai  lo  mal  qeu  sen 
Fîz  serai  ses  tôt  iauzimen 
E  gais  per  lo  mal  traire 
5  Entrom  voilla  refaire 
Ma  domna  chauzida 
Franch  e  issemida 
De  bella  paria 
Ab  cui  estai 
10  Jois  ab  cors  gai 

Esseignamentz  ab  pretz  ve- 

[rai 
Senz  e  cortesia. 

V.  Domnal  genzer  qem  pot  ve- 

[zer 

Hoimais  *  daninen  ' 

Qe  conoscses  mon  fin  talen 

E  cous  am  ses  cor  vaire 
5  Cortz  e  debonaire 

Sim  3  pauc  mes  aizida 

Joios  a  ma  vida 

Serai  on  qeu  sia  si  non  sia^ 

Si  non  ben  sai 
10  Tan  qan  viurai 

Si  tôt  nom  voretz  *beus  vol- 

[rai 


Si  tôt  nô  valia. 
VI.  Segner  reis  daragon  temer 
Vos  deuon  vostre  malvolen 
Qar  sais  ^  lur  auetz  a  presen 
Tostemps  pigs  ^  lur  afaire 
5  Qe  hom  non  sap  retraire 
Se  qe  nés  aunida 
Tota  lur  partida 
E  lur  segnoria 
Mor  e  desuai 
10  Tant  an  desglai 

Qel  plue  •  rie  son  tomat  sai- 

[rai* 
Qar  lur  pretz  ten  via. 
VIL  Comfortz  mi  pi  ai 
Qe  tant  sarrai  *® 
Vostre  nomz  vas  fin  pretz 

[verai 
Qe  ren  nos  desuia. 
VII L  (p.  74)  Ab  ioi  ten  vai 
Chanzos  en  lai 
Vas  mon  segnor  ab  cui  estai 
Pretz  e  cortesia. 


Fin  des  chanzos  de  giraut 
de  bomel  ". 


W.  ;  H .  mi  fossetz  ^  'i  c.  en  :  dauinen  —  ^  c,  en:  Tun,  /.  :  un  — 
*  supprimez  :  si  non  sia  -  ^  L  :  voletz  —  *  /.  :  fais  —  "*  c.  en  :  pies  —  •  /.  : 
plus  —  ^  c,  en:  sauai  —  !•  c.  en  :  satrai  —  ii  suit  la  note  :  per  la  uita  di 
Bemart  del  ventador  ui  è  lasciato  lo  spatio  corne  qui. 


E.  Stengel. 


(/l  suivre,) 


I  DÛDICI  CANTI 

ÉPOPÉE  ROMANESQUE  DU  XVI*  SIÈCLE 


(Suite) 


CANTO  TERZO 

[F  27.  p°]  1 .      Quand*  un  più  cerca  quel  di  che  non  deve, 
Se  quai  che  disventura  gli  n'adviene 
Esser  non  le  devrebbe  amaro  o  grieve, 
Ancor  che  poi  ne  gusti  acerbe  pêne. 
Spesso  a  brieve  placer  caduco  et  lieve 
Dietro  l'eterna  penitentia  viene, 
Dina  et  Sichem  ne  danno  essempio  verde 
Ch*ella  Thonor  et  ei  lavita  perde. 

2.  Chi  entrar  nel  laberinto  talhor  cerca, 
Se  tardo  n^esce  o  pur  non  n'esce  mai, 
Non  dee  dolersi,  et  s'  Orlando  hor  ricerca 
Il  mal  et  truova  più  di  quello  assai 

Che  non  vuol,  impar'  hor  corne  si  merca 
Tal  mercè  con  spietati  affanni  et  guai 
Da  quella  ch'  engannar  ciaschedun  suole, 
Che  le  comincia  a  dir  queste  parole  : 

3.  «  Fontedoro  sono  io,  del  gran  Senapo 
Cara  nipote,  posta  in  dura  sorte 

Fer  esser  il  mio  regno  senza  capo, 
Priva  del  dolce  et  caro  mio  consorte 
Che  fu  per  proprio  nome  detto  Lapo, 
Flavio  cognominato,  et  posto  a  morte 
Per  man  di  Sarmagon  Tempio  assassine 
Per  me  trar  seco  e  il  regno  in  suo  dimino. 

4.  Era  il  mio  sposo  giovanetto  et  vago 
Che  non  più  bel  di  lui  fu  quel  di  Psjche, 
Pareva  proprio  una  divina  imago 


CANTO  TERZO  45 

Se  mai  fra  le  moderne  o  fra  Tantiche 
Ne  furon  vis  te  ;  ond'  io  mai  non  mi  appago 
Ne  appagarô  de  inumere  fatiche 
Che  sol  per  far  vendetta  del  mio  sposo 
Mi  truovo  in  stato  accerbo  et  periglioso. 

5.      Era  huomo  si  degno  il  mio  signer  gentile, 
Di  beltà  ornato  et  di  ligiadra  chioma, 
Sopra  ogni  altro  tenea  del  signorîle  ; 
SI  a  li  costumi,  si  al  grato  idioma 
Non  hebbe  in  vitapar  o  simile, 
Ne  doppo  la  sua  morte  alcun  si  noma 
Ne  nomaranssi  mai  per  dir  il  vero 
Chi  aguagliar  possa  il  mio  signer  altiero. 

[F.  27  ▼•Jô.      Parte  di  Media  et  délia  Armenia  tenne 
Sotto  in  suo  impero  et  fucristian  dal  fuoco 
Dov'  aibianchi  Albani  Torigin  venne; 
Bench'  ei  meco  regnass'  insieme  poco, 
Che'  1  re  Infidel  d'Hyberia  sopravenne, 
Ai  lassa  mè  !  con  tanta  festa  et  ginoco 
A  privarmi  del  mio  diletto  et  caro 
Gonsorte  con  modo  aspro  al  monde  rare. 

7.  Fingeva  seco  amor  et  fe  sincera 
Per  me  ardendogli  Amor  Tinfido  petto, 
Ne  dimostrô  mai  da  matino  o  sera 
Portarmi  alcun  particular  affetto, 

Ma  fînta  continenza  ogni  hor  seco  era, 
Ne  altro  che  Flavio  par  ch'  habia  in  ogetto 
Ma  come  poi  li  para  enganno  et  frodo, 
Se  mi  ascolti,  signer,  dirotti  il  modo.  » 

8.  Ascolta  Orlando  quasi  stapefatto 
Ciô  che  la  donna  con  industria  dice, 
Ch'  ella  favella  mostra,  gesto  et  atto 
Come  suol  dimostrar  qualche  infelice 
Per  qualch'  orrendo  et  spaventev*l  fatto  ; 
Guatala  in  faccia  et  tien  si  alhor  felice 

Il  conte  per  sentir  si  bella  donna 
Parlar  in  chi  gratia  immortal  s' indonna. 

9.  Et  rompendo  ella  gli  ochi  a  duri  pianti 
Mandava  fuor  del  petto  aiti  suspiri. 


46  I  nODICI  CANTI 

Coi  quai  bastava  romper  gli  adamanti 
Non  che  solo  mutar  gli  human  desiri, 
Et  li  spessi  singhiozzi  erano  et  tant! 
Che  facevan  inditio  di  martyri, 
Ne  men  di  quella  piange  il  fero  conte 
Vedendo  afâitte  le  fatezze  conte. 

10.       Doppo  le  moite  lagrime  colei, 
Ch'era  di  frode  un  empio  labyrintho, 
Rivolta  al  conte  disse  :  »  Se  tu  sei 
Da  cotanta  pietà,  signer  mio,  vinto, 
Che  meco  piangi  i  duri  casi  miei, 
Fa  che  '1  nimico  mio  da  te  sia  estinto, 
Che  se  ciô  fai,  per  Dio,  tu  non  havrai 
Di  fama  eterna  maggior  gloria  mai. 

[F.28p**]  II.       Et  per  non  ti  tener  in  lungo  tedio 

Conchiuder  voglio  la  mia  hystoria  brieve 
Perch'al  fuggir  Amor  non  è  rimedio. 
El  forsenato  Sarmagon  di  lieve 
(Cosî  dette  era  il  re  de  Iberia)  assedio 
D'amor  non  era  et  pîù  ch'  egli  non  deve 
Amar,  per  haver  me  spense  il  bel  viso 
Dove  era  il  mio  diletto  e  il  paradiso. 

12.  In  una  caccia  ad  orsi  et  a  leoni 
Gh*  a  piè  di  monti  Caspii  si  face  va, 
Infra  forti  cespugli  entro  a  burroni 
Armate  genti  Sarmagon  teneva. 
Segretamente  et  di  certi  vallonf 

Uscl  un  leone  et,  perché  Lapo  haveva 
Gran  cor,  quelle  aterrô,  ma  quel  re  crudo 
Diede  al  mio  Lapo  col  suo  brando  ignudo, 

13.  Ch*erano  stretti  ambi  dua  e  régi 

Et  quinci  et  quindi  homini  havean  lasciati 
Per  portar  délia  caccia  omati  fregi, 
Onde  furno  egli  nel  leon  scontrati. 
Et  Lapo  per  mostrar  sua  fatti  egregi 
Fece  gli  effetti,  ai  lassa  !  sventurati, 
Che  cosi  quel  fellon  crudel  diè  morte 
Al  mio  caro  fedel  divo  consorte. 

14.  0  simulato  amor  !  o  amor  crudele  ! 
Simulava  amar  Lapo  oltra  misura 


CANTO  TERZO  ^7 

Re  Sarmagone  perfido,  infidèle, 
Infido  traditor  per  sua  natura. 
Era,  come  si  dice,  senza  fêle 
11  mio  sposo  gentil,  colomba  pura  ; 
Perô  fu  facil  cosa  altraditore 
Dar  morte  tal  al  mio  gentil  signore. 

15.       Et  poich*  ucciso  Thebbe  il  neghitoso. 
Le  stracciô  ei  panni  in  dosso  et  si  ferillo 
Per  tutto  el  corpo  che  era  paventoso 
Caso  a  vederlo,  et  tutto  dipartillo 
Come  far  suole  un  leone  orgoglioso 
Contra  chi  a  lui  contrasta  ;  e  a  ciô  sortillo 
L*invida  sorte  mi  a  che  sol  le  increbbe 
Del  mio  honorato  ben  e  il  mal  m'acrebbe. 

[F.  28  v«]  16.       Comineiô  quel  crudel,  poich'  hebbe  morto 

Colui  senza  del  quai  non  vorei  [vita], 
A  pianger  si  Thorribil  caso  in  torto 
Operato  da  lui  che  quasi  invita 
Ogni  sylvaggia  fera  al  suo  conforto. 
Et  diceva  il  fellou  :  «  Datemi  aita 
In  questo  caso,  o  cieli!  o  voielementi! 
Porgete  fine  ai  miei  tanti  tormenti. 

17.  Deh  chi  m'  ha  occiso,  omia  spietata  sorte  ! 
Dinanzi  agli  ochi  il  mio  caro  fratello? 

Chi  portai'à  tal  nuova  a  sua  consorte? 

0  féroce  leon  crudele  et  fello, 

0  dura,  amara,  accerba,  invida  morte 

Ch'  oggi  svelt'  hai  il  più  vago,  il  più  belle 

Fior  che  natura  havesse  mai  creato. 

Un  huom  più  degno  che  sia  in  terra  nato  ! 

18.  Morte,  come  mai  più  senza  costui 
Viver  potrô  contento,  ai  lasso  I  al  monde  ? 
La  vita  mi  è  un  morir  senza  di  lui 

Che  mai  più  in  vita  non  sarô  giocondo.  » 
Mentreche  questi  va  incitando  altrui 
Con  Tal  ta  voce,  col  gridar  profonde. 
Induce  a  pianger  seco  ciascun  ch'  era 
Présente  a  sua  querela  accerba  et  fera. 

19.  Ognun  pensava  che  '1  mio  dolce  Lapo 
Pur  stato  fusse  dal  leone  ucciso 


4  8  I  DODICI  CANTI 

Corne   pareva  linci,  che  il  bel  capo 
Che  pria  d'oro  era,  è  si  nel  sangiie  intriso 
Ch'  era  orror  a  vederlo,  et  questo  capo 
Prender.  Il  traditor  sol  hebbe  aviso 
Pianger  per  ben  coprir  sua  fellonia 
Ch'  a  coprirla  non  sa  modo  altro  o  via. 

20.  Sol  questa  via  sa  il  traditor  trovare 
Per  ricoprire  il  suo  tanto  delitto. 

Et  sa  col  pianto  si  ben  simulare 

Che  par  per  doglia  dentr'  il  petto  afflitto. 

El  corpo  alla  città  fece  portare 

Del  mio  marito  esangue  et  derelitto 

Da  r  anima  gentile,  et  presentoUo 

A  me  chi  del  suo  maie  era  satoUo  ; 

21 .  E  con  lagrime  false  et  con  suspiri 
Mostrava  il  cor  baver  pien  di  ramarco, 
Solo  per  generarmi  quei  martiri 

Che  mi  havean  già  il  petto  carco  ; 
Maledicendo  il  ciel  par  che  se  adiri 
Volendosi  mostrar  di  error  più  scarco, 
Et  con  quel  corpo  mi  porto  il  leone 
Dicendo  :  «  Del  tuo  mal  questo  è  cagione.  » 

[F.29r**]22.       Poi  fece  dar  al  corpo  sepoltura 

Condegna  in  vero  al  regno  et  al  suo  merto, 
Kt  tutti  i  soi  coprir  di  vesta  oscura 
Con  dimostrar  cordoglio  a  tutti  aperto, 
E  in  sul  sepulcro  fece  una  scrittura 
Che  dicea  il  caso  et  non  com'  era  certo. 
Il  caso  come  fu  non  vuol  aprire, 
Ma  sol  dette  la  loda  al  grande  ardire. 

23.  Quai  fusse  la  mia  pena,  o  cavalliero, 
Vedermi  inanzi  a  V  improvise  un  caso 
Non  mai  piùvisto  il  più  spietato  et  fîero, 
A  te  pensar  lo  lasso,  ove  persuaso 

Era  il  mio  cor  sol  pel  tormento  altiero 
Certo  scoppiar,  ma  fu  si  duro  il  vaso 
Che  1  mio  dolor  teneva  stretto  et  chiuso 
Ch*  io  non  potei  morir,  e  il  ciel  ne  incuso 

24 .  La  notte  che  segui  Thorribil  morte 


CANTO   TERZO  49 

Del  dolce  caro  mio  pregiato  pegno, 
Dico  del  divo  mio  e  fedel  consorte, 
Mi  apparve  el  spirto  generoso  et  degno 
Et  racontommi  sua  infelice  sorte 
Et  quanto  oprô  già  Sarmagon  d'  indegno 
Contra  di  lui,  et,  quando  ragionava 
Piangendo  meco,  gli  ochi  si  asciugava. 

25.  Diceami  il  gentil  spirto  :  «  0  mia  diletta 
Et  cara  sposa,  guarda  non  ti  fidi 

Di  quello  che  la  vita  m*  ha  intercetta, 
Che  a  pena  il  credo  ai  stessi  ochi  miei  fidi, 
Chel  mi  mostraro  ;  in  una  valle  stretta 
Sjlvosa  a  caccia  u^  non  si  odiano  i  gridi, 
Col  brando  ch'  egli  astrinse  nudo  in  mano, 
Mi  uccise  il  traditor  crudo,  inhumano; 

26.  Dico  di  Sarmagon,  Sarmagon  quello 
Che  fingea  tanto  caramente  amarmi. 
Poich*  uccisi  io  il  leon  crudo  et  fello, 
Ei  sufferse  cou  man  propria  amazzarmi  ; 
Ne  a  caso  il  fece^  ma  il  mio  regno  bello 
Forse  bramando  ne  di  quel  privarmi 
Sapendo  ritrovar  modo  ne  patto. 

Quel  traditor  divenne  a  simil  atto. 

27.  Non  era  io  ancor  fuor  del  mio  corpo  uscit[a], 
Benchè  del  moto  suo  fusse  ei  privato, 

Che  la  persona  in  più  lati  ferita 
Fu  dal  suo   brando  crudo  et  dispietato, 
Et  poi  gridando  con  voce  smarita 
Tutti  li  caccia tor  s'  hebbe  adunati, 
E  inanzi  a  lor  facea  si  grandi  i  pianti 
Che  inteneriti  havrebbe  i  dur  diamanti. 

[F.  29v«]28.      Piangendo  lamentavasi  il  crudele 

Fuor  dimostrando  le  mentite  larve, 
Tal  che  compagne  grato  et  più  fedele 
Agli  ochi  di  chi  il  vidde,  unqua  non  pai*ve 
Pur  di  esso,  et  si  pietose  le  querele 
Facea  ch'  i'  non  so  dirle.  »  Et  via  disparve 
L'aima  gentil  poichè  questo  detto  hebbe, 
Onde  il  dolor  sopra  il  dolor  mi  crebbe. 


50  I   DODIGI  GANTI 

29.  Con  quanto  daol,  con  qaanto  stratio  et  pena 
lo  rimanessi  afflitta  et  sconaolata 

Qaanda  partie  la  mia  lace  serena 

Ch^in  sogno  ancor  vederla  erami  g^ta. 

Dît  nol  potrei,  o,  8*il  dicessi,  a  pena 

Creso  mi  fora,  anzi  sarei  chiamata 

Sempre  bagiarda,  che  '  1  dolor  fa  taie 

Ch'  a  qael  non  hebbi  et  non  havrô  ma'  agoale. 

30.  Ne  doppo  troppo  il  falso  temerario 
Oercô  per  mezzo  d'ana  mia  nadrice 
Havermi  in  sposa  senza  alcan  contrario, 
Sperô  di  me  gioir  quell*  infelice. 

lo  che  *  1  cor  fermo  havea  ne  ponto  varie, 
Mi  crebbe  il  duolo,  et  cmdeltade  ultrice 
Me  incitô  vendicarmi  de  V  inganno 
Che  *  1  traditor  mi  usa  ma  con  suo  danno. 

31.  Cosi  ana  notte  da  un  laogo  secreto 
Soletto  il  feci  entrar  nella  mia  stanza, 
Et  quel  cb*  ardeva  come  mal  discrète 
Vi  venne  armato  tutto   di  speranza 
Prender  la  man  pel  dimostrato  deto. 
Nel  laberinto  entrô  pien  di  baldanza 
Nô  fu  la  intrata  a  lui  cosI  gradita 
Quanto  noiosa  poi  la  dipartita. 

32.  Et  per  darle  tormento  aspro  et  martyre 
U  accogliezze  li  feci  in  vista  grate, 

Con  un  vin  concio  per  farlo  dormire 
Et  confetion  di  prezzo  et  délicate. 
Più  volte  la  nudrice  gli  hebbe  a  dire  : 
«  Bevete  ben,  signor,  et  confortate 
Le  membra  che  convienvi  oltra  sei  miglia 
Àndar  con  questa  ligiedretta  flglia.  » 

[F.30 r*]  33.       Et  per  più  colorir  la  cosa  anch*  io 

Fingea  di  ber  bagnando  i  labri  a  pena. 
Et  di  piacermi  ;  havendo  egli  el  disio. 
Non  conoscendo  sua  futura  pena, 
U  vaso  di  mia  man  togliendo  il  rio 
Non  pensava  ch*  havea  la  zucca  piena, 
Che  solo  compiacermi  ei  pensa  et  vuole 


CANTO  TERZO 

34.  Perch'  eisperava  nel  steccato  eDtrare, 
Volendo  esser  gagliardo  a  meraviglia. 
Quel  tutto  bebbe  et  più  ne  fe  portare, 
Et  ribevendo  inarcava  le  ciglia. 
Quella  mistura  un  ippocrasso  pare, 

Perè  spesseggia  il  ber  cbe  *1  cor  le  piglia. 
Et  8u  passa  al  cervello  et  ivi  siede , 
Et  quel  bevendo  adormentossi  in  piede. 

35.  Et  dormendo  cascè  sopra  del  spaldo 
La  testa  percotendo  a  un  forziero, 

Né  punto  si  senti  ;  si  dormia  saldo, 
Âncor  se  la  rompesse  il  poltroniero  ; 
Tanto  era  dal  disio  et  dal  vin  caldo 
Che  '1  sonno  suo  non  fu  molto  leggiero. 
Quando  il  viddi  cader,  me  ne  alegrai 
Pel  gran  disio  ch*  io  havea  di  darli  guai. 

36.  Di  spada  et  maglia  et  di  pugnal  armato 
Il  ribaldo  era  dalli  piedi  al  collo, 

Et,  quand  '  io  il  viddi  in  terra  stramazzato 
Quel  che  del  sangue  altrui  era  satollo, 
Fu  lievemente  da  me  disarmato 
Et  con  destrezza  ;  a  ciô  che  maggior  crollo 
Darli  potessi,  i*  non  vuolsi  amazzarlo, 
Anzi  a  maggior  dolor  sempre  servarlo. 

37.  Havrei  potuto  per  veneno  darli 

La  morte  o  con  Io  istesso  suo  pugnale 
Dal  crudo  petto  Tinfido  cor  trarli, 
0  corne  suolse  ad  un  brutto  animale 
Dentro  la  strozza  quel  tutto  cacciarli, 
Ma  perché  ciô  mi  parea  poco  maie 
Al  merto  suo  malvagio,  al  tradimento, 
Servar  il  vuolsi  a  suo  maggior  tormento. 

38.  Poichô  spogliato  i'  Thebbi  in  bel  farsetto, 
Le  mani  et  piedi  et  collo  li  legai 

Con  certe  funi,  et  fu  il  legar  si  stretto 
Che  le  cami  non  ruppi  i^  m*ammirai  ; 
Et  per  provar  se  quel  licor  perfetto 
Era,  col  fumo  al  naso  cominciai, 
Poi  pungelo  con  Tago  et  col  tirarle 
L^orechie  e  il  naso  et  mille  stratii  farle. 


5  2  I  DODIGI  GÂNTI 

[F.  30  v«]  39.    Quand*  io  m*aviddi  Im  non  risentirsi 
Al  fumo,  al  punger,  al  tirar,  al  stratio 
Di  naso,  orechi  et  qaal  morto  dormirai, 
Divotamente  tatto  il  ciel  ringratio 
Et  che  quel  vogli  in  mio  favor  seoprirai 
Il  prego,  a  ciô  il  mio  nom  da  Tlndo  al  Latio 
S' oda  et  di  la  vendetta  ovnnque  odisse 
La  fama  e  il  perag^r  del  Greco  Ulisse. 

40.  Poi  con  on  stil  di  ferro  gli  ochi  punsi 
A  r  infelice  più  di  volte  mille, 

Che  la  lace  da  quei  divoUi  e  aginnsi 
Dolor  sopra  dolor  a  sue  papille, 
Et  dalla  testa  ambe  gli  orechi  sgiansi, 
Et  dov'  havea  Tudir  chiare  sentille 
Con  un  licor  ch*  entro  vi  posi  i*  tolsi, 
Ë  a  crudeltà  maggior  il  cor  i*  volsi. 

41 .  Che  '1  naso  li  tagliai,  le  labra  fesi 
Quai  di  lepor  fusse,  i  genitali 
Ancisi  e  in  su  la  fronte  le  distesi, 

Et  con  polve  incarnai,  ma,  perch*  i  mali 
Mi  parean  pochi,  assai  diletto  presi 
Tagliarle  ambe  le  goti  e  in  modi  tali 
Io  l'aconciai  ch*  egli  huom  più  non  parea, 
Poco  martir  a  pèrsona  si  rea. 

42.  Et  quella  man  crudel,  che  fu  tanto  osa 
Versar  del  mio  marito  il  sangue  giusto, 
Arsi  col  fuoco  mentre  che  si  posa 

Col  licor  indigesto  quel  re  ingiusto  ; 
Et  Talira  che  non  fu  ver  lui  pietosa, 
Tagiiata  si  restô  senza  il  suo  fusto  ; 
Ne  lasciai  crudeltà  ch'  io  non  facessi 
Coatra  colui  pur  ch*  io  la  conoscessi. 

43.  Porlo  poi  feci  fuor  del  mio  palagio 
In  piana  terra  cosl  adormentato, 
Lasciandolo  possar  a  suo  bel  agio. 
Ma  digesto  il  licor  si  fu  svegliato 
Seconde  il  merto  il  perfido  malvagio 
Dalla  sua  crudeltade  acompagnato^ 
Et,  ritoruato  il  senso,  il  miser  sente 
L'aspra  sua  pena  et  il  dolor  cocente. 


GANTO  TERZO  58 

[F.31  r*]  44.    Per  esser  un  tal  re  si  maie  addatto. 
Quando  fa  giorno,  fu  da  molti  visto 
Quel  che  del  suo  mal  semé  ha  il  peggior  frutto  ; 
Non  era  conosciuto,  perché  pisto 
Ëra  dal  capo  al  piè  di  sangue  brutto 
Et  con  la  fronte  il  génital  suo  misto, 
Cosa  non  più  vedata  in  faccia  regia 
Ch*  inanzi  pure  era  tenuta  egregia. 

45.       Pur  la  mattina  a  tardo  i  servitori 

Suoi  di  lui  van  cercando  a  questo  e  a  quello 

Cbiedendo  in  la  città  dentro  et  di  fuori, 

Dei  quai  venendo  un  per  sorte  al  mio  hostello 

In  terra  il  vidde  che  di  sua  dolori 

Gridando  si  doleva  il  crudo  et  fello. 

Fu  conosciuto  alla  favella  sola, 

Ghe  tutto  il  resto  crudeltà  Tenvola. 

4Ô.       Cosi  ferito  riportar  si  fece 

In  suo  paese  meglio  ch'  egli  puote, 
Et  nelle  spitiarie  non  lasciô  pece 
Per  medicarsi  orechi,  naso  et  gote, 
Che  guarito,  al  mio  regno  fa  in  sua  veee 
Guerra  il  fratel,  che  sempre  mi  percuote 
Il  cor  e  il  regno  con  la  sua  ferezza 
Nimica  di  virtù  et  di  gentilezza. 

47.  Seffronio  è  detto  quel  ch'  ha  asediata 
La  mia  città  d'Albana  che  del  regno 
Capo  è,  et  la  région  si  mal  trattata 
Ch*  ogni  mio  cittadino  è  d'odio  pregno 
Contra  di  [me]  misera  et  sconsolata, 

Ch'  al  scampo  mio  non  ritruovo  ingegno. 
0  Sarmagon  pigliarmi  per  marito 
Convienmi  o  morte  in  ultimo  partito. 

48.  Si  che,  signor,  se  mai  pietà  te  avinse 
11  gentil  cor,  non  rifiutar  Timpresa 
Che  se  mai  lauro  o  quercia  temple  cinse 
Ad  alcun  che  vinta  habia  alta  contesa, 
Non  perô  a  te  la  gloria  ancora  estinse 
Di  questa,  benchè  me  ne  duole  et  pesa. 
Duolmiy  signor,  di  p6rte  a  impresa  taie 

Che  Thonor  sarà  il  tuo,  ma  mio  fia  il  maie.  » 


54  I  DODICI  GANTI 

[F.81  ▼*|49.      Mentre  la  donna  dice  tai  parole, 

Sospir  dal  petto  et  lagrime  dagli  ochi 
Yenava,  ma  perô  non  eran  sole, 
Ch'  altresi  piange  il  conte  et  par  che  fioeclii 
Dalle  sue  lad,  et  hora  più  non  vnole 
El  Cataio  veder  che  pria  non  tochi 
Albana,  et  cobI  a  qnella  donna  ginra 
Trarla  d*  ogni  timor,  d*  ogni  paora. 

50.  Ma  mi  ricordo  havervi  già  lasdato 
El  re  Marailio  che  del  magno  Carlo 
Vidde  el  forte  nipote  bene  armato 
Far  si  gran  pniova,  et  a  se  rivocarlo 
Ha  già  disposto,  et  sabito  chiamato 
Qael  dalla  Stella  manda  per  trovarlo 
Perch'  egli  lo  invitô  come  cortese 
Quando  ch*  Orlando  gianse  in  quel  paese, 

51 .  In  qael  paese  dove  fa  assalito 
Da  Berzavaglia  il  valoroso  conte 

Et  poi  dai  settecento,  et  che  Tinvito 
Del  solde  ricasô  con  lieta  fronte. 
Hora  Marsilio  il  degno  re,  pentito 
Di  non  haverlo,  pria  che  '1  sol  tramonte 
Vuol  che  Serpentin  vada  ad  operare 
Ch*  egli  si  degni  il  suo  solde  accettare. 

52.  Va  Serpentin  segaendo  il  cavalliero 
Quai,  poichè  Berzavaglia  era  faggito, 
Trovato  ha  vende  il  suo  primier  sentiero 
Se  n*era  andato  come  havete  odito, 

Nô  Serpentin  ritruova  quel  che  a  nero 
Se  tutto  et  il  destrier  havea  guemito  ; 
Ne  va  chiedendo  per  castelle  et  ville 
Ben  per  tre  dl  senza  chiuder  pupille. 

53.  Ha  seco  quattrocento  il  capitano 
Del  re  Marsilio  et  ovunque  egli  ariva 
Col  gran  drapello  ognun  mena  la  mano, 
Nô  truovasi  fra  lor  persona  schiva. 

Se  non  del  poco  un  cavallier  estrano 

Di  nuovo  giunge,  ond*  un  disse  :  «  Chi  viva  ?  » 

Egli  ripose  :  «  Viva  il  mio  signore 

Et  viva  seco  chi  gli  porta  amore.  » 


CANTO  TERZO  65 

[F.  32  r»]  54.    Serpentin  Tarrogante  délia  Stella 

Âl  cavallier  chi  sia  el  signor  s[u]o  chiede. 
Et  quel,  che  ben  si  truova  armato  e  in  sella, 
Rispuose  :  «  La  mia  lancia  farà  fede 
Quai  sia  di  chi  chiedi  hor.  »  Ne  più  favella. 
Se  non  ch'  alquanto  acortamente  riede 
A  dietro  tanto  che  del  campo  prese 
Quanto  pensô  bastare  a  tali  imprese. 

55.  Et  con  quella  prestezza  che  '1  baleno 
Da  se  il  scoppio  disserra  et  la  saetta, 
Quel  nuovo  cavallier  nô  più  nô  meno 
Altresi  face  :  coraggioso  in  fretta 
Torcendo  inverso  Serpentino  il  freno 

La  lancia  abbassa,  et  Taltro  non  aspetta 

L' improvisa  percossa,  perché  volta 

La  lancia  et  vàlle  contra  a  briglia  sciolta. 

56.  L'un  r  altro  iaveste,  et  Serpentino  a  terra 
Si  ritruovô  con  disuguale  inciampo 

Che  col  cavallo  cadde,  e  il  mastro  di  guerra  : 

«  Chi  lui  vuol  riscattar,  pigli  del  campo, 

Gridando  disse,  perché  se  non  erra 

Alcun  di  voi  a  procurar  suo  scampo, 

Ch*  intendo  meco  di  prigion  menarlo 

Et  legato  al  signor  mio  in  schiavo  darlo.  » 

Ferdinand  Castbts. 
{A  suivre,) 


LA  TRADUCTION  DU  NOUVEAU  TESTAMENT 

EN  ANCIEN  HAUT'ENGADINOIS 
Par  BIFRUN 


EVANGELIUM  JOHANNIS 
(Suite) 

CAP.  XIII. 

(1)  Et  auDS  co  la  festa  d'  pasthqua  sauiand  lesus  che  fus 
gnieu  la  sia  hura  da  passer  our  da  quaist  muond  tiers  Tg  bab, 
&  hauiand  amô  Ts  ses  chi  eran  îlg  muond,  schi  ho  el  amô 
aquels  infina  â  la  fin.  (2)  Et  siand  fatta  la  schaina  (&  che  l'g 
diauel  hauaiua  gio  mis  aint  îlg  cour  da  ludsB  da  Simonis  Isca- 
riota  chel  Tg  tradis,)  (3)  sauiand  lesus  che  Tgbab  hauaiua  dô 
â  si  tuottes  chiôses  aint  in  maun,  &  chel  fiis  gnieu  da  dieu, 
chel  iua  tiers  dieu,  (4)  schi  aluô  el  sii  de  la  schaina,  &  mettét 
giu  la  uesckimainta,  &  hauiand  prais  iin    sthquassel,   schi  s' 
schintô  el.  (5)  Alhura  dsieua  mattét  el  ouua  in  iin  baschilg,  & 
cumenzo  [359]  â  lauêr  Ts  pes  dais  discipuls,  &  da  terscher 
giu  cun  Tg  sthquassel  cun  quael  chel  era  schintô.  (6)  Et  uen 
tiers  Simonem  Petrum.  Et  Petrus  dis  agli  :  Signer,  Iseuas  tii  â 
mi  Ts  pes  ?  (7)  lesus  arespundét  &  dis  agli  :  Aqué  ch'eau  fatsth 
huossa  nu  saest  tii,  mu  aqui  dsieua  uainst  â  sauair.  (8)  Petrus 
dis  agli  :  Tii  nu  uainst  â  lauêr  mes  pes  in  aeterna.  lesus  ares- 
pundét agli  :  Sch'eau  nu  uing  â  lauêr  te,  schi  nun  hsest  cun 
me  part.  (9) Simon  Petrus  dis  agli:  Signer,  brichia  sulletta- 
mang  Tspes,  mu  er  Ts  mauns  et  Tg  chiô.  (10)  lesus  dis  agli  : 
Aquelchi  es  lauô,  nun  ho  bsiing,  oter  co  da  lauêr  Ts  pes,  dim. 
perse  eleszuondnet.  (11)  Et  uusisches  nets,  mu  brichia  tuots. 
Per  che  el  sauaiua  chi  era  aquel  chi  gniua  alg  tradir.   Par 
aqué  dis  el  :  uus  nun  isches  tuots  nets.  (12)  Et  dsieua  chel 
hauét  lauô  lur  pes  &  prais  sia  uesckimainta  &  darchiô  fiit  a- 
schantô  â  maisa,  schi  dis  el  ad  els  :  Sauais  che  eau  hse  fat  â 


l'évangile  selon  s.  JEAN  57 

uas  ?  (13)  Vus  clamses  me  maister  &  signer,  &  dschaîs  bain  : 
per  che  eau  sun  er.  (14)  Dime  sch'eau  Isef  uos  pes,  chi  sun  si* 
gner  &  maister,  scM  daias  er  uus  liûn  liôter  traunter  pêr 
lauêr  Ts  pes.  (15)  Per  che  eau  hse  dô  un  exschaimpel  â  uus, 
uschia  che  uus,  che  in  aqué  mœd  ch'eau  hse  fat  â  uus,  uschia 
che  uus  faschas  er  uus.  (16)  Par  Tg  uaira,  par  Tg  uaira  dich 
eau  â  uus,  che  Tg  famalg  nun  es  mêr  co  ses  patrun,  ne  Tg  im. 
baschadur  mêr  co  aquel  chi  Tg  ho  tramis.  (17)  Schi  uus  sauais 
[360]  aquaistas  chiôses,  biôs  gnis  ad  esser,  schi  uus  las  fa- 
schais.  (18)  Eau  nu  di  brichia  da  tu.ots  uus,  eau  ssb  quœls  ch' 
eau  haa  scharnieu.  Mu  per  che  uigna  cumplieu  la  scritiira: 
Aquel  chi  mangia  Tgpaun  cun  me,  aquel  ho  huzô  incunter  me 
sieu  chiaichian.  (19)  Huossa  dich  eau  â  uus  auns  co  che 
duainta,  par  che  cura  che  Tg  es  duantô,  uus  craias  ch'eau 
sala.  (20)  Par  Tg  uaira  par  Tg  uaira  dich  eau  â  uus  :  Aquel 
chi  arschaiua  quael  chi  saia  ch'eau  uing  â  trammetter,  arschaiua 
me.  Mu  aquel  chi  arschaiua  me,  arschaiua  aquel  chi  ho  tramis 
me.  (21)  Hauiand  dit  aqué  lesus  schi  s'  cunturblô  el  cun  Tg 
spiert,  &  prutestô  &  dis  :  Par  Tg  uaira  par  Vg  uaira  dich  ean 
â  UUS;  ch'  lin  d'uus  uain  âm  tradir.  (22)  L's  discipuls  dimê  s' 
guardêuan  liiin  liôter,  s*  dubitand  da  quel  chi  dschses.  (23)  Et 
era  lin  dais  discipuls  da  lesu,  apuzô  sii  sieu  arauuoilg^  cun 
num  aquel  ad  aquegli  lesus  uulaiuabain .  (24)  Et  Simon  Petrus 
schignô  ad  aquegli  chel  dumandâs  chi  fus  aquel,  da  quœl  chel 
dschaiua.  (25)  Et  in  aquella  guisa  siand  inclinô  aquel  su  Vg 
bruost  da  lesu,  dis  el  agli  :  Signer,  quael  es  é  ?  (26)  lesus  ares- 
pundét:  Elg  es  aquel^  ad  aqusBli  ch'eau  uing  â  sporscher  Vg 
paun,  intaunschieu  aint  Vg  paun,  schi  Vg  det  el  â  luda  da  Si- 
monis  IscariotsB.  (27)  Et  dsieua  Vg  baccun  es  ieu  aint  in  aquel 
satanas.  [361]  Et  lesus  dis  agli:  aqué  che  tii  fês,  fô  taunt  plii 
praist.  (28)  Et  aqué  nun  incligiaua  iingiiin  da  quels  chi  se- 
zaiuen  â  maisa,  â  che  un  el  haués  dit  aqué  agli.  (29)  Per 
che  alchiiins  pissêuan,  per  che  el,  ludas,  hauaiua  la  buor- 
sa,  che  lesus  haués  dit  agli  :  cumpra  aqué  che  nus  hauain 
bsiing  sii  la  festa  :  u  chel  dés  iinqualchiôsa  als  pouuers.  (30) 
Hauiand  dimê  el  arfschieuTg  baccun,  schi  giet  el  oura  adiin- 
trat.  (31)  Et  elg  era  not.  Et  siand  ieu  oura  dis  lesus  :  Huossa 
es  gluriûchiô  Vg  filg  delg  hum,  &  deus  es  gluriâchiô  très  el.  (32) 
Schi  deus  es  glurifichiô  très  el,  schi  uain  er  deus  â  gluriûchiér 


»_1, 


58  L  EVANGILE  SELON  S.  JEAN 

aquel  par  se  sues,  &  bain  bôd  uain  el  â  gloriâchiér  aquel.  (33) 
Figliets,  aunchia  fin  pô  uing  eau  ad  esser  cun  uus.  Vus  gnis 
âm  scherchiêr,  &  suainter  ch'eau  hç  dit  als  lûdeaus  :  innua 
ch'eau  uing,  uus  nu  pudais  gnir:  (34)  &  uschia  dich  eau  er  â 
uus  huossa.  Eau  dun  â  uus  iin  nuof  cumandamaint,  che  uus  *s 
daias  amer  liiin  liôter,  suainter  ch'eau  he  amô  uus,  uschia  er 
uus  s'  amas  liûn  liôter.  (35)  In  aqué  uignen  tuots  â  cugniou- 
scher,  che  uus  saias  mes  discipuls,  schi  uus  gnis  ad  hauair  chia- 
ritsed  traunter  pêr.  (36)  Simon  Petrus  dis  agli:  Signer,  in- 
nua usBst  tii?  lesus  arespundét  agli  :  innua  ch'eau  uing,  tii  nu 
pous  huossa  gnir  dsieua  me,  mu  dsieua  uainst  â  gnir.  (37) 
Petrus  dis  agli  :  Signer,  per  che  nu  puos  eau  ir  dsieua  te  ? 
Eau  uœlg  metter  mia  [362]  uitta  par  te.  (38)  lesus  arespundét 
agli  :  Tû  uainst  â  metter  la  tia  uitta  par  me  ?  Par  Tg  uaira 
par  Tg  uaira  dich  eau  â  ti,  che  Tg  gial  nu  uain  â  chiantêr, 
infina  che  tii  num  hsBS  trais  uuotes  schnaiô. 


CAP.  XIIII. 

(1)  Et  dis  â  ses  discipuls  :  Vos  cour  nu  s'  daia  conturblér. 
Vus  craiais  in  dieu^  craie  er  in  me.  (2)  In  la  chiêsa  da  mes 
bab  Sun  bgierras  maschuns.  Che  schi  fus  otergin,  schi  haués 
eau  dit  â  uus,  eau  uing  â  parderscher  â  uus  iin  lœ.  (3)  Mu 
sch'eau  m'in  uing  â  parderscher  â  uus  iin  lœ,  schi  tuorn  eau 
darchiô  â  prender  uus  tiers  me,  (4)  che  innua  ch'eau  uing,  uus 
sappias^  &  sappias  la  uia.  (5)  Thomas  dis  agli  :  Signer,  nus  nu 
sauain  innua  che  tii  uses,  &  co  pudains  sauair  la  uia?  (6)  lesus 
dis  agli  :  Eau  sun  la  uia,  &  la  uardaet,  &  la  uitta.  Vngiiin  nu 
uain  tiers  Tg  bab ,  upœia  che  saia  très  me.  (7)  Schi  uus 
hauesses  cunschieu  me,  schi  hauesses  schert  cunschieu  er 
mes  bab.  Et  huossa  cunschais  el,  &  hauais  uis  aquel.  (8)  Phi- 
lippus  dis  agli  :  Signer,  amuossa  â  nus  Tg  bab,  schi  hauains 
auuonda.  (9)  lesus  dis  agli  :  Taunt  tijmp  sun  eau  stô  eu  uus^ 
&  nun  m'hauais  cunschieu  ?  Philippe,  chi  uaia  me,  uaia  l'g 
bab.  Et  co  dist  tii,  amuossa  â  nus  l'g  bab?  (10)  Nu  [363] 
craias  tii  ch'eau  saia  îlg  bab,  &  Tg  bab  in  me?  La  uerua, 
quaela  ch'eau  fauel  cun  uus,  nu  fauel  eau  da  me  m'ues.  Mu 
Tg  bab  qu8Bl  chi  stô  in  me,  fô  el  las  heures.  (11)  Craie  â  mi 


l'évangile  selon  s.  JEAN  59 

ch*eaa  sun  îlg  bab  &  Tg  bab  es  in  me,  uschigliœ  très  Ts  prœ- 
pis  fats  oraîé  â  mi.  (12)  Par  i'g  uaira  par  Tg  uaira  dich  eau  â 
nus  :  aquel  chi  craia  in  me,  las  houres  ch'eau  fatsth,  chel 
uain  er  el  â  fér  &  plû  grandas  co  aquaistas  uain  el  â  fôr.  Par 
che  eaa  uing  tiers  Tg  bab.  (13)  Et  tuot  aqué  che  uns  gnis  ad 
^ggTdigièv  in  mieu  num,  aqué  uing  eau  â  fêr,  par  che  uigna 
gluriôcbiô  Tg  bab  très  Tg  ûlg.  (14)  Schi  uus  agragises  iinqual- 
ohiôsa  par  mieu  num,  sohi  uœlg  eau  fôr.  (15)  Schi  uus  amœs 
me,  schi  saluô  mes  cummandamains.  (16)  Et  eau  uœlg  aruér 
Tg  bab,  &  el  uain  â  dér  â  uus  chi  's  cuforta,  par  chel  stetta  eu 
uus  in  seterna,  (17)  Tg  spiert  de  la  uardset  :  qusel  chel'g  muond 
nu  pô  prender  :  per  che  el  nu  Tg  uaia  ne  Tg  cugniouscha.  Mu 
aus  eunschais  aquel,  per  che  el  stô  cun  uus,  &  uain  ad  esser 
in  uus.  (18)  Eau  nu  uœlg  laschôr  uus  orphans,  eau  uœlg  gnir 
tiers  uus.  (19)  Aunchia  iin  pô,  &  Tg  muond  nu  uain  am  uair 
plu  :  Mu  uus  gnis  am  uair.  Per  che  eau  uif,  &  er  uus  uiuais. 
(20)  In  aquel  di  gnis  â  cugniouscher,  ch'eau  sun  îlg  bab,  &  uus 
in  me,  &  eau  in  uus.  (21)  [364]  Aquel  chi  ho  mes  cumanda- 
mains,  &  salua  aquels,  aquel  es  aquel  chi  ama  me.  Et  aqué 
chi  amma  me,  uain  amô  da  mes  bab  :  &  eau  uœlg  amer  el,  & 
uœlg  me  m*uessa  appalantêr  agli.  (^22)  ludas  dis  agli,  brichia 
aquel  Iscariotes  :  Signer,  che  uuol  é  dir,  che  tii  uaînst  ad 
manifastér  te  d'uessa  â  nus,  &  brichia  agli  muond  ?  (23)  lesus 
arespundét  &  dis  ad  els  :  Sch'iinqualchiiin  amma  me,  schi  uain 
el  â  saluœr  mieu  plêd,  &  mes  bab  uain  alg  amer,  &  nus  gnin 
ad  ir  tiers  el,  &  gnir  â  fêr  tiers  el  nossa  habitaunza.  (24)  Aquel 
chi  nun  amma  me,  nu  salua  mes  plô  is  :  &  Tg  plêd  qusel  che 
uus  udis,  nun  es  mes,  dimperse  el  es  dalg  bab,  quael  chi  ho 
tramis  me.  (25)  Aqué  hsB  ea[u]  faflô  cun  uus,  siand  tiers  uus. 
(26)Mu  aquel  chi  cuforta,  quael  chi  es  Tg  spiertsanc,  quael  spiert, 
chi  uain  â  trametter  Tg  bab  in  mieu  num,  aquel  uain  ad  amus- 
sôr  â  uus  tuottes  chiôse^,  &  â  fêr  adimaint  â  uus  tuot  aqué  che 
eau  hsB  dit  â  uus.  (27)  Eau  lasth  â  uus  la  psesth,  la  mia  psBSth 
dun  eau  â  uus,  brichia  da  co  che  Tg  muond  dô  dun  eau  â  uus. 
Vos  cour  nu  s'  daia  conturblêr,  né  tmair.  (28)  Vus  hauais 
udiea  che  eau  hse  dit  â  uus,  eau  mMn  uing,  &  tuorn  tiers  uus. 
Schi  uus  amassas  me,  schi  's  allagrasses  schert,  ch'eau  had 
dit  :  eau  uing  tiers  Tg  bab,  per  che  Tg  es  mér  co  nu  saia  eau. 
(29)  Mu  huossa  hœ  eau  dit  â  uus,  auns  co  che  duainta,  che 


60  l'ÉTANGILE  SEU)N  8.  JEAN 

cara  d*elg  es  diian-  [d66]'t5,  ans  eraûu.  (30)  Dsieoa  aquaist 
na  aœlg  brichia  bgier  faflér  can  ans.  Per  che  ïg  panura  da 
qaatst  maond  nain,  &  in  me  non  hô  el  ûnguotta.  (31)  Dimperse 
par  che  Vg  mnond  cagniouscha  ch'eaa  am  Tg  bab  Et  suain- 
ter  che  Vg  bab  ho  dô  â  mi  camandamaint,  aschia  fatsth  eau. 
Stèd  sa  &  giaiu  daaend  da  qoL 


CAP-  XV. 

(1)  Eaa  San  ana  aaira  nid.  &  mes  bab  es  Vg  abiagiédar. 
(2)  Et  inmnnchia  aram,  qael  chi  nu  fô  frût  in  me,  praîn  ei 
nia,  &  inmûnchia  qnel  chi  nu  porta  frut,  natagial\  par  chel 
puorta  plu  bgier  friit.  (3)  Vus  isches  gionets  parmur  da  mieu 
plêd,  qusel  ch*ean  hae  faflô  â  uns.  (4)  Arumagné  in  me,  &  eau 
in  uns.  Daco  che  Vg  aram  nu  po  fér  friit  da  sesues,  upœia 
chel  arumagna  in  la  nid,  nschia  ner  uus,  upœia  che  uns 
arumagnas  in  me.  (5)  Eau  sun  la  nid,  &  uus  isches  Ts  arams. 
Aquel  chi  stô  in  me,  &  eau  in  el,  aquel  puorta  bgier  frût, 
che  sainza  me  nu  pudais  fér  iinguotta.  (6)  Sch'  ùnqualchiiin 
nu  arumagna  in  me,  schi  el  bittô  oura  sco  Vg  aram,  &  es 
sckiô  uia,  &  araspen  aquels  &  Ts  chiatschen  in  fœ,  e  arden. 
(7)  Schi  uus  arumagniais  in  me ,  &  la  mia  uerna  arumagnian 
in  uus,  tuot  aqué  che  uus  uuiais  schi  dumandô,  schi  nain 
é  â  duantér  â  uus.  (8)  In  aquaist  es  gluriôchiô  mes  bab, 
par  che  uus  pu  or- [366] -tas  bgier  friit,  &  duaintas  mes  dis- 
cipulus.  (9)  Da  co  che  mes  bab  ho  amô  me,  uschia  er  eau  hsB 
amô  uus.  Arumagné  in  la  mia  bainuuglijuscha.  flO)  Schi 
uus  gnis  â  saluer  mes  cummandamains,  schi  gnis  ad  arumà- 
gniar  in  la  mia  bainuuglijuscha,  suainter  sco  er  eau  hœ  saluô 
l's  cummandamains  da  mes  bab,  &  arumang  in  sia  bainu- 
uglijuscha. (11)  Aquaist  hae  eau  dit  â  uus,  par  che  mia  al- 
grezchia  arumagna  in  uus ,  &  uossa  algrezechia  uigna 
cumplida.  (12)  Aquaist  es  mes  cummandamaint  che  uus 
*8  daias  amer  liûnliôter  traunter  pêr  ,  suainter  sco  eau 
hœ  amô  uus.  (13)  Vngiiin  nun  ho  plii  grand'amur  co 
aquaista^  ch'tin  metta  sia  uitta  par  ses  amichs.  (14)  Vus 
isches  mes  amichs,  schi  uus  faschais  tuot  aqué  ch*eau  cumand 
ft  uus.  (15)  Aqui  dsieua  nu  uœlg  eau  dir  uus  famalgs,  par  Vg 


l'évangile  selon  s.  JEAN  61 

famelg  nu  sô  aqaé  chi  fo  sieu  patruo.  Mu  eau  h»  dit  uus 
amiohs,  per  ohe  tuot  aqué  ch'eau  h»  udieu  delg  bab,  hm  eau 
fatsauair  â  uus.  (16)  Vus  nun  hauais  brichia  scharnieu  me, 
mu  eau  hsB  scharmieu  (sic)  uus,  &  hurdenô  uus,  par  che  uus 
giaias  &  puortas  frût,  &  uos  frût  arumagna  :  &  tuot  aqué  che 
uns  dumandœs  agli  bab  in  mieu  num,  chel  detta  â  uus. 
(17)  Aquaist  cumand  eau  â  uus,  che  uus  's  uœglias  bain 
Hûnliôter.  (18)  Schi  Tg  muond  uuol  mœl  â  uus,  schi  sauais 
uus,  chel  ho  uulieu  mêl  auaunt  â  mi  co  â  uus.  (19)  Schi  uus 
fîis-[367]-ses  stôs  delg  muond,  schi  amas  Tg  muond  aqué  chi 
es  sieu.  Mu  perche  uus  nun  isches  delg  muond,  dimperse 
eau  hœ  scharnieu  uus  our  dalg  muond,  par  que  uuol  â  uus 
Ig  muond  mêl.  (20)  S'algurdô  delg  plêd,  qusel  ch'eau  hœ  dit 
â  uus  :  Tg  famalg  nun  es  plu  grand  co  sieu  patrun.  Schi  Tg 
haun  persequittô  me,  schi  uignen  é  er  â  persequittér  uus. 
Schi  Tg  haun  saluô  mieu  plêd,  schi  uignen  é  â  saluer  er  Tg 
uos.  (21)  Mu  aqué  faun  é  tuot  â  uus,  parmur  da  mieu  num  : 
per  che  é  nun  haun  cunschieu  aquel  chi  ho  tramis  me.  (22) 
Sch'eau  fiis  gnieu,  &  num  haués  hagieu  dit  ad  els,  schi  nun 
hauessen  els  pchiô.  Mu  huossa  nun  haun  els  da  pudair 
sckiiisêr  lur  pchiô.  (23)  Aquel  chi  uuol  mal  â  mi,  uuol  mêl  â 
mes  bab.  (24)  Sch'  eau  nun  haués  fat  houres  traunter  els, 
quelas  ch'iingiûn  ôter  nun  ho  fat,  schi  nun  hauessen  els 
pchiô.  Mu  huossa  haun  els  uis,  &  haun  uulieu  mêl,  brichia 
sullamaing  â  mi,  muer  â  mes  bab.  (25).  Mu  aqué  es  dchiappô, 
par  che  uigna  curaplien  Tg  plêd  qusel  chi  stô  scrit  in  lalescha: 
Elg  haun  uulieu  â  mi  mêl  sainza  chiaschun.  (26)  Mu  cura  cirâ 
(sic)  uain  â  gnir  aqusel  chi  cuforta,  quael  ch'eau  uœlg  tram- 
meter  â  uus  dalg  bab,  Tg  spiert  délia  uardœd,  qusel  chi  uain 
dalg  bab,  aquel  uain  â  dêr  testimuniaunza  da  me.  (27)  Et 
taunt  plii  er  uus  isches  pardiittas,  per  che  uus  isches  stôs  da 
priim  innô  eu  me. 

CAP.  XVI. 

[368]  (1)  Aquaist  he  eau  dit  â  uus,  par  che  uus  nu  's  ufen- 

9 

das.  (2)  E  uignen  â  's  bandagier  uus  délias  sjnagogas.  Mu  é 
uain  â  gnir  Tg  tijmp,  che  scodùn  quel  chi  uain  ad  amazêr 
uus,  paissa  ad  hauair  fat  iin  seruezen  â  dieu.  (3)  Et  aqué  ui- 


62  L*ÉYANGILE  SELON  S.  JEAN 

gnen  e)s  â  fér  â  uas,  per  che  els  nu  cagnioaschen  mes  bab, 
né  er  me.  (4)  Ma  eaa  hae  dit  aquaist  â  uns  par  che,  cura  uaîn 
aqué  tijmp,  che  nus  's  algordas  da  quellas  chiôses,  da  quselas 
ch^ean  hse  dit  â  uns.  Mn  aquaist  nnn  hç  eau  dit  â  uns  da  prum 
inno,  per  che  eau  era  cun  uus.  (5)  Mu  huossa  uing  eau  tiers 
aquel  chi  ho  tramis  me,  &  ûogiûn  d^uus  na  demanda  me,  in- 
nua  ch'eau  uing.  (6)  Mu  par  che  eau  hœ  dit  aquaistas  chiôses 
â  uus^  schi  es  gnieu  uos  cour  plain  d'  dœli.  (7)  Mu  eau  dich  â 
nus  la  uardœt,  ch'elg  es  uos  cour  ûttel  ch*eau  giaia.  Per  che, 
sch'eau  nu  mMnuing,  schi  nu  uain  â  gnir  aquel  chi  cuforta 
tiers  uus.  Mu  sch*eau  uing  amminir,  schi  uing  eau  â  tram- 
metter  aquel  tiers  uus.  (8)  Et  cura  che  quel  uain,  schi  uain  el 
ad  arprender  Tg  muond  de  l'g  pchiô,  &  de  la  giûstia,  &  dalg 
giiidici.  (9)  Delg  pchiô  per  che  nu  craien  in  me.  (10)  De  la 
giûstia,  par  che  ch^eau  uing  tiers  Tg  bab,  &  aqui  dsieua  nu 
uezais  me.  (11)  Mu  dalg  giûdici,  par  che  Vg  parzura  da  quaist 
muond  es  gio  giûdichiô.  (12)  Tiers  aquaistas  chiôses  hœ  eau 
[369]  aunchia  bgierras  chiôses  da  dir  â  uus,  mu  uus  nu  las 
pudais  huossa  purtêr.  (13)  Mu  cura  che  uain  aquel,  qu»l  chi 
es  Vg  spiert  de  la  uardset,  schi  uain  el  &  *s  mnêr  in  tuotta 
u/irdaet.  Par  che  el  nu  uaîn  â  faflêr  da  se   sues,  dimpeise 
tuot  aqué  chel  ho  udieu,  uain  el  â  faflêr,  &  aqué  chi  uain  â 
gnir  uain  el  â  dir  uus.  (14)  Aquel  uain  am  'gluriûchiér,  per 
che  el  uain  ad  arschaiuer  dalg  mieu,  &  uain  â  dir  â  uus. 
(15)  Tuottes  quantas  aquellas  chiôses  che  Vg  bab  ho,  sunmias. 
Par  aqué  he  eau  dit  â  uus,  chel  uain  ad  arschaiuer  dal  mieu, 
et  uain  â  dir  â  uus.  (16)  Vn  pô  &  nu  uezais  me,  &  darchiô  tin 
pô  &  gnis  â  uair  me,  perche  eau  uing  tiers  Vg  bab.  (17)  Et 
qualchiiins  dais  discipuls  dissen  trauuterse  :  Che  es  aqué,  che 
el  disth  â  nus  :  tin  pâ  &  nu  uezais  me,  &  darchiô  iin  pô  &  gnis 
â  uair  me,  per  che  eau  uing  tiers  Vg  bab.  (18)  Et  dschaiuen  : 
Che  es  aqué,  chel  disth  iin  pô?  Nus  nu  sauain  che  el  disth. 
(19)  Mu  lesus  sauét  che  Vg  uulaiuen  dumandêr  &  dis  ad  els  : 
Vus  interuegnits  traunter  pêr,  ch'eau  hae  dit  :  un  pô  &  nu 
uezais  me,  &  darchiô  iin  pô  &  gnis  â  uair  me.  (20)  Par  Vg 
uaira,  par  Vg  uaira  dich  eau  â  uus,  che  uus  gnis  â  cridêr  &  â 
plaunscher,  &  Vg  muond  scunter  uain  â  s*  allegrêr.  Mu  uus 
gnis  ad  esser  gramezchius  :  Mu  Vg  uos  dœli  uain  â  s'  mûdêr 
in  algre[z]chia.  (21)  La  duonna   cura   chella  parturescha, 


l'évangile  selon  s.  JEAN  «3 

schi  ho  ella  dulur,  per  che  [370]  elg  es  gnieu  la  sia  hura. 
Mq  cura  chella  hô  acchîattô  un  mattel,  schi  nu  s'  algoard*ella 
gio  plu  da  ringuoscha,  très  aqué  chella  s^allêgra  che  saîa  na- 
schieu  un  hum  îlg  muond.  (22)  Et  uus  dimê  huossa  hauais 
dœli  :  mu  darchiô  uing  eau  â  uair  uus  :  &  uos  cour  uain  â 
s'allegrér  :  &  uossa  algrezchia  nu  pô  ûngiûn  prender  da  uus. 

(23)  Et  in  aquel  di  nu  gnis  â  dumandér  me  ûnqualchiôsa.  Par 
Vg  uaira,  par  Tg  uaira  dich  eau  â  uus,  tuot  aqué  che  uus  gnis 
ad  agragiêr  dalg  hab  in  mieu  num,  chel  uain  â  dêr  â  uus. 

(24)  Inâna  ad  inhuossa  nu  hauais  agragiô  ûnqualchiôsa  in 
mieu  num.  Agragiô  schi  gnis  ad  arschaiuer  :  per  che  uossa 
algrezchia  saîa  cumplida.  (25)  Aquaistas  chiôses  hae  eau  dit  â 
uus  très  pruuerbis,  e  uain  â  gnir  i'g  tijmp  che  aihura  nu  uing 
eau  â  faâêr  eu  uus  très  pruuerbis,  dimperse  auertamang  uing 
eau  â  dir  â  uus  da  mes  bab.  (26)  In  aquel  di  gnis  ad  aggra- 
giêr  in  mieu  num.  Et  eau  nu  dich  â  uus,  ch'eau  uigna  ad 
aruêr  ïg  bab  par  uus.  (27)  Par  che  chel  bab  ama  uus,  par 
che  che  uus  hauais  amô  me,  &  hauais  craieu  ch'eau  saia  gnieu 
da  dieu.  (28)  Eau  sun  gnieu  îlg  muond,  darchiô  lasth  eau  Vg 
muond,  &  uing  tiers  Y  g  bab.  (29)  Ses  dîscipuls  dian  agli  :  Vhé 
huossa  fauellas  tii  auertamang,  né  dist  iingiiin  pruuerbi. 
^30)  Huossa  sauain  nus,  che  tii  ssest  tuottes  chiôses,  né  es 
bsiing  â  ti,  ch'iinqualchiiin  dumanda  te.  Par  aqué  craian  nus, 
che  tii  saias  gnieu  our  [371]  da  dieu.  (31)  lesus  arespundét  : 
Huossa  craias  uus.  (32)  Vhé  l'g  tijmp  s'aprosma,  &  gio  el  es 
gnieu,  che  uus  *s  arêsas  scodiin  îlg  sieu  :  &  abandunses  me 
sulléty  &  imperscho  nu  sun  eau  sullét,  per  che  Vg  bab  es  cun 
me.  (33)  Aquaistas  chiôses  hae  eau  dit  à  uus,  par  che  uus  hê- 
gias  la  psesth  in  me.  Vus  gnis  îlg  muond  ad  hauair  astijnt, 
mu  saias  da  buna  uœglia,  eau  had  uit  Vg  muond. 

CAP.  XVII 

(1)  Aquaistes  chiôses  ho  faflô  lesus,  4  hauiand  el  huzô  ses 
œilgs  in  schil  dis:  Bab,  Thura  es  gnida,  glurifichia  tes  âlg, 
par  ch'er  tes  âlg  uigna  â  glurifichiser  te.  (2)  Suainter  sco  tu 
haes  dô  agli  pusaunza  dascodiina  chiarn,  che  tauns  sco  tii  hses 
dô  agli,  chel  detta  ad  els  la  uitta  aaterna.  (3)  Et  aquaista  es 
la  uitta  aeterna  che  cugniuoschan  te  sul  uair  dieu,  &  aquel  che 


64  l'Évangile  selon  s.  jean 

tu  hses  tramis  lesum  Christum.  (4)  Eau  fhsB  gluriôchiô  sur  la 
terra,  eau  he  cumplieu  la  lauur,  quela  che  tu  hes  dô  â  mi 
ch'eau  fatscha.  (5)  Et  huossa  tu  bab  gluriôchia  me  tiers  te 
d'ues  cun  aquella  glœrgia,  quœla  ch'eau  hse  hagieu  auns  co 
aquaist  muond  fus  tiers  te.  (6)  Eau  hse  manifesto  tieu  num  â 
la  lieud,  quçla  che  tii  hps  dô  â  mi  delg  muond.  Els  eran  tes 
&  tii  hfs  dô  â  mi  aquels,  &haun  saluô  tieu  plêd.  (7)  Huossa 
haun  els  cunsthieu  (éd.  cûsthien)  che  tuot  aqué  che  tii  hçs  dô  â 
mi,  saia  da  te.  (8)  Per  che  la  uerua  quœla  che  tii  hes  dô  â  mi, 
hsB  eau  dô  ad  els  :  &  els  Thaun  arfschida,  &  haun  uairamang 
cunschieu,  ch'eau  sun  gnieu  our  da  te  :  &  haun  craieu  che  tii 
hêgiast  tramis  me.  (9)  Eau  arou  par  els.  [372J  Ea[u]  nun  arou 
par  Tg  muond,  dimperse  par  aquels  quaels  che  tii  hses  dô  â 
mi,  per  che  els  sun  tes.  (10)  Et  tuot  Tg  mieu  es  tieu,  &  Tg  tieu 
es  mieu:  &  eau  sun  gluriôchiô  in  els.  (11)  Et  huossa  nu  sun 
eau  îlg  muond,  &  aquaists  sun  îlg  muond  &  eau  uing  tiers  te. 
Bab  senc,  salua  aquels  très  tieu  num,  quels  che  tii  hsBS  dô  â 
mi,  che  saien  iin  sco  er  nus.  (12)  Cura  ch'eau  era  cun  els  îlg 
muond,  schi  saluêua  eau  aquels  in  tieu  num.  Aquels  che  tii 
hdBS  dô  â  mi,  hse  eau  parchiiirô,  &  iingiûn  da  quels  nun  es 
pers,  ôter  co  aquel  filg  pers,  par  che  la  scritiira  gnis  cum- 
plida.  (13)Et  huossa  uing  eau  tiers  te,  &  aquaist  faueleau  îlg 
muond,  par  chels  haegian  iina  algrezchia  cumplida  in  els 
suessa.  (14)  Eau  hse  dô  ad  els  aint  in  maun  tieu  plêd,  &  ïg 
muond  ho  uulieu  mêl  ad  aquels  ;  per  che  chels  nu  sun  delg 
muond  sco  er  eau  nu  sun  delg  muond.  (15)  Eau  nun  arou  che 
tii  prendas  aquels  our  delg  muond,  dimperse  che  tii  saluas 
aquels  da  mêl.  (16)  Els  nu  sun  delg  muond,  sco  er  eau  nu 
sun  delg  muond.  (17)  Santiûchia  aquels  très  la  tia  uardaet. 
(18)  Suainter  sco  tii  hsest  tramis  me  îlg  muond,  uschia  er  eau 
hse  tramis  aquels  îlg  muond,  (19)  &  par  aquels  uœlg  santifi- 
chiêr  me  mues,  par  che  er  els  saien  santifichiôstrêslauardp.t. 
(20)  Eau  nun  arou  brichia  sullettamang  par  aquels,  mu  er  par 
aquels,  quaels chiuignen  â  crair  très  lur  plêd  [373]  in  me  :  (21) 
che  tuots saien  iin  (éd.  un) sco  er  tii,  bab,  in  me,  &  eau  in  te,& 
elsin  nus  saien  iin,  par  che  Tg muond  craia,  che  tii  hêgias  tramis 
me  :  (22)  Et  la  glœrgia  qusela  che  tii  haes  dô  â  mi,  hse  eau  dô 
ad  els:  par  che  saien  iin  sco  er  nus  ischen  un.  (23)  Eau  in  els, 
&  tii  in  me,  par  che  saien  cumplieus  in  iin,  &  par  che  Tg 


L*ÉVANGILE  SELON  S.  JEAN  65 

mnond  cagnionscha  (éd.  cugnaoischa),  che  tu  hads  tramis  me, 
&hêgiasthagieu  chiérs  aquels,  scotûhaes  er  me  hagieu  chiêr. 
(24)  Bab,  aqaels  che  tu  hSBS  dô  âmi:  uœlg  eauinnua  che  sun 
eau,  che  saien  er  els  cun  me,  par  che  uezan  la  mia  glœrgia, 
qasela  che  tu  hsBS  dô  â  mi,  per  che  che  tu  hsBS  amô  me  auns 
CD  che  Tg  muondsaia  stô  skiaffieu.  (25)  Bab  giûst,  Vg  muond 
nun  ho  cunschieu  te,  mu  eau  hse  cunschieu  te,  &  aquaîsts 
haun  cunschieu  che  tii  hœs  tramis  me.  (26)  Et  hae  manifesté 
aqaels  tieu  num:  à  uœlg  manifester  par  che  la  tia  amur,  cun 
aqaœla  che  tii  hses  amô  me,  sala  in  els^  &  eau  in  els. 

ANNOTATIUNS 

[Santtfichia]  fo  sœnc.  santifichiôs]  fats  sœncs. 

CAP.  XVIII. 

(1)  Hauiand  lesus  dit  aquaistas  chiôses,  schi  es  el  ieu  oura 
cun  ses  discipuls  ui  sur  Tg  âiim  Cedron  :  innua  chi  era  iih 
hœrt,  in  aquel  el  &  ses  discipuls  es  ieu  aint.  (2)  Et  ludas 
quœl  chi  Tg  tradiua,  sauaiuia  er  Tg  lœ,  per  che  lesus  gniua 
allô  suenz  cuu  ses  discipuls  insemmel.  (3)  Et  ludas  cura  chel 
hauét  prais  [374]  la  cuort,  &  dais  grands  sacerdots,  &  dais 
phariseers  Ts  seruiains  cun  el,  schi  uen  el  allô  cun  glinternas 
&  fasthellas  &  cun  armas,  (4)  lesus  uschia  dimê  sauiand  tuot» 
tas  chiôses  quaelas  chi  gniuan  ad  esser  sur  se,  passô  inauaunt 
&  dis  ad  aquels:  Chi  scherchises  uus?  (5)  Els  arespundetten 
agli  :  lesum  Nazarenum.  lesus  dis  ad  els  :  Eau  sun.  Mu  er 
liidas,  quaal  chi  Tg  tradiua,  stêua  cun  els.  (6)  Et  sco  el  hauét 
dit  ad  aquels,  eau  sun,  schi  gietten  é  inauous  &  crudaun  in 
terra.  (7)  Et  darchiô  dumandô  el  aquels  :  Chi  scherchiaes  uus? 
Et  els  dissen:  lesum  Nazarenum.  (8)  lesus  arespundét:  Eau 
hae  dit  â  uus^  che  sun  eau.  Schi  uus  dimê  scherchises  me,  schi 
laschô  tirer  uia  aquaists.  (9)  Par  che  gnis  cumplieu  aqué  pléd 
chel  hauaiua  dit  :  Da  quels,  qusBls  che  tii  hest  dô  â  mi,  nun 
hse  eau  pers  ûngiiin.  (10)  Et  Simon  Petrus  hauiand  ùnaspêda, 
tras  aquella  &  plaiô  Tg  famalg  dalg  grand  sacerdot,  &  schun- 
chiô  glu  agli  la  sia  uraglia  dretta.  Et  era  Tg  num  delg  famalg 
Malchus.  (11)  Et  lesus  dis  â  Petro  :  Metta  aint  tia  spsBda  in  la 


66  L^ÉVANGILE  SELON  S.  JEAN 

taia.  Nu  daia  eau  baiuer  Tg  bachiêr  quael  chi  hà  dô  â  mi  Vg 
bab  ?  (12)  La  cumpagnia  dimê,  &  Vg  chiapitauni,  &  Vs  serui- 
ains  dais  lûdeaus  appigliaun  lesum  &  Vg  liauu,  (13)  &  Vg 
mnaun  Tg  prûm  tiers  Annam  :  per  che  el  era  sœr  da  Caiphae, 
quael  chi  era  grand  sacerdot  da  que  ao,  (14)  &  Caïphas  era 
aquel  qusel  chi  hauaiua  dô  cusselg  als  liideaus,  che  fus  bœn 
ch'iin  hum  sul  mûris  par  [375]  tuottelg  pœuel.  (15)  Et  dsieua  le- 
sum giaia  Simon  PetruSj&iinôterdiscipul.  Et  aquel  discipul  era 
cunsc[h]ieu  agli  grand  sacerdot,  &  antrô  aint  cun  lesu  in  la 
cuort  dalg  grand  sacerdot.  (16)  Et  Petrus  stéuaourda  doura 
tiers  Vg  hûsth.  Et  giét  oura  aquel  ôter  discipul,  quel  chi  era 
cunschieu  agli  grand  sacerdot,  &  dis  â  la  purtnijra,  &  mnét 
aint  Petrum.  (17)  Et  la  fanschella  purtnijra  dis  ad  Petrum: 
Nun  ist  er  tii  forza  lin  daels  discipuls  da  quaisthum  ?  Et  el  dis: 
Eau  nu  sun.  (18)  Et  Ps  seruiains  &  famalgs  stêuan  allô,  qusels 
chi  hauaiuen mis brasthchias  insemmel,  perche  elg  era  fraid, 
&  s'asckiudêuan.  Et  era  er  Petrus  qusel  chi  stêua  &  s'asckiu- 
dêua  cun  els.  (19)  Et  Vg  grand  sacerdot  dumandô  lesum,  da 
ses  discipuls,  &  da  sia  duttrina.  (20)  lesus  arespundét  agli  : 
Eau  hse  faflô  auertamang  agli  muond,  eau  hae  saimper  amussô 
in  la  synagoga  &  îig  taimpel,  innua  tuots  liideaus  uignen  in- 
semmel,  &.  ad  ascus  nun  hsB  faflô  ûnguotta.  (21)  Che  dumandast 
me?  Dumanda  aquels  chi  haun  udieu  aqué  ch'eau  [hae]  faâô 
cun  els  :  Vhé  aquaists  saun  aqué  ch'eau  hae  dit.  (22)  Et  hauiand 
dit  aqué,  iin  dais  seruiains  chi  stêua  allô,  dét  lina  masclôda  â 
lesu  dschant  :  In  aquella  guisa  arespuondest  tii  agli  grand 
sacerdot?  (23)  lesus  arespundét  agli  :  Sch'eau  hae  dit  mêl^  schi 
dô  pardiitta  da  mêl,  mu  sch'eau  hae  dit  bain,  par  che  m'  bat- 
tast  tii?  (24)  Et  Annas  Vg  tramtét  liô  â  Gaipham  grand  sacer- 
dot. (25)  Mu  Simon  Petrus  stêua  &  s'asckiudéua.  Et  dissen 
agli  :  Nun  ist  forza  er  tii  iin  dais  ses  discipuls?  [376]  El 
sthnaiô^  &  dis  :  Eau  nu  sun.  (26)  Et  iin  dais  famalgs  dalg  grand 
sacerdot,  paraint  da  quel,  che  Petrus  hauaiua  agli  tagliô  glu 
Turaglia,  dis  agli  :  Nun  hse  eau  forza  uis  te  cun  el  îlg  hœrt  ? 

(27)  Et  Petrus  sthnaiô  darchiô,  &  impestiaunt  Vg  gial  chiantô. 

(28)  Et  mnetten  lesum  da  Caipha  îlg  palaz  de  la  raschun  :  & 
era  sii  la  damaun,  &  els  nu  gietten  aint  îlg  palaz  de  la  ra- 
schun, par  che  nu  s'  maculassen,  mu  che  pudessen  mangiêr  la 
pasthqua.  (29)  Et  Pilatus  dimê  giét  our  da  doura  tiers  els  & 


»_• 


L  EVANGILE  SELON  S.  JEAN  67 

dis  :  Che  chiûsa  mnés  uus  incunter  aquaist  hum  ?  (30)  Els 
arespundetten  &  dissen  agli  :  Schi  aquaist  nu  fus  culpaunt, 
schi  nun  Tg  hauessens  mia  dô  â  ti  in  mauD.  (31)  Et  Pilatus  dis 
ad  els  :  L*g  prandé  uus,  &  Tg  giûdichiô  suainter  la  uossa  le- 
scha.Et  Ts  lûdeaus  dissen  agli  :  â  uus  nun  é  licit  d^amazâr  iin- 
giiin.  (32)  Par  che  Tg  plêd  da  lesu  gnis  cumplieu,  qusel  chel 
dis^  dant  ad  inclijr,  cun  che  mort  el  gniua  â  mûrir.  [SS)  Et 
Pilatus  giét  darchiô  îlg  palaz  de  la  raschun,  &  clamô  lesum, 
à  dis  agli:  Ist  tii  araig  dais  ludeaus  ?  (34)  lesus  arespundét: 
dist  aqué  da  te  dues,  u  haun  dit  aqué  â  ti  ôters  da  me  ?  (35) 
Pilatus  arespundét  :  Sun  eau  forzaûn  lûdeau?  La  tialieud  &  Ts 
grands  sacerdots  t'  haun  dô  te  â  mi  aint  in  maun.  Che  haest 
fat?  (36)  lesus  arespundét:  Mieu  ariginam  nun  es  d'aquaist 
muond.  Schi  Tg  mieu  ariginam  fiis  da  quaist  muond,  mes  se- 
ruians  schert  cumbattessen,  ch'eau  nu  gnis  dô  in  maun  dais 
[377]  lûdeaus.  Mu  h  uossa  Tg  mieu  ariginam  nun  es  da  qui. 

(37)  Et  dimê  schi  dis  Pilatus  agli  :  Schi  ist  tu  dimô  araig?  lesus 
arespondét  :  Tii  disth  ch'eau  sun  araig.  Eau  sun  naschieu  in 
aqué,  &  par  aqué  gnieu  îlg  muond,  ch'eau  porta  pardiitta  alla 
uardsBt.  Scodiin  qusel  chi  es  da  la  uardêt,  ôda  la  mia  uusth. 

(38)  Pilatus  dis  :  che  chiôsa  es  la  uardaet  ?  Et  cura  chel  hauét 
dit  aqué  schi  giét  el  darchiô  oura  tiers  Ts  ludeaus  &  dis  ad  els: 
Eau  nun  acchiat  iingiina  chiaschun  in  el.  (39)  Et  elg  es  la 
uaossa  ûsaunza  ch*eau  lascha  â  uus  ir  iin  sii  la  pasthqua. 
Valais  dimê  ch*eau  lascha  ir  â  uus  aquel  araig  dels  liideaus  ? 
(40)  Alhura  clamauntuots  danœf:  Brichia  aquaist,  dimperse 
Barrabam.  Et  Barrabam  era  iin  saschin. 


CAP.  XIX . 

(1)  Alhura  dimé  Pilatus  prandét  lesum,  &  Tg  agiasthlô, 
(2)  &  Fs  sudôs  hauiand  sturtigliô  aint  ûna  curuna  d'spinas 
schi  la  metetten  é  sii  sieu  chiô.  Et  Tg  metetten  dintuorn  iina 
arassa  d'purpur,  (3)  &  dschaiuen  :  Ave  araig  dais  liideaus.  Et 
dêuan  agli  masclêdas.  (4)  Et  Pilatus  giét  darchiô  oura,  & 
dis  ad  els:  Vhe  eau  's  uœlg  mnêr  oura,  par  che  uus  cugniou- 
schas  ch'eau  nu  acchiat  iingiûna  chiaschun  in  el.  (5)  Et  lesus 
giét  oura,  purtand  iina  curuna  d'spinas,  &  iin  mantilg  d'pur  - 


68  l'Évangile  selon  s.  jean 

pur,  &  dis  ad  aquels  :  Yhé  Vg  hum.  (6)  Et  Tg  hauiand  uis  Ts 
grands  sacerdots  &  Ts  [378]  scriuauns  schi  clamâuan  é 
dschant  :  Cracifîgia  cruciâgia.  Pilatus  dis  ad  els  :  L*g  prandé 
uus  &  Tg  cruciôgiô  :  per  che  eau  nun  acchiat  ûngiiina  chia- 
schun  ia  el.  (7)  L's  liideaus  arespondetten  agli  :  Nus 
hauain  ûna  lescha,  &  suainter  nossa  lescha  data  el  mûrir  per 
che  el  s'ho  fat  filg  da  dieu.  (8)  Et  hauiand  udieu  Pilatus  aqué 
plêd  schi  ho  el  tmieu  plii  fick.  (9)  Et  es  darchiô  ieu  aint  ilg 
palaz  de  la  radschun,  &  dis  ad  lesum  :  Innuonder  ist  tu  ?  Mu 
lesus  nu  det  agli  iingiûna  arisposta,  (10)  et  Pilatus  dis  agli  : 
Nu  uuost  faflêr  eu  me  ?  Nu  ssest  tii  ch^eau  hse  pussaunza 
da  crucifichiér  te,  et  he  pusaunza  da  alargiêr  te  ?  (11)  Jésus 
arespundét  :  Tii  nun  haués  iingiûna  pusaunza  incunter  me, 
upœia  ch'ella  nu  t'  fiis  dêda  zuraingiu.  Très  aqué  aquel  chi 
m  *hô  dô  me  â  ti  aint  in  maun,  ho  plu  grand  pchiô.  (12)  Et  da 
londer  in  uia  Pilatus  scherchiêua  dalg  alargiêr.  Mu  Ts 
liideaus  clamêuan,  dschant  :  Schi  tii  alargiast  aquaist,  schi 
nun  ist  amick  da  Csesaris.  Scodiin  qusel  chi  s*  fo  araig,  cun- 
terdisth  â  Caesari.  (13)  Et  hauiand  Pilatus  udieu  aquaist 
plêd,  schi  mnô  el  oura  lesum,  &  sazét  in  haunchia  da  dret,  & 
in  lin  lœ,  qusel  chi  ho  nun  lithostrotos,  &  in  Hebreesth  Ga- 
battha.  (14)  Et  era  siilg  di  delg  adat  da  pasthqua,  intuorn  las 
sijs  huras,  &  dis  als  liideaus  :  Yhé  Vg  uos  araiq.  (15)  Et  els 
clamêuan  :  Prain  el  dauend,  prainel  dauend,  &  l'g  cruciâgia. 
Pilatus  dis  ad  els  :  daia  eau  crucifigiêr  uos  araig  ?  Et  l's 
grands  sacerdots  [379]  arespundetten  :  Nus  nun  hauain 
araig,  ôter  co  Caesarem.  (16)  Alhura  dimê  Vg  dét  el  in  maun 
ad  aquels  chi  Vg  crucifigiassen.  Et  prandetten  lesum  &  Vg 
mnaun  dauend,  (17)  &  el  purtaunt  sia  crusth,  giét  oura  in 
aquel  lœ,  qusel  chi  ho  num  Caluaria,  &  in  Hebreest[h],  Golgo- 
tha,  (18)  inua  che  Vg  cruciâchiaun,  &  duos  ôters  cun  el,  liûn 
da  liiin  maun,  &  liôter  da  liôter,  &  lesum  i  miz.  (19)  Et  Pi- 
latus scriuét  er  Vg  tittul  &  Tgmetét  siila  crusth,  &  era  scrit  : 
lesus  Nazarenus  araig  dais  liideaus.  (20)  Et  aquaist  tittul 
ligietten  bgiers  dais  lûdeaus,  par  che  Vg  lœ  era  ardaint  la 
cittêd,  innua  che  lesus  fiit  crucifichiô.  Et  era  scrit  in  he- 
breesth, Grec,  &  Latin.  (21)  Et  Ts  grands  sacerdots  dais 
liideaus  dschaiuen  â  Pilato  :  Nu  scriuer  araig  del[s]  liideaus, 
dimperse  chel  ho  dit,  eau  sun  araig  dais  liideaus.  (22)  Pila- 


l'évangile  selon  s.   JEAN  «9 

Iqs  arespondét  :  Aquô  ch'  eau  h»  scrit,  hœ  eau  sorit.  (23)  Et 

Ts  sudôs  hauiand  cruoifichiô  lesum  prandetten  la  sia  uescki- 

mainta»  &  la  faschetten  in  quater  parts,  â  scodûni  sudô  ûna 

part  :  &  prandettan  Tarassa  quasla  chi   era  texida  da  sum 

infina  giu  ad  im,  sainza  cusdûras.  (24)  Et  dissen  traunter  els  ; 

Nus  nu  la  uulain   tagliêr,  mu  nus  uulain  trér  la  sort  par 

aquella,  da  chi  ella  sala.  Par  che  la  scritiira  gnis  cumplida, 

dschant  :  ËIs  haun  partieu  mia  uesckimainta  â  si  sues,  et  sur 

mia  arassa  haun  els  [380]  trat  la  sort.  Bt  Ts  sudôs  haun 

schert  fat  aqué.  (25)  Et  stéuan  dspera  la  crusth  sia  mamma 

da  lesu,  &  la  sour  da  sia  mamma  Maria  mugliôr  da  CleophsBi 

&  Maria  Magdalene.  (26)  Et  cura  che  lesus  uezét  sia  mamma 

&.  Vg  discipul  qusel  chel  amêua,  stand  sper'  ella,  schi  dis  el  â 

sia  mamma  :  Duonna,  uhé  tes  âlg.   (27)  Alhura  zieaa  dis  el 

agli  discipul  :  Vhé  tia  mamma.  Et  da  quella  hura  iuia  Tg  dis- 

cipulprandét  aquella  par  sia  mamma.  (28)  Dsieua  aqué,  sauiand 

lesus,  che  tuottas  chiôses  gio  fiissen  cumplidas,  par  che  gnis 

cumplieu  la  scritiira  schi  dis  el  :  Eau  hae   sait.  (29)  Et  era 

allô  mis  un  uaschilg  plain  d'aschaid.   Et  els  implitten   ûna 

spungia  plaina  d*aschaid,  &  d'hijsop,  &  la  spurschetten  sii 

dspera  la  siabuochia.  (30)  Etcura  chel  hauét  prais  Tg  aschaid, 

schi  dis  el  :  Elg  es  cumplieu  :  &  hauiand  abassô  Tg  chiô  schi 

dét  sii  Tg  spiert.  (31)  Et  Ts  ludeaus  par  ch'elg  era  Tg  di  delg 

adat^  par  che  Ts  corps  nun  arumagnessen  su  la  crusth  îlg  di 

delg  sabath  (per  che  elg  era  Tg  grand  di   delg  sabath)  schi 

aruan  é  Pilatum  che  gnissen  arruot  lur  chiammas,  &  gnissen 

prais  dauend.  (32)  Et  uennen  dimê   Ts  sudôs,  &  sfrachiaun 

las  chiammas  dalg  priim,  &  dalg  ôter  qusel  chi  era  cruciôchiô 

cun  el.  (33)  Et  cura  che  uennen  tiers  lesum,  sco  els  uezetten 

chel  era  gio  muort,  schi  nu  Tg  sthfrachiaun   els  las    sias 

chiammas  :  (34)  Mu  iin  dais  sudôs  cun  la  [381J  launscha 

furô  sieu  flaunck,  &  adiintrat  giét  oura  saung  &  ouua.  (35) 

Et  aquel  chi  ho  uis  dé   testimuniaunza,   &  la  sia  testimu- 

niaunza  es  uaira.  Et  aquel  sô  chel  disth  Tg  uaira,  par  ch*  er 

nus  craias.  (36)  Par  che  aquaistas  chiôses  sun  duantêdas,  par 

che  la  scritiira  gnis  cumplida  :  iin  œs  nun  es  imminui  dad  el. 

(37)  Et  darchiô  ôtra  scritiira,  qusela  chi  disth  :  Els  uignen  â 

uair  in  chi  els  haun  punschieu.  (38)  Dsieua  aqué  Joseph  de 

Arimathea,  quel  chi  era  discipul  da  lesu,  mu  ad  ascus  par 


70  l'Évangile  selon  s.  jbân 

temma  dais  lâdeaos,  arao  Pilatam  chel  pudés  prender  Tg 
chiœrp  da  lésa,  &  Pilatas  dét  aqué  tiers.  (39)  Et  nen  er  Nico- 
demus  quaei  chi  era  gnieu  sôlg  prâm  tiers  lesom  d'not,  par- 
tant ûna  mastâra  da  Mijrrhae,  &  alœs  intuorn  da  schient 
gliaras.  (40)  Et  prandetten  Tg  chiœrp  da  lesu,  &  plaiaim  aint 
aquel  in  linzuos  (sic)  cun  chiôses  sanuridas,  snainter  ch'  elg 
es  Tiisaunza  als  lûdeaus  da  sapulijr.  (41)  Et  era  in  aqué  lœ, 
innua  chel  fiit  crucifichiô,  un  hœrt,  &  îlg  bœrt  tin  mulimaint 
nuof,  in  aquael  nun  en  aunchia  ûngiûn  stô  mis.  (42)  Allô  dimê 
par  mur  dalg  di  delg  adat  dais  lâdeaus,  par  che  elg  era  da 
tiers  Tg  mulimaint,  matteten  é  lesum. 

ANNOTATIUNS 

Caluaria]  Vg  lœ  innua  chae's  metten  uia  Ts  méifatuors. 
Ave]  es  iin  plêd  da  salûdêr,  sco  dir  :  deas  t*sain.  Aloes]  es  iin' 
herua  chi  malagia. 

Jacques  Ulrich. 

(A  suivre.) 


BIBLIOGRAPHIE 


Cartnlaires  des  abbayes  d*Aniane  et  de  Gelloné,  publiés  d'après  les  ma- 
nuscrits originaux.  —  Cartulaire  de  Gellone,  par  Paul  Alaus,  Tabbé 
Gassan  et  E.  Mkynial.  —  Montpellier,  Martel,  1898,  m-4''  [511  p. 
et  un  carton  *]. 

La  publication  entière  doit  contenir  les  Cartulaires  d^Aniane  et  de 
Saint- Guilhem,  ainsi  qu  un  certain  nombre  de  pièces  justificatives,  le 
tout  accompagné  de  notes  ajoutées  à  cbacun  des  textes,  précédé  d*une 
introduction  générale  et  suivi  de  tables  communes. 

Le  premier  volume,  seul  paru,  contient  le  texte  tout  nu  du  cartu- 
laire de  Saint-Guilhem.  11  est  difficile  de  se  rendre  compte,  à  cause  de 
l'état  tout  à  fait  incomplet  de  la  publication,  du  profit  qu'en  pourront 
tirer  les  historiens.  La  généalogie  des  diverses  familles  féodales  de 
cette  région,  la  topographie  du  pays  au  moyen  âge  y  trouveront  sans 
doute  à  compléter  les  renseignements  que  nous  fournit  partiellement, 
et  seulement  pour  la  région  de  Montpellier,  le  Liber  inslrumentO" 
rum.  Peut-être  pourra- 1- on  en  déduire  encore  quelques  observations 
plus  générales  sur  Tétat  économique  de  Texploitation  des  terres  et 
l'organisation  des  syndicats.  Mais,  en  tous  cas,  ce  seront  sûrement 
les  juristes  qui  y  trouveront  la  plus  ample  moisson  pour  l'histoire,  si 
inconnue,  des  origines  coutumières  du  droit  écrit,  soit  au  point  de 
vue  des  contrats,  soit  même  relativement  au  droit  des  personnes. 

Nous  signalons  pourtant  cette  publication,  parce  qu'à  côté  de  son 
intérêt  local,  elle  offrira  quelque  attrait  aux  philologues.  On  y  ren- 
contre au  moins,  du  XII®  s.,  huit  documents  écrits  en  langue  d'oc, 
dont  quelques-uns,  en  particulier  le  dernier  et  le  plus  important 
(no  577,  p.  499),  sont  inédits. 

Voici  la  liste  de  ces  documents  : 

lo  P.  192,  no  224  ;  donation,  latin  mêlé  de  provençal  ; 
2»  P.  197,  n?  234  :  testament,  texte  assez  important  ; 
30  P.  298,  n°  365  :  serment  daté  de  1122  2  ; 
4»  P.  299,  n°  268  :  même  texte  que  le  précédent  avec  quelques  va- 
riantes graphiques  (1170)  ; 

*  Fait  partie  des  publications  de  la  Société  archéologique  de  Montpel- 
lier. 
2  Ne  faut-il  pas  corriger  dans  ce  texte  desci  en  d'esci  ? 


72  BIBLIOGRAPHIE 

5^  P.  407,  n9  498  :  donation ,  quelques  mots  provençaux  semés  dans 
le  texte  latin  ; 

6°  P.  433,  no512  :  courte  charte; 

7°  P.  484,  n®  559  :  charte,  mi-latin,  mi-provençal  ; 

8**  P.  499,  n*'  577  :  donation,  le  plus  long  de  tous  ces  documents 
et  le  plus  intéressant. 

En  outre,  on  trouvera  dans  les  autres  des  formes  latines  en  pleine 
voie  de  transformation. 

Hiret  y  Sans  (Joaquim).  —  Gartoral  dels  Templers  de  les  comandes 
de  Gardeny  y  Barbens.  —  Barcelona^  Tip.  «  L'Avenç»^  1899,  m-8«» 
[35  p.]. 

C'est  l'analyse  écrite,  en  catalan,  d'un  cartulaire  des  commanderies 
de  Templiers  de  Gardeny  et  de  Barbens,  qui  se  trouve  dans  les  ar- 
chives du  Grand  Prieuré  de  Catalogne  de  l'Ordre  de  St-Jean-de- 
Jérusalem.  Le  manuscrit  compte  111  feuillets  en  parchemin  de 
38X^5  centimètres.  Suivant  M.  Miret  y  Sans,  il  aurait  été  écrit  au 
XIII®  siècle  et  relié  au  XVII*.  Il  était  connu  jusqu'à  présent  sous  le 
nom  de  «  Llibre  vert  del  armari  dèu  ».  U  porte  comme  titre  :  Liber 
diversarum  donationum,  emptionum^  venditionum,  ac  instrument 
torum  aliorum  concessarum  et  factarum  domui  militie  templi 
Salomonis,  Quand  on  le  relia,  on  laissa  subsister  des  feuillets  appar- 
tenant à  un  autre  cartulaire  et  des  feuillets  blancs.  Sur  ces  derniers, 
fut  dressé  en  1692  un  index  des  264  documents  contenus  dans  le  ma- 
nuscrit. Beaucoup  sont  inédits  et  inconnus. 

M.  Miret  termine  son  travail  en  établissant  la  liste  des  comman- 
deurs des  deux  maisons  de  Gardeny  et  de  Barbens  et  en  donnant 
deux  inventaires  des  meubles  du  château  de  Gardeny.  Ces  inventai- 
res, datés  l'un  de  1289,  Tautre  de  1580,  sont  écrits  en  catalan  et 
sont  fort  intéressants  à  consulter. 


Ârmana  prouvençau,  per  lou  bel  an  de  Dieu  1899,  adouba  e  publica  de 
la  man  di  Felibre.  Porto  joio,  soûlas  e  passo-tèms  en  tout  lou  pople 
dôu  Miejour.  An  quaranto-cinquen  dôu  felibrige.  —  Avignoun,  Hou- 
manille^  1899,  t7i-8°. 

Armana  dôu  Ventour  en  prouvençau.  Librihoun  mita  galoi,  mita  serious, 
arrenja  e  bandi  pèr  un  roudelet  de  troubaire  emé  l'a  judo  di  mèstre 
dôu  Felibrige  dins  l'estiganço  d'estrurre  e  d'amusa  lou  brave  pople 
miejournau.  —  S'atrovo  à  Veisoun  {Vau-ciuso),  1899,  inS'*, 

Almanac  patones  de  TAriejo  per  Tannado  1899,  countenen  fieiros, 
coursos  de  la  luno,  tout  so  que  cal  per  fe  rire  e  acountenta  las  gens  de 


BIBLIOGRAPHIE  73 

nostre  tant  aimable  pays,  coumo  proberbis,  cansous,  countes,  istorios, 
farsos,  etc.  Gosto  souloment  :  Très  sous,  quinze  centimos  I  Aco 's  per 
res.  Nauviemo  annado.  —  Fouix,  Imprimario  de  Gadrat  ainat,  1899, 
pet,  172-4" 

Annada  lemouzina  (L').—  Annuari  pel  bel  an  ^e  Dieu  M.D.GCG.XG.IX. 
—  Paris,  chas  l'autour  (Lemovix),  1899,  tn-8°. 

Le  nombre  des  Almanachs  écrits  en  langue  d^oc  va  sans  cesse  en 
augmentant.  VArmana  dôu  Ventour  est  l'un  des  nouveaux  venus  de 
cette  année.  11  nous  a  paru  calqué  sur  son  aîné  et  voisin,  VArmana 
prouvençau.  Ceci,  d'ailleurs,  n'est  pas  un  blâme  :  on  ne  saurait 
choisir  meilleur  modèle. 

Quant  à  VArmana  prouvençau  de  1899,  il  ne  diffère  pas  sensible- 
ment des  volumes  précédents.  Ce  recueil  est,  du  reste,  si  universelle- 
ment connu  et  apprécié  par  les  provençalistes,  qu'il  n'y  a  pas  lieu 
d'insister. 

VAlmanac patoues  de  £*Ar%ejo  constitue,  en  ce  genre,  la  tentative 
la  plus  originale  et  la  plus  intéressante  que  je  connaisse. C'est  le  vé- 
ritable Almanach  populaire  :  comme  rédaction  et  comme  prix.  Acces- 
sible à  toutes  les  intelligences  et  à  toutes  les  bourses  (il  ne  coûte 
que  quinze  centimes),  le  succès  lui  est  venu  rapidement.  Si  j'en  juge 
par  l'exemplaire  que  je  possède,  le  tirage  a  parfois  dépassé  sept  mille. 

Cependant  les  difficultés  à  vaincre  étaient  nombreuses.  Le  dépar- 
tement de  l'Ariège  ne  compte  pas  moins  de  trois  dialectes  bien  tran- 
chés :  le  parler  de  la  Haute-Montagne,  le  gascon  et  le  languedocien. 
Or  il  n'est  pas.  exagéré  d*affirmer  qu'un  Languedocien  ne  comprend 
guère  le  gascon,  pas  plus  qu'un  Gascon  le  languedocien.  L'éditeur  a 
obvié  à  cet  inconvénient  en  faisant  à  chacun  sa  part.  Les  chansons, 
les  contes,  les  proverbes  ont  été  distribués  dans  VAlmanac  suivant 
Timportance  qu'ont  ces  dialectes  dans  le  département.  C'est  ainsi 
que  le  parler  de  la  Haute-Montagne  n'a  que  la  «  Letra  de  la 
Baserca  »,  le  gascon  une  dizaine  de  pages,  le  languedocien  tout 
le  reste.  Les  contes  sont  judicieusement  choisis  et  l'orthographe 
félibréenne  ou  mistralienne,  si  simple  et  si  logique,  qu*a  adoptée  l'édi- 
teur, en  rend  la  lecture  aussi  facile  que  possible. 

V Annada  lemousina  forme  la  contre-partie  exacte  de  VAlmanae 
patoues.  La  contrée  où  elle  paraît  est  des  plus  favorables  à  son 
expansion.  De  Brive  à  Limoges,  de  Nontron  à  Ussel,  il  n'existe  pas 
de  différences  dialectales  si  profondes,  qu'une  page  écrite  dans 
l'idiome  d'une  région  du  Limousin  ne  soit  intelligible  pour  tous  les 
lecteurs  des  autres  régions.  En  outre,  le  prix  n'est  pas  très  élevé  (vingt 
centimes).  Dans  ces  conditions,  V Annada  lemouzina  eût  dû  pénétrer 
dans  toutes  les  familles  limousines  ;  or  il  nous  a  semblé  qu*ii  n'en  était 


■74  BIBLIOGRAPHIE 

pas  ainsi  et  que  1* A  nnacf a  n'avait  guère  obtenu  qu'un  succès  d'estime. 
C'est  que  les  éditeurs  ne  se  sont  pas  contentés  de  prendre  ce  qu'ils 
avaient  sous  la  main  ;  ils  ont  voulu  faire  de  la  science,  renouveler 
l'orthographe  et  même  employer,  si  nous  en  croyons  le  journal 
Lemouzi  dont  VAnnada  n*est  que  le  supplément,  ce  qu'ils  appellent 
VOrthographe  des  troubadours.  Cela  a  été  une  erreur,  car  en  admet- 
tant que  la  façon  dont  écrivaient  Bertrand  de  Bom  et  Bernard  de 
Ventadour  nous  soit  connue,  en  admettant  (ce  qui  n'est  pas)  que  la 
graphie  provençale  eût  été  codifiée  par  une  académie  de  l'époque,  il 
serait  fâcheux  de  s'en  servir  dans  un  almanach,  si  elle  devait  aug- 
menter les  difficultés  qu'a  le  peuple  à  comprendre  une  langue  qu  i^ 
parle  mais  qu'on  ne  lui  enseigne  ni  à  lire  ni  à  écrire.  Et  il  faut  bien 
avouer  que  la  graphie  dont  se  sert  VAnnada  déroute  le  lecteur';  elle 
est,  en  outre,  suspecte  au  savant  à  qui  la  déformation  systématique 
des  mots  inspire  naturellement  de  la  défiance. 

La  vitalité  de  la  langue  d'oc  est  encore  assez  grande  pour  que 
chaque  dialecte  puisse  avoir  son  almanach,  l'intérêt  que  portent  les 
habitants  à  leur  idiome  assez  fort  pour  lui  assurer  le  succès.  Du  reste, 
ces  almanachs  ne  constituent  pas  seulement  une  récréation  pour  le 
peuple,  mais  aussi  une  source  de  documents  très  utiles  aux  philo- 
logues. C'est  à  ce  titre  que  notre  Revue  signalera  tous  ceux  qui  lui 
parviendront.  —  H.  T. 


Il  n'existait  pas  jusqu'à  présent  une  étude  assez  simple  et  qui  fût  en 
même  temps  au  courant  de  la  science  pour  donner  au  grand  public 
une  idée  juste  de  la  poésie  provençale.  M.  Jeanroy  a  le  grand  mérite 
de  combler  cette  lacune  dans  une  série  d'articles  que  la  Revue  des 
Deux-Mondes  ^  publie  en  ce  moment. 

Le  premier,  et  le  seul  paru  (15  janvier  1899),  traite  des  Origines; 
et  déjà,  par  cette  première  partie,  nous  pouvons  entrevoir  ce  que  doit 
être  ce  travail.  11  ne  ressemble  en  rien  aux  études  imprimées  durant 
ce  dernier  quart  de  siècle.  Il  faut  remonter  jusqu'à  V Histoire  de  la 
Poésie  provençale  de  Fauriel  pour  trouver  un  point  de  comparaison. 
Ce  n'est  pas  que  depuis  Fauriel  les  philologues  et  les  historiens  litté- 

>  Par  exemple  on  lit  au  verso  de  la  couvertupe  (p.  2);  c  Gn,  mn  se  pro- 
noncent nn^  sagnar  {sannar)^  femma  (fennaj;  Ll  se  prononcent  n/, 
espalla  {espanla).»  Pourquoi  ne  pas  écrire  simplement  sannar,  fenna, 
espanla  ?  Et  plus  bas  :  «  i?  ne  sonne  point  à  la  fin  des  infinitifs  en  ar,  er, 
ir,  »  etc...  Alors  pourquoi  récrire? 

'  JEANROy  (A.).  —La  poésie  provençale  du  moyen  âge.  —  I.  Les  origines 
IRev.  des  Deux-Mondes,  15  janvier  1899,  p.  349^385). 


BIBLIOGRAPHIE  75 

raires  se  soient  privés  d'ëtadier  la  littérature  des  troubadours  et,  dans 
la  renaissance  de  l'érudition  qui  caractérise  les  trente  dernières  années, 
le  domaine  provençal  n'est  point  resté  inexploré.  Nous  n'avons  pas 
à  apprendre  aux  lecteurs  de  cette  Revue  combien  les  découvertes 
ont  été  nombreuses  et  fructueuses.  Mais  sur  ce  champ  où  il  y  avait 
tant  à  recueillir  les  explorateurs  couraient  au  plus  pressé,  là  où 
les  appelaient  leurs  préférences,  là  où  ils  espéraient  rencontrer  les 
gites  les  plus  abondants,  les  filons  les  plus  précieux.  La  fièvre  des 
recherches  était  si  vive  que  nul  ne  songeait  à  fixer  dans  une  œuvre 
de  synthèse  les  résultats  obtenus.  C'est  ce  qu'a  fait  M.  Jeanroy  ;  et  il 
semble  bien  que  ce  travail  soit  venu  à  son  heure,  au  moment  où,  comme 
il  le  dit  lui-même,  «  il  ne  reste  pas,  de  toute  la  poésie  lyrique  des  trou- 
badours, plus  de  cinq  cents  vers  inédits.  » 

M.  Jeanroy  estime  que  «  les  spécialistes  ne  trouveront  dans  ces 
pages  aucun  fait  qui  ne  leur  soit  connu.  »  C'est  assurément  trop  de 
modestie  de  la  part  de  celui  qui  a  fourni  de  si  importantes  contribu- 
tions à  l'histoire  de  la  lyrique  au  moyen  âge,  et  l'on  éprouve  quelque 
peine  à  le  croire,  si  l'on  songe  que,  depuis  l'apparition  de  son 
volume  :  Les  origines  de  la  poésie  lyrique  en  France  au  moyen  âge, 
l'auteur  n'a  pas  cessé  de  poursuivre  ses  études  sur  ce  sujet.  Mais  alors 
même  qu'il  ne  nous  apporterait  aucun  fait  nouveau,  tous  les  proven- 
çalistes  lui  sauront  gré  de  leur  fournir  l'occasion  de  revoir  en  un 
tableau  d'ensemble  ce  qu'ils  peuvent  connaître. 

Nous  reparlerons  de  ce  travail  dès  que  la  publication  en  sera  ter- 
minée. —  H.  T. 


Le  tome  IV,  fasc.  1,  du  Kritischer  Jahreshericht  uber  die  Fortschritte 
der  romamschen  Philologie,  que  dirige  M.  K\rl  VollmÔllbr,  vient  de 
paraître.  Dans  le  présent  volume  sont  traités  plusieurs  sujets  qui 
avaient  été  omis  ou  n'avaient  pas  trouvé  place  dans  les  précédents  ; 
par  exemple  :  Histoire,  Encyclopédie  et  Méthodologie  de  la  philologie 
romane  de  notre  collaborateur  E.  Stbngbl  ;  les  langues  celtiques  de 
J.  LoTH  et  L.  Chr.  Stbrn;  l'arabe  (dans  le  domaine  roman)  de  C.-F. 
Sbtbold. 


La  Nuova  antologia  a  donné  dans  son  numéro  du  1*'  janvier  1899 
an  article  de  M.  Carlo  Sborb  sur  «  Cbaucer  et  Pétrarque  »,  d'après 
les  nouvelles  recherches  qui  ont  été  faites  récemment.  Dans  celui  du 
16  janvier,  M.  Michèle  Schbrillo  passe  en  revue  [Rassegna  dantesca) 
les  livres  qui  ont  été  publiés  sur  Dante  dans  le  courant  de  l'année 
1898. 


76  CHRONIQUE 

Le  dernier  numéro  des  Romcmische  Forschungen  (X,  5)  contient  un 
article  de  M.  Ëlfrath  sur  le  développement  d'un  groupe  latin  ou  ro- 
man de  trois  consonnes  en  ancien  français  *-  une  collation  de  la 
«  Règle  des  cisterciens  »  (publiée  par  M.  Guignard ,  Dijon,  Daran- 
tière,  1878)  par  M.  Foerster  et  un  intéressant  travail  de  M.  Haag 
sur  la  Latinité  de  Frédégaire. 


Dans  la  Revue  de  Gascogne^  M.  J.  Dugamin  examine  le  travail  de 
M.  Adolf  Zauner  *  sur  la  Conjugaison  en  Béarnais,  Cette  analyse 
critique  est  le  complément  indispensable  de  Particle  da  M.  Zauner. 


CHRONIQUE 


Le  centenaire  de  Jasmin 

Les  fêtes  du  centenaire  de  Jasmin,  qui  avaient  été  d'abord  fixées 
au  30  et  31  mai  1898,  ne  furent  célébrées  que  le  6  et  7  août.  En  re- 
tardant la  solennité,  les  organisateurs  voulurent  qu'elle  coïncidât  avec 
le  voyage  des  Cadets  de  Gascogne  et  qu'elle  reçût,  du  fait  de  leur 
venue,  un  plus  grand  éclat. 

La  Société  pour  V étude  des  langues  romanes  ayant  été  invitée, 
se  fit  représenter  par  son  secrétaire-adjoint,  M.  Henri  Teulié. 

Beaucoup  d'autres  Sociétés  savantes,  avec  lesquelles  la  nôtre  en- 
tretient d'amicales  relations  d'échange,  avaient  aussi  envoyé  des  dé- 
légués. 

Citons  : 

Société  archéologique,  scientifique  et  littéraire  de  Béziers  :  M.  Fré- 
déric Donnadieu  ; 

Société  des  sciences  et  belles-lettres  du  Tarn  :  MM.  Laf argue  et 
Numa  Lacroux  ; 

Société  historique  et  archéologique  du  Périgord  :  M.  Eugène  Roux; 

Société  des  études  du  Lot  :  M.  J.-B.  Rouquet  ; 

Société  archéologique  du  Tarn-et- Garonne  :  M .  le  chanoine  Pottier. 

M.  Charles  Ratier,  président  du  Comité  des  fêtes,  et  M.  Chaumîé, 
sénateur  et  maire  d'Agen,  firent  à  tous  l'accueil  le  plus  aimable.  Leur 
exemple  fut  imité  des  habitants  ;  et,  malgré  la  foule  des  étrangers, 
qui  avait  doublé  la  population  de  la  ville,  les  hôtels  et  les  cafés 

1  Zauner  (Adolf).  —  Die  Konjugation  im  Bearnischen  (Zeitschrift  f. 
roman.  Philologie,  1896,  XX,  433-470.) 


CHRONIQUE  77 

n'avaient  pas  augmenté  lears  prix,  u  Vous  êtes  chez  vous  »,  disait 
M.  le  Maire  à  chacun,  et,  de  fait,  on  se  sentait  un  peu  chez  soi,  car 
jamais,  dans  une  ville  en  fête,  l'hospitalité  ne  fut  pratiquée  d'une  façon 
plus  large. 

Le  6  au  soir,  après  Tarrivée  du  dernier  train  de  Paris,  un  vin  d'hon- 
neur fut  servi  dans  la  salle  du  Conseil  municipal,  à  THÔtel-de- Ville. 

M.  Ghaumié  souhaita  la  bienvenue  à  tous  ceux  qui  avaient  répondu 
à  l'appel  du  Comité  :  savants  et  cigaliers,  félibres  et  cadets,  et  leva 
son  verre  à  ses  hôtes.  Ce  fut  M.  Albert  Arnavielle  qui  répondit  en 
disant  qu'il  ne  prendrait  point  la  parole  si  le  silence  des  Cadets  de 
Gascogne  ne  montrait  qu'ils  voulaient  laisser  ce  soin  à  un  de  leurs 
aînés,  à  un  de  ceux  qui  étaient  restés  dans  la  maison  paternelle  où 
ils  vivaient  pauvres  de  gloire  et  pauvres  de  richesses,  mais  en  con- 
servant pieusement  la  tradition  des  aïeux.  Son  allocution  provençale 
fat  très  goûtée,  sauf  peut-être  de  quelques  Cadets  qui  voulaient  bien 
être  cadet,  mais  à  la  condition  de  n'avoir  point  d'aîné. 

La  principale  cérémonie  du  lendemain,  7  août,  eut  lieu  au  pied  de 
la  statue  de  Jasmin.  M.  Ratier  y  prononça  un  excellent  discours,  et 
nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  reproduire  les  belles  paroles 
de  celui  qui  a  su  maintenir,  à  Agen  et  dans  la  région,  la  langue  de 
Jasmin  : 

Damos  s  Moussus, 

Ero  puple  et  Gascou  !  La  lengo  del  sans  fayssous  diu  s'en  donna, 
la  prumèro. 

D'autres  faran  se  resquita  la  lengo  de  la  bisito,  que  sara  coumo  un 
lugrejomen  de  pèrlos  fînos.  Ei  amassât,  jou,  de  bispolos  sus  pots  des 
oubriès  e  des  paisans.  E  la  couronne  que  t'anan  adouba  sara  coumo 
la  cal,  o  Jansemin,  tu  qu'à  banta  la  grande  patrie  metères  l'entrin  e 
lou  fran  pensa  garounés  ;  tu  qu'aimères  per  dessus  tout  la  pitchouno 
patrie  e  cambières  soun  gipou  fierlangous  en  mantèl  estelat. 

Doun  nous  baciu  de  miles  altour  d'une  estatuio.  l'a  la  Bile,  laCoun- 
trado,  tout  lou  Mètjour.  Lou  brut  que  mounto  de  la  foule,  —  m'en- 
gani  pas,  nani,  —  aquel  brut  es  lou  fremissomen  de  gens  que  coumu- 
nion  dins  une  emoucioun  intime.  A  quin  prepaus,  tout  acô  ? 

L'aoutre  siècle  n'abio 

Qu'un  parel  d'ans  à  passa  sul  la  terro, 
Quan  ai  recouèn  d'une  bièillo  carrèro, 

Nasquôt  un  droUe 

un  drolie  que  fusquèt  lou  filhol  de  la  Pouesio. 

Besès  coumo  la  poulido  fatchilhèro  liperfumo  lou  lèi  de  la  pauresso, 
sa  mai  ;  coumo  sarcis  per  el,  de  bordo  en  borde,  la  biasso  de  soun 
pairi  ;  coumo  sous  pès  nuts,  lou  fai  caressa  pel  sable  caudet  de 
rilhot  et  pel  fres  gratilhou  de  Tèrbo  âourido  ;  coumo,  soun  cap  nut, 
lou  cofo  d'aire  sanitous  e  de  sourel  embeudaire.  Ëscoutasdambéquin 
bresilhadis  de  rire  ounèste  e  de  sentimens  pietadous  empleno  l'esprit 


78  CHRONIQUE 

e  loa  co  de  Tefan,  talèa  espelits  ;  jutjas  s*es  prou  gignouso,  en  pres- 
tin  souQ  âmo,  de  nou  res  prene   qu'à  nostre  biais  poupulari  :  aîgo 

Ïmro  de  riaspiracioun,  farino  sancièro  de  la  dreto  pensado,  dincos  al 
eban  d'oc  qu'uflara  la  pasto  e  nous  la  fara  mai  goustouso.  Besès, 
escoutas,  jutjas  :  saurés  que  lou  perruquiè  fusquèt  pouèto,  tout  ço 
de  pus  crâne  entremièi  lous  pouètos,  gramecés  al  soûl  trabal  de  la 
naturo  qu'en  fan  boujoula  ta  souben  l'engin  chel  minable  rampèlo  sul 
sabé  aue  se  croumpo. 

Eh  !  be,  z'ou  cal  dire,  nostre  oumatges'arrèsto  pas  à  Jansemin  can- 
taire.  Dison,  e  parei  prou,  que  la  pouesio  s'endeben  gaire  dambé  lou 
tens  d'aro.  Lou  tindinomen  de  rimos  escampilhados  en  l'aunou  des 
prats  e  de  las  pastouros  sono  faus  al  mitan  de  las  cansos  apauridos 
e  des  maines  jour  per  jour  abandounats.  Que  la  Muso  gragnairo  d'i- 
déal s'en  angue  desgruna  sous  cabels  pel  mounde,  un  pau  cadun 
passo,  mespresen  ou  tipejous,  daban  la  dibino  mentido  qu'acuso  de 
nous  afiasqui  ;  un  pau  cadun  nous  bol  pas  que  lou  Rèbe,  coupe  l'a- 
marun  del  souci  de  douma.  Abèn  bel,  lou  pitchou  noumbre,  pensa  e 
afourti  que  l'idéal,  tapla  e  milhou  que  lou  minja,  preparo  per  touto 
grando  causo  d'omes  bertadèromen  forts,  saquela  sabèn  coumo 
aqueste  placé  sariô  desèrt  se  lou  que  festejan  n'èro  estât  qu'un 
pouèto. 

Sufis  pas,  tapau,  à  nostre  oumatge  de  Jansemin  quistaire,  de  Jan- 
semin que  sous  efforts  countro  la  misèro  ennartèron  tout  soûls  à  la 
punjirico  de  l'art  de  coumpousa  e  de  déclama.  Trento  ans,  —  touto 
uno  bito  bitanto  !  —  dins  lous  crambots  estrets  oun  lou  paure  espe- 
Ihoundrat  s'agrnpis  de  fret  e  bado  de  talen,  lou  gran  preste  de  la 
Caritat  fasquèt  pleure  un  labassi  de  pistolos.  Trento  ans,  lou  bes- 
quèron  rouiia  trabès  las  pianos,  grimpa  pes  pèchs,  pertout  oun  lou 
cridabon.  Soulomen  aquiu  sa  partido  èro  gagnado  d'abanço.  Es  que 
demandabo  pas  en  Franco  oun  es  tan  dous  de  douna?  Es  que  deman- 
dabo  pas  surtout  dins  lou  Mètjour  Gascon,  qu'atchi  dessus  coumo 
sus  tan  d'autres  puns,  merito  d'èstre  apelat  la  doublo  Franco?... 
Tabé  prouclama,  nous-aus,  soun  amou  de  la  Caritat,  acô  semblariô  de 
glouriolo  :  tout  urous  d'abé  balhat,  nous  countentan  de  remercia. 

Mes,  talèu  lou  proujét  del  Centenari  anounçat,  uno  bufado  miste- 
riouso  es  partido  de  Sent-Antoni  oun  nous  apilan  anèi,  estats.  oupi- 
niouns  ou  cresenços  frairalomen  abarrejats.  Pas  brai,  mounde  del 
Grabè,  de  Sent-Alari,  de  la  Porto-del-Pi,  de  la  Porto-Nèbo,  pas 
brai,  bous-aus,  que  ses  benguts  de  dèts,  trento,  cincanto  lègos  à 
Tentour;  pas  brai,  lous  que  nous  quitères  un  jour  per  ana  pourta  un 
pauquet  de  nostre  san  dins  la  bito  naciounalo,  pas  brai  que  la  fèsto 
de  Jansemin  bous  es  aparescudo  coumo  nostro  fèsto,  coumo  la  de 
Tâmo  Gascouno?  E  bous-aus  aue  nous  arribas  de  toutos  las  countra- 
dos  oun,  tapla  qu'aciu,  débat  1  or  e  lou  blu  de  nostre  cèl,  perfumado 
tant  que  nostros  flous,  foundento  dins  la  bouco  tan  que  nostro  fruto, 
roussignoulejo  dumpèi  nau-cents  ans  e  sens  fi  roussignoulejara,  la 
douço  lengo  d'oc,  pas  brai  qu'aquelo  fèsto  bous  es  aparescudo  coumo 
la  de  nostro  raço  mètjournalo  ? 

Mens  que  res,  un  pouèto  poupulari  de  l'estofo  d'aqucste  n'es  Tefèt 
de  l'asard;  l'asard  sauriô  pas  toumba  juste  per  embouima  la  foulo  e 
Tentraina.  Uu  loun  grumèl  d'annados,  un  pilot  de  joios,  de  pèsso- 
mens,  de  souscados,  d'actes,  preparon  l'un  per  l'autre  qui  bai  souna 
e  qui  bai  entendre.  Pus  fort:  lou  sounaire  arribo  à  l'ouro  oun  sara 


CHRONIQUE  79 

que  la  taulo  d'armounio  rasounan  darrè  las  cordos  de  la  liro  pu- 
blico. 

Las  Papillotos  me  balbaran  pas  lou  démentit.  Cercas-i  quin  felhet 
porto  pas  la  marco  de  tout  ço  que  sèn,  boulèn,  aiman  ;  quin  felhet 
porto  uno  autro  marco.  Âquel  libre  es  lou  brebiari  de  nostros  tradi- 
ciouns,  coustumos  ou  legendos;  la  garbo  granado  de  nostros  qualitats 
simples  ou  erouicos  ;  un  tros  de  l'historio  franceso  escribudo  per  nos- 
tres  pepis,  brabes  trabalhaires  de  tèrro  ou  de  mestiè,  sabens  renou- 
mats,  souldats  sens  reculado  e  se  pausan  jamai. 

Âco's  a  tal  que  presan  nostresrocs  bestits  en  belou  que  herdejon^ 
nostros  pianos  que  toutjour  daurejon,  A  tal  toutjour. 

La  lengo  del  trabal 
A  la  bilo,  pel  la  campa gno. 
On  la  trobodinscado  oustal; 
Y'espouso  l'home  al  brès,  jusqu'al  clôt  Taccoumpagno. 

A  tal  Tescai-noum  de  franciman  marco  al  fèr  rouge  lou  qui  cou- 
menço  Taprendissatge  de  regenaire  en  aben  ounto  de  soun  brès.  A  tal 
quan  Vaunou  del  pats  zou  coumandOj  tonts  i  sèn.  Dins  la  grande u 
coumo  à  la  malo-ouro,  nostre  esprit  e  nostres  bras  boton  dèts  quan 
lous  autres  boton  un.  Mes,  lou  pres-fèit  acoumplit,  nostre  co  prou- 
clamo  toutjour  que 

La  pitchouno  patrie  es  bien  aban  la  grande  I 

Fa  pas  a  dire  :  lous  dus  patrioutismes  esplicats  e  prounats  per  las 
Papillotos,  batchiu  la  foun  d'oun  paichelèt  Tinspiracioun  del  pouèto. 
E  —  qui  me  jetara  la  pèiro?  —  batchiu  sustout  en  de  que  soun  canta 
fusquèt  Techo  des  soubenis  e  de  las  aspiraciouns  de  toute  uno  raço. 

Z'abiô  be  sentit,  nostre  perruquiè  :  lou  parla  mairal  ten  lou  semé 
de  Tidèio  loucalo  ;  es  à  dire  de  nostro  ouriginalitat  e  de  nostro  balou. 
Mes  se  doutabo  gaire,  en  lou  lantsan  de  campèstre  en  campèstre, 
qu*èro  lou  samenaire  atendut  per  la  Proubinço  tengudo  lountems  en 
bousigo.  Marseihés,  AubergnaCs,  Gascons,  tout  serbiô  as  goubernai- 
res  d'autres  cots,  per  lous  espouti  de  forço,  per  lous  despersouna 
legalomen,  quitomen  per  lous  i  capouna  la  fièrtat.  Fabiô  de  preferats 
et  de  filhastres,  coumo  se  d'escarts  dins  la  coulou  des  pièls,  la  coupo 
de  la  bèsto,  lou  biais  del  carattèri,  empatchabon  d'èstre  frais,  lous 
drolles  d*uno  mémo  mai.  Acô's  plus  aial  dins  la  Franco  d'anèi.  La 
barietat  des  engins  proubincials,  junits  en  bisto  de  la  grandou  cou- 
muno,  i  amaduro  déjà  la  plus  bèlo  segasou.  E  tout  a  cambiat  dumpèi 
que  Jansemin,entounan  d'aquelo  segasou  louprumè  sègo-ligO|  balhét 
lou  toun  as  miles  de  cigales  patriouticos  engarrancidos  débat  las 
turros. 

Bibo  doun  lou  grand  Agenés,  Pun  des  plus  illustres  pouètos  del 
siècle  I  Bibo  Tome  que  sa  debiso,  seguido  sens  falhi,  fusquèt  <e  Boun- 
tat  !  »  Bibo  lou  pitchounet  de  qui  la  bito  restara  coumo  Tetsemple 
e  Tennoublissomen  des  pitchounets  !  Bibo  lou  fil  débet  que  plantèt 
lou  lugret  al  froun  de  la  Gascougno  !  Bibo  lou  prouféto  del  Mètjour 
e  la  manobro  de  la  nacioun  ! 

Atal  cridan,  lous  milanto  que  sèn  aciu.  E  nostro  aclamacioun 
rencountran  à  trabès  lous  aires  la  de  quinze  milliouns  de  Mètjournals, 
sus  nostre  Jansemin  la  bolto  del  Panteoun  poupulari  es  ennartado 
per  rimmourtalitat.  » 


80  CHRONIQUE 

Beaucoup  d'autres  discours  furent  lus  ou  récités  après  celui-ci.  Dis- 
cours très  remarquables  d'ailleurs,  mais  où  il  était  si  peu  question 
de  Jasmin,  de  sa  langue  et  de  son  œuvre,  qu  il  eût  suffi,  comme  dans 
ceux  des  rhéteurs  antiques,  de  changer  un  nom  pour  qu'ils  se  fussent 
appliqués  avec  autant  d'exactitude  à  n'importe  quel  prosateur  ou 
poète. 

11  faut  pourtant  faire  une  exception  pour  l'admirable  harangue  de 
M.  Jourdanne.  Dans  son  improvisation,  il  essaya  de  montrer  comment 
le  réveil  de  la  langue  avait  constitué  la  première  manifestation  de  la 
vie  provinciale  et  comment  Jasmin  y  avait  contribué  pour  la  plus 
large  part.  Il  marqua  les  étapes  du  mouvement  provincialis te,  d'abord 
confus,  indécis,  méconnu  même  de  ceux  qui  le  créaient,  puis  se  pré- 
cisant peu  à  peu  et,  s'affirmant,  enfin,  définitivement  à  l'inauguration 
delà  statue  devant  laquelle  il  parlait,  le  jour  où  Mistral  dit  le  fameux 
sirventès  que  chacun  connaît  : 

Pèr  la  nacioun,  e  pèr  li  fraire 
Que  rèston  à  l'oustau  e  que  menon  l'araire, 
Ë  parlon  voulountous  la  lengo  dou  terraire. 

Es  un  triounfie  aqueste  jour. 

Et  comme  des  acclamations  enthousiastes  avaient  souligné  l'évo- 
cation du  nom  de  Mistral,  il  s'écria:  «  Si  Mistral  était  venu  aujour- 
d'hui, Agen  n'aurait  pas  eu  assez  de  fleurs,  assez  de  couronnes  pour 
le  grand  poète,  et  ses  hommages  ne  se  seraient  pas  seulement  adres- 
sés au  poète  mais  aussi  à  celui  qui  personnifie  les  aspirations  des  po- 
pulations méridionales.  » 

Ce  discours,  dont  nous  ne  donnons  qu'une  insuffisante  analyse,  fut 
coupé  à  plusieurs  reprises  par  les  applaudissements  de  l'assistance. 

Un  banquet  suivit  cette  cérémonie  et,  au  lever  de  table,  on  se  ren- 
dit dans  le  parc  de  la  préfecture  où  se  tenait  la  séance  des  Jeux  flo- 
raux, présidée  par  M'"®  Réquier,  bien  connue  dans  le  monde  félibréen 
sous  le  nom  de  Philadelphe.  La  gracieuse  présidente  dit  avec  beau- 
coup de  talent  deux  pièces  de  vers  :  Ed  nit  et  N*èm  pas  d'aci  ! 

Voici  deux  strophes  empruntées  à  cette  dernière: 

N'èm  pas  d'aci  !  Si  marmuro  ra  briso 

En  tout  que  puno  e  friso 

Ero  mousseto  griso 

Qui  tapisso  ed  arroc; 
N'èm  pas  d'aci  !  Si  dits  ero  rigolo, 

A  soun  aygo  qui  colo 

Atau  coumo  uo  holo 

A  trabès  flous  e  broc. 


CHRONIQUE  81 

N'èm  pas  d'aci  !  Si  penso  r'abelheto 

Peaden  que  ra  houèlheto 

S'esfano  e  cay  tout  dous  ; 
N'èin  pas  d'aci  !  Si  crido  ra  campano, 

Quand  ero  mour  nous  pano 

Eds  bièlhs  eds  maynadous. 

M.  Perbosc  fit  le  rapport  sur  le  concours  en  langue  d'oc  et  M.  Ch. 
Ratier  proclama  les  lauréats,  dont  voici  les  noms: 

Ode  &  Jasmin 

1«'  Prix M.  le  docteur  Marignan  (Marsillargues,  Hérault). 

2«      —  M.  Auguste  Advenier  (Saint-Jean  de  CucuUes,   Hé- 

rault). 
3«      —  M.  Emile  Barthe  (Nissan). 

Poésie  lyrique 

1*'  Prix ....     M.  Paul  Bourgue  (Avignon). 

2«      —  M.  Henri  Pelisson  (Arette,  Basses-Pyrénées). 

3*      —  Anonyme  (Casteljaloux,  Lot-et-Garonne). 

Sonnets 

1"  Prix,  ...     M.  Henri  Pellisson. 

2«      —  M.  Arthur  Poydenot  (Ch.  de  Prous,  St-Sever,   Lan- 

des). 
3«      —  M.  J.  Martin  (Cournonterral,  Hérault). 

Mention M.  Pierre  Chairou  (Saint-Nicolas-de-la-Grave). 

—  M.  Joseph  Gayssot  (Castanet,  Haute-Garonne). 

Poésie  de  genre.  —  i'^  section 

1er  Prix...   .  M.  Louis  Bonnaud  (Marseille). 

2«      —  M.  Albert  Mailhe  (Toulouse). 

3«      —  M.  Albert  Lafosse  (La  Gravière,  près  de  Montauban). 

Mention..    ..  M"«  Gélade  (Garbonne,  Haute-Garonne). 

—  M.  Léon  Nadal  (Paris). 

Poésie  de  genre.  —  2*>  section 

1er  Prix., ...     M.  le  chanoine  Lacoste  (Agen). 

2«      —  M.  Valéry  Billou  (Monclar-d'Agenais). 

Mention M.  Ernest  Destrem  (Castanet,  Haute- Garonne). 

—  M.  Pozzy  (Bergerac). 

Gliansons 

1er  Prix.   ...  M.  Simin  Palay  (Vic-Bigorre). 

2e      —  M.  Paul  Bourgue  (Avignon). 

Mention M.  Louis  Rouquier  (Puisserguier,  Hérault). 

—  M.  François  Brousse  (Montpellier). 

Contes  en  vers 

1er  Prix.,    ..     M.  P.-H.  Bigot  (Aix-en-Provence). 
2®      —  M.  Henri  Pellisson. 


82  CHRONIQUE 

ex'€Bqi40       M.  Gaston  Lavergne  (Aïn-Témouchdnt,  prov.  d*Oran). 
Mention M.  Anton!  Berthier  (Beaucaire). 

Contes  en  proie 

!•'  Prix M.  Gustave  Thérond  (Cette). 

2«      —  M.  Maurice  Jorret  (Mas  d'Agenais). 

3o      —  M.  Louis  Charasse  (Vaison,  Vaucluse). 

Mention.    ...  M.  Marcel  Ligniôres  (Saint-Chinian,  Hérault). 

Nous  devons  mentionner,  en  outre,  le  prix  obtenu  par  M.  Alexandre 
Westphal  pour  sa  traduction  libre  en  vers  de  Maltro  VInnoucento, 
Le  traducteur  a  su  faire  passer  dans  ses  vers  toute  la  grâce  qu*une 
traduction  peut  emprunter  à  son  modèle. 

Le  soir,  un  banquet,  organisé  à  la  hâte  par  M.  Sernin  Santy,  réu- 
nit la  plupart  des  félibres  qui  étaient  présents  aux  fêtes.  Parmi  les 
convives  se  trouvaient  MM.  Jourdanne,  Arnavielle,  Sernin  Santy, 
Banal,  Pigot,  Félicien  Court,  Tabbé  Bessou,  Vergnes,  Palay,  Marc 
Varennes,  etc.,  etc. 

De  là  on  se  rendit  au  théâtre  où  avait  lieu  une  soirée  de  gala.  M. 
Mounet-Sully  obtint  un  grand  succès  en  disant  Les  Pauvres  gens  de 
Victor  Hugo,  et  M.  Mouliérat,  de  TOpéra-Comique,  bissé  par  les  féli- 
bres, fut  plusieurs  fois  rappelé  et  unanimement  applaudi  par  toute  la 
salle. 

Ainsi  finirent  les  fêtes  du  centenaire  de  Jasmin.  Le  lendemain  et  les 
jours  suivants  d'autres  fêtes  eurent  lieu  à  Montauban,  à  Toulouse  et 
à  Carcassonne,  mais  la  Société  des  Langues  romanes  n'ayant  pas  été 
invitée,  nous  n'avons  pas  à  en  rendre  compte. 


• 


li^Université  de  Montpellier 

La  rentrée  solennelle  des  Facultés  a  eu  lieu  à  Montpellier,  le 
24  novembre  1898,  sous  la  présidence  du  nouveau  recteur,  M.  Antoine 
Bbnoist.  a  cette  occasion,  M.  Benoist  a  prononcé  un  discours  du 
plus  haut  intérêt.  Nous  en  extrayons  les  passages  où  il  a  défini  le 
caractère  et  le  rôle  de  TUniversilé  de  Montpellier.  La  Société  des 
langues  romanes  est  unie  par  tant  de  liens  à  TUniversité  que  nous 
sommes  certains  d'être  agréables  aux  lecteurs  de  la  Bévue  en  les 
reproduisant.  Après  avoir  dit,  en  quelques  phrases,  ce  que  sont  les 
Universités  de  Lyon,  de  Bordeaux,  de  Toulouse  et  de  Grenoble  qu'il 
avait  connues  avant  son  arrivée  à  Montpellier,  voici  comment  M.  Be- 
noist a  parlé  de  la  nôtre  : 

«  Parmi  ces  Universités,  la  vôtre  occupe  une  place  à  part.  Dans  ce 
pays  de  France  qui  a  si  souvent  et  si  follement  fait  litière  de  son 


CHRONIQUE  8  S 

passé,  qui  n'a  su  jalonner  que  par  des  ruines  la  route  du  progrès, 
Montpellier  a  eu  la  sagesse  de  ne  pas  renier  ses  gloires,  de  ne  pas 
laisser  prescrire  ses  traditions.  D*abord,  et  fort  heureusement,  votre 
ville  n'a  été  qu'à  moitié  haussmanisée.  Tout  près  des  boulevards  où 
circulent  les  trams  électriques,  on  trouve  avec  délices  de  ces  vieilles 
rues,  qui  ne  semblent  pas  avoir  changé  depuis  le  temps  où  Félix  Flat- 
ter, après  avoir  tiré  les  Rois  chez  son  maître  Rondelet,  revenait  avec 
les  étudiants  allemands  ses  compagnons,  titubant  quelque  peu,  tâ- 
tant  les  murs,  réveillant  par  leurs  chansons  les  bourgeois  prudem- 
ment clos  dans  leurs  logis.  Montpellier,  c'est  un  Oxford  français  et 
méridional,  non  pas,  comme  l'autre,  mollement  couché  parmi  les 
prairies  de  la  Tamise,  mais  debout  sur  sa  colline  pierreuse,  entre  les 
contreforts  des  Cévennes  et  la  Méditerranée  bleue  et  souriante,  qui 
lui  apporte  sur  l'aile  de  la  brise  les  parfums  de  l'Orient.  Sans  doute, 
ici  comme  ailleurs,  bien  des  choses  ont  péri.  On  y  chercherait  vaine- 
ment cette  église  de  Notre-Dame  des  Tables  qui  dominait  toute  la  ville, 
ou  ces  immenses  couvents  des  Dominicains  et  des  Carmes,  des  Au- 
gustins  et  des  Franciscains,  qui  l'enserraient  comme  dans  une  qua- 
druple forteresse.  Mais  il  subsiste  assez  de  débris  du  passé  pour  que 
les  archéologues,  les  artistes,  les  poètes,  puissent  le  reconstruire  par 
l'imagination.  N'est-ce  pas  une  vraie  vision  du  moyen  âge  que  votre 
Faculté  de  médecine,  avec  son  toit  crénelé  comme  celui  d'un  vieux 
donjon,  avec  ses  murailles  adossées  à  celles  de  la  cathédrale,  dont  le 
porche  massif  et  puissant  semble  la  protéger  ou  la  menacer  de  son 
ombre  ?  Tout  ici  nous  parle  des  siècles  évanouis  ;  tout  nous  retrace 
l'histoire  bien  connue,  mais  à  jamais  instructive,  des  efforts  toujours 
renaissants  et  toujours  illusoires  de  l'homme  qui  veut  perpétuer  le 
souvenir  de  sa  richesse,  de  sa  grandeur,  de  sa  gloire,  et  qui  ne  fait 
quUmmortaliser  le  témoignage  de  son  néant. 

»  Je  crois,  Messieurs,  qu'une  ville  où  les  souvenirs  du  passé  sem- 
blent se  lever  sous  nos  pas,  où  chaque  rue  est  une  leçon  d'histoire, 
est  un  séjour  mieux  approprié  à  une  Université  qu'un  Chicago  quel- 
conque, où  Ton  peut  bien  s'imprégner  d'énergie  et  d'esprit  pratique, 
mais  où  l'étude  désintéressée,  qui  est  l'essence  même  de  l'enseigne- 
ment supérieur,  ne  trouve  ni  excitation  ni  aliment.  Cependant,  je  n'ai 
pas,  je  vous  l'assure,  la  superstition  des  vieilles  pierres,  et  je  ne 
pense  pas  que  d'antiques  murailles,  découpant  leurs  lignes  sévères 
sur  le  ciel  et  rappelant  un  passé  tragique  et  grandiose,  soient  un  titre 
suffisant  pour  revendiquer  la  possession  d'une  Université.  Autrement 
ce  n'est  pas  à  Montpellier,  c'est  dans  la  Cité  de  Carcassonne,  qu'il 
aurait  fallu  installer  la  vôtre.  Les  vrais  titres  de  Montpellier,  ce  ne 
sont  pas  ses  monuments,  ce  sont  les  traditions  scientifiques  qui  se 
sont  perpétuées  d'âge  en  âge.  Avant  le  XII®  siècle,  les  médecins  juifs, 
disciples  d'Avicenne  et  d'Averroès,  vous  avaient  apporté  d'Espagne, 
avec  les  leçons  de  leurs  maîtres,  l'héritage  de  la  science  grecque,  dès 
longtemps  oubliée  en  Occident.  Depuis  ces  temps  lointains  jusqu'à 
nos  jours,  à  travers  toutes  les  révolutions  qui  ont  transformé  la  science 
comme  le  reste,  la  réputation  de  votre  ville  s'est  maintenue.  Les 
papes  et  les  rois  de  France  faisaient  venir  leurs  médecins  de  Mont- 
pellier. Au  moyen  âge,  pendant  le  long  sommeil  des  sciences  de  la 
nature,  la  scolastique  triomphante  n'avait  pas  étouffé  chez  vous  tous 
les  germes  de  la  saine  méthode,  comme  en  témoigne,  au  XIV®  siècle, 
la  Urande  Chirurgie  de  votre  Guy  de  Chauliac,  justement  louée  par 


64  CHRONIQUE 

Victor  Le  Clerc.  Âassi  la  Renaissance  devait-elle  trouver  dans  votre 
Faculté  de  médecine  un  terrain  tout  préparé.  C^est  ici  que  François 
Rabelais,  échappé  de  sa  prison  monastique,  s'enivrait  de  science  et  de 
liberté  intellectuelle.  C'est  ici  qu'il  concevait  sans  doute,  qu*il  es- 
quissait peut-être  son  Pantagruel,  ce  livre  immortel  où  il  fonde,  comme 
dit  Michelet,  la  foi  profonde,  la  foi  en  la  nature,  notre  mère  et  notre 
éducatnce,  où  il  poursuit  de  ses  railleries  vengeresses  tous  ceux  qui, 
quelque  nom  qu'ils  portent,  de  quelque  robe  qu'ils  s'affublent,  ne 
songent  qu'à  exploiter  la  crédulité  humaine  et  k  opprimer  la  pensée. 
))  Ce  grand  et  noble  esprit,  ce  Rabelais  dont  la  robe  légendaire  a 
été  revêtue  chez  vous  par  tant  de  générations  de  candidats,  ça  été, 
Messieurs,  le  vrai  patron  de  votre  Université  moderne,  et  il  lui  a 
porté  bonheur.  Ces  sciences  de  la  nature,  qu'il  a  célébrées,  je  dirais 
presque  qu'il  a  chantées  avec  tant  d'enthousiasme,  n'ont  jamais  cessé 
d'être  cultivées  ici  avec  éclat.  Son  ami  Guillaume  Rondelet  a  été,  au 
témoignage  de  Cuvier,  un  des  fondateurs  de  l'histoire  naturelle.  C'est 
grâce  à  lui  que,  dès  1556,  votre  Faculté  de  médecine  était  dotée  d'un 
amphithéâtre  d'anatomie.  C'est  lui  qui,  au  Collège  royal  où  il  ensei- 
gnait, groupait  pour  les  besoins  de  1  étude  la  plupart  des  plantes  mé- 
dicinales, inaugurant  ainsi,  dans  des  proportions  modestes,  ce  qui 
soixante  ans  plus  tard  allait  se  faire,  non  loin  de  là,  au  Jardin  du 
Roi.  Ce  jardin,  vous  le  devez  au  plus  grand  de  nos  rois,  à  celui  qui 
a  signé  TËdit  de  Nantes  et  a  chassé  de  France  les  Espagnols,  et  il 
semble  qu'Henri  IV,  comme  un  génie  protecteur,  ait  veillé  sur  vous 
après  sa  mort,  comme  il  vous  avait  favorisés  et  enrichis  de  son  vi- 
vant. Depuis  Richer  de  Belleval  jusqu'à  l'illustre  de  Candolle,  toute 
une  lignée  de  savants  a  vécu,  a  travaillé  dans  ce  jardin.  Pierre  Ma- 
gnol,  Tournefort,  Bernard  de  Jussieu,  que  de  glorieux  ancêtres  pour 
nos  professeurs  actuels  1  et  mon  ami  Maurice  Croiset  n'avait-il  pas 
raison  de  dire,  dans  son  discours  du  Centenaire,  que  «  l'histoire  de 
n  ce  jardin,  c'était  celle  même  de  la  botanique?  » 

Après  avoir  retracé  le  passé  brillant  de  l'Ecole  de  médecine, 
M.  Benoist  a  continué  en  indiquant  ce  que  furent  les  Universités 
anciennes,  ce  que  doivent  être  les  Universités  nouvelles,  et  il  a  mon- 
tré combien  la  diâérence  était  profonde  entre  les  unes  et  les  autres, 
quoique  le  titre  soit  le  même. 

«  Il  ne  faut  pas  être  dupe  des  mots,  et  s'imaginer  que  l'Université 
si  brillamment  inaugurée  en  1890  doive  ressembler  à  celles  de  l'an- 
cien régime.  Ce  nom  même  d'Université  est  une  cause  fréquente 
d'erreurs  et  de  malentendus,  parce  qu'il  a  eu  plusieurs  sens  différents, 
et  qu'on  les  confond  souvent  les  uns  avec  les  autres.  Dans  la  langue 
du  moyen  âge,  comme  dans  celle  du  droit  romain,  universitaa  voulait 
dire  corporation;  c'est  à  la  corporation  enseignante  de  Montpellier 
que  s'applique  la  bulle  de  Nicolas  IV,  du  26  octobre  1289,  et  quoique 
dans  cette  bulle  même  les  différentes  Facultés  soient  désignées  comme 
ne  faisant  qu'un  seul  groupe,  il  est  difficile  de  supposer  qu'un  pape 
de  la  fin  du  XllI^  siècle  ait  eu  cette  conception  de  l'unité  essentielle 
de  la  science  sur  laquelle  sont  fondées  les  Universités  modernes, 
conception  qui  s'est  formée  il  y  a  cent  cinquante  ans  à  peine,  au  temps 
des  encyclopédistes,  conception  qui,  même  de  nos  jours,  n'est  pas 


CHRONIQUE  85 

admise  par  tous,  et  que  MM.  de  Rozière  et  Challemel-Lacour,  dans 
leurs  discours  de  1892  au  Sénat,  ont  niée  formellement. 

»  Quoi  qu'il  en  soit,  il  y  a  une  chose  certaine  :  pour  les  hommes  du 
XIII®  et  du  XIV®  siècle,  une  Université  c'était  une  corporation  ensei- 
gnante investie  de  certains  privilèges,  et  les  Universités  de  ce  temps- 
là  prétendaient  si  peu  représenter  Tuniversalité  de  la  science,  que  les 
plus  célèbres  étaient  celles  où  la  spécialisation  des  études  était  la 
plus  marquée.  L'Université  de  Paris  était  essentiellement  une  grande 
école  de  théologie,  l'Université  de  Montpellier  une  école  de  médecine, 
l'Université  de  Bologne  une  école  de  droit.  De  notre  temps,  au  con- 
traire, nous  entendons  par  Université  un  groupe  de  hautes  écoles  où 
sont  représentées  toutes  les  parties  du  savoir  humain  dans  son  état 
actuel. 

»  Voilà,  résumée  en  deux  mots,  notre  conception  présente  des 
Universités.  Ceux  qui  l'ont  fait  prévaloir  avaient  compris  que  le  sys- 
tème des  écoles  spéciales,  improvisé  par  nos  pères  en  pleine  Révolu- 
tion, sous  le  coup  de  nécessités  pressantes,  nous  mettait  dans  un  état 
d'infériorité  à  l'égard  de  l'Allemagne,  qui  a  su  adapter  ses  antiques 
Universités  à  l'esprit  moderne  et  aux  besoins  actuels.  On  a  donc 
repris  ce  vieux  nom  d'Université  qui,  au  moyen  âge,  avait  fait  la 
gloire  de  Paris,  de  Toulouse,  de  Montpellier  ;  mais  on  n'a  pris  que 
le  mot,  non  la  chose  :  l'enseigne  est  vieille,  mais  la  construction  est 
entièrement  neuve.  Nos  Universités  nouvelles  ne  sont  pas  du  tout, 
comme  Oxford  et  Cambridge,  des  corporations  autonomes;  ce  sont, 
comme  les  Universités  allemandes,  des  établissements  d'Etat.  C'est 
l'Etat  qui  leur  fournit  la  plus  grosse  part  de  leur  budget  ;  c'est  l'Elat 
qui  nomme  leurs  professeurs  titulaires  ;  c'est  le  Recteur,  représentant 
de  l'Etat,  qui  a  la  présidence  de  leur  conseil.  Ces  trois  choses  se 
tiennent  étroitement,  et  font  partie  intégrante  d'une  même  conception. 
On  n'a  pas  voulu  ressusciter  les  Universités  telles  que  le  dix-huitième 
siècle  les  avait  connues,  ces  Universités  qui  n'usaient  du  droit 
qu'elles  avaient  de  se  recruter  elles-mêmes  que  pour  pratiquer  un 
népotisme  éhonté;  qui,  pour  attirer  les  étudiants,  abaissaient  à  l'envi 
le  niveau  des  examens  et  mettaient  les  grades  à  l'encan  ;  qui  enfin 
(sauf  une  exception,  glorieuse  pour  vous,  celle  de  Montpellier), 
laissaient  la  science  se  faire  en  dehors  d'elles,  et  au  nom  d*une  soi- 
disant  tradition  qui  n'était  plus  qu'une  routine,  barraient  la  route  au 
progrès.  » 


* 


Jeax  floraax 

Ce  n'est  plus  seulement  dans  le  midi  de  la  France  et  en  Catalogne 
que  se  célébreront  dorénavant  les  Jeux  floraux  ;  l'influence  de  «  Clé- 
mence Isaure  »  s'est  étendue  vers  le  Nord  et,  cette  année,  Cologne 
va  avoir  ses  fêtes  de  mai  comme  Barcelone,  Agen,  Toulouse  ou  Mont- 
pellier. Voici  à  ce  sujet  les  intéressants  renseignements  que  nous 
communique  notre  collègue  M.  Anglade  : 

«  Les  Jeux  floraux,  cette  institution  d'origine  toulousaine,  vont 
être  acclimatés  à  Cologne.  Le  président  de  la  Société  littéraire  de 

6 


86  CHRONIQUE 

cette  ville,  le  docteur  Fastenrath,  a  donné  à  la  Société  la  somme  de 
dix  mille  marcs  dont  les  intérêts  serviront  à  fonder  des  prix  pour 
les  lauréats. 
Voici  quelques  extraits  des  statuts  : 

1.  —  But  des  Jeux  floraux 

1.  Les  Jeux  floraux  fondés  par  le  docteur  Fastenrath,  sur  le  modèle 
des  Jochs  florals  catalans,  ont  pour  but  de  contribuer  au  progrès  de 
la  poésie  et  au  développement  des  genres  humoristiques  et  descriptifs 
dans  le  Rheinland  et  la  Westphalie. 

2.  La  fête  des  Jeux  floraux  a  lieu  tous  les  ans  à  Cologne,  le  pre- 
mier dimanche  de  mai.  Les  lauréats  reçoivent  leurs  prix  des  mains  de 
la  dame  qui  a  été  nommée  reine  de  la  fête. 

3.  Les  travaux  couronnés  sont  lus  en  public  par  leurs  auteurs  ou 
par  des  artistes  dramatiques. 

4.  Les  travaux  couronnés  paraissent  tous  les  ans  en  volume. 

IL  —  Les  Prix 

1.  Les  prix  sont  ordinaires  ou  extraordinaires. 

2.  Les  prix  ordinaires  sont  les  suivants  :  l'auteur  de  la  meilleure 
poésie  patriotique  obtient  un  bluet  d'or,  d'une  valeur  de  100  marcs  ; 
Fauteur  de  la  meilleure  poésie  religieuse  obtient  une  violette  d'or  ; 
l'auteur  de  la  meilleure  poésie  amoureuse  reçoit  un  bouquet  de 
fleurs  naturelles  retenues  par  un  nœud  en  or  gravé  ;  ce  dernier  prix 
donne  le  droit  de  nommer  la  reine. 

Deux  autres  prix,  une  églantine  et  une  grappe  fleurie  en  or,  sont 
attribués  à  l'auteur  de  la  meilleure  nouvelle  en  prose  ou  en  vers.  Au- 
cun de  ces  travaux  ne  doit  contenir  plus  de  trois  mille  mots. 

III.  —  Le  Jury 

1.  Le  jury  doit  comprendre  au  moins  cinq  membres,  sept  au  plus. 

4.  Le  choix  du  jury  appartient  au  bureau  de  la  Société  littéraire, 

5.  La  fête  commence  par  une  exécution  musicale  ;  des  chœurs  peu- 
vent se  faire  entendre  après  la  lecture  de  chaque  pièce. 

6.  La  fête  commence  à  midi  et  ne  doit  pas  durer  plus  de  deux 
heures. 

Les  premiers  Jeux  floraux  auront  lieu  le  7  mai  prochain.  i> 


*  * 


C'est  aussi  au  mois  de  mai  que  se  tiendront,  à  Toulouse,  les  Jeux 
floraux  de  VEscolo  moundino.  Des  fleurs  d'or,  d'argent,  des  médailles 
seront  distribuées  aux  lauréats. 

Voici  le  programme  des  Jeux  : 


CHRONIQUE  87 

I*  Poésie  lauguedocienne  (dialecte  de  Toulouse  et  des  régions  voi- 
sines). Sujets  divers  (chansons,  contes,  sonnets,  etc.,  etc.,  150  lignes 
au  maximum)  ; 

2»  Prose  languedocienne.  Sujets  divers  (contes,  légendes,  etc., 
200  lignes  au  maximum)  ; 

3<'  Traditions  populaires  et  glossaires  locaux  ; 

4®  Pour  les  écoliers  des  écoles  de  Languedoc,  Gascogne,  Rouergue, 
Quercj  et  pays  de  Foix,  traduction  en  prose  languedocienne  de  la 
fable  de  La  Fontaine  :  La  Qrenouille  qui  veut  se  faire  aussi  grosse  que 
le  Bœuf, 

Adresser  les  envois,  ou  demander  les  renseignements  complémen- 
taires, au  secrétaire  de  VE^oh  moundïno,  à  Castanet,  près  Tou- 
louse. 


* 


Notre  collaborateur,  M.  Charles  Mourrbt,  archiviste  de  la  ville  de 
Tarascon,  a  découvert  parmi  les  minutes  de  son  étude  de  notaire  un 
inventaire  de  pharmacie  fort  curieux.  11  est,  en  majeure  partie,  rédigé 
en  provençal  et  porte  la  date  de  1529.  Il  comprend  1130  articles  qui 
énumèrent  les  drogues  contenues  dans  lo  contado  de  la  botiquo,  las 
podres,  las  aygos,  los  olis,  las  pierraries,  las  borsas  de  clisten,  lo  pes 
de  la  medecino  de  Monp illier  tout  garnit,  los  libres  apellas  ressatoris, 
ciCr. ,  etc... 

M.  Mourret  a  bien  voulu  transcrire  et  annoter  ce  document  pour  la 
Revue  qui  le  publiera  prochainement. 


«  • 


M.  Charles  Barbibr,  professeur  au  Lycée  de  Guéret,  et  qui  a  donné 
kla, Revue  une  édition  d\i Libre  de  memorias  de  Jacme  Mascaro,  vient 
de  publier  une  intéressante  étude  sur  Théocrite  en  tète  d'une  excellente 
traduction,  composée  par  son  frère,  M.  François  Barbier,  professeur 
au  Collège  de  Perpignan.  Les  deux  auteurs  sont  des  élèves  de  notre 
Faculté  des  lettres. 


»  • 


M.  le  prof.  Ë.  Levt  consacrera  une  de  ses  leçons,  pendant  le  pro- 
chain semestre  (Université  de  Fribourg-i-B.),  à  la  poésie  provençale 
contemporaine  (félibres  et  félibrige). 


«  « 


Notre  confrère,  M.  Bonnet,  professeur  de  littérature  latine  à  la 
Faculté  des  lettres,  a  été  nommé  correspondant  de  Tlnstitut  (Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres). 


88  CHRONIQUE 


«  • 


Noos  avons  le  plaisir  d'annoncer  à  nos  lecteurs  la  promotion  de 
M.  Lambert,  directeur  da  Conservatoire  de  musique  et  trésorier  de 
la  Société  des  langues  romanes,  au  grade  d*officier  de  rinstruction 
publique.  Tous  les  membres  de  la  Société  se  réjooiront  avec  nous 
d'une  distinction  si  méritée  accordée  à  notre  excellent  confrère  et 
ami.  «i^ 

Deux  peintres-littérateurs  de  Montpellier,  pleins  de  talent  et  de 

• 

mérite,  MM.  E.  Marsal  et  Ëloy  Yincbkt,  ont  été,  en  même  temps 
que  notre  trésorier,  nommés  officiers  d'Académie. 

Notre  confrère  et  ami  M.  Semin  Santt,  directeur  ànLemouzi,  a  été 
honoré  de  la  même  distinction. 


C'est  le  21  mai  prochain  que  sera  célébrée,  à  Arles,  la  Santo  Estelle, 
fête  annuelle  du  Félibrige  et  qu'aura  lieu  l'inauguration  du  Museon 
arlalen. 

Les  félibres  qui  désirent  assister  au  banquet  sont  priés  d'envoyer 
leur  adhésion  à  M.  P.  Maribton,  chancelier  du  félibrige,  9,  rtie  Riche- 
panse,  Paris, 


Le  Gérant  responsable  :  P.  Hamklin. 


NARBONENSIA 

CHANGEMENT  DE  /  PROVENÇAL  EN  lE. 


On  sait  que  dans  divers  dialectes  provençaux  t  provenant 
de  %  tonique  latin  a  développé  après  lui  un  e.  A  ma  connais- 
sance, on  n'avait  d* exemples  de  cette  modification  de  Vi  que 
pour  des  mots  où  cette  voyelle  est  suivie  soit  des  labiales  b 
et  V  vocalisées  en  u,  soit  de  la  linguale  /;  on  était  même  porté 
à  attribuer  le  développement  de  cet  e  à  Tinfluence  des  pho- 
nèmes qui  le  suivaient  ^  Les  textes  narbonnais  nous  prou- 
vent que  ce  phénomène  est  beaucoup  plus  étendu.  Ils  nous 
fournissent  des  exemples  analogues  aux  exemples  connus,  et, 
en  outre^  pour  t  suivi  de  la  labiale  m,  de  la  linguale  r  et  même 
des  dentales  n  et  s.  Bien  plus,  nous  trouvons  cet  e  développé 
après  un  t  provençal  provenant  de  i  ou  de  e  latin  toniques  ou 
atones  suivis  de  m,  n,  r,  /,  et  même  pour  un  i  provençal 
suivi  de  ^  ;  je  n'en  ai  pas  trouvé  d'exemple  avec  u.  Cet  e  se 
renforce  en  a,  mais  seulement  lorsque  le  groupe  te  est  suivi 
de  /  ou  de  ti  romans. 

Il  semble  qu'en  présence  de  ces  faits  nouveaux  on  ne  peut 
pas  admettre  l'explication  qui  attribue  le  développement  de 
cet  e  à  Tinfluence  des  phonèmes  suivants,  surtout  quand  on 
tient  compte  de  cette  particularité  que  tantôt  les  consonnes 
m,  n,  8y  r,  /  appartiennent  à  la  même  syllabe  que  le  groupe 
ie  précédent  et  tantôt  appartiennent  à  la  syllabe  suivante. 

Voici  les  mots,  tous  empruntés  à  d'anciens  textes  narbon- 
nais ',  dans  lesquels   j'ai  constaté    ce  phénomène.    Je  les 

1  P.  Mbter.  —  Les  manuscrits  de  B.  Boysset  (Romania,  t.  XXII,  p.  124). 

'  Je  ne  donne  que  des  mots  relevés  au  hasard  de  mes  lectures  dans  la 
riche  collection  de  textes  de  langue  que  possèdent  les  archives  de  Nar- 
bonne.  Un  dépouillement  complet  fournirait  certainement  un  contingent 
plus  considérable;  mais  je  n'ai  pu  Tentreprendre  à  cause  de  la  richesse 

XLii  —  Mars-Avril  1899.  7 


y-* 


90  NARBONENSIA 

range  en  groupes  d'après  le  phonème  qui  suiti^,  en  donnant 
d'abord  ceux  dans  lesquels  i  était  tonique,  ensuite  ceux  où 
il  était  atone;  dans  chaque  groupe  les  mots  sont  rangés  dans 
Tordre  alphabétique  usuel  et  accompagnés  de  l'indication  du 
document  qui  le  fournit.  Il  a  paru  inutile  d'établir  des  listes 
distinctes  pour  les  mots  où  te  provient  de  l  latin,  ceux  où  il 
provient  de  t  ou  de  ë,  et  pour  les  mots  d'origine  germanique 
ou  inconnue. 


Cribm  —  cnmen  (clavaire  *  de  1407,  f»  63). 

VifiiM  —  mmen  (Livre  de  comptes  de  Jacme  Olivier  *,  1381- 
1391,  f  69,  3,  p.  134  ;  f  81  v%  1,  p.  159). 

Ybmpbtrar —  ïmpetrare  (clav.  1476,  f*  141  r*  et  v°  et  pas- 
sim). 

N 

DiBNS  —  de  ïntus  (clav.  1445,  f*  110  —  dedyens  e  defora  ;  le 
clavaire  de  1476,  f*  143  v**  écrit  dies  ;  y  a-t-il,  ici,  chute  de  Vn 
ou  simple  lapsus  du  scribe  ?). 

FiEN  —  finem  (quittance  de  R.  Tissejre,  escttdier,  dans  une 
liasse  de  quittances  de  1439;  fiens  a  la  payseyra,  clav.  1476, 
f»  142  V*  ;  afien  que,  clav.  1476,  f»»  142, 143  v%  145  v*»). 

SiENC  —  qmnque  {quatorze  II.  syenc  sos,  synquanta  sienc  ii»  ^., 
clav.  1468,  f>  100  V). 

ViBN  »  —  mnum  (clav.  1476,  f»"  145  v%  146  v«). 

Vient  —  mgtnti  {perlo  près  de  vient  /i.,  clav.  1468,  f*  100  v^). 

même  de  cette  collection.  Je  n'ai  pas  tenu  compte  des  textes  publiés 
par  Moujnès  dans  Tinventaire  de  ces  archiyes.  J*ai  déjà  eu  l'occasion 
de  dire  qu'il  n'a  guère  donné  que  des  copies  alors  qu'il  arait  les  origi- 
naux sous  la  main,  et  que  ces  copies  elles-mêmes,  il  les  a  ordinaire- 
ment données  d'une  manière  fautive. 

1  Je  désigne  ainsi  les  registres  des  comptes  des  clayaires  ou  trésoriers 
communaux. 

*  Ce  livre  de  comptes  est  en  cours  de  publication  dans  le  Bulletin  de 
la  Commission  archéologique  de  -Nar bonne  (1895-1899).  Dans  le  reste  de 
ce  travail  je  le  désignerai  par  les  mots  /.  Olivier. 

3  Actuellement  bi.  Je  ne  connais  pas  à  Narbonne  d'exemple  ancien  de 
chute  de  Vn  dans  des  mots  de  ce  genre. 


NARBONENSIA  91 

A8TBNN4T  —  ossignatum  (clav.  1476,  f*  141  tti)'*  /t.  qtie  lo  re- 
sebedor  avia  asyennadas;  f*  141  v*  una  Jornada  asyennada). 
Pribnsypal  —  pnncipalem  (clav.  1476,  f*  144  v*). 
Trienquar  (clav.  1476,  f»  142). 

Vyensbns  —  Vincentem  (nom  de  personne) (clav.  1476,  f**  1). 
Ybntrar  —  tntrare  (clav.  1476,  f*  145). 


Les  infinitifs  provençaux  en  in 

1*  Provenant  de  verbes  latins  en  tre  : 

AuKiBR  —  audlre  (clav.  1380-81,  f*  154  v*  ;  liasse  de  quit- 
tances de  1444). 

PuNiBR  —  puntre  (vidimus,  du  4  des  nones  de  mai  1320, 
d*uQe  ordonnance  de  1313). 

Vknibr  —  vemre  (ibid.  ;  clav.  1445,  f*  121  ;  clav.  1476, 
f>- 141,  144  v%  145). 

2o  Provenant  de  verbes  latins  en  ëre  : 

CoBfPBLUBR  —  compeUëre  (clav.  1445,  f*  121  ;  clav.  1476, 
f»  141  V»  *). 

CoMPLiBR  —  complère  (J.  Olivier,  f*  110  v*,  2,  p.  226  ;  clav. 
1445,  f<>  121  ')  ;  et  son  composé  acomplibr  (traduction  en  pro- 
vençalfaite  en  1335  de  lettres  de  Philippe  Yl  du  11  mars  1332). 

Proybribr  —  providëre  (clav.  1380,  f*  159). 

Tbnibr  -  tenêre  (clav.  1380,  f»«  151,  152, 155  v%  157;  clav. 
1433,  f>  139  ;  clav.  1446,  f»  166  ;  clav.  1476,  f»*  141  V,  143  v% 
144). 

3^  Bandibr,  verbe  d'origine  germanique  dont  la  forme  or- 
dinaire est  bandir.  —  Se  trouve  dans  Tanaljse  en  provençal 
inscrite  au  verso  d'un  acte  daté  du  21  mars  1326.  L'analyse 
n'est  pas  datée,  mais  ses  caractères  paléographiques  per< 
mettent  de  la  faire  remonter  avec  certitude  au  XIV®  siècle. 

SiBRVBNT  —  sërvientem  (liasses  de  quittances  de  1439, 1444). 

On  peut  rattacher  au  second  groupe  Tinfinitif  quesibr  — 

•  Le  clav.  de  1476  donne  le  participe  syan  compelietz, 

'  Une  seule   phrase  du  clav.  de   1445  renferme  ces  exemples  :   c   £y 

pagat  per  una  letra  per  far  compellier  los   talayres  que    yenguesson 

compiler  de  far  lo  tal,  que  no  voUan  venier.  » 


92  NARBONENSIA 

quaerère  (clav.  1476,  f  144  v*  *).  On  sait  que  qvMerêre  k  ^onué 
guerre^  et  qae,  passé  à  la  conjugaison  en  ëre^  il  a  donné 
querer,  quérir.  J' j  rattache  encore  siouibr  —  sequi  (clav.  1380, 
1°  141)  qui  se  présente  ordinairement  sous  la  forme  de  seguir. 

Peut-on  y  rattacher  aussi  proseribr  (clav.  1380,  f*  131  v"") 
qui  se  présente  ordinairement  sous  la  forme  procesir  '  ?  Oui, 
si  on  dérive  ce  verbe  du  latin  procedêi^e,  dont  Ve  aurait  été 
allongé.  Je  préférerais  y  voir  un  dérivé  roman  du  mot  procès. 

Un  autre  infinitif  plus  difficile  à  expliquer  est  suplier  (clav. 
1476,  f*  144  v**)  avec  le  sens  de  suplicar.  Faut-il  voir  dans 
cette  forme  un  résultat  de  l'influence  du  français?  Dans  ce 
cas,  ce  verbe  devrait  disparaître  de  cette  liste.  Mais  le  cla- 
vaire qui  a  employé  cette  forme  n*a  nullement  francisé  son 
provençal  '.  Existe-t-il  un  provençal  suplir  au  sens  de  supli- 
car  ?  Je  n'en  connais  pas  d'exemple. 

Voici  encore  deux  formes  curieuses  que  je  relève  au  folio  1 
du  3*  thalamus,  ce  sont  les  mots  podibr  =  poder  et  sabibr  = 
saber.  Ces  formes,  qui  datent  de  1256  ^,  nous  ramènent  aux 
infinitifs  podir^  sabir.  L'un  d*eux  rappelle  le  podir  des  Ser- 
ments de  Strasbourg  et  nous  amène  à  admettre  que  cette 
forme  a  appartenu  à  la  Gaule  entière.  Mais  elle  n'aurait 
pas  laissé  d'autres  traces  dans  le  Midi,  ce  qui  est  peu  vrai- 
semblable. 11  me  semble  plus  naturel  d'admettre  ici  une  in- 


1  Voici  le  curieux  passage  du  clayaire  renfermant  le  mot  quesier  : 
«  Ey  pagat  a  dos  barbu tz  de  Gontestinoble  losquals  son  deputats  de 
anar  quesyer  per  tôt  lo  monde  quy  los  vol  donar  ;  e  la  présent  vila  de 
Narbona  los  a  donat  so  es  la  soma  de  iiij  li.  xyiij  s.  ix  d.  » 

2  II  est  inutile  de  faire  remarquer  pour  ce  verbe  le  changement  d'f 
en  r,  dont  aurier  cité  plus  haut  oflTre  un  autre  exemple.  J'ai  montré  que 
le  fait  était  fréquent  à  Narbonne  aux  XIV*  et  XV*  siècles.  On  vient  de 
voir  un  exemple  du  changement  dV  en  s  dans  quesiei\ 

3  Voici  comme  échantillon  de  la  langue  de  ce  clavaire  la  phrase  qui 
renferme  le  mot  en  question  :  «  Eyso  per  la  despensa  e  trebal  fasedor 
per  anar  deves  lo  rey  nostre  subijan  sehior  e  a  son  grant  consel  e  lur 
suplier  que  la  lybertat  de  la  merchandayria  sya  uberta  en  lo  présent  pais 
de  Lengadoc. . .  per  venier  de  Monpelia  a  Narbona.  > 

^  Voici  le  texte  du  8*  thalamus  :  c  Aquest  libre  fon  compilatz. ..  en 
Tan  de  nostre  seior  Jeshu  Grist  que  hom  comtava  de  la  carnatio. 
m.  ce.  1.  vj.,  em  podier  del  seiors  consols,  so  es  asabier  del  seior  en 
B'  Mainart  >,  etc. 


NARBONENSIA  93 

flaence  analogique  des  verbes  comme  tener  —  tenir ^  querer 
—  quérir^  dans  lesquels  ie  provenait  de  la  forme  en  —  ir  et 
avait  familiarisé  les  Narbonnais  avec  les  infinitifs  en  —  ier 
employés  concurremment  avec  les  infinitifs  en  er. 
Cette  parenthèse  close,  reprenons  notre  liste  : 


AfiBiEL  —  aprîlem  (registre  de  1377-1379,  compte  de  répa- 
ration des  murs,  passim  ;  J.  Olivier,  passtm  ;  inscription  du 
Musée  de  Narbonne,  datée  de  1392;  liasses  de  quittances  de 
1435,  1444). 

Abrial  (clav.  1402,  f°  140  ;  clav.  1430,  f»  131  v«). 

Angibl  —  angëlum  (clav.  1416,  f'  1  ;  le  même  texte  a  aussi 
arquangiel). 

Angyal  (clav.  1401,  f»  160  v«). 

AusYELS  —  auxiliis  (?)  (clav.  1476,  f»  109  —  fabadesa  dels 
ausyels)  *  ;  quelle  que  soit  l'origine  de  ce  mot,  il  se  présente 
ordinairement  sous  la  forme  ausils. 

Barriela  =  le  français  harril  et  se  présente  en  provençal 
sous  la  forme  barila  (clav.  1413,  f*  14  ;  clav.  1471,  f»  97 
r^»  et  V*). 

Bariala  (clav.  1397,  f>  98  v»;  clav.  1410,  f>»  51  v%  65; 
clav.  1471,  f»»  97,  97  V»). 

Datiel  —  dactylum  (clav.  1438,  f*  133  v*). 

Datial  (liasse  de  quittances  de  1438  —  per  .j.  It,  dragea 
perlada  e  per  Jj,  li.  datials  que  foron  per  far  colasi'ûn), 

PiELH —  ftlum  (acte  de  1346*;  J.  Olivier  passim;  clav. 
1393,  f»  1  ;  clav.  1421,  f>  102  V). 

PiALH  (clav.  1420,  f»  97  v*);  fiai  est  la  seule  de  ces  deux 
formes  qui  ait  persisté  jusqu'à  aujourd'hui  '. 

1  C'était  le  nom  d'un  monastère  situé  à  l'est  de  Narbonne  ;  non  loin 
de  là  est  encore  une  chapelle  dédiée  à  Notre-Dame-des-Ausils,  dans 
les  textes  latins  de  auxiliis. 

*  Arch.  de  Narb.,  pièce  non  inventoriée,  texte  original  du  règlement 
sur  la  fabrication  des  draps,  reproduite  dans  les  Annexes  de  V Inventaire 
des  Archives,  A  A,  p.  321,  d'après  une  copie.  Cette  copie  donne  viala^ 
liura^  et  l'original  a  vila^  lieura. 

3  Je  retrouve  dans  d'autres  régions  du  Languedoc,  à  Saint- Hippolyte- 
du-Fort  (Gard),  fiala  (fr.  filer),  fialousa  (quenouille);  cependant  aujour- 
d'hui on  n'y  connaît  que  la  forme  fiou  ifilum). 


94  NÂRBONENSIA 

FiBL  —  fllfûm  (liasse  de  quittances  de  1438,  compte  de  An- 
thony Pelisso  ;  registre  de  quittances  de  1444,  f*  66  v*^;  clav. 
1446,  P  68). 

Gachiel,  se  présente  ordinairement  sous  la  forme  gachil 
(clav.  1462,  f*  128);  désignait  une  construction  élevée  sur  les 
remparts  ;  se  rattache  au  mot  gach^  gait  =  franc,  guet. 

Gentibl,  jentibl  —  gendlem  (clav.  1406,  f*  1  ;  clav.  1420, 
f»  liminaire  1  ;  clav.  1433,  f»  1;  clav.  1445,  f»  119). 

jENTiAL  (clav.  1398,  f  107  v»;  clav.  1415,  f  1)- 

Herbobl,  nom  de  personne  que  Ton  trouve  ordinairement 
sous  la  forme  latine  Hermiltum  (clav.  1439,  f»  114  v*  ;  clav. 
1455,  f*  94  ;  liasses  de  quittances  de  1439,  1455). 

HuMTEL  —  humtlem  (clav.  1430,  f*  liminaire  —  en  io  nom 
de  la  humyel  verges  Mana;  clav.  1433,  f*  1  —  la  humyelh  verges 
Marya). 

HuTiEL  —  utïlem  (clav.  1475,  f°  125). 

Miel,  mielh  —  mille  (clav.  1416,  f»  1;  quittances  de  1429  ; 
clav.  1445,  f»  141  v»  ;  clav.  1447,  f»  158;  clav.  1476,  f»  150). 
Dos  M1EUA  —  mlllia  (clav.  1447,  f©  158). 

MiAL  (liasse  de  quittances  de  1429;  clav.  1430,  compte- 
rendu  des  vérificateurs  ;  clav.  1430,  f*  131  v"  ;  liasses  de 
quittances  de  1436,  1438). 

PiELA,  PiBLHA  — fnlam  (acte  du  15  mai  1341,  adjudication 
de  la  construction  d'un  pont  ;  registre  de  1423,  f*  51,  d'une 
main  autre  que  celle  du  rédacteur  ordinaire). 

PiALA,  piALHA  (acte  du  22  juillet  1336,  concernant  la  con- 
struction d'un  pont  ;  se  rencontre  aussi  dans  les  mêmes 
textes  que  piela,  piWAa;dans  le  registre  de  1423,  c'est  la 
graphie  du  rédacteur  ordinaire,  f°"  31,  33  etpassim). 

On  trouve  aussi  piala  de  peyra  {cl&v.  1402,  f®  153)  pour 
désigner  des  mesures  en  pierre  pour  les  grains.  Ce  mot  est 
encore  usité  aujourd'hui  sous  la  forme  pialo  pour  désigner 
une  auge  *. 

RoDiELy  nom  de  personne  qui  se  retrouve  souvent  dans  les 
textes  latins  sous  la  forme  Rodillum^  et  dans  les  textes  pro- 

>  Ce  mot,  sous  la  forme  pielo^  est  encore  usité  à  Saint-HippoIyte-du- 
Fort  (Gard)  pour  désigner  de  grands  récipients  en  pierre  dans  lesquels 
on  conserve  Thuile  d'olive. 


NARBONENSIA  95 

vençanz  sous  les  formes  Bodil,  Rodilh^  et  même  dans  le  cla- 
vaire de  1438,  f*  129,  sous  la  forme  RodeL  (Liasses  de  quit- 
tances de  1439,  1444;  clav.  1444,  f*  166  v«;  clav.  1476, 
f»  146). 

SiBL  =  s{7=  silo  relevé  par  M.  Chabaneau  dans  le  poète 
narbonnais  G.  Riquier,  179,  710  {Rev.  des  Lang.  rom.^  t.  XII, 
p.  99). 

ViELA,  viBLLA,  viBLHA  — m/fam  (clav.  1342,  passim;  clav. 
1380,  f  1  ;  liasse  de  quittances  de  1429,  1435,  1438;  forme 
très  fréquente  dans  la  période  postérieure). 

ViALA,  viALLA,  viALHA  (actcs  de  1299,  1337  *  ;  clav.  de 
1341,  f>  13  ;  copie  faite  en  1344  d'un  acte  du  19  nov.  1341  ; 
clav.  de  1358,  f»  85  ;  J.  Olivier,  f"  52,  p.  98;  clav.  1398, 
passim;  clav.  1402, f»  158;  clav.  1410,  f«»  47;  registre  de  1426- 
1431  ;  liasse  de  quittances  de  1429  ;  clav.  de  1430,  f>  131  v*; 
liasse  de  quittances  de  1430;  clav.  1431,  f^  118;  liasses  de 
quittances  de  1431,  1435,  1438,  1444).  Des  quittances  de 
1429,  1435,  1444  nous  offrent  concurremment  vila,  viela^ 
viala, 

ViALA  —  mllanum  (registre  de  1407,  f*  197  v®  :  kurayes 
malas). 

B,  V  donnant  U  en  roman. 

Archieu  —  archwum  (clav.  1476,  f*  145  v"). 

EscRiEURE  —  scribere  (clav.  1893,  f°  1  :  comensem  ar  es- 
qrieure  en  aquest  libre  ;  clav.  1416,  f®  1  :  escryeurem  ;  liasse 
de  quittances  de  1438;  clav.  1444,  f°  121  v%  clav.  1476, 
foi44  ^fO.  escrieuse;  clav.  1478,  f»  115). 

EscRiAURE  (clav.  1397,  fo"  98,  102;  clav.  1402,  f°  134; 
clav.  1405,  f»»  110  v%  112). 

EsTiEU  —  *aestwum  (clav.  1417,  f»  168). 

LiBURA — ftôram  (Copies  des  Coutumes  de  Narbonne  (1232); 
Tune  de  ces  copies,  dans  le  6*  thalamus,  f*  15  v®,  est  de 
1255  ;  la  seconde,  dans  le  10*  thalamus,  f°  19  v®,  est  de 
1266;  les  copies  des  3*  et  8'' thalamus  ne  sont  pas  datées; 
celle  du  3*  paraît  remonter   au  XI II*  siècle*.  —  Acte  de 

1  Pièces  non  inventoriées. 

'  Il  est  inutile  de  redire  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  se  préoccuper  de  la 
leçon  que  Mouynès  a  donnée  de  ce  texte  dans  ses  Annexes  à  Tinventaire 


96  NARBONENSIA 

1346  *  ;  liasses  de  quittances  de  1438,   1444  :  clay.    1494, 
f»  137). 

LiAURA  (liasse  de  quittances  de  1429;  clav.  1431,  f*  118  ; 
liasses  de  quittances  de  1438,  1444). 

Nadibu —  naUmtm  (inscription  de  1358^  ;  olav.  1410,  f**  1, 
20  T<»  et  passim). 

OuBU  —  oRvum^  RiBU  —  rivum.  Je  n*ai  relevé  ces  formes 
que  dans  des  noms  propres  :  Montolieu  ,  nom  de  lieu  ', 
(copie  d*un  leudaire  de  1153,  dans  le  6*  thalamus,  î^  43  y», 
exécutée  en  1255)  ;  nom  de  personne  (J.  Olivier,  f"  58  v*,  2  ; 
62, 2  ;  72,  3  ;  87  v°,  4  ;  109,  2).  —  Riku,  nom  de  lieu  ;  «  super 
recum  vocatum  Rieu  tnerdier.  »  (1295)  ^;  nom  de  personne 
(J.  Olivier,  f**  58, 1  ;  61  v%  3).  Riau,  nom  de  personne  (clav. 
1398,  f»  98  V»). 

Visu  —  vivum  (6*  thalamus,  f°  15,  copie  datant  de  1255  : 
possessions  entre  viens  donadas  ;  f  43  :  argent  vieu  ;  clav  1376- 
1377,  f>  156). 

CiEUTAT  —  ctvitatem  ^  (6«  thalamus,  f*  16  v*,  copie  faite  en 
1255  d'un  acte  de  1221  ;  10*  thalamus,  f^54,  copie  du  même  acte 
faite  en  1266;  clav.  1352,  f>  32  v»  ;  clav.  1358,  f»  1  ;  registre 
de  1376,  fMl  v«;  clav.  1415, f» liminaire;  clav,  1431,  f»  limin. 
1  ;  liasses  de  quittances  de  1435,  1438  ;  clav.  1462,  f*  128). 

CiAUTAT  (clav.  1397,  f»»  101,  102  v%  105  et  passim  ;  clav. 
1402,  fo«  128, 134  ;  clav.  1405,  passim). 

des  archives  de  Narbonne.  Dans  les  mêmes  Annexes  il  donne  la  copie 
d'un  leudaire  de  1153  et  publie  la  forme  llieura.  En  réalité  cette  copie 
donne  le  mot  en  abrégé. 

I  Voir  p.  93,  n.  2. 

8  L'auteur  de  cette  inscription  voulant  franciser  son  langage  a  assourdi 
ou  supprimé  les  finales  ;  il  a  écrit  nadie  pour  nadieu.  Voir  mon  Essai 
sur  la  substitution  du  français  au  provençal  à  Narbonne^  p.  4,  extrait 
du  Bulletin  historique  et  philologique. 

3  Les  draps  de  Montolieu  (canton  d'Alzonne,  Aude)  étaient  renom- 
més au  moyen  âge. 

*  Arch.  de  Narb.,  pièce  non  inventoriée,  datée  du  7  des  ides  de  (7) 
janvier  1295*  Au  XIII*  siècle,  à  Narbonne,  ruisseau  se  disait  ree  comme 
aujourd'hui  ;  c'est  ce  que  prouve  ce  texte.  Il  prouve,  en  outre,  que 
la  forme  riu,  rieu  avait  été  usitée  antérieurement  puisqu'elle  restait 
dans  le  nom  d'un  ruisseau  situé  en  entier  sur  le  territoire  de  Narbonne. 

5  Le  clavaire  de  1393  écrit  aussi  syotat  (f»  1),  siuotat  (fo*  91  vo,  95)  qui 
mtT  paraissent  être  de  simples  variantes  graphiques  de  ciutat. 


NARBONENSIA  97 

LiBURAR  —  Rberare  (6»  thaï.,  f»*  16  v%  28,  copie  de  1255 
citée  ci-dessus  ;  10'  tbal.,  f*  54,  copie  de  1266;  9«  thaï., 
f  33,  copie  de  1319  da  môme  acte).  —  Liburb  (3*  personne 
du  subjonctif,  acte  du  17  juillet  1326).  ^  Libuzet  (parfait, 
clav.  1358,  f»  85)  *.  Dbliburar  —  detiberare  (clav.  1444,  f>  120 
T«;  registre  de  quittances  de  1444,  f»  43'  ;  clav.  1476,  f»  145). 
—  Libural  :  fît;  massapas  Ueurals  ^  (liasse  de  quittances  de 
1429).  —  LiEURBiA^:  la  lieureya  del  rey  (J.  Olivier,  f*  99  ▼*, 
p.  199);  la  lieurehia  dels  escudies  (clav.  1430,  f*  114);  lieu- 
zeya  (clav.  1438,  f*  129).  —  A  ajouter  à  ces  formes  lieura- 
bantur  dans  un  acte  rédigé  en  latin  le  29  juillet  1405. 

LiAURAR  (6*  thalamus,  f^l6  v®,  copie  de  1255  déjà  citée). 

Une  quittance  de  1439  présente  le  nom  du  viguier  de  Nar- 
bonne  à  cette  date  sous  les  deux  formes  Viussac  et  Vibuzac*^. 

O 

Tamaribo,  Tamariag  (acte  du  27  septembre  1344)  ;  nom 
d'un  lieu  dit  situé  à  Touest  de  Narbonne  ;  la  forme  usuelle  est 
Tamarig  •. 

1  Je  rappelle  que  les  exemples  de  z  pour  r  sont  fréquents  dans  les 
textes  narbonnais  des  XIV*  et  XV*  siècles. 

'  La  quittance  à  l'appui  de  l'article  du  clavaire  est  de  la  main  d'un 
écuyer  consulaire  qui  écrit  à  l'infinitif  delieura^  porta.  Ur  final  ne-  se 
prononce  évidemment  plus. 

'  Lieurat^  du  poids  d'une  livre. 

*  A  remarquer  cette  finale  eia  où  l'on  attendrait  plutôt  ada.  Cette 
forme  lieureia  a  été  relevée  dans  la  Haute-Provence  et  dans  le  roman 
provençal  d'Esther  (Romania^  t.  XXI,  p.  206)  ;  on  la  retrouve  aussi  à 
Béziers  (flei;.  des  Lang,  rom  ,  XXX VIII,  10,  17). 

'  Ce  vigTiier  signe  Aymeric  de  Viussac  ;  dans  une  autre  quittance  de 
1439  son  nom  est  donné  sous  la  forme  Aymeric  de  VuysaCy  et  il  est  qua- 
lifié «  donzel,  senhor  de  Scalas,  escudier  de  l'escuderia  de  nostre  senhor 
lo  rey  de  Fransa  et  per  el  viguier  de  Narbona.  >  Il  existe  une  commune 
d'Escales  dans  le  canton  de  Lézignan,  à  90  kilom.  à  l'O.  de  Narbonne. 

•  On  pourrait  être  tenté  d'ajouter  ici  l'infinitif  elieger  (eligere)  qui  se 
présente  ordinairement  sous  la  forme  elegir,  Elieger  nous  est  donné 
dans  trois  copies  diff'érentes  d'un  acte  de  1248  (6*  thalamus,  f'»  17  v»,  co- 
pie de  1255  —  le  texte  a  eliegei^  lapsus  évident  du  scribe  — ;  3*  thaï., 
f*  18,  copie  de  1256;  2«  thaï.,  f»  89  v»,  copie  de  1819);  cette  forme  devait 
donc  vraisemblablement  se  trouver  dans  l'original.  Elle  n'a  pas  persisté. 
Elle  avait  probablement  été  refaite  sur  les  formes  régulières  comme  elie- 
gan  (subj.,  3*  pers.  plur.)  qui,  du  reste,  se  retrouvent  à  diverses  reprises 
dans  le  même  acte. 


98  NARBONENSIA 

On  a  pu  remarquer  qu'à  de  rares  exceptions  près  le  déve- 
loppement d*un  e  après  i  s'est  produit  à  la  syllabe  tonique.  On 
pourrait  être  porté  à  croire  que  Iteural,  lieurar,  Ueureia  sont 
dus  à  une  influence  analogique  de  lieura;  que  viala,  adjectif 
oxyton,  a  été  amené  par  viela,  viala,  substantif  paroxyton  ; 
que  priensipal  est  dû  à  *prience\  mais  certainement  trienquar, 
cieutat  ne  sont  pas  dus  à  des  influences  de  ce  genre.  Il  n^est 
donc  pas  impossible  que  l'on  ne  doive  pas  à  cette  influence 
lieuraly  etc. 

La  nature  du  phonème  qui  suivait  Te  adventice  semble 
avoir  exercé  sur  lui  une  influence  considérable.  Le  dialecte 
narbonnais  change  volontiers  e  en  a,  que  cet  e  soit  tonique 
ou  atone,  isolé  ou  dans  une  diphtongue,  entravé  ou  libre.  Ce 
changement  se  produit  en  particulier  dans  le  suffixe  —  ter 
( —  ariu$)  qui  devient  —  iar,  dans  les  mots  où  e  provient  de 
ae  tonique  en  hiatus,  ou  de  ë  tonique  ou  atone  dans  des  posi- 
tions fort  diverses,  comme  on  peut  le  voir  par  les  exemples 
suivants:   Andrieu  Andriau  *  (liasses  de  quittances  de  1429, 

1438,  1439),  Bertomieu  Bertomiau  (clav.  1397,  f»  99  ;  liasse  de 
quittances  de  1439),  corieu  coriau  (clav.  1402,  f*  151  :  a  j  co- 
ryau  que  portet  ij  letras)^  Dieu  Diau  (clav.  1397,  f*  98  v®  :  antt 
a  Di'au;  clav.  1402,  f^  134),  Dieusajuda  Diausajuda^  nom  de 
personne,  (acte  du  15  juin  1258),  ieu  iau  (registre  de  quittan- 
ces de  1444,  f*»  50,  53,  62,  63:  sapyan  totz..,  que  tau  Marty 
Jaume^  laurador),  Matieu  Matiau  (clav.  1402,  f»  139  v®),  ro- 
mieu  romf'at*  (clav.  1396,  f*  146\  sieu  siau  (clav.  1396.  f*  155  : 
per  iiij  gomals  del  siau  rosm),  des  e  ueg  deravueg  {decem  et 
oc/o)  (clav.  1447,  f°  158),  Amiel  Amial  (compois  de  1327,  f» 
9,    clav.  1397,    f»  99  ;  clav.  1402,  f»  157),  vt'el  vial  (clav. 

1439,  f^  113:  Costa  lo  pont  vial,  et  passim  ;  liasse  de  quittan- 
ces de  1439:  io  cami  vial),  Barieyra  à  la  signature,  Bariara 
dans  le  corps  d'une  quittance  de  1438  ;  Caderona  Cadaronay 
nom  de  personne  (clav.  1447,  f»  158}  ;  erwia  arma  {eremam) 
(J.  Olivier,  f»  11  v%  p.  19);  siée  siac  (clav.   1402.  f»  134,  et 


1  A  la  même  époque,  on  trouve,  outre  ces  deux  formes,  Andriu  An- 
dreUy  Bertomiu  Bertomeu,  Matin  Mateu,  yu  {ego\  Diu,  Dans  tous  ces 
mots  la  forme  en  iu  subsiste  seule  aujourd'hui,  sauf  pour  yu  qui  a  gardé 
la  triphtong^e, 


NARBONENSIA  9^ 

pa8sim)y  se  siegon  se  siagon  (acte  da  20  octobre  1345),  mieg 
miagmiaga  {médium  medtam)  (compois  de  1327,  passtm  ;  liasse 
de  quittances  de  1429),  profieg  profiag  {profectum)  (clav. 
1402) ,  Denis  Danis  {Dionysium)  (clav.  1447,  f>  158),  detz  e  set 
derasset  (liasse  de  quittances  de  1429),  meysonier  maysonier 
(messionarium)  (J.  Olivier,  f»  28,  1,  p.  51).  On  trouve  même 
cet  a  pour  un  e  roman  atone  provenant  de  ï  latin  dans  aseha 
(insignat)  écrit  ordinairement  enseha  ou  ensenha  (J.  Olivier, 
f»  25  vS  1,  p.  46  ;  clav.  1402,  f»  152).  Je  le  trouve  encore  à 
la  place  de  Ye,  élément  de  la  diphtongue  ue  provenant  de  6  ; 
mais  tandis  qu'ailleurs  ue  devenait  ua,  à  Nar bonne  il  devenait 
ia  ;  on  y  rencontre  dans  les  registres  de  clavaire  le  même  mot 
écrit  fuelha^  fuela^  fiala  *. 

Or  ce  renforcement  de  e  en  a,  si  fréquent  comme  on  vient 
de  le  voir  avec  la  diphtongue  ie  ou  la  triphtongue  ieu  pro- 
venant de  ë  ou  de  ae,  ne  se  retrouve  que  dans  quelques-uns 
des  mots  où  ie  répond  au  latin  i  ou  ï.  On  a  pu  déjà  remarquer 
que  les  seuls  qui  aient  subi  cette  modiâcation  sont  les  mots 
dans  lesquels  ie  est  suivi  de  /  ou  bien  s'était  combiné  avec  u 
pour  former  la  triphtongue  ieu.  Il  est  fort  probable  que  dans 
ces  deux  cas  le  son  e  avait  attiré  sur  lui  l'accent,  que  ce  fût 
Taccent  principal  gentiel,  lieura^  ou  Taccent  secondaire  cieu- 
tat  ;  le  passage  au  son  plus  plein  a  s'était  trouvé  ainsi  faci- 
lité gential,  iiaura^  c'mutat.  En  fait,  dans  la  prononciation 
actuelle  des  mots  fiai  [filum),  pialo{p%iam)y  Taccent  est  sur  a. 
Dans  les  mots  comme  criem^  T accent  était  resté  sur  le  pre- 
mier élément  de  la  diphtongue,  et  Ve  prononcé  plus  faible- 
ment n'avait  pu  se  renforcer  en  a.  Il  a  dû  en  être  de  même 
pour  les  verbes  aurier,  venter^  etc.,  qui  ne  sont  pas  passés  à 
iar  bien  que  ie  suffixe  nominal  iar  pour  ier  fût  très  usité.  En 


«  Clav.  1397,  f"  99,  102  v,  105:  per  ij  fialas  d'avet,  —  pev  porfar  las 
ditas  fialas.  —  Ce  mot  désigne  une  planche  débitée  à  la  scie.  La  forme 
la  plus  ordinaire  à  Narbonne  est  fitela.  Fiala  suppose  une  forme  en  ie 
que  je  n'y  ai  pas  rencontrée,  mais  qui  existe  dans  d'autres  dialectes.  A 
Saint-Hippolyte-du-Fort  (Gard),  par  exemple,  la  forme  masculine  déri- 
vée de  folium  est  fiel  et  la  forme  féminine  fielho.  Dans  un  texte  toulou- 
sain de  1445  (Annales  du  Midi,  1895,  p.  499  et  sqq.),  on  trouve  le  même 
mot  au  même  sens  qu'à  Narbonne  sous  les  formes  suivantes  :  fulha  §  6, 
12,  22  ;  felua  §  28,  fuelha  §  1,  fiela  §  1,  5, 12,  29. 


100  NÂRBONENSIA 

outre  il  est  fort  possible  qu'ici  la  conjugaison  ait  fait  sentir 
son  influence.  La  langue  aura  sans  doute  répugné  à  la  for- 
mation de  verbes  en  iar  dont  les  flexions  auraient  été  si  dif- 
férentes de  celles  de  verbes  en  ar  déjà  existant. 

De  ces  deux  formations  Andrieu^  Dieus^  d*une  part,  lieura^ 
fiely  de  Tautre,  quelle  est  la  plus  ancienne?  Les  dates  des 
textes  qui  nous  ont  conservé  ces  formes  ne  nous  apprennent 
rien  à  ce  sujet.  Le  renforcement  de  Ve  adventice  en  a  ne 
nous  apprend  pas  davantage,  ûiausajuda  est  de  1258,  liaura 
de  1255.  Si  la  généralité  plus  grande  d*un  phénomène  lin- 
guistique est  une  présomption  de  plus  haute  antiquité,  on  est 
amené  à  croire  que  ae  ou  e  suivi  de  u  latin,  a  donné  la  triph- 
tongue  plutôt  que  î  n'a  donné  ie,  le  premier  phénomène  s'é- 
tant  produit  dans  tous  les  mots  qui  peuvent  le  présenter,  ce 
qui  n'est  pas  le  cas  du  second. 

Voici  comment  je  me  représente  le  processus  de  la  diph- 
tongaison de  i  en  te,  La  langue  a  possédé  à  une  époque  re- 
culée la  triphtongue  ieu  dans  les  mots  comme  Dieu,  JusieUf 
Andrieu  ;  par  analogie  on  a  introduit  un  e  dans  la  diphtongue 
de  mots  comme  escriure,  liura^  ciutat.  La  diphtongaison  de  Vi 
s'est  propagée  aux  mots  où  ce  son  était  suivi  de  1'/,  pho- 
nème dont  on  connaît  Tafânité  avec  u  ;  i  provenant  de  î 
latin  semble  s'être  plus  généralement  diphtongue  en  ie  de- 
vant u  roman  que  devant  17  ^  Cet  e  adventice  est  même  de« 
venu  dans  ces  deux  cas  l'élément  essentiel  de  la  diphtongue 


1  Je  laisse  de  côté  les  considérations  sur  l'extension  géographique  de 
ces  phénomènes  qui  trouveraient  ici  une  place  naturelle.  Elles  me  pa- 
raissent prématurées  dans  Tétat  actuel  de  nos  connaissances.  M.  P. 
Meyer  estime  que  cet  e  adventice  était  caractéristique  de  la  partie  orien- 
tale du  domaine  provençal.  Mais  on  a  vu  quelle  extension  cette  diph- 
tongaison avait  prise  à  Narbonne.Je  retrouve  les  formes  cietUat^  lieura^ 
fial^  à  Alby,  dans  un  registre  de  notaire  de  1544  rédigé  partie  en  fran- 
çais, partie  en  provençal.  Ce  registre  m'a  été  communiqué  par  M.  Ar- 
mand Bories,  membre  de  la  commission  archéologique  de  Narbonne.  — 
Le  texte  toulousain  de  1445  cité  plus  haut  (p.  99  n.  1)  donne  lieura 
§  13,  30,  et  p.  452;  l'an  miel  cccc  quaranta  cinq,  p.  452;  escrieuta^  p.  448, 
452.  Un  règlement  pour  le  chapitre  de  Maguelone  promulgué  en  1331 
nous  donne  :  novem  lieuralia  fabarum  {Rev.  des  Soc.  sav.^  i"  sem.  1873, 
p.  418,  s.  verbo  sabt'erium).  Mial  (mille)  se  trouve  en  1410  à  Montréal 
(Aude).  Voir  Les  coutumes  de  Montréal  par  l'abbé  Sabarthès,  p.  57. 


NÂRBONENSIA  101 

ou  do  la  trîphtongue  et  a  pu  se  renforcer  en  a,  —  Il  s'est 
ensuite  propagé  dans  les  mots  où  t  roman  représentait  un  l 
latin  suivi  de  r,  m,  n.  Ce  qui  me  fait  croire  que  cette  propa- 
gation est  postérieure,  c'est  qu'il  n'y  a  pas  eu  d'élargissement 
d'e  en  a.  Enfin,  à  force  de  se  familiariser  avec  des  formes  en 
te  subsistant  à  côté  de  formes  en  t  pur  *  ,  il  s'est  créé  dans 
la  langue  une  tendance  à  renforcer  d'un  e  tout  t  quelle  qu'en 
fût  rorigine  '.  Ainsi  s'explique  le  fait  que  la  liste  que  j'ai 
dressée  renferme  beaucoup  de  mots  savants  ;  ainsi  s'explique 
encore  l'existence  d'une  forme  in  magna  multùudiene  pour 
multitudine  que  j'ai  relevée  dans  une  pièce  de  procédure 
rédigée  en  latin  et  qui  remonte  à  1323  '.  Cette  tendance 
existait  dès  le  XIV*  siècle  *.  Il  semble  même  s'être  produit, 
mais  sporadiquement  et  surtout  dans  les  mots  savants,  une 
confusion  entre  i  et  e  dont  témoigne  la  forme  curieuse  uni- 
viersitat  que  je  relève  dans  le  clavaire  de  1476,  f*  141  v®.  Peut- 
être  les  curieux  infinitifs  podier,  sabier^  peuvent-ils  s'expliquer 
par  la  même  confusion. 

*  Les  textes  que  j'ai  cités  ou  des  textes  contemporains  donnent  avec  les 
formes  en  ie  les  formes  en  i  :  crim,  virriy  venir,  ausir,  barila,  gachil, 
mil,  vila,  viu,  liura,  ciutat,  etc.,  etc.  Il  ne  serait  pas  impossible  que 
cette  graphie  représentât  plutôt  la  tradition  littéraire  et  que  la  graphie 
ie  se  rapprochât  davantage  de  la  prononciation  populaire. 

*  Remarquons  que  si  l'on  admet  notre  hypothèse  on  n'a  plus  besoin 
pour  expliquer  des  formes  comme  le  prov.  moderne  argielo,  argelo  de 
recourir  à  un  hypothétique  argilla  (Cf.  Annales  du  Midi,  1893,  p.  515). 

3  Cette  forme  se  trouve  dans  une  pièce  non  datée,  mais  qui  doit  re- 
monter à  1323,  d'après  les  faits  qui  y  sont  relatés  et  ses  caractères  paléo- 
graphiques. Le  scribe  à  qui  nous  la  devons  prononçait  ie  tout  i  quel  qu'il 
fût.  Il  avait  l'habitude  d'écrire  à  peu  près  correctement  les  textes  latins, 
et  ce  n'est  qu'une  fois,  par  inadvertance,  qu'il  se  laisse  entraîner  par  la 
prononciation  usuelle  à  modifier  l'orthographe  traditionnelle.  Il  est 
bien  vrai  que  les  exemples  d'un  i  quelconque  se  diphtonguant  en  ie  ne 
deviennent  un  peu  nombreux  qu'au  XV*  siècle,  et  qu'ils  se  rencontrent 
surtout  sous  la  plume  du  clavaire  de  1476,  mais  le  multitudiene  de 
1323  ne  saurait  être  négligé.  On  ne  serait  autorisé  à  le  considérer 
comme  un  simple  lapsus  que  s'il  ne  s'était  jamais  produit  de  phénomène 
analogue  dans  le  dialecte  narbonnais.  On  sait  que  les  phénomènes  pho- 
nétiques se  produisent  souvent  bien  longtemps  avant  que  l'écriture 
vienne  manifester  leur  existence. 

*  Peut-être  même  existait-elle  dès  le  XIII*  siècle  et  a-t-elle  facilité 
la  formation  de  elieget*  dont  il  a  été  question  p.  97,  n.  6. 


102  NÂRBONENSIÂ 

On  pourrait  objecter  à  ce  que  je  viens  de  dire  sur  l'anti- 
quité du  changement  de  t'en  ie  à  Narbonne,  qu'on  n'en  ren- 
contre pas  d'exemple  certain  avant  1255  ;  mais  cela  peut  te- 
nir à  l'excessive  rareté  des  textes  en  dialecte  narbonnais 
antérieurs  à  cette  date. 

Le  fait  que  ce  changement  est  étranger  aux  autres  langues 
romanes  semblerait  devoir  nous  ramener  à  une  assez  basse 
époque.  Mais  il  est  à  remarquer  qu'il  se  retrouve  dans  certains 
dialectes  français  du  Centre,  de  l'Ouest,  de  l'Est  et  du  Nord^ 
et  je  me  demande  s'il  ne  serait  pas  dû  à  la  tendance,  que 
Consentius  signale  déjà  chez  les  Gaulois,  de  donner  à  l't 
un  son  plus  plein,  intermédiaire  entre  i  et  e.  «  Galli  pin- 
guius  hanc  (litteram  i)  utuntur,  ut  cum  dicunt  ite,  non  ex- 
presse ipsam  proferentes,  sed  inter  e  et  t  pinguiorem  sonum 
nescio  quem  ponentes^.»  M.  Bonnet  remarque  que,  dans  Gré- 
goire de  Tours,  %  est  souvent  remplacé  par  e.  Il  est  fort  pro- 
bable que  Ton  représentait  ainsi  tant  bien  que  mal  ce  son  qui 
tenait  de  Vi  et  de  Ve  et  que  Consentius  éprouvait  quelque 
peine  à  caractériser.  Etait-ce  un  son  simple?  La  diphton- 
gaison était-elle  déjà  opérée  dès  le  Y*  siècle?  Les  paroles  de 
Consentius  semblent  plutôt  favorables  à  la  première  hypo- 
thèse ;  elles  n'excluent  pas  absolument  la  seconde.  Dans  tous 
les  cas,  elles  nous  font  connaître  un  fait  qui  nous  permet  de 
comprendre  que  cette  diphtongue  se  soit  développée  en 
Gaule  et  qu'elle  soit  étrangère  au  reste  du   domaine  roman. 

Quoiqu'il  en  soit  de  ces  diverses  suppositions  et  pour  résu- 
mer les  résultats  assurés  par  les  faits  que  nous  venons  de 
constater,  il  est  certain  que  : 

1"^  La  diphtongue  ie  répondant  à  t  latin  existe  à  Nar- 
bonne  au  moins  dès  le  milieu  du  XIIP  siècle. 

2^  Elle  affecte  les  mots  où  t  est  suivi  de  m,  n,  r,  aussi  bien 
que  ceux  où  il  est  suivi  de  /  ou  de  t/  roman  provenant  de  b  ou 


1  Me  TER  LuBEB,  Grarnm.  des  Lang.  rom,^  trad.  Rabiet,  I,  64-65. 

*  Gramm.  lat.^  éd.,  Keil,  t.  V,  p.  394.  12,  cité  par  M.  Bonnet,  Latin 
de  Grégoire  de  Tours^  p.  123,  n.  8.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  d'observer 
que,  selon  toute  apparence,  Consentius  était  Gaulois  et  originaire  de 
N  arbonne  où  la  diphtongaison  de  i  semble  s'être  produite  avec  plus  de 
force  qu'ailleurs. 


M;:^ 


r-  ^ 


NARB0NEN8IA  103 

de  t;  latins  ;  dans  ces  deux  derniers  cas,  c*est-à-dire  quand  ie 
est  suivi  de  /  ou  de  t«  roman,  Ve  de  la  diphtongue  p'^t  se 
renforcer  eu  a. 

3*  La  langue  a  une  tendance  accusée  à  diphtonguer  tout 
t  en  te.  Cette  tendance  existe  peut-être  dès  le  XIIP  siècle,  mais 
se  manifeste  surtout  au  XV*.  Elle  prouve  que  les  différences  de 
qualité  qui  pouvaient  séparer  anciennement  les  t  d'origine 
diverse  avaient  fini  par  disparaître. 

Alphonse  Blanc. 


NARBONENSIA 

Passaob  ob  g  bt  J  a  y. 


Certains  dialectes  provençaux  affaiblissent  g  doux  etj  en  y. 
Ce  phénomène,  sans  être  très  fréquent  à  Narbonne,  est  loin  d'y 
être  inconnu.  On  en  trouvera  réunis  ici  un  certain  nombre 
d'exemples. 

A^uderon-ayudegon  [registre  de  quittances  de  1444,  f*  70)  *. 

ajustament-aytistament  (clavaire  1381,  f*  199  v®). 

ajusteron-ay[u]stegon  (registre  de  quittances  de  1444,  f*  69). 

ArgellieS'Aryellias,  lieu  dit  (registre  de  1407,  f*  138  v*). 

argent-aryent  (registre  de  1376,  f*  84  v*  ;  clavaire  1381, 
f  200). 


1  Je  donne  d'abord  la  forme  normale  et  ensuite  la  forme  avec  y^  en 
rangeant  les  mots  par  ordre  alphabétique.  J'avais  d'abord  songé  à  faire 
deux  listes  distinctes,  l'une  pour  les  mots  où  y  provient  de  j^  l'autre  pour 
ceux  où  il  provient  de  g.  Mais  une  seule  liste  suffit  puisque  le  g  et  le  / 
qui  ont  subi  le  traitement  dont  nous  parlons  ici  se  prononçaient  de  la 
même  manière  aux  XIV'  et  XV*  siècles.  Ce  qui  fait  présumer  cette  iden- 
tité de  prononciation,  c'est  que  les  scribes  emploient  tantôt  g  et  tantôt  / 
pour  écrire  le  même  mot  :  jorn  par  exemple  est  écrit  fréquemment  gorn. 
Ce  qui  achève  de  le  prouver,  c'est  l'identité  de  traitement  dont  nous  nous 
occupons  ici.  Tous  les  textes  cités  sont  tirés  de  registres  ou  d'actes  rédi- 
gés par  des  scribes  narbonnais  et  conservés  aux  archives  de  Narbonne. 
Us  sont  à  peu  près  tous  inédits. 


104  NÂRBONENSIA 

Bajas  ou  BagaS'Bayas  (Bages,  commune  du  canton  de  Nar- 
bonne  ;  clavaire  1381,  V*  196). 

bandejar-bandeyar  (analyse  en  provençal  au  verso  d*un  acte 
en  latin  de  1319;  l'analyse  est  certainement  du  XIV*  siècle, 
d'après  ses  caractères  paléographiques). 

coratage-corataye  (clavaire  1381,  f»  183). 

dejoS'deyos  (clavaire  1381,  f»  187). 

geis^yeisz  (registre  de  1407,  f»  225). 

gent,  gens-yent^  yens  (registre  de  1376,  f*  58;  clavaire  1381, 
f»*  195  v%  196  v%  199  v*  ;  liasse  de  quittances  de  1438). 

ges-yes  (registre  de  1407,  f*  26  v°). 

guages-guayes  (clavaire  1381,  f^  185). 

jaser-yarer  (inscription  d'avril  1392,  au  musée  de  Nar- 
bonne). 

Jordan- Yordan  (clavaire  1381,  f»  185  v»). 

Jordana-Yordana,  nom  d'homme  (clavaire  1381,  f*  195  v*). 

joim^  jorns^  jors-yorn^  yom$^  yors  (Livre  de  comptes  de  J. 
Olivier,  1381-1391,  f»  130;  liasses  de  quittances  de  1438, 
1439.) 

jornal-yornal  (registre  de  1376,  f**  26  v*  et  passim). 

jove-yove  (liasse  de  quittances  de  1438). 

july-yuly  (registre  de  quittances  de  1444,  £*  69). 

junher-yunhe  (registre  de  1376,  f*  6). 

justa-yusta  (clavaire  1381,  f»  198  v*»). 

majer-maye  (liasse  de  quittances  de  1438). 

mofada-moyada  (registre  de  1407,  f»  151  v*»). 

Mojan-Moyan,  lieu  dit  (registre  de  1407,  £•  46  v«). 
—    Moyanum  (Livre  de  comptes  de  J.  Olivier,  pièces 
justificatives,  p.  314,  315  ;  acte  de  1251). 

Mojeyra-Moyeyraj  lieu  dit  (registre  de  1407,  f*«  152  v*, 
154  v<»). 

obrage-obraye  (registre  de  quittances  de  1444,  f*  69). 

palafanguefaire-palafangueyaire  (liasse  de  quittaoïces  de 
1438). 

G,  delPujet'G.  del  Puyet  (clavaire  1381,  f>  199  v»), 

sagel^  sagelada-sayel^  sayelada  (clavaire  1381,  f»  191,  200). 

Sejan-Seyan  *  (clavaire  1381,  f»  193  v«). 

1  Sigean,  chef-lieu  de  canton,  arrondissement  de  Narbonne. 


NARBONENSIA  105 

SejanSeyan  deSeyano  (acte  latin  du  12  janvier  1260;  regis- 
tre de  procédure  de  1321.  Ce  registre  n'est  pas  folioté). 

mage-huraye  (registre  de  1407,  f<>»  195  v»,  197  v»). 

verge-verye  (virginem)  (clavaire  1420,  f°  liminaire  1). 

On  peut  remarquer  que  le  changement  de  g^  j  en  y  se  pro- 
duit aussi  bien  quand  ces  consonnes  appartiennent  à  une  syl- 
labe prétonique  ou  à  une  posttonique  qu'à  la  tonique.  11  ne  se 
produit  pas  seulement  quand  elles  sont  entre  deux  voyelles, 
mais  encore  lorsqu'elles  constituent  la  lettre  initiale  d'un  mot» 
ou  même  lorsque  suivant  une  syllabe  fermée,  elles  forment  la 
lettre  initiale  de  la  syllabe  suivante,  argent,  verye  pour  argent 
verge»  La  seule  condition  qui  ne  fasse  jamais  défaut,  c'est  que 
g  ou  y  soient  suivis  d'une  voyelle.  En  fait  cette  voyelle  est  a, 
0,  u  après  y;  e  après  g  dans  les  exemples  que  j'ai  pu  réunir. 

Ce  changement  ne  se  rencontre  que  dans  des  textes  du 
XIV*  siècle^  de  la  première  moitié  du  XV®,  et  dans  deux 
documents  latins  du  XllI^  siècle.  Pour  cette  dernière  pé- 
riode nous  n'avonspas  de  textes  populaires , et  un  phénomène 
phonétique  qui  paraît  alors  sous  la  plume  des  notaires  dans 
des  textes  latins  doit  être  fréquent  dans  la  langue  vulgaire. 
Je  n'en  ai  point  relevé  d'exemples  postérieurs  au  milieu  du 
XVe  siècle.  A  cette  époque  cependant  les  textes  rédigés  par 
des  personnes  peu  lettrées  abondent. 

Ces  exemples  sont  relativement  peu  nombreux  et  sont  dus 
à  quelques  scribes  seulement  ;  les  autres  suivent  la  gra- 
phie traditionnelle.  Ceux  même  qui  les  présentent  ne  le  font 
pas  d'une  manière  constante. 

J*ai  remarqué  que  dans  certaines  communes  voisines  de 
Narbonne,  à  Marcorignan,  par  exemple,  ce  g^  j  est  aujour- 
d'hui suivi  d'un  y  ;  on  prononce  ardgyent,  le  d  très  faible. 
Je  suppose  que  cet  y  s'est  développé  de  bonne  heure.  La 
tendance  à  faire  disparaître  l'élément  dental  de  la  spirante 
qui  a  fini  par  prévaloir  dans  un  certain  nombre  de  mots  exis- 
tait sans  doute  déjà^  Une  fois  cet  élément  disparu  Taffai- 
blissement  en  y  était  facile. 

1  A  ma  connaissance,  cet  élément  dental  ne  s*est  maintenu,  en  faisant 
disparaître  l'élément  guttural,  que  dans  le  nom  d'un  lieu  dit  Prat  duraic 
Pratum  judaicum  que  j'ai  étudié  ailleurs  (Annales  du  Midi  y  1896, 
p.  195). 

8 


106  NÂRBONENSIA 

Dans  le  patois  de  TEst  de  la  Creuse  le  g  dar  s^est  affaibli 
en  y.  J'ai  trouvé  deux  exemples  qui  porteraient  à  admettre 
que  ce  phénomène  s'est  produit  à  Narbonne  :  estaya  pour 
estaga  dans  un  registre  de  1423,  f*  46  v^,  et  loya  pour  loga 
dans  les  comptes  du  clavaire  de  1398,  f*  99.  Mais  il  est  fort 
possible  que  la  prononciation  à'estaga  ait  été  influencée  par 
celle  d'estage  qui  a  même  sens,  et  qu'au  lieu  du  g  dur  on  ait 
fait  entendre  tj.  Je  suis  aussi  très  porté  à  croire  que  le  g  de 
loga  se  prononçait  //  *.  Dès  lors  Texplication  que  je  viens  de 
donner  pour  /  et  g  doux  vaudrait  pour  ces  deux  mots  et  Ton 
pourrait  affirmer  qu'à  Narbonne  on  n'a  pas  d'exemple  de 
l'affaiblissement  du  g  dur  en  y  ^ 

En  résumé,  à  Narbonne,  g  doux  ou  /,  à  l'initiale  d*une 
syllabe,  suivi  d'une  voyelle,  peut  devenir  y.  Cet  affaiblisse- 
ment se  produit,  au  moins,  dès  le  milieu  du  Xlll*^  siècle  et  per- 
siste jusqu'au  milieu  du  XV®. 

11  n'est  pas  certain  que  g  dur  s'y  affaiblisse  en  y. 

Alphonse  Blanc. 


NARBONENSIA 

MYSTÈRES  NARBONNAIS 


On  sait  que,  malgré  les  découvertes  faites  dans  ces  derniers 
années,  il  ne  nous  reste  que  peu  de  chose  du  théâtre  proven- 
çal du  moyen  âge.  De  la  plupart  des  pièces  écrites  à  cette 
époque  dans  la  langue  du  Midi,  il  ne  subsiste  que  le  titre. 

1  Voir  Raynourad,  Lex.  rom,,  IV,  89,  6,  s.  verbo  lotja. 

2  Je  ne  connais  pas  dans  la  langue  moderne  d'exemple  de  cet  affai- 
blissement, en  revanche  elle  nous  présente  divers  exemples  de  la  chute 
du  g  dur  roman  médial  (Anglade,  Patois  de  Lézignan,  dans  Rev.  des 
Lang.  rom.y  t.  XL,  299,  300).  Je  n'ai  trouvé  dans  les  anciens  textes 
narbonnais  qu'un  exemple  de  cette  chute.  Le  clavaire  de  1405,  f«»  112,  a 
la  forme  aya  {aqiuim).  Partout  ailleurs  ce  clavaire  écrit  ayga.  Il  est 
donc  fort  possible  que  l'on  ait  affaire  ici  à  un  simple  lapsus  du  scribe, 
mais  il  se  pourrait  aussi  que  la  langue  eût  hésité  à  un  certain  moment 
entre  aya  et  ayga. 


NARBONENSIA  l07 

Les  archives  de  Narbonne  ne  semblent  pas  devoir  nous  four- 
nir de  textes  nouveaux;  je  n'y  ai  trouvé  que  la  mention  de 
deux  représentations  données  au  commencement  du  XYl*  siè- 
cle *.  Le  clavaire  de  1508  nous  apprend  que  Ton  joua,  cette 
année-là,  la  vie  de  saint  Paul  de  Narbonne,  et  celui  de  1509, 
la  vie  de  sainte  Suzanne.  Voici  les  textes  : 

A  Johan  Berra  per  fornir  a  partida  de  la  despence  faicte 
aux  escadafaz  faictz  per  jogar  la  vida  de  mons''  sainct  Paul  de 
Narbona. . .  xx  li.  t.  {Comptes  du  clavaire  de  1508,  dépenses, 
f*  5  V*). 

A  Johan  Martin  per  la  soma  donada  per  la  dita  vila  per 
ajudar  a  far  los  escadaphalz  a  jogar  la  vida  de  mons'  S^*  Su- 
sanne  ' x  li.  t.  {Comptes  du  clavaire  de  1509,  f»  103  v°). 

Aucun  des  deux  clavaires  ne  nous  apprend  à  quelle  occa- 
sion furent  données  ces  représentations.  Rien  ne  permet  de 
fixer  la  date  précise  de  la  première.  Elle  pourrait  avoir  eu 
lieu  lors  de  la  réunion  des  Etats  de  Languedoc  à  Narbonne, 
en  janvier,  ou  lorsque  le  sénéchal  de  Carcassonne  vint  pren- 
dre possession,  au  nom  du  roi,  de  la  vicomte  de  Narbonne. 

La  seconde  pièce  fut  probablement  jouée  avant  le  mois  de 
juin  ;  le  paiement  consigné  par  le  clavaire  est  antérieur  à 
cette  date.  11  est  fait  mention  en  mai  d*un  feu  de  joie  et  d'une 
collation  pour  fêter  la  victoire  remportée  sur  les  Vénitiens  '. 
La  représentation  a-t-elle  été  donnée  à  cette  occasion  ?  Rien 
ne  permet  de  Tafûrmer. 

J*ai  établi  ailleurs*  que  le  provençal  était  encore,  au  com- 
mencement du  XVI*  siècle,  la  seule  langue  parlée,  non  seule- 


*  Dans  les  nombreux  textes  signalant  les  préparatifs  faits  à  Toccasion 
de  rentrée  solennelle  de  grands  personnages  au  cours  du  XV'  siècle, 
il  est  souvent  question  de  danses  et  de  réjouissances;  jamais,  à  ma  con- 
naissance, U  n'est  fait  mention  de  représentations  dramatiques. 

8  Le  scribe  avait  d'abord  écrit  Si  Paul;  il  a  ensuite  ajouté  une  e  à 
S/,  raturé  Paul  et  écrit  Susanne  dans  Tinterligne  ;  il  a  laissé  subsister 
mons^. 

'  «  Le  foc  de  joya  et  collation  de  la  bona  Victoria...  contra  los  Ve- 
nissians.  »  (Loc,  cif.^  f"  103  v".)  Cet  article  précède  immédiatement  celui 
qui  concerne  la  représentation. 

*  Blanc,  Essai  sur  la  substitution  du  français  au  provençal  à  Nar- 
bonne, p.  17,  extrait  du  Bulletin  historique  et  philologique,  1897. 


108  NàRBONENSIA 

ment  par  la  population  ouraère,  mais  encore  par  la  plus 
grande  partie  de  la  bourgeoisie.  Je  crois  donc  pouvoir  affir- 
mer que  nos  deux  pièces  dramatiques  doivent  s'ajouter  à  la 
liste  des  mystères  écrits  en  provençal  ^ 

Alphonse  Bl^nc. 


1  II  m*a  paru  inutile  de  mentionner  ici  les  pastorales  et  les  histoires 
représentées  par  les  élèyes  du  Collège  de  Narbonne  au  cours  du 
XVII-  siècle  (Arch.  de  Narb.,  BB.  10,  f  55  ▼•;  BB.  14,  f  157,  r«  et  yo  ; 
BB.  20,  fo  284).  Elles  n*étaient  certainement  pas  écrites  en  proyençal. 


PER  LI  JO  FLOURAU  DE  COULOUGNO 

(7  de  Mai  i899) 


Pouêsio,  soulèu  de  pas  universalo, 

Dôu  lume  de  toun  front,  di  flamo  de  tis  alo 

Esbarlugo  lou  mounde  e  caufo  sis  uba. 

Lis  amo  an  trefouli,  soun  lasso  di  coumbat. 

Lis  amo  an  fam  d'amour,  li  flour  an  set  d'eigagno, 

E  ié  fau  mai  d'azur  is  aubre  di  mountagno  ! 

Felibre  d'eilamount,  salut  e  gaieta  ! 
Sèmpre  fugues  fidèu  à  Teterno  Bèuta. 
Elo  es  lou  viati  dintre  lou  tabernacle, 
Que  largo  Testrambord  e  coumplis  li  miracle. 


POUR  LES  JEUX  FLORAUX  DE  COLOGNE 

(7  mai  1899) 


Poésie,  soleil  de  la  paix  universelle,  —  de  la  lumière  di  ton  froqt, 
des  flammes  de  tes  ailes,  —  éclaire  le  monde  et  réchauffe  le  Septen- 
trion. —  Les  âmes  ont  tressailli,  elles  sont  lasses  des  combats.  — 
Les  âmes  ont  faim  d'amour,  les  fleurs  ont  soif  de  rosée  —  et  il  faut 
encore  de  l'azur  aux  arbres  des  montagnes  ! 

Félibres  du  Nord,  salut  et  joie  !  Toujours  soyez  fidèles  à  Téternelle 
Beauté.  —  Elle  est  le  viatique  dans  le  tabernacle  —  qui  donne 
l^enthousiasme  et  accomplit  les  miracles.  —  Elle  est  Vénus,  elle  est 

*  Notre  dernier  numéro  (Rev.  des  kmg.  rom.,  XLII,  85)  contenait  le 
programme  des  Jeux  floraux  de  Cologne  dont  M.  le  D'.  Fastenrath  est  le 
fondateur.  Nous  donnons  ci-dessus  une  poésie  de  M.  Félix  Gras,  capoulié 
du  Félibrige,  qui  avait  été  prié  par  M.  le  D'  Fastenrath  d'envoyer  sa 
bénédiction  poétique  aux  trouvères  et  félibres  rhénans ,  et  une  ode  de 
M.  Albert  Arnavielle,  assesseur  languedocien  du  Félibrige,  à  qui  la 
même  invitation  avait  été  adressée. 


110  PER  LI  JO  FLOORAU 

Elo  es  Venas  emai  es  Laaro  e  Beatru. 

Es  fiho  de  TOalimpe  emai  dôa  Paradis. 

Pèr  onndra  soun  autar,  nèsti  terro  latino, 

La  Prouvènço,  la  Grèço  e  rumblo  Palestino 

Vous  pourgiran  la  nerto  e  lou  pale  ôalivié 

Ë  la  cigalo  d*or  sus  loa  brout  de  laasié. 

Car  li  pouèto  sian  de  la  mémo  famiho, 

E  sonn,  11  grandis  Âap,  11  sorre  dis  Aupiho, 

E  lou  Rose  e  lou  Ren  naisson  dôu  même  flanc, 

E  Santo  Estello  lus  sus  nôstis  auriflam. 

Li  raro  qu'an  cava  11  boulet  di  bataio , 

Un  jour  s*e8cafaran  :  Lou  Tèms,  d^un  cop  de  daio, 

Coucho  touto  matèri  au  gaudre  dôu  toumbèu. 

Rèsto  plus  un  caian  de  la  Tour  de  Babèu! 

La  pôusso  di  cléuta  superbo,  couloussalo, 

Se  destriara  pas  dôu  frun  d'uno  mouissalo  !... 

Zou  !  Auto,  li  pouèto  !  Au  grand  libre  de  Dieu 

Es  nàutri  qu'escrivèn  Tobro  que  sèmpre  viéu. 

Eterno  n'en  saran  Vlliado  e  YOudissèio^ 

La  Legèndo  di  Siècle,  e  Vincent  e  MirèiOy 

La  Divino  Coumèdi,  e  Faust  emai  Werther 

Que  mounton  dins  la  glôri  au  pas  dôu  Tanhauserf 


aussi  Laure  et  Béatrix,  —  elle  est  fille  de  TOlympe  et  aussi  du 
Paradis  I  —  Pour  orner  son  autel,  nos  pays  latins,  —  la  Provence, 
la  Grèce  et  Thumble  Palestine  —  vous  offriront  le  myrte  et  le  pâle 
olivier  —  et  la  cigale  d'or  sur  le  rameau  de  laurier.  —  Les  poètes, 
nous  sommes  de  la  même  famille,  —  et  les  grandes  Alpes  sont  les 
sœurs  des  Alpilles,  —  et  le  Rhône  elle  Rhin  naissent  du  même  flanc, 

—  et  Sainte  Estelle  brille  sur  nos  oriflammes.  —  Les  frontières 
qu'ont  creusées  les  boulets  des  batailles,  — un  jour  s'effaceront.  Le 
Temps,  d*un  coup  de  faulx,  —  chasse  toute  matière  au  gouffre  du 
tombeau.  —  Il  ne  reste  plus  une  pierre  de  la  tour  de  Babel.  —  La 
poussière  des  cités  superbes,  colossales,  —  ne  se  distinguera  pas  des 
débris  d'un  moucheron...  En  avant,  poètes  !  Au  grand  livre  de  Dieu  — 
c'est  nous  qui  écrivons  l'œuvre  toujours  vivante.  —  Seront  éternels 
l'Iliade  et  l'Odysssée,  —  la  Légende  des  Siècles  et  Vincent  et  Mireille, 

—  la  Divine  Comédie  et  Faust  et  Werther  —  qui  montent  dans  la  gloire 
au  pas  du  Tanhauser  I  —  Votre  aïeul  Frédéric,  qui  avait  barbe  rousse, 


DE  COULOUGNO  111 

Voste  aujèa  Prederi,  qu'avié  la  barbo  rousso, 
Dins  nosto  lengo  d'Oc,  dins  nosto  lengo  douço, 
Faguè  clantisi  cant  d'amour  emperiau. 
Coume  eu  reviras- vous  vers  lou  sôu  Prouvençau. 
Es  d'aquéu  sôu  latin,  es  d'aquéu  sôu  de  Franco 
Qu'un  jour  s'espandira  lou  rampau  d'esperanço, 
L'Aubre  de  pouësio  ounte  dèu  s'assousta, 
Dins  un  inmènse  amour,  touto  TUmanita  !... 

MANDADIS 

A   SOUN   AUTBSSO   CARMEN   SYLVA,    RÂINO   DI  JO   FLOURAU. 

Rèino,  siés  très  cop  rèino  e  la  lus  t'envirouno. 

Lou  ferre,  l'or  e  lou  lausié 
Cenchontoun  front  courous  d'uno  triplo  courouno. 
Mai  as  pèr  scètre,  vuel,  la  flour  d'agoulencië  ; 
Dounc  que  t'enchau  la  tiaro  dis  Autesso  ! 
E  que  t'enchau  un  trône,  o  Felibresso  ! 
A  tu  Tautar  e  l'encensié, 
Tu  siés  nosto  Divesso  I 

Félix  Gras. 
1899. 


—  dans  notre  langue  d*oc,  dans  notre  douce  langue,  —  fît  retentir  son 
chant  d'amour  impérial.  —  Comme  lui  regardez  vers  le  pays  de  Pro- 
vence. —  C'est  de  ce  sollatin,  c'estde  ce  sol  de  France  —  que  surgira 
un  jour  le  rameau  d'espérance,  —  l'arbre  de  poésie  où  viendra  s'abri- 
ter, —  dans  un  immense  amour,  toute  l'humanité  ! 

ENVOI 
A  SON  ALTBSSB  CARMEN   STLVA,   REINE   DES  JEUX  FLORAUX 

Reine,  tu  es  trois  fois  reine  et  la  gloire  t'environne.  —  Le  fer,  l'or 
et  le  laurier  —  ceignent  ton  front  d'une  triple  couronne.  —  Mais  tu 
as  pour  sceptre,  aujourd'hui,  la  fleur  de  l'églantier.  —  Alors  que 
t'importe  la  tiare  des  Altesses  !  —  Et  que  t'importe  un  trône,  6  Féli- 
bresse  !  A  toi  l'autel  et  l'encensoir  :  —  Tu  es  notre  Déesse  ! 


AS  MANTENEIRES 

DÂS    PRBMIÉS    JOCS    FLOURAUS    TBNOUTS    A    COULOUONO 

LOU   7   DE   MAI   1899 
DINS   LOU   6URZBNICH  DB  LA   MBTROUPÔLI   DAU  REN 


D'aut  vosto  catedralo,o  Germans  de  Coulougno, 
E  traucant  las  nèblos  dau  Ren, 

Uno  voués  acrida  :  ci  Prouvenço  !  Catalougno  !  » 
Ë  nautres,  leîaus  e  sens  fongno, 
A-n-aquel  apèl  respoundren  ! 

Oi,  pièi-que,  coumo  aici,  restaurant  un  autre  âge, 

Souto  las  lèis  dan  Gai-Sabé, 
Ënauras  en  béuta  las  Damos  d*aut  parage, 

E  lou  cavaleirous  courage, 

E  Tamo  latino  també  ; 


AUX  MAINTENEURS 

DES  PREMIERS  JEUX  FLORAUX  DE  COLOGNE 

TENUS  LE  7  MAI  1899 

DANS  LE  6URZENICH  DE  LA  MÉTROPOLE  RHENANE 


Du  haut  de  votre  cathédrale,  ô  Germains  de  Cologne,  ^  et  perçant 
les  brouillards  du  Rhin, —  une  voix  a  crié  :  «  Provence  I  Catalogne  !  » 

—  et  nous,  loyaux  et  sans  morgue,  —  à  cet  appel  nous  répondrons. 

Oui,  puisque,  comme  ici,  restaurant  un  autre  âge,  —  sous  les  lois 
à\i  Gai -Savoir,  —  vous  exaltez  en  beauté  les  Dames  de  haut  parage, 

—  et  le  chevaleresque  courage,  —  et  Tâme  latine  aussi  ; 


113  PER  LI  JO  FLOURAU   DE  COULOUGNO 

Pièi-que  de  vostesjocs  fiourausn*es  Segnouresso 
L'idealo  Rèino  Carmen, 

La  qu'un  jour  Mount-Peliè  Taclamè  felibresso, 
Embé  vautres  nosto  alegresso, 
luèi,  o  Germans,  repeto  :  Amen  ! 

Amen  amai  sèt  fes  salut  I  La  pouësio 

De  las  raços  acô  's  lou  nous  ; 
E  dins  lou  Gûrzenîch  quouro  tendres  sesiho, 

Vous  creirés,  alandant  la  ciho, 

Souto  noste  cèl  luminous. 

E,  dau  cop,  delembrant  Frederi  Barbo-Rousso, 
Voste  emperaire  d'aquel  jour 

Sara  lou  que  lou  vent-terrau,  quand  s'encourrouço, 
Dins  lou  campas  canto  à  la  brousse: 
Lou  Grand  Frederi  dau  Miejour  ! 

Albert  Arnaviblle. 
Mount-Peliè,  lou  21  d'Abriéu  de  1899. 


Puisque  de  vos  jeux  floraux.  Elle  en  est  la  seigneuresse  —  Tidéale 
Reine  Carmen,  —  Celle  qu'un  jour  Montpellier  acclama  félibresse,  — 
avec  vous  notre  allégresse, —  aujourd'hui,  ô  Germains,  répète  :  Amen  ! 

Amen  et  sept  fois  salut!  La  poésie,  —  des  races  elle  est  le  nœud  ; 
—  et  dans  le  Gûrzenich  quand  vous  tiendrez  séance,  — -  vous  vous 
croirez,  agitant  les  cils,  —  sous  notre  ciel  lumineux. 

Et,  du  coup  oubliant  Frédéric  Barberousse,  —  votre  empereur,  ce 
jour-là,  sera  Celui  que  le  mistral  ^  en  se  courrouçant,  —  dans  la 
lande,  chante  à  la  bruyère  :  —  Le  Grand  Frédéric  du  Midi  '  ! 

Albert  Arnaviellb. 

1  Vent  de  Provence. 
*  Frédéric  Mistral. 


CONTES  POPULAIRES 

DE   I ANGUEDOC 

(SuiU)  • 


Loas  très  Gaennets 

Très  pequits  caeunets  courrian  daa  long  i'aiga  e  troubavan 
de  bona  erba  tendra  per  viéure,  mes,  couma  aian  por  dau 
loup,  se  boutèroun  à  basquir  ena  mejzouneta. 

Quan  fuguet  fegnia,  Paul  Grand,  Teinè,  dguiguet  aus  autres 
de  regardar  per  défera  si  la  mejzou  èra  segura,  e  lé  regar- 
darià  deguinc. 

Lous  autres  faguèroun  lou  tour  e,  quan  tournèroun,  la 
porta  èra  sarrà. 

«  —  leubre-nous,  Paul  Grand!.. 

))  —  Nou,  nou,  lou  loup  intrarià  e  me  mandzarià;  annà 
basquir  ena  autra  meyzou.  » 

Lous  paures  caeunets  aian  bien  por  ;  se  boutèroun  à  bas- 


Les  trois  petits  Cochonnets 

Trois  petits  cochonnets  couraient  le  long  de  Teau  et  trouvaient  de 
bonne  herbe  tendre  pour  vivre,  mais,  comme  ils  avaient  peur  du  loup, 
ils  se  mirent  à  bâtir  une  petite  maison. 

Quand  elle  fut  finie,  Paul  Grand,  Talné,  dit  aux  autres  de  regar- 
der par  dehors  si  la  maison  était  solide,  et  lui,  regarderait  dedans. 

Les  autres  firent  le  tour  et,  quand  ils  revinrent,  la  porte  était  fer- 
mée. 

a  —  Ouvre-nous,  Paul  Grand  I 

»  —  Non,  non,  le  loup  entrerait  et  me  mangerait  ;  allez  bâtir  une 
autre  maison.  » 

Les  pauvres  cochonnets  ayant  bien  peur,  se  mirent  à  bâtir  une  au- 

t  Voir  Revue  des  lang.  rom.,  XXVll,  184;  XXVlll,  47,124;  XXIX, 
143  ;  XXXI,  554  ;  XXXII,  24,234  ;  XL,  427. 


DE  LANGUEDOC  115 

quir  ena  autra  meyzou.  Qaan  fuguet  atsabà,  Paul  Méantdgui- 
gnet  as  Paul  Pequit:  «  —  Regarda  defora,  iéu  regardarei  de* 
gninc  si  la  mejzou  ei  bien  segura.  » 

Paul  Pequit  anetregardar  defora  e,  quand  tournet,  troubet 
la  porta  sarrà. 

«  —  leubre-mé,  Paul  Méant,  ieubre-mé!... 

»  ^—  Nou,  nou,  lou  loup  intrarià  e  me  mandzarià.  » 

Paul  Pequit,  quan  se  veguet  tout  soulet,  èra  bien  einoueà, 
aià  por  dau  loup  ;  se  boutet  à  courre.  Arribet  arranda  en  gros 
rouchjer  e  Ihi  troubet  ena  dgenta  pequita  mejzouneta  ;  n'aguet 
qu'à  Ihi  far  la  porta.  Pèis  Ihintret  e  se  troubet  bien  à  Tabric 
dan  loup. 

Tout  d'encop,  Paul  Grand  auvigu et  ena  grossa  vouas  que 
dguisià:  « —  leubre-mé,  Paul  Grand  !...  » 

Aqueste  couneiseguet  qu'acô  èra  la  vouas  dau  loup. 

«  —  Te  ieubre  pas,  que  me  mandzarias. 

»  —  Tan  gratarei,  tan  foursarei,  que  t'escrasarei  ta  mey- 
zouneta.  » 

Lou  loup  Ihi  escraset  sa  mejzouneta  e  lou  mandzet.  Peis, 
anet  as  Paul  Méant. 


tre  maison.  Quand  elle  fut  achevée,  Paul  Moyen  dit  à  Paul  Petit  : 
«  —  Regarde  dehors,  moi  je  regarderai  dedans  si  la  maison  est  bien 
solide.  » 

Paul  Petit  alla  regarder  dehors  et,  quand  il  revint,  il  trouva  la  porte 
fermée. 

«  —  Ouvre-moi,  Paul  Moyen,  ouvre-moi  ! 

»  _  Non,  non,  le  loup  entrerait  et  me  mangerait.  » 

Paul  Petit,  lorsqu'il  se  vit  tout  seul,  était  bien  ennuyé,  il  avait 
peur  du  loup  ;  il  se  mit  à  courir,  il  arriva  près  d'un  gros  rocher  et  y 
trouva  une  jolie  petite  maisonnette  ;  il  n'eut  qu'à  y  faire  la  porte.  Puis 
il  y  entra  et  se  trouva  bien  à  l'abri  du  loup. 

Tout  d'un  coup,  Paul  Grand  entendit  une  grosse  voix  qui  disait  : 
€  —  Ouvre-moi,  Paul  Grand  !  » 

Celui-  ci  reconnut  que  c'était  la  voix  du  loup. 

«  —  Je  ne  t'ouvre  pas,  car  tu  me  mangerais. 

»  —  Tant  je  gratterai,  tant  je  forcerai,  que  j'écraserai  ta  maison- 
nette.» 

Le  loup  lui  écrasa  sa  maisonnette  et  le  mangea,  puis  il  alla  à  Paul 
Moyen. 


1 1 6  CONTES  POPULAIRES 

Paul  Méant  aiàoaTitbramar  soan  fraire,  aià  bien  por;  mes 
loa  loup  Fespargnet  pas  mèis  qoe  Fantre.  Péis,  vengnet  as 
Paal  Pequit. 

a  —  leabre-mé,  Paul  Peqoit!...» 

Paal  Peqait  Ihî  vouguet  pas  abrir. 

a  —  De  pai  ni  mens  t'anrei  conma  ions  autres,  n 

Loa  loap  se  boatet  à  grattar,  à  forsar,  dzasqoa  qn^ena  peira 
Ihi  toambet  sus  loas  rens  e  lou  cuèt. 

Paul  Pequit  Ion  mandzet  e  viénpuguet  bien  de  tems  guin 
sa  mejrzouneta. 

Gommnnicatioii  de  M.  Anselme  Gallon,  insiitatear, 
St-Romain-le-Désert  (Haute- Ardèche). 


Lou  Loup  e  Ion  Reinard 

Lou  loup  e  lou  reinard  èran  anas  pestsar.  Quan  fuguèroun 
au  mèi  de  Taiga  en  éna  pequita  ribèira,  lou  reinard  dguîgaet 
au  loup  :  «  —  Qù  sias  trop  mansar  per  attrapar  las  troueitas, 
iéu  las  prendrei  e  qù  las  pourtarés.  » 

—  ((  Si  voles,  dguiguet  lou  loup.  » 


Paul  Moyen  avait  entendu  crier  son  frère,  il  avait  bien  peur,  mais 
le  loup  ne  Tépargna  pas  pins  que  Tautre  ;  puis  il  vint  à  Paul  Petit. 

«  —  Ouvre-moi,  Paul  Petit  !  » 

Paul  Petit  ne  voulut  pas  lui  ouvrir. 

tf  —  Ni  plus,  ni  moins,  je  t'aurai  comme  les  autres  !  » 

Le  loup  se  mit  à  gratter,  à  forcer,  jusqu'à  ce  qu'une  pierre  lui  tomba 
sur  les  reins  et  le  tua. 

Paul  Petit  le  mangea  et  vécut  longtemps  dans  sa  maisonnette. 


Le  Loup  et  le  Renard 

Le  loup  et  le  renard  étaient  allés  pêcher.  Lorsqu'ils  furent  au  mi- 
lieu de  l'eau,  dans  une  petite  rivière,  le  renard  dit  au  loup  :  «  —  Tu  es 
trop  maladroit  pour  attraper  les  truites,  moi,  je  les  prendrai,  et  toi, 
tu  les  porteras. 

»  -^  Comme  tu  voudras  »,  dit  le  loup. 


DE   LANGUEDOC  117 

Lou  reinard  estatset  à  la  coua  dau  loup  lou  panier  qu'aian 
pourtà  per  Ihi  boutarlhus  pestsa;  pèis,  anet  pestsar. 

Quant  aguet  attrapa  ena  troueita,  la  moustrèt  au  loup  en 
Ihi  dguisent:  «— Vés  la  bella!  Atent,  que  la  botous  au  panier.» 

Passet  dau  las  dau  panier,  mes  Ihi  boutet  pas  la  troueita: 
la  mandzet  e  boutet  au  panier  ena  pèira  à  la  plassa. 

Prenguet  ena  autra  troueita:  «  —  Ou  !  quna  grossa!  Té 
vès?...  »  La  mandza  e  pam  !  ena  grossa  peira  dguinc  lou  pa- 
nier. 

«  —  0!  ei  bé  grossa,  persaqué  lou  panier  coumensa  de  pe- 
sar»,  dguiguet  lou  loup. 

Lou  reinard  prenguet  d'autres  peissous  ;  toudzour  lous 
mandzava  e,  à  la  plassa,  boutava  ena  pèira.  Pèisses,  quan 
fuguet  bien  rassasia,  sourquiguet  de  Taiga  en  sounant  lou 
loup. 

Lou  loup  vouguet  sourqui,  mes  lou  panier  èra  bé  tan  tsardzà 
de  pèiras  que  lou  malhirous  pouguet  plus  sourquir  de  la  ri- 
bèira  e  se  néet. 

V.  de  M.  Gallon,  instituteur, 
St-Romain-le-Désert  (Haute- Ardèche). 


Le  renard  attacha  à  la  queue  du  loup  le  panier  qu'ils  avaient  porté 
pour  y  mettre  leur  pêche  ;  puis  il  alla  pêcher. 

Quand  il  eut  attrapé  une  truite,  il  la  montra  au  loup,  en  lui  disant  : 
«  —  Vois  la  belle  !...  Attends,  que  je  la  mette  au  panier.  » 

Il  passa  du  côté  du  panier,  mais  il  n  y  mit  pas  la  truite  :  il  la 
mangea  et  mit  au  panier  une  pierre  à  la  place . 

11  prit  une  autre  truite  :  «  —  Oh  !  quelle  grosse  !  Tiens,  vois?  »  Il  la 
mange  et  pam  !  Une  grosse  pierre  dans  le  panier. 

«  —  Oui  I  elle  est  bien  grosse,  parce  que  le  panier  commence  à 
peser  »,  dit  le  loup. 

Le  renard  prit  d'autres  poissons  ;  toujours  il  les  mangeait  et,  à  la 
place,  mettait  une  pierre. 

Puis,  quand  il  fut  bien  rassasié,  il  sortit  de  Teau  en  appelant  le 
loup. 

Le  loup  voulut  sortir,  mais  le  panier  était  tellement  chargé  de 
pierres  que  le  malheureux  ne  put  plus  sortir  de  la  rivière  et  se  noya. 


118  CONTES  POPULAIRES 

Lou  Reinard  e  lou  Loup 

Un  cop,  lou  reinard  e  lou  loup  anavou  de  coumpagno;  lou 
reinard  dîguet  au  loup:  n  —  Fa,  pas  liuén  d*aici,  un  mas  que 
d'aquesto  ouro,  la  masièiro  ie  fai  uno  grosso  èumeleto  per  lous 
segaires  ;  anarai  acoussejà  las  galinos  que  quialaran  e  faran 
davalà  la  masièiro  ;  intraras  tan  lèu  din  la  cousino,  métras 
Tèumeleto  din  ta  gorjo,  estacaras  lapadèlo  à  ta  cougo  e  faren 
coire,  din  la  padéio,  las  galinos  qu'agantarai. 

Goumpaire  loup  fai  so  que  lou  reinard  i'a  di.  En  davalan 
lous  escaliès,  la  padélo  fai  un  brut  que  noun-sai  ;  lou  varlet 
que  lauravo,  s'acousso  sus  lou  loup,  e  à  cops  d'agulhado  ie 
faguè  laissa  Tôumeleto,  amai  la  padèlo. 

Lou  loup  vai  au  reinard  e  li  dis  :  «  — M'as  fa  sabà,  fau  que 
te  manje. 

))  —  Noun  pas  !  »  fai  lou  reinard,  «  ai  près  très  galinos,  las 
anan  manjà.  » 

Quan  aguèrou  ploumà  las  galinos,  mestre  reinard  sou-faguè: 
0  —  Vai  querre  uno  piolo  per  coupa  *no  bougno,  que  las  faren 
coire.  » 


Le  Renard  et  le  Loup 

Une  fois,  le  renard  et  le  loup  allaient  de  compagnie  ;  le  renard  dit 
au  loup  :  «  11  y  a,  tout  près  d'ici,  une  ferme  où,  à  cette  heure,  la  fer- 
mière fait  une  grosse  omelette  pour  les  moissonneurs  ;  j'irai  poursui- 
vre les  poules  qui  crieront  et  feront  descendre  la  fermière  ;  tu  entreras 
aussitôt  dans  la  cuisine,  tu  prendras  Tomelette  dans  ta  gueule,  tu 
attacheras  la  poêle  à  ta  queue  et,  nous  ferons  cuire  dans  la  poêle  les 
poules  que  j'attraperai,  d 

Compère  loup  fait  ce  que  lui  avait  dit  le  renard.  En  descendant  les 
escaliers,  la  poêle  faisait  beaucoup  de  bruit,  le  valet  de  ferme,  qui 
labourait,  poursuit  le  loup  et,  à  coups  d'aiguillon,  il  lui  fait  laisser 
Tomelette  et  la  poêle. 

Le  loup  va  au  renard  et  lui  dit  :  »  Tu  m'as  fait  battre,  il  faut  que  je 
te  mange.  » 

<c  —  Non  pas!  »  dit  le  renard,  «j'ai  pris  trois  poules  :  nous  allons 
les  manger.  » 

Quand  ils  eurent  plumé  les  poules,  maître  renard  dit  :  «  — Va  chercher 
une  cognée  pour  couper  une  souche  d'arbre,  et  nous  les  ferons  cuire.  » 


DE  LANGUEDOC  119 

En  asclan  Ion  bos,  coumo  n'aviè  pas  ges  de  cougnet  per 
tène  nno  fendasclo,  lou  reinard  dis  an  lonp  :  «  —  Mes  aqui  ta 
pauto,  ac6  farà  congnet.  » 

Lou  loup  ou  fai,  lou  reinard  tiro  la  piolo  e  vejaqui  nostre 
bedigas  de  loup  près  au  rejltal.  Soun  gusas  de  coumpaire,  de 
courre  et  de  cacalassà  de  Tentendre  idoulà. 

Enfin  lou  loup  se  desfai  coumo  pot,  eu  laissan  un  brave  pau 
de  sa  pauto  din  la  fendasclo.  S'acousso  mai  ver  lou  reinard 
e  li  crido  :  «  — Aqueste  cop,  ie  vas  passa  ! 

»  —  Taiso-te,  nesci,  que  fedo  que  bialo  perd  lou  moucèl  ! 
Yese  ailai  un  poulit  cop  per  faire  :  vène  vite,  e  faras  coumo 
me  voiras  faire  iéu.  » 

End*  aquel  moumen,  un  ome  veniè  de  pescà  de  la  ribièiro 
aqui  contre;  soun  ase  pourtavo  dos  plénos  ensarios  de  pois- 
sons. Lou  reinard  s^ajasso  sus  lou  cami  e  fai  lou  mort  ;  Tase- 
nié  lou  vèi  e  dis:  «  —  Tè I  un  reinard  mort;  fau  Tempourtà, 
que  vendrai  sa  pèl.  » 

Bouto  lou  reinard  sus  soun  ase,  aqueste  mort  s^ataulo  as 
peissous  de  la  banasto,  e  pièi,  s*escapo  en  n^erapourtan  uno 
bono  brassado. 


En  coupant  le  bois,  comme  il  n'avait  pas  de  coin  pour  tenir  une  fente 
ouverte,  le  renard  dit  au  loup  :  a — Mets  là  ta  patte,  cela  fera  un  coin.  » 

Le  loup  le  fait,  le  renard  retire  la  cognée  et  voilà  notre  imbécile  de 
loup  pris  au  traquenard.  Son  roué  compère  se  met  à  courir  et  à  rire 
aux  éclats  en  Tentendant  hurler. 

Enfin,  le  loup  se  débarrasse  comme  il  peut,  en  laissant  un  bon 
morceau  de  sa  patte  dans  la  fente.  Il  court  de  nouveau  vers  le  renard 
et  lui  crie:  «  —  Cette  fois,  tu  y  passeras  ! 

»  —  Tais-toi,  nigaud,  car  brebis  qui  bêle  perd  sa  bouchée^  /Je 
vois,  là-bas,  un  joli  coup  à  faire  :  viens  vite  et  fais  comme  tu  me 
verras  faire.  » 

A  ce  moment  passait  un  homme  qui  revenait  de  pêcher  dans  la 
rivière  voisine;  son  âne  portait  deux  mannes  pleines  de  poissons.  Le 
renard  se  couche  sur  le  chemin  et  fait  le  mort  ;  Tânier  le  voit  et  dit  : 
«  —  Tiens  I  un  renard  mort,  il  faut  l'emporter,  je  vendrai  sa  peau.  » 

Il  met  le  renard  sur  son  âne,  notre  mort  se  met  à  table  avec  les 
poissons  de  la  corbeille  et  puis,  se  sauve  en  emportant  une  bonne 
brassée. 

*  Litt.  le  morceau. 


120  CONTES  POPULAIRES 

A  soun  tour,  lou  loup  s'alougo  per  lou  cami  e  fai  lou  mort; 
mais  Tasenier  te  li  tombo  dessus  e  li  bailo  une  estiblassado  de 
cops  de  barrou,  malurous  !  qu'encaro  soun  rôble  ie  coi. 

Aqui  mai  lou  loup  sus  lou  reinard  :  a  —  Ai  I  moustre  !  pas 
pus  de  remèdiy  te  manje  !  » 

a  —  Pas  mai!  »  vèn  lou  reinard,  «  de  qu'anavian  prène  lous 
peissous  de  Taseniè  ?  Es  que  n'en  manco  dins  la  ribièiro?  N'en 
fau  pesca  ;  troubaren  ben  uno  banasto  entoucon  ;  te  Testacarai 
à  toun  esquino,  iéu  pescarai  lous  peissous  e  lous  métrai  din 
la  banasto.  u 

Ac6  se  faguè,  mes  lou  reinard,  à  logo  de  traire  lous  peis- 
sous din  la  banasto,  lous  manjavo  e  ie  metiè  un  codou. 

a  —  Fasèn  bono  pesco,  pas  vrai  ?  »  veniè  au  loup. 

«  —  Segù  »,  respoundiè  aqueste,  a  qu'acô  doun-mai  vai, 
doun-mai  peso.  » 

Yenguè  'n  moumen  que  i'aguè  tant  de  caiaus,  que  lou 
paure  embanastà  pouguè  pas  pus  boulegà  e  se  neguè. 

V.  de  M.  Albert  Arnayiellb,  Alais. 


A  son  tour,  le  loup  se  couche  dans  le  chemin  et  fait  le  mort,  mais 
rânier  lui  tombe  dessus  et  lui  donne  une  telle  volée  de  coups  de  bâton, 
le  malheureux  !  que  son  échine  lui  fait  mal  encore. 

Voilà  de  nouveau  le  loup  sur  Je  renard  :  «  —  Ah  !  monstre!  il  n  y  a 
plus  de  pardon,  je  te  mange  !  » 

u  —  Pas  plus  !  —  dit  le  renard,  —  pourquoi  allions-nous  prendre 
les  poissons  de  Tânier  !  Est-ce  qu'il  en  manque  dans  la  rivière  ? . . . . 
Nous  allons  en  pêcher  ensemble;  nous  trouverons  bien  une  corbeille 
quelque  part  ;  je  rattacherai  à  ton  échine,  moi  je  pécherai  les  pois- 
sons et  les  mettrai  dans  la  corbeille .  » 

Ils  firent  ainsi,  mais  le  renard,  au  lieu  de  jeter  les  poissons  dans 
la  corbeille,  les  mangeait  et  mettait  un  caillou  [à  la  place]. 

(L —  Nous  faisons  bonne  pêche,  n'est-il  pas  vrai  ?  »  disait-il  au  loup. 

u  —  Sûrement»,  répondait  celui-ci,  «  car  plus  ça  va,  plus  ça  pèse.  » 

Il  vint  un  moment  où  il  y  eut  tant  de  cailloux  [dans  la  corbeille], 
que  le  pauvre  encorbeillé  ne  put  plus  remuer  et  se  noya. 


DE  LANGUEDOC  121 


Las  Baoantados 


Autris  cops,  i  aviô  d'encantados  ;  durèroun  jusquos  à  la  fi 
de  la  maubèso  lè.  Demouravoun  din  toutos  las  caunhos,  mais 
loar  palai  èro  à  la  de  Rioufourcant.  Aqui,  la  reino  de  las 
encantados  fasiô  sa  demouranso,  ande  sas  coumpagnos. 

D*autro3  s'estujavoun  à  la  caunho  de  Thome  mort.  Aquelo 
tato  a  pla  mai  d'uno  lègo  e  mièjo  de  long.  Se  ié  vei  d'esta- 
tuios,  de  peliés  e  dos  aureihos  de  porc  plantados  à  la  vouto. 
Almièi  l'a  un  rec  que  cap  d'home  a  pas  jamai  pouscut  passa 
avani  la  û  de  la  maubèso  lè  e  de  la  maichanto  linèo  qud  i'aviô 
dins  aquel  tems. 

Despèi,  an  pouscut  passa  delà  d' aquel  rec  e  sebets,  sul  sol, 
las  penajados  de  las  enoantados. 

Toutis  les  cops  que  las  noumensarets,  cal  faire  lou  sinne  de 
la  orouts. 


Les  enchantées 

Autrefois,  il  y  avait  des  eachautées  ;  elles  existèrent  jusqu'à  la  fin 
de  la  mauvaise  loi  ^.  Elles  demeuraient  dans  les  grottes,  mais  leur 
Palais  était  celle  de  Rieufourcant  ^.  Là,  la  reine  des  enchantées  fai- 
sait sa  demeure,  avec  ses  compagnes. 

D'autres  habitaient  dans  la  grotte  de  VHomme  mort.  Cette 
caverne  a  plus  d'une  lieue  et  demie  de  longueur.  On  y  voit  des  statues, 
des  piliers  et  deux  oreilles  de  porc  plantées  à  la  voûte.  Au  milieu,  il 
y  a  un  ruisseau  qu'aucun  homme  n'a  jamais  pu  traverser  avant  la  fin 
de  la  mauvaise  loi  et  de  la  méchante  lignée^  qui  existait  en  ce  temps  là. 

Depuis,  on  a  pu  passer  au-delà  de  ce  ruisseau  et  l'on  voit,  sur  le 
sol,  les  traces  du  pied  des  enchantées. 

Toutes  les  fois  que  vous  les  nommerez,  il  vous  faudra  faire  le  signe 
de  la  croix. 

*  V.  recueillie  par  M.  le  D'  Goibaud,  à  Belesta  (Ariège). 

Dans  l'Ariôge,  les  sorcières  <»ont  appelées  de  différents  noms  :  encan- 
tados^  doumaizélos,  dounzèlos,  fados,  sourcieiros. 

*  Les  campagnards  entendent  parla  les  religions  étrangères  au  catho- 
licisme. 

8  Grotte  prés  de  Belesta. 

^  Mauvaise  lignée  :  les  Sarrasins,  les  hérétiques,  etc. 

9 


122  CONTES  POPULAIRES 

Per  s^empachà  de  marcha  demest  la  ponlsièro  e  la  fango, 
aquelos  prim-fièlos  s*aviôu  fait  un  pount  qu'anavo  despèi  la 
cimo  del  roc  de  rhome  mortjunquosà  lacrinco  de  la  serro  de 
Piantaurel. 

Sul  roc  de  rhome  mort  se  vêts  encaro  ]es  foundomens 
d*aqael  pount:  de  quartiès  de  roc  de  sept  on  bèit  quintals. 

Per  dessus  la  tnto  d'ount  sourtis  Fountestorbes,  fa  uno 
caunho  ame  un  trauc  al  sol,  que  semblo  un  pous  ;  on  enten 
Taîgo  brugne  al  founze.  Acô's  aqui  que  las  encantados  ana- 
voun  lava  laruscado  e  sabounàsas  fardosande  un  bàsseld^or. 

Quan  las  encantados  disparisquèroun  tout  d'un  cop,  àPesta- 
plissimen  delabouno  le,  daichèrounlebassel  al  founze  d'aquel 
lavadou  ;  Tes  encaro,  e  digus  a  pas  gausat  Tanà  cercà,  per- 
dequé,  per  poudé  le  préne  e  le  troubà,  i  cal  anà  tout  seul,  à 
mièjo-nèit,  sans  lum. 


Pour  éviter  de  marcher  dans  la  poussière  et  dans  la  boue,  ces 
habiles  fileuses  avaient  fait  un  pont  qui  allait  depuis  la  cime  du  roc 
de  VHomme  mort  jusqu'au  sommet  de  la  montagne  de  Piantaurel. 

Sur  le  roc  de  VHomme  mort,  on  voit  encore  les  fondements  de  ce 
pont:  des  quartiers  de  rochers  de  sept  ou  huit  quintaux. 

Au-dessus  de  la  grotte  d'où  sort  Fontesùorbes^,  il  y  a  une  autre 
grotte  avec  un  trou  profond  dans  la  terre,  qui  ressemble  à  un  puits; 
on  entend  Teau  bruire  au  fond.  C'est  là  que  les  enchantées  allaient 
laver  la  lessive  et  savonner  leurs  bardes  avec  un  battoir  d*or. 

Quand  les  enchantées  disparurent  tout  d'un  coup,  à  l'établissement 
de  la  bonne  loi,  elles  laissèrent  le  battoir  au  fond  de  ce  lavoir  ;  il  y 
est  encore,  et  personne  n'a  osé  Taller  chercher,  parce  que,  pour 
pouvoir  le  saisir  et  le  trouver,  il  y  faut  aller  seul,  à  minuit  et  sans 
lumière. 


Fontaine  intermittente,  célébrée  par  Dn  Bartas. 


DE  LANGUEDOC  12S 


L'enoantado 


A  la  bordo  des  Pierrets,  procho  del  roc  de  Founfestorbes^ 
oant  demouravo  un  bourdassier  ande  sa  familho,  aquel  bour- 
dassier  aviô'n  bel  goujat  dreit,  poulit,  pla  decouplat. 

La  pas  jouye  de  las  encantados  que  n'aviô  pas  mai  de 
dezo-beit  ans,  aviô  devistat  aquel  bel  goujatas,  quan  lauravo 
les  camps  en  cantant,  s'en  èro  amourachado  an'un  punt  que 
Tanèt  demanda  en  mariage. 

Per  se  présenta,  s'èro  vestido  en  pajsanto,  mais  pracô  que 
pourtèsse  de  fardo  coumuno,  èro  poulido  coumo'n  anel.  Tabès 
le  goujat  Taviô  guignado. 

S'anèt  présenta  à  la  bordo  das  Pierrets  al  moument  de  la 
meichou,  quand  les  blats  èroun  prestis  à  coupa. 

«  —  Auriots  pas  besounb  d'uno  sirvento?  »  diguet  aumes- 
tre  de  la  bordo. 

<i  —  Ta  pla  ;  mais  que  sabets  fai  ?  » 

a  —  Un  pauc  de  tout  :  sabi  segà,  sabi  laurà,  sabi  couse, 
sabi  mètre  untoupi  ;  ensajats  bo.  » 


L'enchantée 

A  la  métairie  des  Pierrets,  près  du  roc  de  Fontestorbes,  où  demeu- 
rait un  fermier  avec  sa  famille,  ce  fermier  avait  un  grand  garçon, 
droit,  beau,  vigoureux. 

La  plus  jeune  des  enchantées,  qui  n^avaitpas  plus  de  dix-huit  ans, 
avait  remarqué  ce  beau  garçon,  quand  il  labourait  les  champs  en 
chantant,  elle  s*en  était  amourachée  à  tel  point  qu'elle  alla  le  demander 
en  mariage. 

Pour  se  présenter,  elle  s'était  vêtue  en  paysanne,  mais  malgré 
qu'elle  portât  des  vêtements  communs,  elle  était  jolie  comme  un 
bijou.  (Litt.  un  anneau).  De  son  côté,  le  garçon  l'avait  remarquée. 

Elle  alla  se  présenter  à  la  métairie  des  Pierrets  à  l'époque  de  la 
moisson,  alors  que  les  blés  sont  prêts  à  être  coupés. 

« —  Auriez-vous  besoin  d^une  servante?  »  dit-elle  au  métayer. 

u —  Tout  aussi  bien,  mais  que  savez-vous  faire  ?» 

« —  Un  peu  de  tout  :  je  sais  moissonner,  je  sais  labourer,  je  sais 
»  coudre,  je  sais  mettre  un  pot  [au  feu]  (faire  la  soupe);  essayez- 
»  moi.» 

1  y.  recneillie  par  M.  le  D'  Guibaud,  à  Belesta  (Ariège). 


124  CONTES  POPULAIRES 

«  —  Ë  bé,  dinnats  e  veiren  demà.» 

L'endemà,  quan  lousestajansde  labordo  sioguèroun  levais, 
troubèroun  la  nouvèlo  sirvento  qu'aviè  déjà  engranat,  fait 
soun  lèit,  allucat  le  foc,  mets  le  farnat  del  porc,  e  que  cousiô 
uno  causso  traucado.  Sioguèroun  estabouzits  de  vèzeanoûlbo 
ta  valento. 

((  —  Mestre,  que  voulets  que  fague  bèi?  ». 

tt  —   Vendrés  segà  ande  nous  autris.  n 

a  —  Voli  pla  anà  segà,  mais  voli  estre  toute  soulo,  que  me 
»  derengariots  ;  escoutats-mé,  vou'n  troubarets  pla.  • 

((  —  £  bé,  Pierretou,  dits  le  paire  à  soun  goujat,  vai  mena 
aquelo  filbo  al  camp  dal  cerié.  Acô's  èro  un  camp  de  dets 
juntos. 

Le  mestre,  sa  fenno  e  soun  goujat  se  metèroun  à  segà  au 
camp  costo  la  bordo,  qu'èro  lé  que  mai  pressavo  ande  lé  del 
cerié. 

Avion  segat  cinq  ou  sieis  garbos  entre  toutis  très,  que  la 


—  (c  Eh  bien  !  mettez- vous  à  table  et  nous  verrons  demain.» 

Le  lendemain,  quand  les  habitants  de  la  métairie  se  furent  levés, 
ils  trouvèrent  que  la  nouvelle  servante  avait  déjà  balayé  la  maison, 
fait  son  lit,  allumé  le  feu,  mis  [à  chauffer]  la  bouillie  du  porc  et 
qu'elle  rapiéçait  des  chausses  trouées,  ils  furent  ébahis  de  voir  une 
fille  aussi  laborieuse. 

« —  Maître,  que  voulez-vous  que  je  fasse  aujourd'hui?» 

c( —  Vous  viendrez  moissonner  avec  nous.» 

(( —  Je  veux  bien  moissonner,  mais  je  veux  être  seule,  vous  me  dé- 
»  rangeriez  ;  croyez-moi,  vous  vous  en  trouverez  bien.» 

(c —  Hé  bien  I  petit  Pierre,  —  dit  le  père  à  son  fils  — ,  va  conduire 
»  cette  fille  au  champ  du  cerisier.»  C'était  un  champ  de  dix  join- 
tées^ 

Le  fermier,  sa  femme  et  son  fils  se  mirent  à  moissonner  un  champ 
voisin  de  la  métairie,  dont  la  moisson  pressait  le  plus  avec  celle  du 
cerisier. 

Ils  avaient  à  peine  coupé  cinq  ou  six  gerbes   à  eux   trois,  que   la 

1  Deis  juntos  représentent  cinq  journées  de  labour,  la  junto^  ou  demi- 
journée,  Tient  de  jugne^  joindre  les  bœufs,  opération  qui  a  lieu  deux 
fois  :  le  matin,  en  partant,  puis  yers  dix  heures,  quand  les  bœufs  ont 
mangé.    (Note  de  M.  le  D'  Guibaud). 


DE  LANGUEDOC  125 

sirvento  arrivo  e  dits  al  bourdassié  :  t  Mestre,  ei  finit,  que 
»  youlets  que  fasco  ?  » 

«  —  As  finit  I  es  pas  poussible  !  » 

a — Ba  veirets;  poudets  anà  Ihigk  le  blat  qu'ai  segat, 
acabarai  de  segà  aqueste  e,  mentretant,  vous  tendrai  la  soupo 
presto.  » 

Tout  ac6  èro  vertat  e  s'èro  fait. 

Del  tems  que  manjavoun  la  soupo  :  «  Acô's  pas  tout,  — 
diguet  la  sirvento,  —  sabets  so  que  sabi  fai  ;  voli  me  maridà 
ande  Pierretou,  s'acô  i*agrado  a-n-el  e  à  vousautris*  »  Toutis 
la  Tourguèroun. 

Se  maridèroun  e  la  bordo  des  Pierrets  venguèt  la  pus 
richo  del  pais.  Quan  lous  vézis  n'avien  pas  brico,  les  camps 
des  Pierrets  èroun  plés  de  recoltos  :  vi  à  la  cavo,  salât  de  porc 
e  d*aaco,  farino  din  les  sacs,  argent  al  cabinet  àroussintoun, 
vestits  pla  pedassats,  ré  nou  mancavo. 

Pierretou  e  sa  fenno  aguèroun  de  mainajous  ;  maugrat 
acô  e  le  trabaih  de  la  terro,  quan  s*arrevelhavoun  trouba- 
voan  la  fenno  levado,  le  pa  al  four,  les  mainages  lavats  e 
pencbenats,  Toustal  pla  net  e  pla  escurat. 

servante  arrive  et  dit  au  métayer:  «Maître,  j'ai  fini;  que  que  faut-il 
que  Je  fasse?» 

<(—  Tu  as  fini!...  Ce  n'est  pas  possible!» 

«—  Vous  le  verrez;  vous  pouvez  aller  lier  le  blé  que  j'ai  moissonné, 
»  j'achèverai  de  moissonner  celui-ci  et,  sans  perdre  de  temps,  je  vous 
»  préparerai  la  soupe.» 

Tout  cela  était  vrai  et  le  travail  était  fait. 

Pendant  qu'ils  mangeaient  la  soupe  :  «i  Ce  n'est  pas  tout,  —  dit  la 
»  servante,  —  maintenant  que  vous  savez  ce  que  je  sais  faire,  je  vou- 
»  drais  me  marier  avec  Pierretou^  si  cela  agrée  à  lui  et  à  vous.» 
Jugez  si  tous  le  voulurent  ! 

Ils  se  marièrent  et  la  métairie  des  Pierrets  devint  la  plus  riche  du 
pays.  Quand  les  voisins  ne  récoltaient  presque  rien,  les  champs  des 
Pierrets  étaient  couverts  de  belles  récoltes  :  vin  à  la  cave,  salaisons 
de  porc  et  d*oie,  farine  dans  les  sacs,  argent  dans  l'armoire  à  profu- 
sion, vêtements  bien  rapiécés,  rien  ne  manquait. 

Pierretou  et  sa  femme  eurent  des  enfants  ;  malgré  cet  accroisse- 
ment de  famille  et  le  travail  de  la  terre,  chaque  matin,  lorsqu'ils  se 
réveillaient,  ils  trouvaient  la  femme  levée,  le  pain  au  four,  les  enfants 
lavés  et  peignés,  la  maison  nette  et  reluisante. 


12«  CONTES   POPULAIRES 

Pierretou,  estabousit,  demandavo  à  sa  fenno  consei  élopou- 
diô  fai?  Sa  fenno  i  respoundiè  :  «  Jouissi  de  toun  bonnar,  te 
soucites  pas  de  ré.  As  idèio  quesoui  uno  encantado?  Se,  per 
malur,  veniôâ  à  me  dire  a(^uei  mot,  me  veiriôs  pas  pus  !  » 

Pierretou  perdiô  Tapetis,  veniô  magre  cado  joun.  Un  cop 
i  dîguet  :  u  Ba  vos  pas  dire,  pracô  es  uno  encantado  !  » 

Sul  cop,  la  fenno  s'esta vaniguet  et  jamès  pus  nou  lavegèt. 
Tabès  les  mainages  èroun  pla  souegnats,  les  camps  laurats  e 
segats,  Toustal  endressat. 

Ëro  Tencantado  que  ba  fasiô,  mes  la  veget  pas  pus. 


Los  trenta  deniers  * 

Tharé  que  fo  pajre  d'Abraham  fes  XXX  deniers  d'argent 
per  Nini  rey  de  Niniva  losquals  se  retenc. 


Pierretou  abasourdi,  demandait  à  sa  femme  comment  elle  pouvait 
faire?  Sa  femme  lui  répondait  :  «Jouis  de  ton  bonheur  et  ne  t*occupe 
)>  de  rien.  Je  sais  ce  que  tu  penses  de  moi,  tu  me  soupçonnes  d'être 
»  une  enchantée?  Si,  par  malheur,  tu  venais  à  me  dire  ce  mot,  tu  ne 
»  me  verrais  plus.» 

Pierretou  en  avait  perdu  sa  tranquillité, il  maigrissait  tous  les  jours. 
Enfin,  une  fois,  il  lui  dit  :  «  Tu  ne  veux  pas  en  convenir,  certainement 
»  tu  es  une  enchantée!» 

Immédiatement,  la  femme  disparut  et  depuis  on  ne  Ta  plus  jamais 
vue.  Mais  les  enfants  continuaient  à  être  soignés,  les  champs  labourés 
et  moissonnés,  la  maison  bien  en  ordre. 

C'était  Tenchantée  qui  faisait  tout  cela,  mais  on  ne  la  revit  plus. 


Les  trente  deniers 

Tharé,  qui  fut  père  d'Abraham,  fit  30  deniers  d'argent  par  ordre  de 
Ninus,  roi  de  Ninive,  lesquels  il  garda. 

I  Cette  curieuse  légende  des  trente  deniers  est  empruntée  au  Pef  «7  T/iû- 
lamus^  fo  ccccxxiii  y*  {Archives  delà  Ville  de  A/onfjoe/fe).  L'édition  de 
la  Société  Archéologique  (Jean  Martel  aîné,  1841)  ne  l'a  pas  reproduite. 
Elle  porte  pour  titre  :  Nota  per  los  XXX  deniei^s  que  Jhesus  Crist  fo 
vendîUz, 


DE  LANGUEDOC  127 

Quant  Abraham  près  per  molher  Sarra,  son  pajre  los  li 
donet. 

Abraham  ne  compret  la  espelonca  dopla  dels  jsmaelitas  per 
sebelir  y  la  dicha  Sarra  sa  molher  quant  fo  morta. 

Los  jsmaelitas  ne  compreron  Josep  de  sos  frajres. 

Aquestz  frajres  puojssas  per  fam  ne  compreron  blat  de 
Pharaon. 

Pharaon  puojs  bajiet  aquestz  XXX  deniers  a  Mojsen  per 
anar  subjugar  la  terra  de  Etiopia. 

D'aqui  vengron  en  poder  de  la  regina  de  Saba  vezina 
d'aquela  terra. 

Apres  la  dicha  regina  venc  per  vezer  la  savieza  del  rey  Sa- 
lamon  e  entre  los  autres  dons  que  li  fes  li  offri  los  ditz  XXX 
deniers. 

Salamon  per  lur  beutat  los  donet  al  temple  de  Jherusalem. 

Pueys  lo  rey  Nabucodonosor  près  Jherusalem,  raubet  lo 
temple  e  tôt  o  portet  en  Caldea. 


Quand  Abraham  prit  pour  femme  Sara,  son  père  les  lui  donna. 

Abraham  en  acheta  la  grotte  double  des  Ismaélites  pour  y  ensevelir 
la  dite  Sara,  sa  femme,  quand  elle  fut  morte. 

Les  Ismaélites  en  achetèrent  Joseph  de  ses  frères. 

Ensuite  ces  frères,  pressés  par  la  famine,  en  achetèrent  du  blé  à 
Pharaon. 

Pharaon,  ensuite,  donna  ces  30  deniers  à  Moyse,  pour  aller  sub- 
juguer la  terre  d'Ethiopie. 

De  là,  ils  vinrent  en  la  possession  de  la  Reine  de  Saba,  voisine  de 
cette  terre. 

Ensuite,  la  dite  Heine  vint  pour  connaître  la  sagesse  du  Roi  Salo- 
mon  et  entre  autres  dons  qu'elle  lui  fit,  elle  lui  offrit  les  dits  30  de- 
niers. 

Salomon,  pour  leur  beauté,  les  donna  au  temple  de  Jérusalem. 

Après  cela,  le  Roi  Nabuchodonosor  prit  Jérusalem,  vola  le  temple 
et  emporta  le  tout  en  Ghaldée. 

Ce  n'est,  en  efiet,  qu'une  simple  note,  qui  se  trouve  parmi  d'antres  no- 
tes de  1376  à  1386.  L'écriture  est  la  même:  c'est  celle  du  notaire  Pierre 
Gilles,  MaUhe  Peyve  Gili  notari  del  cossolai^  cierge  reai;  écriture  qui 
est  parfaitement  connue  par  d'autres  écrits  du  temps.  Il  exerça,  en  eâet, 
de  1361  à  1392. 

(Note  d'Achille  Montel,  archiviste  de  la  ville  de  Montpellier  de  1871  à 
1879). 


128  CONTES   POPULAIRES 

D'aquesta  terra  per  temps  pervenc  a  I  dels  III  Rejsloqual 
entra  los  autres  dons  ottri  aquestz  XXX  deniers  en  Belleen  a 
Jhesu  Crist  e  a  la  verges  Maria. 

E  après  la  Verges  Maria  los  donet  per  amor  de  Diu  als  pau- 
res. 

E  finalment  d'aqui  vengron  al  princep  de  la  sinagoga  de 
Jherusalem. 

Loqual  puejs  los  donet  a  Judas  lo  trahidor  per  compra  de 
Jhesu  Crist. 
E  aquel  puojs  los  li  rendet. 
E  el  ne  compret  I  camp  per  far  semeteri  de  romieus. 

L.  Lambert. 


De  ce  pays,  avec  le  temps,  ils  arrivèrent  à  un  des  trois  Rois 
[Mages],  lequel,  entre  autres  dons,  offrit  ces  30  deniers,  dans  Bethléem, 
à  Jésus-Christ  et  à  la  Vierge  Marie. 

Ensuite,  la  Vierge  Marie  les  donna,  pour  Tamour  de  Dieu,  aux 
pauvres. 

Et  finalement,  de  là,  ils  parvinrent  au  Prince  de  la  Synagogue  de 
Jérusalem. 

Lequel  ensuite,  les  donna  à  Judas  le  traître,  pour  Tachât  de  Jésus- 
Christ. 

Celui-ci,  après,  les  lui  rendit, 

Et  il  en  acheta  un  champ  pour  en  faire  un  cimetière  de  pèlerins. 

*  Une  autre  rédaction  de  cette  légende,  plus  développée  qu'ici,  se  lit 
dans  l'espèce  d'Histoire  Sainte  dont  une  version  catalane  a  été  publiée 
en  1873,  par  M.  Miquel  Victoria  Amer,  sous  le  titre  de  Genesi  de  Scrip- 
tura  (voir  page  20),  et  dont  il  existe  aussi  une  version  provençale  et 
une  version  gasconne.  Le  ms.  unique  de  cette  dernière,  malheureuse- 
ment incomplet  du  commencement^  a  été  publié  en  entier  par  MM.  Lespy 
et  Raymond,  avec  la  partie  correspondante  de  l'un  des  mss.  provençaux 
(Cf.  Hevue^  XI,  206  et  XII,  108,  291).  La  source  de  la  légende  parait  être 
un  évangile  apocryphe  attribué  à  Saint  Barthélémy  et  aujourd'hui 
perdu,  mais  que  Godefroi  de  Viterbe,  du  Chvonicon  ou  Panthéon  duquel 
elle  forme  un  chapitre,  cite  comme  sa  seule  autorité.  Cf.  Paul  Rohde 
Die  Quellen  der  romanischen  Weltchronich^  dans  les  Dcnkmàler  de 
Hermann  Suchier,  pp.  599  et  627. 


I  DODICI  CANTI 


EPOPEE  ROMANESQUE   DU   XVI*  SIÈCLE 


(Suite) 


57        Un,  che  di  Serpentino  era  più  forte 
Et  più  robusto,  il  nuovo  sir  affronta 
Per  vendicarlo  délia  strana  sorte, 
Non  prevedendo  il  misero  sua  onta. 
Porta  una  lancia  da  impaurir  la  morte 
Et  spronando  il  corsier  in  furia  monta, 
Ch'  avresti  detto  un  smisurato  scoglio 
Non  potrà  mai  star  fermo  a  tanto  orgoglio. 

58.       Quale  veduto  il  guerrier  pellegrino 

Disse  fra  se  :  «  Vien  pur  quanto  p[u]oi  saldo, 

Che  se  più  che  propitio  il  tuo  destino 

Non  ha\  almio  colpo  non  potrai  star  saldo. 

Se  fusti  il  mio  fratello  o  il  inio  cugino, 

r  ti  farô  mutar  Tanimo  baldo.  » 

Et  spronando  il  destrier,  dègli  nel  petto 

Un  colpo  tal  che  fu  a  cader  constretto. 

[F*  32  V»]  59.     Vedendosi  caduto  vuol  far  scusa 

Con  dir  che  di  ciô  fu  il  caval  cagione  ; 

Cu'  el  nuovo  cavallier  :  «  Questo  non  s'usa, 

Ma  per  farti  veder  che  sei  pol trône 

Et  che  la  codardia  di  ciô  t'accusa, 

Contento  son  che  rimonti  a  Tarcione 

Et  che  ripruovi  ancor  se  la  tua  forza 

11  mio  valor  intepidisse  o  smorza. 


180  I  DODICI  CANTl 

60.       Ma  ben  ti  giuro,  péril  mio  sigaore, 
Se  la  seconda  volta  ancor  t'abbatto, 
Restarai  privo  al  tutto  de  Thonore 
Ne  meco  truovarai  pietoso  patto.  » 
Risponde  quel  :  «  SI,  s],  »  et  con  furore 
Al  suo  cavallo  rimontô  di  fatto; 
Et,  corne  di  prima,  a  rafrontare 
Quel  nuovo  cavallier  che  un  Hettor  pare. 

61.       Quel  nuovo  cavallier  mostrar  volendo 
L*ardito  cor  et  la  virtù  infinita 
De  Tanimo  suo  forte  in  se  prendendo 
Et  più  sdegnoso  una  crudel  feiita 
Fàlli  nel  petto,  et  po'  via  trascorrendo 
Fra  Taltra  gente  la  persona  ardita 
Hor  questo  fere,  quel  fuggir  incalza, 
Hor  questo  uccide,  hor  quel  di  sella  sbalza. 

62.  Perché  cadendo  Salimbrotto  in  terra 
(Cosi  detto  era  quel)  ruppe  la  lancia» 
L'incognito  guerrier  agli  altri  guerra 
Col  brando  sol  face[v]a;  ai  quai  si  lancia 
Co*  molto  ardir  et  tutti  insiem  li  serra 
Dandoli  quanto  p[u]6  s]  rustra  mancia 
Al  primo  che  egli  affronta  et  al  secondo, 
Al  terzo,  al  quarto  et  dove  gira  in  tondo. 

63«  Et  vede  un  ch*una  grossa  lancia  tiene 
Che  sta  fra  gli  altri  per  callarla  al  basso, 
Onde  egli  rattamente  il  sopra  viene 
Affrettar  al  destrier  facendo  il  pa»so  ; 
Come  li  è  appresso  ,  il  brando  non  ritiene 
Ma  giù  lo  cala  co'  molto  fracasso 
Sopra  il  cimiero  et  con  la  man  sinestra 
La  lancia  trasse  a  quel  fuor  délia  destra. 

[P*  33  r®]64.     Poi  si  ritira  quanto  le  bisogna 

Adoperando  il  brando  in  sua  difTesa 
Fuor  délia  calca,  et  d^arestar  non  sogna 
La  tolta  lancia  per  seguir  Timpresa 
Già  cominciata,  che  vittoria  agogna 
Havendo  Talma  nel  furor  accesa; 
Et  visto  Serpentine  un  tanto  ardire 
In  questo  cavallier  le  prese  a  dire  : 


CANTO  TERZO  181 

65.  «  Magnanîmo  signor,  s*  unqua  ti  o£fesi 
Col  troppo  chieder  più  ch*  io  non  devea, 
Farô  restar  questi  miei  suspesi 

Dalla  battaglia  perigliosa  et  rea. 
Se  morto  è  Saliuibrotto  che  più  pesi 
Vole  va  il  miser  tuor  che  non  potea, 
Habisi  il  danno  et  nui  facciamo  triegua, 
A  ciô  che  maggior  mal  fra  nui  non  aegua.  » 

66.  Gosl  dicendo  il  degno  Serpentine 
Fece  ritrar  sue  genti  et  ripor  Tarmi, 
Oui  rispondeva  il  guerrier  pellegrino  : 

«  Che  parli  come  accorto  et  saggio  parmi, 
Contento  son  lasciarti  in  tuo  dimino, 
Ancorchè  tu  sii  stretto  a  seguitarmi 
Per  ragion  d'armi  et  di  cavalleria, 
Ch*  io  non  poRso  mancar  di  cortesia. 

67.  Con  questi  tuoi  far  triegua  mi  contento 
Per  fin  dimane  allô  levar  del  sole, 

Ne  vorei  che  credesti  per  spavento 

Me  usarti,  o  cavallier,  queste  parole, 

Ma  per  Tamor  che  dentro  el  petto  io  sento 

Di  cortesie,  di  gentilezze  sole 

Et  per  amor  del  mio  signer  ch'  Io  amo 

Più  che  me  stesso  et  ritrovar  i^  bramo. 

68.  S' il  truovo,  poi  vogliate  guerra,  sia 
Guerra  fra  nui  secondo  il  voler  vostro, 
Che  vi  promette  in  su  la  fede  mia. 

Se  viva  chi  fondé  il  céleste  chiostro, 
Che  poco  aprezzo  vostra  compagnia 
Ne  Farmi  temo  ne  Torgoglio  vostro, 
Che  quando  io  penso  al  mio  gentil  signore 
Mi  si  radoppia  forza,  animo  et  core.  » 

[F.  33  V®]  69.     S  ta  Serpentine  a  tal  parlar  suspeso 
E  imaginando  va  quai  sia  el  signer  se 
Di  chi  quel  cavallier  par  tante  acceso 
Et  sieur  si  che  non  ritrueva  morse 
A  Tardir  grande,  a  tuor  si  grave  peso 
Sopra  se  solo  senza  alcun  soccorso. 
Doppe  le  viene  a  un  tratte  nel  pensiero 
Che  sia  quel  che  cerca  esse  il  cavalliero. 


1^2  I  DODICI  CANTI 

70.  Il  cavallier  per  chi  Marsilio  manda 
Serpentin  pensa  che  quest*  altro  aia, 
Voria  saperlo  et  pur  non  lel  diraanda 
Temendo  in  ciô  di  farle  villania 

Che  già  Toffese  in  chiederli,  et  da  banda 
Da  ragion  mosso  pon  sua  fantasia, 
Ch*  altro  di  quello  et  di  questo  altro  vede 
Altro  il  vestir,  per  ciô  costu*  altro  crede. 

71.  Che  quel  primo  di  ner  tutt*  ha  la  vesta 
Ma  questo  altro  è  vestito  tutto  bianco, 
Bianco  veste  costui  dal  piè  alla  testa, 
Coperto  ha  il  scudo  d'un  damasco  bianco, 
Bianco  ha  il  caval,  bianca  ha  e  la  sopravesta 
Et  porta  sul  cimier  un  pennon  bianco. 
Perché  vuol  dimostrare  a  chi  che'  1  vede 
Quai  sia  verso  il  signor  sua  pura  fede. 

72.  Tant[aJ  è  la  fe  ch'  al  suo  signor  ei  porta 
Nel  cor,  che  la  mostra  anco  al  vestimento, 
Et  Serpentin  come  persona  acorta, 
Benchè  nero  non  vede  il  guarnimento, 
Non  di  saperlo  ancor  si  disconforta, 

Anzi  nel  cor  concepe  un  argomento 
Per  scoprir  e  invitol  seco  al  dassezzo 
Ad  albergar,  che  è  in  regia  corte  avezzo. 

73.  Quel  cavallier  che  è  generoso  accetta 
Ampiamente  Tinvito  per  mostrare 

Ch'  egli  non  ha  timor  et  men  suspetta 
Di  tutti  lor.  Poichè  la  notte  appare 
Ognun  scavalca  et  il  destrier  su'  assetta 
Meglio  che  puote  et  pongonsi  a  mangiare 
Chi  quà,  chi  là,  et  a  un  hostel  vicino 
Col  cavallier  si  trasse  Serpentine. 

[F.  34  r^]  74.       Puose  una  mensa  Thoste  et  le  vivande, 
Venero  vin  di  poma  et  di  prunelle 
Ch'  altro  non  si  usa  troppo  in  quelle  bande. 
Se  assigono  i  guerrier  :  le  chiome  belle 
Cavando  Telmo  a  sorte  il  guerrier  spande. 
Serpentin  vede  Telmo  et  le  mascelle 
Che  mostran  più  di  bella  donna  altiera 
Che  di  guerrier  di  cui  pur  ha  maniera. 


CANTO  TERZO  133 

75.  El  guerrier  s'arosciô  quando  s'accorse 
Esser  per  donna  conosciuta  alhora 

Et  per  non  so  che  tutto  si  scon torse; 

De  rhostaria  subito  uscendo  fuora, 

Le  orate  trecce  al  degno  capo  atorse, 

Poi  d*una  scuffia  quel  coprendo  honora 

D'oro  contesta  et  seta  damaschina 

Ch*  in  duono  havuta  havea  da  Fiordispiiia. 

76.  Poi  dentro  ritomô  tutta  cambiata 

Di  pensier  tristo  in  un  pensier  giocondo 
Et  disse  a  Serpentin  :  «  Se  già  turbata 
Tu  mi  vedesti  nel  levarmi  el  pondo 
Del  capo  et  se  la  chioma  scapigliata 
Mi  mostrè  quai  tu  non  credevi  al  mondo, 
Non  t'ammirar,  per  Dio,  perché  sono  usa 
Sempre  ne  Tarmi  et  non  ne  so  far  scusa. 

77.  Sempre  sono  usa  a  Tarmi  et  a  destriero 
Da  picciolina  e  a  piè  tal  volta  in  guerra. 
Hor  armo  sempre  mai  da  cavaliiero, 
S'avvien  ch'io  vada  o  per  mar  o  per  terra, 
Et  hor  mi  sento  accesa  d'un  Ruggiero 

Ch'  in  tutto  il  mondo  il  più  gentil  non  erra, 
Et  vo  di  lui  cercando  in  ogni  luogo 
Tutta  infiammata  in  Tamoroso  fuogo.  » 

78.  Una  figlia  de  P  hoste,  che  non  era 
Al  primo  ragionar  délie  parole, 
Mirando  in  faccia  alla  donzella  altiera. 
Se  accese  più  che  la  fenice  al  sole, 
Quando  vi  venue  a  servirli  in  maniera 
Con  che  gran  cavallier  servir  si  suole, 
TalvoUa  suspirando  chetamente 

Per  la  gran  âamma  che  nel  petto  sente. 

[F.  34  v^]  79.     La  cena  fatta  a  rîposar  ne  vanno 
Ma  separatamente  i  guerrier  forti, 
Perché  due  cameretteta  lor  si  danno 
Con  loro  letti  e  i  servitor  acorti 
A  disarmarli,  perché  dair  affanno 
De  Tarmi  tolto  oguun  si  riconforti, 
Ma  la  figlia  de  Thoste  sola  smania 
Perché  era  entrata  in  Tamorosa  pauia. 


134  I  DODIGI  CANTI 

80.  Dice  sola  fra  se  la  meschioella  : 

«  Deh  coiue,  Amor,  m'  hai  preso  alla  tua  rete  t 

Deh  com'  accesa  m*  hai  con  tua  facella 

Ghe  mi  dà  tanta  inestinguibil  sete  !  » 

Et  levata  del  letto  discende  ella 

Ghe  già  le  genti  sente  dormir  chete 

Et  alla  cameietta  seoza  lume 

Va,  che  di  casa  sa  tutto  il  costume, 

81 .  Alla  caméra  ove  era  Bradamante, 
Ghe  cosl  nomato  era  il  cavalliero, 
Anzi  a  dir  meglio  che  teoea  semblante 
D'un  forte  et  ben  magnanimo  guerriero, 
Gh*  iva  cercando  corne  vera  amante 

Le  vestigie  del  suo  amato  Ruggiero  ; 
Entra  donque  de  V  hoste  la  figliuola 
In  questa  cameretta  scura  et  sola. 

82.  S'accosta  al  letto  et  va  pian  pia[n]  toccando 
Et  Bradamante  truova  esser  vestita 

Ghe  dormendo  la  man  tien  sopra  il  brando  ; 

Onde  ônne  la  fanciulla  sbigottita 

Et  dice  :  «  0  cavallier,  tutta  tremando, 

Habii  pietà  di  mia  misera  vita, 

Ghe  se  mi  sprezzi,  i*  son  la  più  dolente 

Ghe  mai  nascesse  infra  tutta  mia  gente.  » 

83.  Bradamante  da  se  alquanto  sorride 
Et  ben  conosce  ch*  egli  ô  la  fanciulla 
Gh*  a  mensa  lei  servir  si  pronta  vide. 
Et  seco  in  stessa  di  lei  si  trastulla  ; 
E  il  cor  délia  fanciulla  si  conquide, 

Et  bastemia  ella  il  latte  ch'  in  la  cuUa 
Susse,  poichè  cosl  il  cavallier  dorme 
Quai  d'esser  vivo  pur  non  mostra  Tonne. 

[F.  35  ro]  84.      Fingeva  Bradamante  di  dormire 
Sol  per  veder  deila  fanciulla  il  fine, 
Et  sente  ch*  ella  dice  :  «  T  vuo*  morire, 
Allacciandomi  il  col  con  questo  chrine  ; 
Miseramente  mia  vita  finire 
Intendo,  ch*  in  le  genti  Saracine 
Più  pietà  si  ritruova  che  in  costui. 
Et  pur  fiamma  crudel  m'arde  per  lui.  » 


CANTO  TERZO  135 

85.  Credeva  la  donzella  Bradamante 
Homo  e8<er  pur,  non  femina  corne  era, 
Perché  alla  propria  effigie  havea  semblante 
Assai  più  d'huomo  che  di  donna  altiera  ; 
Onde  tutta  arde  la  infelice  amante  ; 

Pur  se  si  sveglia  quella  truovar  spera 
Ciô  che  desia  et  che  concepe  in  core 
Che  a  un  punto  con  la  speme  nasce  amore. 

86.  Pur  disse  Bradamante  :  «  In  questo  errora 
Non  pria  cadesti  tu,  non  disperarti, 

Né  sola  sei  che  desiasti  in  core 

Ci[ô]  che  altru*  amando  alfin  potràincontrarti. 

Questi  li  modi  son  tutti  che  Amore 

Usa,  queste  le  astutie,  ingegni  et  arti 

Coi  quali  enganna  i  miseri  mortali, 

Spesso  indamo  aventando  i  duri  strali. 

87.  Non  è  minor  il  fuoco  ch*  ho  nel  petto 
Che  m' arde  pel  mio  sir  che  quel  che  senti. 
Se  t*ha  gabbato  Amor  sol  col  mi*  aspetto, 
Se  t*ha  causato  dolorosi  accenti, 

Me  ancora  accese  senza  alcun  rispetto 
Con  li  saoi  duri,  accuti  strali  ardenti. 
Et  fammi  errar  in  questo  et  in  quel  luoco 
Piena  d'incendio  e  inevitabil  fuoco. 

88.  A  ciô  che  tu  più  certa  sapii  el  tutto 

Et  che  conoschi  ben  ch'  io  non  te  inganni 
Volendo  tu  del  tno  amor  corre  il  fi  utto, 
Hor  mi  ti  acosca  quivi  intro  alli  panni, 
Pon  qui  la  mano  che  laccerbo  lutto 
Voglio  tutto  hora  lassi  et  ti  disganni.  » 
Ciô  detto  sua  man  prende  et  fa  toccare 
El  luogo  ove  la  donna  donna    appare. 

[F.  35  V*]  89.     La  donzella  ch*  era  ita  et  ha  truovato 

Quel  che  non  vuol  et  quel  che  vuol  non  truova. 
Se  si  ritruova  in  petto  il  cuor  gelato. 
Se  duol  crudel  neir  aima  se  gli  innuova, 
S' il  spirito  infelice  ha  in  lei  turbato, 
Se  gli  par  haver  fatta  trista  pruova, 
Ouidical  tu,  signor,  che  in  sensi  parse 
Quai  quella  che  già  in  marmo  si  converse. 


l  I   DODIGI  CANTl 

90.  Gonobbe  Bradamante  che  costei 
P6r  questo  divenuta  era  angosciosa, 
Onde  comincia  a  ragionar  con  lei 
Dicendole  :  «  Non  star  più  dolorosa, 
Femina  sono  et  femina  tu  sei  ; 
Esser  non  dei  meco  si  vergognosa 
Che  Fiordispîna  ancor  mi  tenne  seco 
Et  diletto  hebbe  d*abracciarsi  meco. 

91 .  Del  mio  Ruggier,  un  di,  cercando  io  andava 
Quai  andar  per  la  Spagna  errando  entesi. 
Perché  Testivo  sol  mi  moles  ta  va, 
Scavalcata  in  sa  l'herba  un  dl  m*  istesi. 
Fiordispina  cacciando  ivi  arivava 

Et  gli  ochi  miei  truovô  dal  sonno  presi, 

Che  la  vi siéra  pel  gran  caldo  alzai 

A  una  dolce  ombra  e  al  fin  mi  adormentai. 

92.  Solingo  è  il  luogo  et  è  coperto  a  fronde 
D'alberi  spessi,  a  tal  che  '1  vivo  raggio 
Del  chiaro  sol  a  pena  vi  si  asconde 
Quando  ô  più  basso,  et,  per  fuggir  Toltraggio 
Del  gran  calor,  ve  entrai  che  le  chiare  onde 
Col  dolce  mormorio  che  fan  rivaggi 

Ivi  d'intorno  m'invitarno,  et  quella 
Vi  capitô  quai  matutina  Stella, 

93.  Forsi  per  ri[n]frescarsi  del  calore 
Che  ella  sentiva  nella  caccia  ;  et  quando 
Quinci  mi  vidde,  il  pargoletto  Amore 
L*atroce  sette  in  se  tutta  voiti^ndo 
Comutô  quel  arcier  in  tanto  ardore 

Ch*  apresso  me  colcata  suspirando 
Ardl  baciarmi  in  bocca  eti'  mi  destai, 
Et  quella  in  faccia  subito  mirai. 

[F.36r*]  94.      Cresimi  che  quel  fusse  il  mio  Ruggiero 
Che  guidato  da  Amor  fusse  ivi  giunto  ; 
Ma,  quando  viddi  vano  il  mio  pensiero, 
Tutta  smarita  rimasi  io  in  quel  punto, 
Et  tanto  mi  mancô  Tardire  altiero 
Che  di  vergogna  grande  hebbi  il  cor  punto, 
Ond*  ella  visto  forsi  il  perso  ardire 
Mi  cominciô  queste  parole  a  dire  : 


CANTO   TKRZO  137 

95.  «  Ascolta,  cayallier,  le  mie  parole. 
Del  re  Marsilio  bodo  unica  figlia, 

Di  degna  stirpe  non  men  degna  proie, 
Che  quivi  giunta  infra  tue  belle  ciglia 
Viddi  Amor  starsi  et  nella  fronte  il  sole 
Et  Vener  nella  tua  faccia  vermiglia 
Spargere  con  sua  mano  i  bei  ligostri, 
Discesa  a  posta  dai  celesti  chiostri, 

96.  Et,  corne  se  tu  '1  proprio  suo  Adon  fusse, 
Teco  scherzare  et  di  te  prender  gioia  ; 

Et  per  acenderme  qui  Amor  m*adusse 

Ove  tu  sei  con  disusata  noia. 

Pel  dolce  latte  che  tua  bocca  susse, 

Non  comportar,  campion  gentil,  ch'  io  muoia, 

Che,  s'io  ti  truovo  oltra  la  mia  credenza, 

Da  te  non  farô  viva  dipartenza. 

97.  Non  m*esser  crudo,  se  in  te  gentiiezza 
Unqua  si  vide  o  regnô  cortesia, 
Poichè  t'  ha  dato  il  ciel  tanta  bellezza. 
Se  punto  cara  t*è  la  vita  mia, 

Se  ti  conduchi  el  cielo  in  grande  altezza, 
S'impetri  ci6  che  lo  tuo  cor  disia. 
Non  [comportar  che  mi  consumi  amore 
Né  che  mi  strugghi  in  petto  il  miser  core.  » 

98.  Et  io,  per  non  mostrar  quella  viltade 
Délia  quai  sempre  fui  crudel  nimica, 
Risposi  a  lei  :  «  Regina  di  beltade. 

Se  v[u]oi  che  sempre  mi  ti  mostri  amica, 
Farollo;  et  ho  di  te  molta  pietade, 
Vedendo  come  Amor  te  involve  e  intrica 
Nei  lacci  suoi  per  me  :  che  quai  tu  sei 
Ancor  sono  io,  ti  giur  per  gli  Agnus  Dei.  » 

[F.  36  V**]  99.      Seco  m'astrinse  andar  nella  sua  terra 
Ivi  vicina  ;  scompiacer  non  voUi, 
Anzi  vi  andai  senza  contesa  o  guerra 
Sempre  cacciando  per  piani  et  per  coUi 
Lepori  et  capriuol  di  serra  in  serra 
Tanto  che  furno  homini  et  can  satolli  ; 
Et  cosl  giunsi  ad  una  degna  mensa, 
A  ciascun  grato  il  cibo  si  dispensa. 

10 


138  I  DODIGI  GANTI 

100.  Di  ricca  gonna  poi  vestir  mi  volse 
A  ciô  cbe  ognun  pensassemi  doozella, 
Benchè  *1  contrario  nel  suo^cor  avolse 
Errando  corne  te  la  mischinella  ; 

Fin  tanto  che  nel  letto  suo  mi  toise 
Seco,  et  poi  vide  ch'  io  non  havea  quella 
Cosa  che  si  pensô,  restô  smarita 
Et  più  che  prima  dentro  al  cor  ferita. 

101 .  Fecemi  star  poi  seco  a  suo  diletto 

Più  giorni,ond'  io  non  voisi  scontentarla 
Et  sempre  mai  li  fui  compagna  al  letto. 
Al  fin  délibérai  pur  di  lasciarla, 
Perch'  altra  fiamma  mi  scaldava  il  petto 
Et  scalda  ancor  ne  posso  ben  celarla. 
Da  lei  partita  son  qui  capitata 
Come  te  ancor  d*amore  inviluppata.  » 

102.  Alla  donzella  cosi  Bradamante 
Diceva  et  rimandolla  alla  sua  stanza. 
Poco  le  crede  la  misera  amante, 

Ma  lagrimando  priva  di  speranza 
Torna  al  suo  letto  alfin  tutta  tremante 
Quai  chi  sa  délia  casa  ben  Tusanza, 
Ne  perô  dorme,  perché  il  suo  pensiero 
Fermo  ha  che  quella  pur  sia  un  cavalliero. 

103.  Parle  la  notte  lunga  oltra  misura 
Et  ha  disio  che  presto  il  di  ritorni 
Per  ritentar  se  mai  per  sua  ventura 
Far  possa  ch'  ivi  ilcavallier  soggiorni, 
Et  meglio  riveder  se  la  natura 
Mutass'  il  sesso;  cosa  ai  nostri  giorni 
Vis  ta  non  mai  fa  desiar  amore, 

Che  una  speme  amorosa  unqua  non  muore. 

[F®  37  p°]  104.     La  notte  volge  a  Serpentin  la  mente 
Et  sopra  Bradamante  fa  disegno 
Di  disonesto  amor,  che  già  si  sente 
Infiamar  tutto  ;  et  la  forza  et  Tingegno 
Non  ha,  che  sa  quanto  in  armi  è  valente 
Quella,  che  n'  ha  veduto  chiaro  segno  ; 
Onde  se  aresta,  et  non  ne  vuol  far  pruova 
Perô  ch*  a  dubio  di  battaglia  nuova. 


CANTO   TERZO  139 

105.  Ne  vien  Tâurora  con  l'aperto  grembo 
Pieno  di  fiori  di  color  divers! 

Del  quai  ne  sparge  et  quinci  et  quindi  un  nembo, 
Bianchi,  crocei,  sanguigni,  oscuri  et  persi, 
E  poi  aprendo  a  poco  a  poco  il  lembo 
Lascia  quasi  da  ognun  tutta  vedersi  ; 
Entra  per  porte  et  per  fenestp*  ov'  ella 
Gosa  non  truova  che  le  sia  ribella. 

106.  Bradamante  del  die  vedendo  Torme 
Dimanda  Phoste  che  li  porti  il  lume. 
Et  la  fanciulla  ardente  che  non  dorme, 
Anzi  le  par  il  letto  hispido  duoie, 
Presto  si  lieva  et  imprime  le  forme 

Del  fuoco  in  la  bombace  et  fa  che  alume, 

Et  va  sicura  co'  Taccesa  lampa 

Al  cavallier  di  cui  tutt'  ella  avampa. 

107.  Con  quel  timor  de  un  cagnolin  battuto 
Che  ritorna  al  patron  poi  richiamato, 
Ne  va  costei  col  cor  quasi  perduto, 
Anzi  ferito,  anzi  pur  lacerato, 

Et  humilmente  a  Bradamante  aiuto 
Chiede  et  mercè  del  suo  infelice  stato. 
Bradamante  gentil  si  lagna  et  duole 
Che  far  non  puô  ci6  che  quelF  altra  vuole. 

108.  Col  lume  poi  quel  ch'  in  la  notte  oscura 
Le  fe  sentir,  le  mostra  apertamente, 

Ma  la  donzella  che  ha  del  suo  ardor  cura 
Et  cerca  estinguer  la  âamma  revente, 
Onde  altri  pr[o]cacciarsi  ella  procura 
Per  isfogar  il  suo  animo  ardente, 
Da  questa  parte,  et  va  dove  Taltro  era 
Et  co*  lui  spinse  la  sua  fiamma  altiera. 

[Po  37  v«]  109.       Ch'  in  la  caméra  entrando  il  lume  porta 

Et  dice  ella  :  «  Su,  su,  che  è  chiaro  il  giorno  », 

E  ciô  dicendo  richiude  la  porta 

Et  poi  se  accosta  a  Serpentino  intorno. 

Costui  troppo  molestia  non  supporta 

Che  haveva  la  donzella  il  viso  adorno  : 

Quel  che  con  Bradamante  hebbe  pensato 

Ad  effetto  con  questo  hebbe  mandate. 


no  I   DODICI   CANTl 

110.       ParteM  «Ik  da  poi  contenta  et  lieta 
Et  Bodisfatto  aurge  Serpeatino. 
GU  Bradamante  b'  è  levata  et  cheta 
Era  andata  a  gueniir  il  suo  ronziao 
Di  sella  et  brigliacoperCate  a  seta, 
E,  quando  quincî  giuase  il  Saracioo, 
La  aalutâ  con  rivereoza,  et  quella 
Qratamente  rispose  a  Biia  favella. 

111-  Seppe  si  Serpentin  col  suo  beldire 
Oprar  con  quesla  ch'  ella  fu  contenta 
Far  eeco  pace,  et  cosl  ognun  partire 
Disponsi  eeaza  guerra,  et  ai  contenta 
Di  cib  la  turba  cbe  provâ  l'ardire 
Et  sa  ch'  in  lei  la  forza  non  à  spentu. 
Pai'tita,  Serpentin  narrà  ai  soi  cb'ella 
Era  una  valorosa  damigella. 

112,  Vasaene  Bradamante  a  Montalbano 
Non  ritruovando  il  suo  gentil  consorte. 
Fa  sonar  a  cavallo  ilcapitano 

Et  ritruovar  da  l'hoste  alcune  acorte, 
Poi  cavaleando  va  par  monte  et  piano 
Per  ntrovar  il  buona  Oi-lan<io  e,  a  sorte 
Scontrato  un  passaggier,  hebero  inditio 
Da  quel  dal  degno  conte  a  un  certo  hoapitio. 

1 13.  Del  cavallo  et  di  lui  il  contrasegno 
Et  cbe  passato  ha  il  periglioso  stretto 
Di  Zibiltarro  aopra  un  picciol  legno, 
Le  raconta  lo  passaggier  predetto. 
Et  che  non  vi  era  raodo  nâ  dissegno 
Che  fusse  giuQto  quel  eaval  pej'fetto 
Pecù  ch'  egli  passato  in  Barberia 
Esser  deveva  et  già  per  lunga  via. 

"F'-SS  r°]  114.      Perù  si  toma  Serpentine  a  dietro 
Con  quel  cbe  lasciô  viïi  Bradamante 
Che  quindioi  ne  ucoise  et  quai  di  vetro 
Spezzô  lorl'armi  k  donzella  errante, 
Ma,  perché  denlro  el  mar  turbato  et  tetro 
Convienmi  ch'  io  soccorra  il  air  de  Anglante, 
Vi  kaeio  Serpentin,  fo  fin  al  oanto 
Etnel  mar  entro  da  fortuna  affranto. 


CANTO  QUARTO  )41 


CANTO  QUARTO 

I.       Con  la  facondia  un  orator  sovente 
Ottien  ciô  che  disia,  ciô  che  egli  chiede 
Benchè  fusse  Solon  grato  et  prudente, 
Athene  pur  a  Pysistiato  cède. 
Quel  Romano  orator  taato  eccellente 
Libéra  se  dalla  superba  cède 
Di  Mario  et  la  sua  patria  Pericle  anco 
Riduce  in  servitù  col  suo  dir  franco. 

2.       El  dotto  Hegesia  col  suo  dir  ornato 
SI  ben  biasmava  la  miseria  humana 
Ë  in  dimostrar  ciô  fu  si  accomodato 
Et  quauto  fusse  in  lei  speranza  insana 
Et  che  si  ritruovava  immortal  stato 
Per  una  mortal  vita  al  tutto  vana, 
Tal  che  si  davan  volontaria  morte 
Molti  per  ritruovar  più  lieta  sorte. 

3.     Perô  imparate  vui,  sir,  che  reggete 
Ville,  città,  castri,  provincie  et  regni^ 
Prender  le  Muse  con  la  ferma  rete 
Di  vostri  rari  et  pretiosi  cngegni, 
Che,  se  lor  tutte  o  almeno  in  parte  havrete. 
Placar  potrete  V  ire  humane,  i  sdegni, 
Firmar  i  vostri  stati,  i  vostri  imperi 
Dai  vostri  fin'  agli  estremi  emisperi. 

4.       Ponno  le  Muse  et  inclite  Chamene 
Per  lor  virtù  dar  gratie  e  imensi  honori, 
Et  mal  usate  ancor  diverse  pêne, 
Stenti,  supplitii,  stratii  et  dishonori, 
Che  virtute  han  tal  hora  di  Syrene 
Ordir  inganni  sotto  al  tri  colori, 
Come  fe  Fontedor  che  gabb'  il  conte 
Con  le  parole  et  con  le  astutie  pronte. 

[P.38v®]   5.     Lettor,  se  vi  ramenta,  i  vi  lasciai 

Che  '1  conte  Orlando  délia  Francia  honore, 
Di  poco  uscito  fuor  de'  accerbi  lai, 
Intrar  s*aparechiava  in  un  maggiore 


142  I   DODICI   CANTI 

Error  di  prima,  a[ii]zi  peggior  aasai, 
Che  sana  non  havea  mente  ne  il  core 
Per  le  parole  et  per  quegli  atti  che  usa 
Questa  donna  crudel  più  che  Lanfusa. 

6.  Dico  di  Fontedor,lafalsa  maga, 
Che  col  8U0  falso  nome  inganna  altrui  ; 
Enganna  il  conte  et  fàlle  nuova  piaga 
Nelcor,  ne  pietà  prendelidi  lui, 

Ghe  per  quella  regina  non  s^appaga 
Ne  vuol  Amor  donar  triegua  a  costui. 
Sa  questa  strega  ch'  egli  si  affatica 
Di  cercar  chi  ella  tiene  per  nimica. 

7.  Per  nimica  coste'  Angelica  tiene 
Ne  per  error  che  Angelica  habia  fatto 
Contra  di  lei,  ma,  per  levarli  spene 
D'ogni  salute  et    perché  sia  disfatto 
Suo  regno,  sconosciuta  cosiviene, 

Che  d'ogni  incanto  et  di  malia  ogni  atto 
Ha  si  infisso  in  la  mente  et  segni  et  carmi 
Come  scultura  che  si  faccia  in  marmi. 

8.  Ne  sape  va  Acheloo  tante  figure 
Pigliar  quanto  ella,  ne  mutar  altrui 

In  fiere,  in  pesci,  in  herbe,  in  scorze  dure 
D'alberi,  et  piètre  in  color  chiari  obui 
Far  in  V  harene,  et  in  Tacque  sculture, 
Quai  Fidia  in  marmi  coi  scolpelli  sui, 
Che  facea  di  piètre  homini  et  cavalli 
Armati  andar  per  tutto  di  met[a]lli. 

9.     Le  frondi  d'herbe  sol  gittando  in  mare 
Mutava  in  navi,  in  fuste  et  in  galee. 
Spesso  coi  carmi  il  sol  fece  fermare 
Dal  ciel  tirando  le  celesti  Idée  ; 
Gli  huomini  in  sassi  facea  ritornare. 
Cosa  che  a  pena  le  celesti  Dee 
Non  osavan  di  far,  facea  costei 
Con  li  suoi  incanti  dispietati  et  rei. 

[F.  39poJ  10.       Correr  ancor  a  dietro  gli  erti  fiumi, 
L'onde  del  mar  firmar,  firmar  i  venti, 
I  monti  caminar,  i  chiaa  lumi 
Nel  suo  maggior  splendor  in  cielo  spenti 


CANTO  QUARTO  143 

Facea  agli  oehi  parer  né  i  sacri  nami 
Uguali  a  lei  tener  da  vane  genti, 
Perché  faeea  al  veder  oitra  misura 
Cose  che  non  paô  far  Talma  natara. 

11.  Di  costei  Orilo  nacquero  et  Gorante 
Et  d*an  alpestro  satiro  inhumano  ; 

A  Orilo  il  chrin  fatô  con  forze  tante 
Che  non  potea  morii*  unqua  il  pagano 
Ancor  chè  tronch*  avesse  tutte  quante 
Le  membra,  e  ognun  s'affaticava  in  vano 
Di  darle  morte  non  svellendo  al  fino 
L^incognito  immortal  fatato  chrine. 

12.  Sovra  lapoccia  mancahaveva  un  pelo 
Fatato  questa  a  Taltro  suo  figliuolo, 
Gui  non  poteva  fulgore  dal  cielo 
Morte  prestar  nô  ferro  mortal  duolo. 
Far  da  picin  nudriti  al  caldo  e  al  gelo 
Fra  coccodrilli  che  da  Timo  suolo 
Rscon  del  Nilo,  et  membra  di  gigante. 
Hebbero  et  nere  dal  teschio  aile  piante. 

13.  Sa  la  riva  del  Nilo  una  al  ta  torre 
Oltra  el  Cajro  havea  fatta  per  incanto 
La  mala  strega  et  dentro  vi  fe  porre 
Un  coccodrillo  che  da  ciascun  canto 
Horrendo  era  a  veder^  ne  cibo  abhorre 
D*humane  carni  ;  et  nudricollo,  in  tanto 
Ch'  i  âgli  grandi  fur,  di  fanciulletti 
Ch*  ella  occideva  ne*  matemi  letti. 

14.  In  quella  torre  Alfegra  i  suoi  figliuoli 
Pose,  che  Alfegra  per  suo  nom  fu  detta, 
Non  Fontedor,  la  fata,  a  ciô  che  duoli 
Dessero  al  padre  (o  che  crudel  vendetta!)  ; 
Qaindi  asava  passar  già  coq  li  stuoli 

De*  satyri,  compagno  di  tal  setta, 
El  padre,  che  in  quei  piani  le  capanne 
Havean  di  palme  et  zuccarine  canne. 

[F.SSt*^]  15.       Perch'  ogni  donna  è  mobii  per  natura, 
Per  altro  amor  il  lor  padre  Brione 
Lasciô  la  strega  fuor  d'ogni  misura, 
Et  fuor  di  modo  ardendo  ;  ne  cagione 


144  I   DODICI   GANTI 

Havea  lasciarlo,  ond*  ha  grave  paura 
Di  lui,  ch'  ogni  sua  cura  et  studio  pone 
In  sol  farlo  morir  ;  cosi  ha  disposto 
Ch'  ai  figli  paghi  il  fio  di  grave  costo. 

16.  Tal  ordin  dato,  la  malvagia  strega, 
Che  fa  ta  fu  chiamata,  si  ridusse, 

Ne  risole  Perdute,  ne  si  piega 
Se  no  a  Medoro  et  quel  seco  condusse 
Con  Tarte  maga  et  si  in  suo  amer  il  lega 
Stretto  a  ciô  che  marito  unqua  non  fusse 
D'Angelica  gentil,  che  conobbe  ella 
Che  a  questo  il  favoriva  la  sua  stella. 

17.  In  queir  isula  havea  pur  per  incanto. 
Fatto  un  pallazzo  bello  a  maraviglia 

Ch'  a  ogni  altro  di  beltà  toglieva  il  vanto, 
Sol  per  privar  la  generosa  figlia, 
Di  Gallafron  d'un  giovinetto  tanto 
Bello  che  di  beltà  nuUo  il  somiglia  ; 
Anzi  di  beltà  seco  perde  il  sole 
Che  sceso  pare  da  divina  proie. 

18.  De  diciotto  anni  il  giovinetto  a  pena 
Era  formate  d'una  bella  forma 

Con  un  a  faccia  lucida  et  serena 

Et  Tor  d'Arabbia  i  bei  capei  l'informa. 

D'un  grato  et  bel  parlar  dolce  ha  la  vena 

Et  i  costumi  alla  beltà  conforma, 

Tal  che  bel  si  pu6  dir  dentro  et  di  fuore 

Et  degno  quasi  del  divine  Amore. 

19.  Tutti  i  piacer,  tutti  i  diletti  insieme 

Ch'  un  corpo  human  pu6  haver,  havea  Medoro, 

Ma  il  giovinetto  pur  si  lagna  et  geme, 

[P]erchè  la  libertà,  dolce  thesoro, 

Ei  non  si  vede  haver  ;  perô  che  terne 

La  strega  perder  si  degno  lavoro, 

Lo  tien  in  quel  pallazzo  con  diletto 

Et  Bola  gode  di  quel  divo  aspetto  ; 

20.  Et,  perché  men  le  incresca  il  soggiornarve, 
Con  arte  a  meraviglia  bella  fassi 

Et  po'  vestiti  di  mentite  larve 
Hupmini  fa  parer  gli  alberi  e  i  sassi 


CANTO   QUARTO  145 

Et  finte  damigelle  ancor  menarve 
Fa  dagli  angeli  ner  dai  luoghi  bassi, 
Et  suoni  et  balli  vi  si  fanno  sempre 
Con  armonie  et  con  soavi  tempre. 

[P.40p*]21.       Pur  tutto  questo  da  Medor  non  toile 
El  desjderio  délia  libertade. 
Ne  per  questi  placer  il  cor  si  estolle 
0  per  veder  d'Alfegra  la  beltade  ; 
S'impalidisce,  ha  Tochio  sempre  molle. 
Alfegra  non  sa  il  cor  de  altrui,  che  rade 
Volte  li  maghi  san  gli  alti  segreti 
Dei  nostri  cor  se  son  turbati  o  lieti. 

22.  Che  finge  il  garzonetto  lieto  starsi 
Et  contento  esser  di  si  bella  donna 
Et  per  letitia  sol  Tochio  immoUarsi 

Con  la  lingua  chiamando  lei  «  madonna  », 
Ma  il  desiderio  ch*  a  di  lontanarsi 
Di  indi  et  che  sempre  nel  suo  cor  se  indonna 
Non  scuopre  mai  con  gesti  o  con  parole 
Sol  per  venir  a  quel  che  brama  et  vuole. 

23.  Questa  fu  la  cagion  ch'  Alfegra  fece 
Il  gra[n]  pallazzo ,  e  immortal  odio  porta 
Al  suo  marito  et  procurô  sua  nece 

Coi  proprii  figli  quai  sempre  conforta 
A  questo  oprar,  et  pruova  che  non  lece 
Loro  disdir  a  lei,  che  cosa  torta 
E  di  non  ubidir  la  madré  chara 
Ch*  a  darle il  latte  non  fu  punto  avaia. 

24.  Quei,  ch*  eran  già  d*un  animo  malegno, 
Concorser  presto  alla  sfrenata  voglia 

De  Tempia  madré  e  adempiro  il  disegno, 
Occidendo  il  lor  padre  con  gran  doglia  ; 
Doppoi  surse  fra  lor  grave  disdegno 
Pe*  furti  lor  di  questa  et  quella  spoglia, 
Ne  per  lor  mala  fama  ormai  più  ariva 
Persona  alcuna  alla  famosa  riva. 

25.  Onde  Gorante  per  parti to  prese 
Lasciando  Orilo  andar  verso  la  Tana. 
CosT  partendo  giunse  nel  paese 

Ch*  era  soggetto  alla  fata  Sjlvana, 


146  I   DODICI   GANTI 

Ne  tanto  Âlfegra  ingrata  et  discortese 
Era  quanto  costei  benigna  e  humana, 
Che  non  vuol  che  si  fermi  in  sua  regione 
Ne  crassator  ne  publico  latrone  ; 

26.       Dove  capitô  il  duca  d'Inghilterra 

Che  cercandoiva  il  suo  cugino  Orlando, 

Ne  lasciava  città,  villa  ne  terra 

Adietro  che  non  gisse  adimandando 

Oi  questo  cavallier  che  in  mar  o  in  terra 

Rendea  famoso  e  ovunque  andava  il  brando  ; 

Onde  Sylvana  al  duca  fece  honore 

Di  quanto  stimô  degno  il  suo  valore. 

[F.40v«]  27.       Questa  fata  era  figlia  alla  Sybilla 
Che  di  Troia  prédisse  il  grave  danno 
Et  hebbe  del  predir  qualche  scintilla 
Come  la  madré  et  il  gravoso  affanno 
Prédisse  ad  Alexandro  et  corne  stilla 
L'ira  sua  il  cielo  nel  superbo  scanno 
Di  Xerse  il  grande,  et  che  Phyliippo  padre 
Non  le  era  et  che  gabbata  fu  la  madré. 

28.  Fu  dalla  madré  essendo  ancor  fantina 
Fatata  questa  veneranda  fata 

Che  per  nome  era  detta  Soffrosina 
Pria  che  fusse  in  l'Egitto  trasportata 
Dacerte  Idée,  che  diléi  rapina 
Fecer   ne  Tisola  ove  ella  era  nata 
Ch*  era  detta  Eritrea,  et  poi  Sylvana  . 
La  gente  s^appellô  da  gente  estrana. 

29.  Presso  la  Tana  in  una  selva  umbrosa 
Da  certi  spiritei  lasciata  sola 
Rimase  con  la  faccia  lachrimosa 

Che  del  tornarsi  adietro  se  le  invola 
Ogni  speranza,  et  cosl  dolorosa 
Fa  dentro  il  petto  di  sospir  gran  mola, 
Ma  pur  se  adorme  poichè  *1  sol  fra  Tonde 
Havea  tufTate  le  sue  chiome  bionde; 

30 .  Et  dormi  infine  che  dal  balcon  d'oro 
Mostrô  la  faccia  rubiconda  et  lieta 
Chi  solo  a  se  sacrô  lo  verde  aloro, 

La  donna  sola  con  la  mente  cheta  ; 


CANTO   QUARTO  147 

Et  svegliata  il  sylvestro  territoi  o 
Gominciô  a  rimirar  tutta  inquiéta 
Et  fra  certi  alber  vede  non  lontana 
Una  opéra  céleste  più  ch'  humana. 

31.     L'opra  è  un  palazzo  lavorato  a  emalto, 
A  oro,  a  gemme,  con  molta  adornezza, 
Sopr'  un  poggetto  lu  quadro  posto  et  alto 
D^una  assai  bella  et  compétente  altezza; 
Onde  passô  la  diva  a  un  tratto  il  salto 
Quai  tygre  isnella  con  molta  prestezza  ; 
Giunta  alla  porta  nulla  sente  o  scorge 
Se  no  il  bel  sito  ch*  ivi  altiero  sorge. 

[F.  41  r°]  32.       Non  vi  entra  la  fanciulla,  anzi  va  intomo 
Con  speme   di  truovar  chi  entiar  la  inviti, 
Et  cosi  andando  quasi  mezzo  giorno 
Vi  consumé  mirando  a  quei  poiiti 
Et  belli  intagli  et  quel  palazzo  adorno 
Come  era  solo  in  quegli  alpestri  siti. 
Tutta  suspesa  cominciô  a  pensare 
Et  se  pur  deve  o  non  vi  deve  entrare. 

33.  Era  il  palazzo  a  forma  d'un  castello 
Fatto  in  fortezza  senza  calce  o  harene. 
Ma  più  ch'  un  spechio  luminoso  et  bello. 
Le  porte  ha  di  smiraldi  et  le  cathene 

Dei  ponti  son  di  bianco  argento,  et  quello 

Dove  si  sale  di  diamanti,  et  tiene 

La  donna  oppenione  et  elle  aviso 

Ghe  dentro  a  quel  sia  proprio  il  parndiso. 

34.  Sotto  del  quai  un  rusceletto  vede 
Uscir  d'una  acqua  limpida  et  si  pura 
Ch'invita  a  ber  o  almen  ôrmando  il  piede 
A  mirar  sua  chiarezza,  per  ventura 
Chiunque  vi  passa  :  et  quel  mormora  et  chiede 
Ch*  ognun  si  posa  alla  fresca  verdura, 

Al  dolce  mormorio,  a  la  opaca  ombra 

Gh*  ogni  pensier  col  sonno  svelie  et  sgombra. 

35.  El  vago  fi umicel  che  quivi  scende 
Non  men  che  l'oppio  gênera  il  dormire 
Per  sua  natura,  et  chi  di  quel  s'accende 
Troppo  nel  ber  mai  non  si  pud  partire 


148  I   DODIGI  CANTI 

Più  da  quel  luogo,  imperô  ch'  egli  rende 
Un  di  meraoria  piivo  et  di  pentire 
Non  men  che  Lethe.  Bebbe  la  Donzella, 
Po'  adormentoss^  in  su  Therba  novella. 

36.     Né  guari  stette  poi  che  fuor  di  quello 
Palagio  usci  di  donne  una  gran  schiera, 
Ë  in  su  la  riva  al  vago  fîumicello 
Venne  dove  la  diva  adormita  era, 
Et  presa  lei  con  modo  honesto  et  bello 
La  portaro  entro  délia  stanza  altiera, 
Poi  la  svegliaron  con  certi  strumenti 
Sonori  et  pieni  di  soavi  accenti. 

[P.  41  vo]37.       Gome  chi  a  l'improviso  si  risveglia 
Si  guarda  in  torno  la  donzella  et  vede 
Quegli  angelici  volti,  et,  se  è  ancor  veglia 
0  pur  se  dorme,  ella  non  sa,  et  si  crede 
Quasi  sognar  piena  di  meraveglia  ; 
Hor  quinci  hor  quindi  col  bel  ochio  fîede, 
Non  si  ricorda  o  sa  come  ivi  venne 
Et  quai  sentier  a  intrar,  quai  modo  tenue. 

38.  Oro,  smeraldi,  zafiri  et  rubini, 
Perle,  diamanti  et  limpidi  berilli, 
Chrisoliti,  balassi  et  dei  più  fini 
Amatisti,  iacinti  et  se  lapilli 
Più  pretiosi  son  di  quei  confini 

0  1  Ebro  o  '1  Gange  ne  produchi  o  stilli, 
Vede  ne'  pavimenti  et  nelle  mura 
Postevi  con  grand'  arte  et  con  misura. 

39.  Vede  una  quercia  di  smeraldi  finta 
Che  di  purissimo  oro  ha  le  sue  ghiande 
In  un  aer  di  zafiri  distinta 

Che  gli  alti  rami  in  fin  al  ciel  ispande  : 
Dui  gran  pastor  in  mezzo  Thanno  avinta 
Un  col  saver,  l'altro  col  poter  grande, 
Et  i  bei  rami  soi  tanto  alto  inalza 
Che  ambi  i  pastori  soi  sopra  il  ciel  balza. 

40.       Vede  dui  altri  col  porpureo  manto 
Vestiti  ch*  alla  quercia  fanno  honore. 
Et  un  che  fra  gli  armati  et  nome  et  vanto 
Riporta  di  virtude  et  di  valore. 


CANTO   QUARTO  149 

Ghe  dui  chiari  figliuol  si  tiene  a  canto, 
Mostrando  lor  con  filiale  amore 
Quanti  trophei  sul  beir  alber  di  Giove 
Sono  per  le  vettorie  antiche  et  nuove. 

41 .       Attenta  stava  la  gentil  donzella 
A  mirar  le  figure  che  pur  vive 
Parevano  et  Thistoria  a  lei  novella 
Desiava  saper  da  Taltre  dive, 
Onde  proroppe  pur  nella  favella 
L'ornata  lingua  et  disse  :  «  Non  si  schive 
Chi  di  voi  sa  questa  legiadra  hystoria 
Far  ch'io  ne  possi  haver  chiara  memoria.  » 

[F.42p°]  42.       Una  rispose:  «  Quando  il  tempo  fia, 
Tu  per  te  stessa  altrui  la  farai  chiara  ; 
Di  ella  convien  ch'  interprète  ne  sia, 
Perô  chesarà  cosa  al  mondo  rara. 
Ancor  non  è  suo  bel  principio  in  via, 
Ma  tosto  fia  con  sua^virtù  preclara.  » 
Et  cobI  detto  fu  la  mensa  posta 
Et  Sylvana  con  l'altre  ivi  preposta. 

43.  I  varii  cibi,  i  delettevol  vini, 
Le  grate  servitù,  li  suoni,  i  canti 
Non  vi  potrei  narrar,  se  li  divini 
Spirti  nol  concedessero  ;  i  presta[n]ti 
Et  ben  legiadri  aspetti  et  pellegrini 
Ch^  ivi  eran  proprio  dai  celesti  et  santi 
Regni  parean   discesi,  se  Tauthore 
Turpin  chel  scrisse  non  comise  errore. 

44.  Et,  finita  la  cena,  la  fanciulla 
Fu  da  quatro  matrone  iacoronata. 
Tutte  eran  donne  et  infra  lor  fu  nulla 
Ghe  non  Thavesse  in  regina  accettata, 
Benedicendo  il  latte  et  quella  culla 
Ghe  da  bambina  Thaveva  alevata, 

Et  fu  resa  da  loro  ella  capace 
Esser  mandata  li  per  la  lor  pace  ; 

45        Et  ch*  ella  viverebbe  in  fin  a  tanto 
Ghel  re  del  ciel  giudicarà  la  terra  ; 
Ma  essendo  nostra  carne  un  fragil  manto 
Gonverrà  poi  che'l  corpo  torni  in  terra, 


15Ô  I   DODIGI  CANTl 

Che  non  è  alcun  mortal  che  si  dia  vanto 
Di  vivere  in  eterno  sovra  terra  ; 
Et  che  per  lei  il  palazzo  era  fondato 
Dal  primo  dl  che  '1  mondo  fu  creato  ; 

46.       Erafundato  in  la  divina  idea 

Dal  principio  del  mondo,  et  che  la  notte 
Ch'ella  cavata  fu  fuor  di  Erithrea 
Et  quinci  posta,  da  Tinferne  grotte 
Trasse  la  madré  sua  detta  Erithrea 
Orrendi  spirti,  a  ciô  più  non  si  arotte 
Ella  ne'  boschi,  et  fu  fatto  il  palagio 
Aciô  ch*  ella  vi  stesse  a  suo  bel  agio. 

[F  42  v**]  47.       Dinanzi  donque  la  crudel  ruina 
Di  Troia  in  fin  a  1'  apparir  del  duca 
Astolpho  governô  questa  regina 
Quel  regno  in  pace,  et  hor  se  lo  manduca 
L'empio  Gorante  con  crudel  rapina, 
Et,  perché  par  che  ardir  et  forza  luca 
In  questo  cavallier,  hebbe  assai  caro 
La  venuta  d'un  huom  degno  et  preclaro  ; 

48.  Ch'  erali  pervenuto  già  alF  orechi 
Esser  capitato  ivi  il  rio  Gorante, 
Onde  di  affanni  par  si  strughi  e  invechi. 
Ne  di  beltà  più  mostra  haver  sembiante; 
Perô  :  «  Fa,  disse  al  duca,  ti  apparechi 
A  battaglia,  signor,  con  quel  gigante, 
Con  quel  gigante  che  ne  V  ampio  cielo 
Fa  ritardar  il  corso  al  sir  di  Delo. 

49.  Sono  circa  otto  giorni  ch'  al  mio  regno 
Arivato  è  il  gigante,  anzi  il  latrone 

Ch*  al  mal  far  sol'  ha  pronto  il  mal  ingegno 
Et  sopra  il  Nilo  occise  ha  più  persone 
Col  suo  fratello  di  crudel  ta  pregno, 
Con  chi  egli  havendo  certa  quistione 
Da  lui  partito  il  perfido  assassine 
Contra  mia  voglia  offende  il  mio  dimino. 

50.  Tutte  sian  donne  nui  ciascuna  imbelle, 
A  lancia  inette  et  inimiche  a  l'armi, 

Et  ciascuna  di  nui  cangia  la  pelle 
Ogni  di  ottavo  et  non  per  via  di  carmi 


CANTO  QUARTO  151 

Magichi,  oo  ;  ma  perché  dalle  stelle 
Questo  ci  è  dato,  onde  se  tu  v[u]oi  farmi 
Degna  di  tanta  gratia  che  tu  scacci 
Costui,  mi  legarai  teco  in  più  lacci  ; 

51 .       Et  tal  duon  ti  farô  ch'  unqua  il  simile 
Non  ricevesti  mai  da  altra  persona, 
11  più  belle,  il  più  vago,  il  più  genlile 
Ghe  dalla  Tana  al  ôume  di  Garona 
Fusse  mai  vistOi  et  ha  questo  monile 
Yirtù  tal  che  di  rado  assai  si  dona  ; 
Se  a  dosso  il  porti,  il  tuo  nimico  mai 
Indarno  coi  tuoi  colpi  ferrirai. 

[F.43r*]  52.       Et  aciochè  costui  non  sia  impunito 
Délia  sua  tanta  gran  sceleratezza, 
Ëssendo  egli  venuto  nel  mi'  sito 
Senza  saputa  mia  per  sua  sciochezza, 
Piglia  il  présente,  o  mio  signor  gradito, 
Et,  quando  tempo  fia  di  tua  prudezza 
Mostrar,  la  mostrarai.  »  Et  questo  detto, 
Le  pose  al  collo  il  bel  gioiello  eletto. 

53.  Per  sua  sorte  et  ventura  havea  la  lancia 
D'oro  Astolpho  che  fu  de  l'Argalia  ; 
L*Argalia  mischinel  portolla  in  Francia 
Sol  per  mostrar  che  ancor  in  pagania 
D'armi  era  esperienza  et  non  da  ciancia, 
Ma  da  gloria,  da  honor,  da  ligiadria 
Accompagnata  \  et  contra  il  suo  concetto 
Ivi  lasciarla  il  giovine  fu  astretto. 

54.  Haveva  ancor  il  duca  il  bon  Baiardo 
Che  Rinaldo  lasciô  dentro  Parigi  ; 
Benchè  altra  opinion  tenga  il  Boiardo, 
Del  ver  mi  accoste  io  sempre  più  ai  vestigi. 
Hor  Astolpho  al  frappar  qui  non  ô  tarde 
Et  promette  a  Sylvana  ch'  i  letigi 
Aquetarà  di  quel  gigante  altiero 

Et  che  farà  sicuro  ogni  seutiero. 

55.  Erasi  disarmato  il  paladino 
Per  riposarsi  alquanto  con  diletto, 
Havendo  fatto  assai  lungo  camino  ; 
Senza  Tuabergo  va,  senza  Telmetto 


152  î   DÔDICI   CANTI 

Passegg^ando  pel  vago  et  bel  giardino 
Fra  donne,  non  havendo  alcun  suspetto 
Di  cavallier  ch'  or  al  giostrar  lo  inviti, 
Pur  di  Sjlvana  tien  tutti  gli  inviti. 

56        £t,  mentre  a  ragionar  di  questo  stanno, 
A  la  fata  un  guerrier  si  rapresenta 
Chel  cor  dimostra  baver  colmo  d'affanno, 
Onde  Sylvana  alquanto  sisgomenta, 
Nô  poco  di  timor  Taltre  donne  hanno 
Ch*  in  la  regina  lor  veggono  spenta 
Ogni  baldanza,  ogni  supremo  ardire, 
Oui  cosl  prese  il  cavallier  a  dire  : 

[F.43vo]  57^      „  Egli  è  pur  ver  che  dalle  donne  un  regno 
Et  da  un  fanciuUo  è  malamante  retto, 
Che  l'una  [è]  poco  et  l'altro  me'  ritegno 
Non  questo  havendo  et  men  qaella  intelletto  ; 
Priva  d'ogni  discorso  et  buono  ingegno 
La  donna  sol  nel  mal  nudrisce  il  petto  ; 
Perô  dimostri  chiar  che  donna  sei 
Accettando  e'  nimici  delli  Dei. 

58.  Non  era  a  te  dal  volgo  un  simil  nome 
Ancora  dato  infin  a  questo  giorno, 
Ma  poichè  di  ragion  il  chiaro  lome, 
Madonna,  hai  perso,  quasi  ad  ogni  intomo 
Di  grave  infamia  ti  porti  le  some, 

Ne  so  quando  il  tuo  honor  farà  htorno 
Dove  era  prima,  che  chi  el  perde  tardo 
L'aquista,  ond'  io  me  n'  avampo  et  ardo. 

59.  Et  più  mi  duol  ch*  al  fonte  del  verziero 
A  te  suggetto  un  perfido  assassine 

A  donna,  a  pellegrino,  a  cavalliero 

La  vita  toile  in  questo  tuo  dimino, 

Ne  paesan  vi  passa  ne  straniero 

Ch'  andar  non  faccia  il  crudo  a  morte  chino, 

Et  gîunto  a  pena  un  mi'  frateir  ha  ucciso 

Che  disceso  parea  dal  paradiso.  » 

60.  Astolpho  il  duca  generoso  e  ardito, 
Ënteso  ciô  che  ha  il  cavallier  parlato, 
Non  mutato  di  cor,  non  sbigotito 
D'animo,  disse  :  c<  11  ciel  t'ha  qui  mandate 


CANTO   QUARTO  153 

A  ciô  che  tu  mi  mostri  il  camin  trito 
Et  sia  da  me  quel  ladro  castigato  ; 
Secondo  Topra  sua,  secondo  il  merto 
Del  tutto  purgarollo,  te  ne  acerto. 

61 .       Ma  tu  da  quel  viltà  sei  tanto  offeso 
Che  mostri  pur  buona  presentia  in  Tarme 
A  non  haver  il  tuo  fratel  diffeso. 
Pur,  poichè  non  l'hai  fato,  là  menarme 
Non  ti  rî[n]cresca,  che  da  me  fia  preso 
Quel  fellon  ,  se  tu  il  luo<^o  v[u]oi  mostrarme. 
r  ti  farô  veder  coaa  che  mai 
Con  gii  ochi  forsi  ancor  vista  non  hai.  » 

[F*44r  p»]  62.     Al  duca  disse  il  cavallier  errante  : 

«  Tu  debbi  haver  qualche  peccato  antico-, 
Tu  non  hai  visto  in  faccia  anco  il  gigante 
Ne  debbi  di  vittorie  esser  amico, 
0  non  ha'  enteso  nominar  Gorante, 
Ne  sai  la  forza  del  suo  braccio  oblico  : 
A  qualunque  egli  mira  fiso  in  faccia, 
Intorno  al  cor  il  sangue  se  le  aghiaccia. 

63.  Se  tu  fusti  colui  che  già  il  quartiero 
Toise  ad  Almonte  o  quel  che  di  Mambrino 
Porta  il  degno  elmo,  lo  tuo  cor  altiero 
Non  suffriiia  mirar  il  Saracino 

In  faccia,  non  tremase  di  legiero, 
Come  al  vento  un  virgulto  tenerino: 
Di  lui  visto  non  fu  più  altiero  unquanco 
Che  fa  mirando  altru'  il  cor  venir  manco.  » 

64.  Il  duca  Astolpho  a  lui:  <(  Hora  conosco 
Che  sei  nudrito  di  damme  et  cognigli  ; 

Se  Tintelletto  al  tutto  non  ho  losco, 
A  me  noii  si  convengon  toi  consigli. 
Ben  forsi  il  tuo  veder  è  tanto  fosco 
Ch'  al  ver  giuditio  punto  non  ti  apigli. 
Rinaldo  stimo  poco  et  meno  Orlando 
Finchè  non  manca  la  mia  lancia  e  il  brando. 

65.  Mi  son  trovato  in  ver  con  ambi  loro, 
Lor  ambi  ad  una  et  io  ad  un  altra  parte  ; 
Solo  sudar  gli  ho  fatti  ove  Taloro 

Si  pon  per  gloria  allir  scrittor  di  carte. 

Il 


154  I  DODIGI  GANTI 

Se  quivi  fusser  ambi  dui  coloro, 

La  sperientia  ti  farei  con  arte 

Ch'  oggi  nel  mondo  non  è  cavalliero 

Simile  a  me,  se  ben  non  ho  il  quartiero. 

66.       Ho  già  vinto  Gradasso  et  lire  Carlo 
Con  li  Boi  palladini  ho  liberato 
Di  prigionia,  che  già  volea  menarlo 
Seco  in  trionfo  al  carro  incatenato  ; 
Né  mai  altro  il  possette  liberarlo, 
Se  non  io  sol,  ch'  in  Francia  era  egli  andato 
Per  haver  il  destrier  ch'  io  cavalco  hora  ; 
Fu  di  Kiualdo  et  guadagnailo  alhora. 

[F<'44  v^]  67.     Si  che  ensegnami  il  luogo  et  poi  ti  torna, 
Se  tu  non  v|  u]oi  veder  Faspra  contesa  ; 
Ma,  se  brami  veder  persona  adorna 
Unqua  di  gloria  per  famosa  impresa. 
Tu  meco  restarai,  che  chi  soggiorna 
Attendendo  virtù  mai  non  le  pesa, 
Che  benchè  sia  la  sua  radice  amara, 
Ë  dolce  il  frutto  et  cosa  al  mondo  cara.  » 

68.  Aleramo  rispose,  che  fu  detto 
Cosi  quel  cavallier,  al  sir  Ënglese  : 
Se,  com'  al  dir,  ne  Tarmi  si  perfetto 
Sarai,  dubio  non  ho  che  le  mie  imprese 
Di  certo  havranno  generoso  effetto 

£t  vettoria  otterrai  di  tai  contese. 

Perô,  se  teco  dovess'io  morire, 

Ad  insegnarti  il  luogo  i'  vuo'  venire. 

69.  Benchè  mi  duolga  un  cavallier 
Debbia  morir  per  man  d'un  ladron  taie.  >» 
Gui  disse  Astolfo  dimostrando  sdegno  : 

u  So  che  di  te  più  che  di  me  ti  cale, 
Ma  non  guastar,  ti  priego,  il  mio  dissegno, 
Che  so  che  tu  vedrai  un  opra  quale 
Forsi  non  speri  di  veder  giamai. 
Andian,  se  star  non  vuoi,  tornar  potrai. 

70.  Non  ti  pensar  ch*  io  cercbi  per  paura 
In  tal  impresa  la  tua  compagnia. 
Perché  la  lancia  mia  tanto  è  sicura, 
Tanto  è  sicura  questa  spada  mia 


CANTO  QUARTO  155 

Ghe  d'altro  ainto  che  del  mio  non  cura 
Quella  ne  questa,  et  non  ti  fo  bugia, 
Che,  8*  io  potessi  andar  giù  ne  Tinferno, 
Cerbero  ne  trarei  con  onta  et  scherno.  » 

71 .       Et  volto  a  una  donzella,  alla  oui  diede 
Questi  in  governo  Tarmi,  surridendo 
Disse  :  «  Dama  gentil,  per  vostra  fede 
Arechatemi  Tarmi,  ch*io  comprendo 
Gh'io  venni  quà  sol  di  celui  mercede 
Che  *1  tutto  regge,  a  ciô  che  *1  monstro  orrendo 
Per  mia  man  pera  et  libeii  lo  regno 
Vostro  con  la  mia  forza  et  col  mio  ingegno.  » 

[F**45r*]  72.    Venute  l'armi,  quelle  il  sir  si  veste 
Con  tanta  ligiadria  che  dir  nol  posso. 
Le  donne,  che  per  pria  parevan  meste, 
Hor  liete  stanno  et  da  lor  petti  scosso 
Hanno  il  timor  et  tutte  fansi  preste 
A  speme  et  a  baldanza.  Astolpho  un  grosso 
Non  stima  il  monde  ch*  ha  destrier  et  lancia 
De  la  qnal  non  è  par  de'  Indi  alla  Francia. 

73.  Se  vi  rameuta  ben,  signer  mio  caro, 
In  la  selva  d'Ardenna  il  pro  Rinaldo 
Lasciai  col  mostro  [con]  pensiero  amaro, 
Da  Parigi  partito  havendo  caldo 

Il  petto  di  suspir  et  senza  paro 
Ardendo,  et,  benchè  fusse  in  araor  saldo, 
Fu  pur  mutato  il  suo  sfrenato  amore 
AI  fonte  del  famoso  incantatore. 

74.  Baiardo  era  rimaso  entro  a  Parigi; 
Hor  perso  ha  Rabican  stando  in  prigione  ; 
Astolfo,  che  d'Orlando  li  vestigi 
Cerca,ha  il  caval  delfigliuol[o  d'Amone], 
Che  con  Gradasso  quietà  i  letigi 

Ch'  eran  già  nati  sopra  quel  ronzone. 

Gosi  lo  cavalcava  a  tutto  passe 

Chiper  quelle  havea  vente  il  re  Gradasso. 

75.  Ma  diverse  dal  Conte  il  camin  tenue 
Costui,  per6  ch'  Orlando  per  la  Spagna 
Andô  verso  il  Cataio  et  questi  venue 

Di  Francia  in  TUngaria  per  TAlemagna, 


156  I    DODICI   CANTl 

PassÔ  il  Danabbîo  e  ad  Alexandria  senne 
Andô  seoza  firmarsi  per  campagna  ; 
LhscIô  la  Thracia  et  Ponto  et  alla  Thana 
Giunse  alfin  nel  bel  regno  di  Svlvana. 

76.     Quella  li  diè  il  monil)  corne  di  sopra 
Intendesti,  signor,  con  molto  amore, 
Ne  forsi  mai  più  vista  simil  opra 
Fu,  o  tanto  egregia  o  di  tanto  valore. 
Argia  a  Eriphyl  el  diè   perch'  ella  scuopra 
L'ascoso  8U0  consorte,  o  grande  errore! 
In  man  poi  venne,  et  non  so  corne  dire, 
Di  questa  che  lo  diede  al  nobil  sire. 

[F®45v®]77.      Ha  quel  caval  ch*  ognivil  cavalliero 
Per  sua  bontà  sol  rende  coragioso  ; 
Ha  la  lancia  cb'  abatte  ogni  homo  altiero, 
Et  cbi  la  porta  vien  per  lei  faraoso  ; 
Ha  quel  monil  che  fa  ogoi  colpo  fiero, 
E  chi  il  porta  divien  vittorioso 
In  ogni  impresa  fatta  coq  ragione 
Contra  ogni  ferro  e  ogni  incantagiooe. 

78.  Fecelo  già  Volcano  et  servô  il  tempo 
Nel  quai  effetto  taie  il  ciel  produce, 
Bene  ogni  cosa  fa  chi  la  fa  in  tempo 

Che  *1  tempo  è  d'ogni  cosa  mastro  et  duce. 
Già  Tydeo  il  tenue  in  gran  prezzo  gran  tempo, 
Onde  fra  i  forti  già  fu  spechio  et  luce. 
Ma  tornar  mi  conviene  a  dir  d'Orlando 
Ch'  io  lasciai  con  la  strega  suspirando. 

79.  Se  vi  ricorda,  dissivi  ch'  Âlphegra 
Sotto  il  bel  falso  nom  di  Fontedoro 
Era  comparsa  con  la  vêla  negra 
Nel  bel  lito  Affricaao,  etcome  fuoro 
A  ragionar  il  conte  et  essa,  ch'  egra 
La  mente  haveva  sol  pel  suo  Medoro, 
Et  con  Orlando  l'amicitia  finge. 

Et  Taltrui  caso  per  lo  suo  depinge. 

80.  Et,  mentre  ad  ascoltarla  intente  è  il  conte, 
Camina  il  palischermo  et  ei  nol  vede, 

Ha  tanto  gli  ochi  agli  ochi  et  alla  fronte 
Costu'  di  lei  ch'  ogn'  altra  cosa  cède, 


CANTO   QUARTO  157 

Et  di  lei  guata  si  le  beltà  conte 

Che  pîû  quelle  di  Angelica  non  crede. 

Le  navi,  che  di  fronde  erano  nate, 

Non  vede  ei  più  ch'  in  fronde  son  tomate. 

81 .     0  grande  forza  delli  incantaraenti  ! 
Unhuon  si  saggio,  un  huon  si  valoroso, 
Tu,  di  consigli  privi  et  d'argumenti 
Et  di  fortezza  un  almo  coraggioso! 
Muovonsi  in  mar  a  furia  quatro  venti 
Che  '1  chiaro  cielo  rendon  tenebroso 
Et  del  mar  alzan  si  le  turbate  onde 
Ch'  ambo  del  palischermo  empion  le  sponde. 

[F® 46  r^]  82.       Da  un  grave  sonno  quasi  risvegliato 
Parendo  Orlando  si  rivolge  al  lito, 
Ma  già  da  qu'ello  è  tanto  lontanato 
Che  délia  terra  non  discerne  il  sito. 
El  vechio  Egeo  muggiar  tutto  turbato 
Con  roca  voce  fu  dal  sir  odito, 
Ne  puô  negar  con  le  sue  forze  pronte 
Ch'  ora  timor  non  habia  il  fiero  conte. 

83.  Et,  rivolto  a  colei  che  quinci  el  trasse, 
Turbato  in  faccia  et  bieca  guardatura 
Facendo,  disse  con  parole  basse: 

«  Dama,  che  di  tua  vita  non  bai  cura, 
L'armata  ove  è?  dove  tua  nave  stasse  ? 
Quivi  corne  possian  vita  sicura 
Haver?  »  Mentre  ciô  dice,  il  mar  se  inalza 
Et  quinci  et  quindi  il  picciol  legno  isbalza. 

84.  Chiama  sant'  Herme,  invoca  san  Dionigi 
11  conte  et  tien  la  guancia  laghrimosa  ; 
Hor  si  augura  le  porte  di  Parigi 

Et  tutta  via  la  faccia  ha  rugiadosa. 
La  mala  donna,  arnica  di  letigi, 
Di  lui  si  ride  et  lieta  si  riposa. 
S'adira  il  conte  et  scagliasele  adosso 
Per  pestarle  la  carne  et  franger  Fosso. 

85.       Poi  si  ri  tien  quel  animo  gentile 
Da  quel  pensier,  da  quella  frenesia, 
Dicendo  in  se  :  «  Gli  è  cosa  troppo  vile 
Cometter  tal  errer,  far  tal  foUia  ; 


158  I  DODICI  GANTI 

Bruttar  le  mani  in  sangue  feminile 
Vi[e]n  da  viltade,  vien  da  scortesia.  » 
Ma  lascian  loro  et  torniamo  a  Rinaldo 
Che  di  crudel  disdegno  il  petto  ha  caldo. 

86.       Che,  poich'  egli  hebbe  occisa  la  chimiera, 
Intrô  in  la  seiva  inhospita  et  raen  colta, 
Ëssendo  giunto  il  giorno  a  Tatra  sera 
Gui  già  sua  luce  il  sol  havea  ritolta  ; 
Et,  perché  il  destrier  anche  truovar  spera, 
Dove  sente  un  rumore,  il  sir  si  volta, 
El,  livoltato,  vede  un  gran  leon[e] 
Difiendersi  a  fatica  da  un  griffone. 

[F«46v°]87.       Là  se  tirando  il  paladino  mira 

Tenendo  ancor  la  spada  in  man  sanguigna. 

Et  d'intorno  al  leone  il  griffon  gira, 

E  quel  si  volge  et  i  denti  digrigna 

Et  talhor  con  la  zampa  a  l'augel  tira 

Per  pettinarlo  a  guisa  di  matrigna, 

Ch'  ora  si  lieva  a  vuolo  un  gran  pezzo  alto 

Et  hor  calando  in  giù  fa  nuovo  asalto. 

88.  Quando  atteso  hebbe  un  pezzo  il  sir  Rinaldo 
Delle  due  bestie  ardite  il  lungo  schermo, 
Havendo  il  petto  d^  ira  et  sdegno  caido 

Ne  possendo  per  rabia  star  più  fermo 
Da  quelle  fiere  Rabican  di  saldo, 
Occiso  esser  pensossi  come  infermo 
Che  per  acuta  febre  e  infrenesito 
Vuol  che  sia  il  grifo  pria  da  lui  punito. 

89.  Et  pensa,  poichè  quello  haverà  morto, 
Occider  con  sua  mano  ancho  il  leone. 
Onde  si  mette  in  su  l'aviso  accorto 

Che  s'alzi  prima  et  poi  cali  il  griffone, 
E  vendicar  il  bon  destrier  a  torto 
0  che  sia,  o  che  non  sia  pur  di  ragione, 
Nel  cor  per  quel  cavallo  ha  tanto  sdegno 
Che  r  ira  sua  non  truova  alcun  ritegno. 

90.  Et  nel  calar  che  fa  il  grifibne  a  terra 
Vibra  la  spada  il  generoso  sire, 

E  in  mezzo  il  petto  con  furror  Tafferra 
In  modo  che  non  puô  più  al  ciel  salire 


CANTO   QUARTO  159 

Che  '1  gozzo  passa  et  Tanimal  atterra, 
Ne  coi  gran  vanni  le  giovô  il  schermire. 
Kl  leon,  che  si  vedde  da  quel  sciolto. 
Subito  al  cavallier  si  f u  rivolto, 

91 .       0  per  riogratiarlo,  ancora  o  forse 
Per  meraviglia,  o  pur  sdegno  et  ira 
Che  '1  cavallier  non  chiesto  lo  soccorse. 
Oade  Rinaldo  a  quel  tanto  s*adira 
Che  con  la  spada  furibonda  torse 
Verso  il  leoae  et  sovra  el  capo  tira 
D*un  gran  fendente  a  quel  veloce  et  ratto, 
Ma  per  la  furia  colseli  di  piatto. 

[F®  47 1*]  92.     Pur  fu  il  colpo  si  crudo  et  si  scortese 
Che  venue  da  Taltiero  et  forte  braccio, 
Che  come  morto  in  terra  si  distese 
Il  misero  leone,  et  fuor  d' impaccio 
Il  sir  di  Moutalbano  esser  si  crese 
Di  queste  bestie  uscito.  Hor  di  lui  taccio 
Perô  ch'  Astolpho  vuol  dichi  di  lui 
Ne  più  lo  lasci  per  seguir  altrui. 

93.  lo  Thaveva  lasciato  nel  giardino 
Arinarsi  et  col  monil  che  quella  fata 
Dato  gli  haveva  a  ciô  di  suo  dimino 
Egli  scacciasse  la  bestia  incantata. 
Armato  chp  fu  il  vago  palladino, 
Sahe  al  destrier  et  fe  una  maneggiata 
Con  quel  cavallo  ch*  era  unico  al  monde, 
Se  si  pu6  dir,  et  dal  ciel  al  profonde. 

94.  Ad  Astolpho  Aleramo  tai  parole 
Disse  :  «  0  signer,  andian  fin  alla  fonte. 
Ti  condurô  pria  che  tramonti  il  sole, 
£t,  se  vedrai  Gérante  nella  fronte, 

Se  che  ti  scordaran  le  ciancie  et  foie 

Et  Telmo  di  Mambrino  et  quel  d'Almonte, 

Nô  ti  trarà  di  mano  di  Gorante 

S'anco  in  te  fusse  il  spirto  d'Agelante.  » 

95.  Ces!  dicendo  Aleramo  fu  mosso 
Inanzi  et  lui  seguiva  il  duca  Astolpho, 
Quai  in  la  faccia  diventô  più  rosse 
Che  non  fu  mai  cotai  di  fuece  un  golfe 


160  I  DODIOT  GANTl 

Per  ira  a  che  parlando  Tha  commos[s]o. 
Coluiy  che  è  acceso  più  che  Etna  il  zolfo, 
Se  le  invia  dietio,  cui  cosi  Aleramo 
Diceva  laghrimoso  in  vista  et  gramo  : 

96.       <  Signor,  quel  huom  crudel  una  cappanna 
Ha  fatta  presso  al  fonte  fresco  et  chiaro, 
Ove  ciascun  che  quindi  ariva  inganna 
Col  dar  ricetto  et  col  dormir  amaro. 
Un  letto  ha  di  dua  braccia  et  d'una  spanna 
El  traditor  (o  caso  crudo  et  raro  !), 
Stende  in  sul  letto  délia  trista  stanza 
Et  taglia  tutto  quel  che  fuori  avanza  ; 

[F*47v®]97.       Et,  se  per  sorte  alcun  fusse  più  corto 
Del  letticiuol,  li  lega  il  capo  a  un  legno, 
Pei  piedi  il  tira  fin  tanto  che  morto 
Vi  resti  poi  o  che  pur  gionghi  al  segno  ; 
Et  se  uno  fusse  in  su  quel  letto  sorto 
Lungo  quanto  esser  bas  ta  a  tal  disc^no. 
Sel  trangugia  il  giganle  cosl  vivo, 
Tal  ch'  ivi  alcun  non  è  di  morte  privo.  » 

98.  Stava  amirato  il  gentil  duca  Englese 
Di  tan  ta  crudeltà  d'un  corpo  humano, 
Et  cavalcando  il  petto  se  le  accese 
Contra  il  gigante  d*animo  inhumano, 
Ma  desioso  in  queste  crude  imprese 
Seco  ratto  trovarsi  a  mano  a  mano 
Priega  il  compagno  che  cavalchi  in  fretta 
Nanzi  che  1  sol  ne  TOccean  si  metta. 

99.  Era  il  gigante,  quando  i  cavallieri 
Giunsero,  dentro  la  crudel  cappanna 
Forsi  a  dormir  o,  pur,  sovra  pensieri 
Di  riempersi  la  bramosa  canna  ; 

Or,  giunti  donque  i  nobili  guerrier!, 
Astolfo  il  corno  suo  sonar  si  affanna. 
Gorante  quello  enteso  uscî  di  fuore 
Con  gli  ochi  accesi  di  superbo  orrore. 

Ferdinand  Castbts. 

{A  suivre.) 


BIBLIOGRAPHIE 


Anberiin  (Ch.).  —  La  versification  française  et  ses  nouyeaux  théoriciens. 
Les  règles  classiques  et  les  libertés  modernes.  —  Paris^  Belin,  1898, 
in-12o,  [328  p.] 

«  Depuis  vingt  ans  on  a  publié,  sur  la  versification  française,  un  assez 
grand  nombre  d'excellents  travaux,  qui  ont  singulièrement  renouvelé, 
agrandi  et  relevé  une  matière  si  souvent  traitée.  La  plupart,  il  est 
vrai,  se  sont  limités  à  quelques  points  particuliers  du  sujet  ;  mais  en 
renonçant  à  s'étendre,  ils  se  sont  assuré  le  mérite  d'un  savoir  plus 
original  et  plus  précis.  La  science  nouvelle  a  produit  un  double  résul- 
tat :  elle  a  mis  en  évidence  les  lacunes  des  anciens  traités,  tout  en 
fournissant  le  moyen  de  réparer  cette  insuffisance.  » 

Ainsi  s'exprime  M.  Aubertln  au  début  de  son  livre,  et  ce  qu'il  dit 
est  parfaitement  exact  :  on  a  beaucoup  écrit  sur  le  vers  français 
depuis  l'ouvrage  de  Quicherat  et  presque  toutes  les  publications 
parues  contiennent  de  bonnes  ou  d'excellentes  parties,  mais  aussi 
presque  chacune  d'elles  renferme  un  nombre  plus  ou  moins  considé- 
rable d'erreurs.  Le  moment  pouvait  paraître  venu  de  donner  un  traité 
complet  de  versification  française  où  Ton  réunirait  tout  ce  qu'il  i  a  de 
bon  dans  les  travaux  antérieurs,  en  leur  laissant  pour  compte  ce  qu'ils 
présentent  de  mauvais.  Un  triage,  puis  une  sintè^e:  tel  était  le  pro- 
gramme. C'est  bien  ce  qu'a  compris  et  tenté  M.  Aubertin  ;  mais  on  ne 
saurait  dire  qu'il  ait  entièrement  réussi  :  il  a  un  peu  noyé  l'essentiel 
dans  des  détails  trop  nombreux  et  il  a  parfois  accueilli  des  idées 
fausses  ou  des  téories  erronées.  Néanmoins  son  ^)etit  volume,  écrit 
dans  une  langue  élégante  et  claire,  est  ton  lecommandable,  à  peu 
près  complet  et  bien  au  courant.  Quelques  retouches,  la  refonte  d'un 
chapitre  ou  deux,  en  feront  dans  une  seconde  édition  un  excellent 
manuel  qui  pourra  dispenser,  sauf  pour  les  recherches  spéciales,  de 
tous  autres  livres  sur  la  question. 

Nous  donnerons  ici  quelques-unes  des  remarques  que  cette  publica- 
tion nous  a  suggérées  sur  trois  points  principaux,  la  rime,  l'armonie, 
les  moyens  d'expression*. 

Le  chapitre  de  la  rime,  avec  quelques  idées  un  peu  plus  précises, 

*  P.  47, 1.  2,  lire  «  consonne  d'appui  »>  ;  —  p.  200,  1.  17,  lire  «  Ariane, 

hélas I »  et  note  2,  lire  «Ariane,  ma  sœur, . . .  >  ;  —  p.  281, 1.  11  du 

bas,  lire  «  coulent  >. 


162  BIBLIOGRAPHIE 

aurait  pa  être  exposé  plas  brièvement.  Il  i  a  toajonrs  avantage  à  être 
court  quand  ce  n*est  pas  au  préjudice  de  la  clarté  et  de  Texactitnde. 
Tout  ce  qui  concerne  la  rime  peut  se  ramener  à  quelques  points  :  1®  il 
fiint  rimer  pour  l'oreille  et  non  pour  Toeil  ;  Voltaire  le  proclamait  déjà 
et  personne  ne  saurait  plus  le  contester  aujonrdui;  2*  la  première 
condition  pour  que  deux  mots  puissent  rimer  ensemble,  c*est  que  leurs 
▼oyelles  toniques  soient  omofones,  soient  la  même  voyelle  :  trône 
ne  rime  pas  avec  couronne  ;  Texemple  des  grands  poètes  auquel 
M.  Ânbertin  est  toujours  tenté  de  se  ranger  en  dernière  analise  dans 
les  cas  qui  lui  paraissent  douteux,  n>st  souvent  qn*un  exemple 
d*erreur  et  ne  saurait  faire  autorité.  Il  n'i  a  pas  de  gens  peut-être  qui 
soient  plus  moutonniers  que  les  poètes,  sans  en  exclure  les  décadents 
qui  se  targuent  des  audaces  les  plus  scandaleuses  ;  3*  cette  condition 
ne  suffit  pas  :  verre  (Teau  ne  rime  pas  avec  tombeau,  ni  pain  avec 
main  ;  ce  ne  sont  là  que  des  assonances,  qui  ne  doivent  être  tolérées 
dans  les  poèmes  rimes  que  lorsque  les  vers  riment  deux  à  deux  ; 
4*  deux  mots  ne  riment  ensemble,  à  proprement  parler,  que  slls 
présentent  Tomofonie  non  seulement  de  la  vojelle  tonique  mais 
encore  de  toutes  les  consonnes  prononcées  qui  suivent  cette  voyelle, 
on,  si  cette  voyelle  est  finale,  de  la  consonne  qui  la  précède.  Ainsi 
tenir  rime  avec  partir,  banni  avec  fini,  moi  avec  loi  (la  rime  est 
constituée  par  la  sillabe  toa],  et  même  Danaê  avec  Cloé;  dans  ce 
dernier  exemple  la  consonne  qui  précède  la  voyelle  tonique  ne  s*écrit 
pas,  mais  elle  existe  :  c^est  une  sorte  de  souflle  analogue  à  Tesprit 
doux  des  Grecs  ;  5^  qu'est-ce  maintenant  qu'une  rime  riche  ?  c*est  toute 
rime  qui  présente  Tomofonie  d'un  élément  de  plus  que  ceux  que  nous 
avons  signalés  comme  indispensables  dans  les  exemples  précédents.  On 
lit  partout  qœla  rime  riche  est  constituée  parromofonie  de  la  consonne 
d*appui,  c'est-à-dire  de  la  consonne  qui  précède  la  voyelle  tonique  ;  c*est 
une  erreur:  6anni  et  fini  ne  riment  pas  richement,  car  on  ne  peut  s*ap- 
peler  riche  si  Ton  ne  possède  que  rindispensable.  Bannir  et  finir, 
parti  et  sorti,  voir  et  soir  'c'est-à-dire-ir(ir%  Danaê  et  Pasifaé  sont 
des  rimes  riches  ;  6*  parmi  les  consonnes  venant  après  la  voyelle  toni- 
que nous  n'avons  parlé  que  de  celles  qui  se  prononcent  ;  il  faut  dire  un 
mot  de  celles  qui  s'écrivent  sans  se  prononcer.  Doit^on  tenir  compte  de 
cesdemières en  quelque  façon? En  principe,  non.  C'est  Clair  Tisseur,  »i 
nous  ne  nous  trompons,  qui  le  premier  l'a  dit  bien  nettement  ;  étranger 
rime  parfaitement  avec  chani;é,  changés,  remords  avec  mort,  cor^  lord, 
etc.  Voici  une  raison  qui  le  montrera  avec  toute  l'évidence  déârable:  il 
suffirait  que  l'on  simplifiât  un  peu  notre  ortografe  (ce  qui  sans  donte 
ne  tardera  g»é.^,  car  Tortografe  française  s*est  toujours  modifiée  deux 
ou  trois  fois  par  siècle)  pour  que  toutes  les  proîbitions  ineptes  fondées 
snr  I«:^  j3nsonnes  finales  qui  ne  se  prononcent  pas,  aillent  en   bloc 


BIBLIOGRAPHIE  168 

rejoindre  leurs  inventeurs.  Il  i  a  pourtant  lieu  de  disr.iigiier  entre  les 
consonnes  finales  qui  ne  se  prononcent  jamais,  quelle  que  soit  la 
position  et  le  rôle  sintaxique  du  mot,  et  celles  qui  peuvent  se  faire 
entendre,  si  le  mot  qui  les  possède  est  étroitement  uni  à  ce  qui  suit, 
comme  il  arrive  fréquemment  dans  les  petits  vers  et  dans  certains  cas 
d'enjambement  que  M.  Becq  de  Fouquières  a  signalés.  En  considé- 
ration de  ces  cas,  le  même  auteur  pense  qu^on  ne  doit  pas  faire  rimer 
un  mot  qui  se  termine  par  une  consonne  susceptible  de  se  prononcer 
avec  un  mot  terminé  par  une  voyelle  ou  par  une  consonne  ne  se  pro- 
nonçant pas.  La  conclusion  dépasse  les  prémisses  ;  le  téoricien  aurait 
gSLrdé  la  juste  mesure  s'il  avait  dit  que  lorsqu'un  mot  terminé  par  une 
consonne  qui  ne  se  prononce  pas  à  la  pause  est  lié  de  telle  sorte  avec 
le  mot  suivant  qu'elle  doive  se  prononcer,  il  ne  peut  rimer  qu'avec  un 
mot  terminé  par  la  môme  consonne  se  prononçant.  Cette  règle  est 
évidemment  justifiée  :  faute  d'i  obéir  le  versificateur  tomberait  dans  le 
cas  de  Brutus  qui  ne  rime  pas  avec  vertus,  de  Palmos  qui  ne  rime 
pas  avec  mois,  malgré  Tautorité  de  nos  plus  grands  poètes  ;  7®  enfin 
il  i  a  la  question  de  Talternance  des  rimes  masculines  et  féminines. 
Elle  est  encore  aujourdui  absolument  neuve  et  nous  la  réservons,  faute 
de  place,  pour  d'autres  circonstances. 

Dans  son  introduction  M.  Aubertin  signale  les  principaux  ouvrages 
parus  sur  le  vers  français  depuis  celui  de  Quicberat.  L'appréciation 
dont  il  les  accompagne  est  généralement  juste.  Il  donne  aux  deux 
excellents  livres  de  MM.  Tobler  et  Becq  de  Fouquières  la  place 
qu'ils  méritent  ;  mais  il  ne  mentionne  pas  les  «  Modestes  observations 
sur  l'art  de  versifier  »  de  Clair  Tisseur ^  livre  dont  nous  ferons  suffi- 
samment l'éloge  en  disant  qu'après  les  deux  précédents  il  se  laisse 
encore  lire  avec  profit.  M.  Aubertin  n'en  a  certainement  pas  eu  con- 
naissance, et  il  amis  à  sa  place  dans  son  istorique  latèse  deM.  Com- 
barieu.  Les  rapports  de  la  musique  et  de  In  poésie,  qui  ne  devrait 
pas  figurer  là.  C'est  peut-être  un  travail  fort  intéressant  pour  ce  qui 
concerne  la  musique,  mais  la  partie  qui  touche  à  la  poésie  n'est  qu'une 
œuvre  de  polémique  sans  valeur.  Vouloir  montrer  que  la  poésie  et  la 
musique  sont  deux  arts  difierents  est  une  entreprise  de  la  même  utilité 
que  celle  qui  consisterait  à  établir  à  grand  renfort  d'arguments  que  la 
peinture  et  la  sculpture  ne  sont  pas  le  même  art,  que  la  fisique  et  la 
chimie  ne  sont  pas  la  même  science  ;  qui  le  conteste  ?  D'ailleurs  les 
arguments  employés  par  M.  Combarieu  n'ont  démontré  qu'une  chose, 
c'est  que  l'auteur  ne  comprend  ni  les  vers  ni  la  poésie  française. 
M.  Aubertin  a  subi  l'influence  du  livre  de  M.  Combarieu  pour  son 
avant-dernier  chapitre  «  Les  qualités  mélodiques  du  vers  français. 
La  question  de  l'assonance  et  de  l'allitération  )>,  et  il  en  résulte  que 
cette  partie  est  à  refaire. 


164  BIBLIOGRAPHIE 

Pour  rarmonie  da  vers  français  il  faut,  parait-il^  en  reveoir  à  la  règle 
de  Boîlean: 

Fajez  des  manvais  sons  le  concours  odieux. 

Le  précepte  n*est  pas  compromettant  ;  mais  d*après  le  commentaire 
qn'on  en  fait,  il  signifie  qa*il  faut  éviter  la  répétition  trop  marquée  des 
mêmes  sons  (consonnes  ou  voyelles).  Voici  pourtant  des  vers  qui  sont 
universellement  reconnus  pour  très  armonieux  et  qui  dérogent  abso- 
lument à  ce  principe  : 

Un  frais  parfum  sortait  des  touffes  d^asphodèle. 

(V.  Hugo). 

Dors-tu  content,  Voltaire,  et  ton  hideux  sourire 
Vol  tige- t-il  encore  sur  tes  os  décharnés  ? 

(A.  OK  Mussbt). 

Sur  la  plage  sonore  où  la  mer  de  Sorrente 
Déroule  ses  flots  bleus  au  pied  de  l'oranger. 

(A.  DB  Lamartinb.) 

Tout  m'afflige  et  me  nuit  et  conspire  à  me  nuire. 

(Racine,  Phèdre.) 

Mes  baisers  sont  légers  comme  des  éphémères 
Qui  caressent  le  soir  les  grands  lacs  transparents 

(C.  Baudelaire.) 

Les  fontaines  chantaient  :  Que  disaient  les  fontaines? 
Les  chênes  murmuraient.  Que  murmuraient  les  chênes  ? 

(V.  Hugo,  Contemplations). 

Ariane,  ma  sœur,  de  quel  amour  blessée. 

Vous  mourûtes  aux  bords  où  vous  fûtes  laissée. 

(Raoinb). 

(Dans  ce  dernier  les  quatre  premières  voyelles  du  premier  émistiche 
sont  reproduites  par  les  quatre  premières  voyelles  du  second).  Il  résulte 
de  ces  exemples  qu'il  est  parfaitement  inutile  d'éviter  la  répétition  des 
mêmes  sons  pour  faire  des  vers  armonieux. 

Ce  n'est  pas  non  plus  le  ritme  qui  rend  les  vers  armonieux,  puisque 
parmi  les  vers  ritmés  de  la  même  manière,  les  uns  le  sont  et  les  autres 
point  ;  inutile  de  citer  des  exemples. 

Ce  n'est  pas  non  plus  l'idée  exprimée,  puisque  des  vers  qui 
n'en  expriment  aucune  peuvent  être  délicieusement  armonieux  ;  tel 
celui-ci  d'A.  de  Musset  qui  ne  contient  guère  que  des  noms  propres 
avec  leurs  épitètes  : 

Yoiçi  la  verte  EçQsse  et  la  brime  Italie, 


BIBLIOGRAPHIE  165 

G*est  donc  autre  chose  que  tout  cela  qui  constitue  Tarmonie  du  vers 
français. 

Autre  question  :  que  faut-il  penser  des  répétitions  de  sons  (asso- 
nances, allitérations)  destinées  à  peindre  l'idée  exprimée  ?  M.  Gom- 
barieu  déclare  qu'elles  appartiennent  en  propre  aux  langues  primi- 
tives, qu'elles  sont  une  marque  de  barbarie  et  que  dans  une  langue 
et  une  littérature  comme  les  nôtres  elles  ne  peuvent  être  considérées 
que  comme  des  cacofonies  maleureuses  et  des  puérilités.  Sans  doute 
les  allitérations  d'Ënnius  sont  en  général  peu  artistiques  et  quelques- 
unes  seraient  peut-être  déplacées  ailleurs  que  dans  une  littérature  qui 
débute.  Celles-ci  de  Verlaine  décrivant  une  belle  femme  ne  produisent 
qo^une  orrible  cacofonie  : 

Ton  cher  corps  rare,  harmonieux... 

Cet  autre  vers  de  Técole  décadente  : 

Une  suprême  opale f  opaline  et  pâlie,,,. 

n*est  que  puéril.  Mais  là  n'est  pas  la  question  ;  il  s'agit  des  répétitions 
et  rappels  de  sons  dont  nos  plus  grands  poètes,  nos  artistes  les  plus 
raffinés  ont  discrètement  émaillé  leurs  meilleures  pièces.  On  ne  peut 
pas  juger  une  téorie  sur  quelques  exemples  détestables  choisis  arbi- 
trairement; il  faut  avant  de  se  prononcer  prendre  les  plus  belles 
pages  de  nos  poètes  et  les  passer  au  crible  pour  voir  si  elles  laisseront 
quelque  chose  en  faveur  de  telle  ou  telle  opinion. 

Nous  citerons  quelques  exemples,  pris  entre  mille,  sur  deux  points 
seulement. 

Voici  tout  d'abord  trois  passages  empruntés  à  trois  de  ceux  de  nos 
poètes  du  XVII^  siècle  que  Ton  considère  généralement  comme  les 
plus  grands  ;  les  situations  sont  analogues  :  ce  sont  des  personnages 
en  proie  à  la  douleur  qui  parlent  avec  des  larmes  dans  la  voix.  On  i 
remarquera,  sans  entrer  dans  le  détail,  de  nombreuses  répétitions 
de  j9,  de  ô,  de  t?,  d/et  d'm,  c'est-à-dire  de  consonnes  pour  la  pronon- 
ciation desquelles  les  lèvres  jouent  le  principal  rôle  : 

.     .     .     .  Et  lui  dit  en  pleurant  : 
Dispensez-moi,  je  vous  supplie  ; 
Tous  plaisirs  pour  moi  sont  perdus. 
*    J'aimais  un  fils  plus  que  ma  vie  : 
Je  n*ai  que  lui  :  que  dis  je,  hélas  !  je  ne  l'ai  plus  ! 
On  me  l'a  dérobé,  plaignez  mon  infortune . 

(La.  Fontaine,  IX,  I). 

Hélas  !  il  mourra  donc.  Il  n'a  pour  sa  défense 
Que  les  pleurs  de  sa  mère  et  que  son  innocence. 


166  BIBLIOGRAPHIE 

Et  peut-être,  après  tout,  en  Pétat  où  je  sois, 
Sa  mort  avancera  la  fin  de  mes  ennuis. 
Je  prolongeais  ponr  lai  ma  vie  et  ma  misère  ; 
Mais  enfin  sur  ses  pas  j*irai  revoir  son  père. 

(Racikb,  a  nérùmaque). 

Mon  père,  au  nom  du  ciel  qui  connaît  ma  douleur  ; 

Et  par  tout  ce  qui  peut  émouvoir  votre  cœur, 

Relâchez-vous  un  peu  des  droits  de  la  naissance 

Et  dispensez  mes  vœux  de  cette  obéissance. 

Ne  me  réduisez  point,  par  cette  dure  loi, 

Jusqu'à  me  plaindre  au  ciel  de  ce  que  je  vous  doij 

Et  cette  vie,  hélas  I  que  vous  m^avez  donnée. 

Ne  me  la  rendez  pas,  mon  père,  infortunée. 

Si,  contre  un  doux  espoir  que  j'avais  pu  former. 

Vous  me  défendez  d*étre  à  ce  que  j'ose  aimer. 

Au  moins,  par  vos  bontés  qu'à  vos  genoux  j*impIore, 

Sauvez-moi  du  tourment  d'être  à  ce  que  j*abhorre  ; 

Et  ne  me  portez  point  à  quelque  désespoir. 

En  vous  servant  sur  moi  de  tout  votre  pouvoir. 

(Molière,  Tartuffe), 

Après  les  consonnes,  passons  aux  voyelles  ;  nous  emprunterons 
aux  poètes  de  ce  siècle  trois  morceaux  où  il  est  question  d'êtres  légers, 
petits,  mignons  et  où  la  voyelle  de  toute?  les  rimes  est  e  (ouvert  oa 
fermé,  oral  Ou  nasal),  avec  de  nombreux  rappels  dans  Tintérieur  des 
vers.  Ces  morceaux  sont  d'autant  plus  caractéristiques  que  les  poètes 
soigneux  cherchent  en  général  à  varier  le  plus  possible  les  rimes  qui 
se  suivent  : 

Je  suis  Penfant  de  l'air,  un  sylphe,  moins  qu'un  rôve, 
Fils  du  printemps  qui  naît,  du  matin  qui  se  lève, 
L'hôte  du  clair  foyer  durant  les  nuits  d'hiver. 
L'esprit  que  la  lumière  à  la  rosée  enlève, 
Diaphane  habitant  de  l'invisible  éther. 

(Hugo,  Le  Sylphe). 

Ici  gtt,  étranger,  la  verte  sauterelle  , 

Que  durant  deux  saisons  nourrit  la  jeune  Hellé, 
Et  dont  l'aile  vibrant  sous  le  pied  dentelé 
Bruissait  dans  le  pin,  le  cytise  ou  l'airelle. 

Elle  s'est  tue,  hélas  !  la  lyre  naturelle, 

La  muse  des  guérets,  des  sillons  et  du  blé  ; 


BIBLIOGRAPHIE  167 

De  pear  que  son  léger  sommeil  ne  soit  troablé. 
Ah  I  passe  vite,  ami,  ne  pèse  point  sur  elle. 

(Herbdia,  Épigramme  funéraire). 

Quand  la  demoiselle  dorée 
S'envole  au  départ  des  hivers, 
Souvent  sa  robe  diaprée» 
Souvent  son  aile  est  déchirée 
Aux  mille  dards  des  buissons  verts. 

Ainsi,  jeunesse  vive  et  frêle, 
Qui  t*égarant  de  tous  côtés, 
Voles  où  ton  instinct  t'appelle, 
Souvent  tu  déchires  ton  aile 
Aux  épines  des  voluptés. 

(Hugo,  La  demoiselle). 

Ces  exemples,  par  leur  étendue,  écartent  Tipotèse  d'un  asard  et 
sont  démonstratifs  ;  ils  prouvent  au  moins  que  la  question  existe. 

C'est  d'ailleurs  Topinion  des  gens  compétents  ;  Théophile  Gautier, 
qui  s'i  connaissait,  pour  ne  pas  rappeler  d'autre  autorité,  a  dit  dans 
son  étude  sur  Baudelaire,  en  parlant  des  répétitions  de  sons  destinées 
à  produire  un  certain  effet  :  «  Ce  sont  ces  détails  qui  rendent  les  vers 
bons  ou  mauvais  et  font  qu'on  est  ou  qu'on  n^est  pas  poète  ». 

M.  Becq  de  Fouqiiières,  dans  son  Traité  général ^  a  consacré  deux 
chapitres  à  ces  questions;  il  les  a  remplis  d'observations  extrêmement 
judicieuses,  mais  maleureusement  elles  sont  entremêlées  d'erreurs 
et  de  subtilités,  et  le  tout  est  mal  présenté  ;  en  sorte  que  pour  com- 
prendre, il  est  nécessaire  d'en  savoir  plus  long  que  l'auteur  n'en  dit 
et  de  voir  au  delà.  Ce  sont  des  remarques  isolées,  qu'aucun  principe 
général  ne  réunit  et  qui  parfois  semblent  se  contredire.  Il  aurait  fallu 
entrer  dans  de  plus  longs  développements  et  partir  de  notions  sur  la 
nature  et  la  valeur  des  sons  que  M.  Becq  de  Fouquières  ignorait  sans 
doute. 

Aussi,  à  part  MM.  Le  Goffic  et  Thieulin,  à  qui  les  dimensions  de 
leur  Traité  interdisaient  de  s'étendre  sur  la  question,  s'est-on  géné- 
ralement élevé  contre  les  idées  que  l'auteur  a  exprimées  a  ce  sujet. 
M,  Combarieu  l'a  fait  avec  violence.  Voici  sa  manière  d'argumenter; 
il  cite  des  vers  «  où  l'allitération  de  Vm  est  associée  à  l'expression  de 
1  énergie,  de  la  terreur,  de  la  vengeance,  de  la  souffrance  »,  d'autres 
où  c(  les  sifflantes  sont  associées  à  l'expression  des  idées  les  plus 
opposées  :  honte,  fierté,  menace,  prière,  estime,  mépris,  chaleur,  froi- 
deur, colère,  pitié,  bruit,  silence,  mouvement,  repos  ».  Il  en  conclut 


168  BIBLIOGRAPHIE 

que  si  un  même  fonème  peut  exprimer  des  idées  si  différentes  les  unes 
des  autres,  c*est  qu'en  réalité  il  n*expnme  rien  du  tout,  et  que  c'est 
nous  qui  lui  attribuons  un  pouvoir  qu'il  n'a  pas,  11  oublie  qu'il  a  dit  lui- 
même,  p.  51  :  i<  Le  même  cri  peut  exprimer  la  peur,  la  colère,  la  sur- 
prise, le  désespoir,  la  haine...  Le  même  soupir  peut  être  celui  d'un 
malheureux  vaincu  parla  douleur,  d'un  épicurien  abîmé  dans  la  volupté, 
d'un  saint  en  extase,  d'un  fou,  d'un  malade  qui  renaît  à  l'espérance, 
d'un  agonisant...  »  Ne  serait-ce  pas  que  lenombre  des  nuances  d'idées 
à  exprimer  est  illimité,  tandis  que  celui  des  moyens  d'expression  est 
extrêmement  restreint?  Est-ce  qu'un  peintre  qui  aura  peint  la  Médi- 
terranée en  bleu  n'aura  plus  le  droit  de  se  servir  de  la  même  couleur 
pour  un  ciel  ?  «  L'or  est  jaune,  disait  Diderot,  la  soie  est  jaune,  le 
souci  est  jaune,  la  bile  est  jaune,  la  lumière  est  jaune,  la  paille  est 
jaane...  ».  M.  Combarieu  nous  répondrait  certainement  que  la  peinture 
n'est  pas  la  poésie,  ce  que  nous  ne  saurions  contester,  et  il  ajouterait 
avec  M.  Aubertin  :  u  Se  figure-t-on  un  génie  inspiré,  une  âme  saisie 
d'émotion  et  d'enthousiasme,  débordant  de  passion  et  d'éloquence,  qui 
se  consumerait,  dans  ce  labeur  philologiqiie,  à  peser  la  valeur  propre 
ou  combinée  des  dentales,  des  gutturales  et  des  sifflantes,  à  concerter, 
aux  endroits  sublimes  ou  pathétiques,  des  échos  de  voyelles  et  des 
rappels  de  sonorités?  »  ;  ce  qui  signifie  en  définitive  que  le  poète  ne 
soigne  la  forme  que  lorsqu'il  n'a  rien  à  dire,  et  l'on  ne  voit  pas  pour- 
quoi, lorsqu'il  déborde  d'idées,  il  prend  la  peine  de  rimer,  de  césurer, 
de  versifier,  au  lieu  d'écrire  tout  bonnement  en  prose. 

Avec  une  telle  téorie  on  est  obligé  de  proclamer  que  ce  vers  de 
Racine  : 

Pour  qui  sont  ces  serpents  qui  sifflent  sur  vos  têtes 

est  le  plus  mauvais  que  ce  poète  ait  jamais  fait  (Clair  Tisseur,  p.  268), 
et  l'on  concentre  toute  son  admiration  sur  celui-ci  de  La  Fontaine  : 

L'onde  était  transparente  ainsi  qu'aux  plus  beaux  jours. 

(Combarieu,  p.  372).  Nous  ne  pensons  pas  que  quelqu'un  puisse 
admirer  plus  que  nous  et  placer  plus  aut  le  génie  de  La  Fontaine  ; 
mais  il  faut  bien  reconnaître  que  dans  ce  vers  «  d'un  art  merveilleux  »>, 
en  laissant  de  côté  le  premier  émistiche  qui  est  très  discutable,  le 
second  n'est  qu'une  cheville  banale  et  mal  venue,  appelée  par  la  rime 
du  vers  suivant  : 

Ma  commère  la  carpe  y  faisait  mille  tours. 

Cela  me  remet  en  mémoire  telle  page  où  M.  Brune tière,  après  avoir 
étalé  tout  son  mépris  sur  le  Don  Juan  de  Musset,  rassemble  toute 
son  admiration  sur  la  strofe  suivante  de  Lamartine  : 


BIBLIOGRAPHIE  169 

Ton  cou,  penché  sur  l'épaule. 
Tombe  sous  son  doux  fardeau. 
Gomme  les  branches  du  saule. 
Sous  le  poids  d'un  passereau. 

Or,  en  toute  impartialité,  on  ne  peut  guère  trouver  de  remarquable 
dans  cette  strofe  que  le  second  vers,  qui  est  mal  pensé,  mal  écrit,  mal 
ritmé,  saccadé,8ifflant,  disgracieux,  désagréable,  l'un  des  pires  en  un 
mot  qu'ait  commis  Lamartine.  Que  Ton  en  rapproche  pour  l'expression 
d'une  idée  analogue,  moins  la  comparaison,  différents  passages  dans 
«Une  soirée  perdue»  d'A.  de  Musset. 

M.  Combarieu  reconnaît  pourtant  Texistence  d'un  moyen  d'expres- 
sion, le  ritme,  et  il  cite  un  vers  latin  bien  connu  : 

Qadrupedante  putrem  sonitu  quatit  ungula  campum. 

où  «  cinq  dactyles  qui  précipitent  le  mouvement  du  vers  peignent  le 
galop  d'une  troupe  de  cavaliers  ».  Pourquoi  prendre  son  exemple, 
alors  qu'il  n'en  manque  pas  en  français,  dans  une  langue  morte,  dont 
«  nous  ne  connaissons  pas  avec  exactitude,  dit-il^  la  prononciation  », 
et  dont  nous  ignorons,  pourrait-il  ajouter,comment  se  lisaient  les  vers? 
Quoi  qu'il  en  soit,  nous  lui  répondrons  par  le  genre  d'arguments  qu'il 
préfère  :  est-ce  que  le  trentième  vers  des  Géorgiques,  qui  est  ritmé 
de  la  même  manière,  peint  le  galop  d'une  troupe  de  cavaliers  : 

Numina  sola  colant,  tibi  seruiat  ultimaThule? 

En  réalité  le  ritme  joue  un  rôle  considérable  dans  la  valeur  expressive 
de  ce  vers,  mais  celui  des  allitérations,  que  M.  Combarieu  n'i  a  pas 
vu,  n'est  pas  moindre. 

Ailleurs,  p.  263,  M.  Combarieu,toujour8  à  propos  du  ritme,  signale 
des  effets  dus  à  la  suppression  du  temps  marqué  à  la  6*  syllabe  dans 
les  vers  de  12.  Ses  observations  n'ont  rien  d'entousiasmant,  mais  ce 
qui  est  remarquable  c'est  qu'elles  sont  bien  danslamétode  qu'il  critique 
chez  les  autres;  elles  vont  même  au-delà.  Ainsi  cette  suppression  donne 
l'impression  l^de  la  grandeur;  2°  de  coups  de  hache  taillant  un  rocher 
à  pic;  3^  de  la  continuité  ;  4**de  la  force  triomfante  ;  5<*  d'une  adérence 
étroite  ;  &*  de  l'abandon,  de  la  nonchalance;  ?<>  d'un  ensemble  qui  se 
détend  et  se  disloque. 

Voilà  quelques  points  sur  lesquels  nous  avons  cru  devoir  attirer 
l'attention  de  M.  Aubertin;  nous  n'avons  plus  qu'à  souaiter  que  son 
livre  s'épuise  vite,  comme  il  le  mérite,  pour  qu'il  nous  en  donne 
promptement  une  autre  édition,  plus  condensée  et  meilleure  encore. 

Maurice  Grammont. 

12 


170  BIBLIOGRAPHIE 

Guy  (H.)'  —  Essai  sur  la  vie  et  les  œuvres  littéraires  du  trouvère  Adan 
de  le  Haie.-  Paris,  Hachette,  1898,  m-8%  [LVIlI-GCIb  p.]. 

Ce  travail,  très  approfondi,  renouvelle  complètement  un  sujet  qui, 
maintes  fois  effleuré,  n'avait  jamais  été  traité  dans  son  ensemble.  Non 
point  que  M.  Guy  ait  eu  la  chance  de  mettre  la  main  sur  des  docu- 
ments d*archives  lui  permettant  de  fixer  d'une  manière  indiscutable 
les  principaux  points  de  la  vie  de  son  héros.  Mais  il  y  a  suppléé  par 
d'ingénieuses  déductions  appuyées  sur  une  érudition  très  sûre,  et  Ton 
peut  considérer  comme  définitivement  acquises  les  dates  suivantes  : 
pour  le  Jeu  de  la  Feuillée,   1262  ;  pour  l'exil  du  poète,  1269  ;  pour 
son  retour  à  Arras,  1271-72  ;  pour  son  voyage  en  Italie,  1283  ;  pour 
sa  mort,  1285-88.  Mais  le  principal  mérite  de  M.  Guy  n'est  pas  d'avoir 
fixé  avec  plus  de  rigueur  les  principales  étapes  de  la  vie  du  poète  ; 
c'est  surtout  d'avoir  fait  revivre,  grâce  à  une  multiplicité  de  détails 
qu'ont  seules  pu  lui  fournir  des  recherches  aussi  étendues  que  variées, 
les  divers  milieux  où  sa   vie  s'est  écoulée:  la  confrérie  littéraire  du 
Puy,  alors  dans  tout  son  éclat,  la  société  bourgeoise,  opulente  et 
âpre  au  gain,  dont  la  rapacité  s'alliait  pourtant  k  des  goûts  artisti- 
ques  qui  faisaient  de  quelques-uns  de  ses  membres  de   véritables 
Mécènes;  la  cour  de  Robert  d'Artois,  où  nous  voyons  le  ménestrel 
(c'est  évidemment  le  rôle  qui  y  fut  tenu  par  Adan)  placé  sur  le  même 
pied,  au  point  de  vue  des  émoluments,  que  le  «  trompeur  »,  le  «valet 
des  nacaires  »,  le  jurisconsulte  et  le  «  physicien  j>;  celle  de  Charles 
d'Anjou  enfin,  où  le   poète  devait  trouver,   mais  pour  bien  peu  de 
temps,  une  place  proportionnée  à  son  talent.  La  seconde  partie  du 
livre  de  M.  Guy,  moins  riche  en  renseignements  nouveaux  que  la  pre- 
mière, n'est  pas  moins  intéressante  :  l'auteur  y  caractérise,  avec  une 
rare  finesse  de  touche,    les  œuvres  de  son  héros  ;  très  sévère  pour 
les  oeuvres  lyriques,  notamment  pour  les  jeux-partis,  M.  Guy  a  étu- 
dié avec  amour  les  œuvres  dramatiques  ;  nous  signalons  comme  par- 
ticulièrement originaux  les  trois  chapitres  sur  la  Feuillée,  où  M.  Guy 
montre  que  la  célèbre  pièce  d'Adan  est  essentiellement  une  «  revue  », 
où  l'élément  satirique  tient  la  plus  grande  place  et  dans  laquelle  il 
n*est  aucun  détail  —  si  on  en  excepte  le  merveilleux  —  qui  ne  s'expli- 
que par  des  allusions  à  la  réalité  la  plus  actuelle  et  la  plus  positive, 

M.  Guy  nous  a  déjà  tant  donné  que  nous  serions  mal  venu  à  lui 
reprocher  de  n'avoir  rien  dit  de  la  versification  et  de  la  musique  chez 
Adan  ;  cette  étude,  il  nous  en  avertit  lui-même,  est  «  exclusivement 
biographique  et  littéraire  »  ;  l'auteur  y  a  déployé  des  qualités  d'éru- 
dit  et  de  lettré  rarement  associées,  et  qui  permettent  d'attendre  de  lui 
des  travaux  de  la  plus  haute  valeur. 


BIBLIOGRAPHIE  171 

Legré  ^Ladovic).  —  La  botanique  en  Provence  au  XVI*  siècle.  Pierre 
Pena  et  Mathias  de  Lobel.  —  Marseille,  Imp.  Barlatier,  1899,  in-8». 
[VIII-263  p.]. 

Legré  (  Ladovic).  —  La  botaniqu  e  en  Proyence  au  XVI*  siècle.  Hu- 
gues de  Solier.  — Marseille,  Imp,  Barlatier,  1899,  i>i-8*,  [45  p.]. 

M.  Legré  nous  a  donné,  il  y  a  quelques  années,  une  biographie  de 
Théodore  Aubanel  qui  a  été  le  premier  essai  d*une  histoire  du  Féli- 
brige.  Bien  écrit,  attrayant  comme  un  roman,  disant  des  personnages 
cités  tout  ce  que  Ton  peut  dire  de  personnes,  pour  la  plupart,  encore 
vivantes,  son  volume  a  obtenu  le  plus  grand  succès  auprès  des  pro- 
vençalistes.  D'autres  ouvrages  ont  paru  depuis,  plus  spéciaux  et  plus 
documentés,  il  n'en  est  point  qui  aient  fait  oublier  celui  de  M.  L.  ou 
même  qui  puissent  dispenser  de  le  lir  e  celui  qui  s'intéresse  aux  débuts 
de  la  renaissance  provençale. 

En  écrivant  cette  biographie,  M.  L.  rendait  un  pieux  hommage  à 
la  mémoire  d'un  ami.  Durant  sa  vie,  il  avait  été  son  confident  journa- 
lier. Soit  dans  leurs  rencontres,  soit  par  lettres,  Aubanel  avait  tenu 
M.  L.  au  courant  de  ses  projets,  de  ses  travaux.  Il  ne  lui  laissa  rien 
ignorer  de  ces  aventures  pleines  de  charme  et  d'imprévu  qui  semblent 
tirées  de  la  vie  d'un  troubadour  du  XII*  siècle  plutôt  que  de  celle 
d*un  poète  du  XIX*.  Aussi,  pour  faire  revivre  cette  figure  si  originale 
et  si  grande,  M.  L.  n'a  eu  qu'à  puiser  dans  sa  corre  spondance  et  à  il- 
lustrer les  lettres  d'Aubanel  par  les  vers,  les  strophes  ou  les  pièces 
qui  se  rapportaient  aux  passages  importants. 

M.  L.  ne  s'est  pas  borné  à  nous  fournir  une  excellente  biographie 
de  Théodore  Aubanel,  il  a  réimprimé  Li  Fiho  tTAvignoun,  ^  qui,  pri- 
mitivement, n'avaient  été  distribuées  qu'à  quelques  amis  privilégiés  ; 
de  plus,  il  promet  de  nous  donner  sans  tarder  un  volume  d'œuvres 
inédites  du  môme  poète.  Tous  ceux  qui  aiment  la  langue  provençale 
la  lisent,  Tétudientou  l'écrivent,  lui  en  seront  reconnaissants. 

Mais  M.  L.  ne  s'intéresse  pas  qu'à  la  Provence  littéraire  ;  on  peut 
dire  que  rien  de  ce  qui  touche  à  Vempire  du  soleil  ne  le  laisse  indif- 
férent, et  c'est  à  son  amour  profond  de  la  terre  nataleque  nous  devons 
les  deux  livres  annoncés  en  tôte  de  ce  compte  rendu. 

Pierre  Pena  et  Mathias  de  Lobel  ont  écrit  en  collaboration  le  Stir' 
pium  adversaria  l'un  des  plus  renommés  parmi  les  ouvrages  de  bota- 

^  Lboré  (Ludovic).  —  Le  poète  Théodore  Aubanel.  Récit  d'un  témoin 
de  sa  vie.  ^  Paris,  Victor  Lecoffre,  1894,  in-8»,  [  II- 423  p.]. 

•  AuBANBL  (Théodore).  —  Li  Fiho  d'Avignoun.  —  Paris,  Savine,  1891, 
in-lS,  [IV-  375  p.]. 


m  BIBLIOGRAPHIE 

nique  da  XVI*  siècle.  Par  suite  d'une  étrange  destinée,  Pena  qui 
semble  avoir  rédigé  à  lui  seul  Tœuvre  commune  et  fourni  les  apports 
les  plus  nombreux  et  les  plus  importants,  a  été,  dans  la  suite,  dépos- 
sédé peu  à  peu  et  son  collaborateur  considéré  comme  Tunique  auteur. 
Avant  d'étudier  les  herborisations  des  deux  botanistes  en  Provence  et 
en  Languedoc,  M.  L.  a  voulu  rendre  justice  à  Pena  en  lui  restituant 
ce  qui  lai  appartenait.  Et  c'est  avec  un  tel  luxe  d'arguments  qu'il  a 
plaidé  sa  cause  que  la  question  n'est  plus  douteuse. 

Comme  les  deux  botanistes  fréquentèrent  l'Université  de  Montpel- 
lier, le  livre  de  M.  L.  forme,  en  même  temps  qu'une  contribution  à  l'é- 
tude de  la  botanique  en  Provence,  un  intéressant  chapitre  de  l'histoire 
de  Tancienne  université  montpelliéraine. 

Pena  et  de  Lobel  n'étaient  pas  des  Provençaux  :  le  premier  naquit  à 
Narbonne,  le  second  en  Flandre  ;  Hugues  de  Solier,  Hugo  SoleriuSt 
au  contraire,  vint  au  monde  en  pleine  Provence,  à  Saignon,  près  d^Apt; 
il  est  sans  aucun  doute  le  doyen  des  «  botanistes  provençaux  du  XVI* 
siècle.  » 

M.  L.  relève  chez  Hugues  de  Solier  un  point  très  caractéristique  : 
»  l'intensité  de  son  patriotisme  provençal.  Il  a  eu  beau  faire  ses  études 
»  à  Paris,  voyager  longtemps  en  France  et  en  Italie,  séjourner  à 
»  Lyon,  s'établir  à  Grenoble,  jamais  il  n^oublie  et  ne  cesse  de  dire 
»  qu'il  est  provençal.  >> 

C'est  probablement  à  ce  culte  pour  sa  province  que  nous  devons  de 
trouver  dans  les  Scolies  le  nom  provençal  des  plantes  qui  y  sont  énu- 
mérées  à  côté  des  noms  grecs,  latins,  italiens  et  dauphinois.  La  plu- 
part des  termes  provençaux  se  sont  conservés  tels  quels,  la  forme  de 
quelques  autres  a  changé  légèrement  ;  une  comparaison  entre  ceux 
du  XVI*  siècle  et  ceux  qui  sont  employés  aujourd'hui  donnerait  cer- 
tainement lieu  à  quelques  remarques  intéressantes. 

Souhaitons»  en  terminant,  que  M.  Legré  ajoute  prochainement  de 
nouveaux  volumes  à  ceux  dont  nous  venons  de  parler.  Ses  études 
sur  la  Botanique  en  Provence  seront  aussi  précieuses  et  aussi  utiles 
aux  historiens  et  aux  philologues  qu'aux  botanographes.  —  H.  T. 


Lanchetat  (D.  Roflno).  —  Explicaciôn  del  verbo  castellano  actual  segùn 
los  prindpios  y  el  método  de  la  gramàtica  comparada  e  histôrica.  ~ 
Madrid, Bailly-BaiUih^e,  1897,  in-8%  [XXK///-212  p.]. 

Tel  est  le  titre  de  l'ouvrage  qui  nous  est  un  de  ces  jours  tombé 
entre  les  mains,  titre  alléchant  s'il  en  fut.  Nous  avons  bien  vite  on- 
vert  ce  livre  pour  voir  si  nous  avions  enfin  une  bonne  exposition  de 
la  conjugaison  espagnole,  faite  par  un  Espagnol,  conformément  aux 


BIBLIOGRAPHIE  178 

bonnes  méthodes.  Hélas  I  dès  le  prologue  notre  déception  a  été  grande. 

M.  L.  a,  dans  sa  carrière  déjà  longue  de  professeur,  mis  en  pratique 
tour  à  tour,  c'est  lui  qui  nous  le  dit,  le  système  empirique  en  usage 
depuis  saint  Isidore  et  le  système  historique  deDiez.  Il  a  reconnu  la 
supériorité  de  ce  dernier,  même  au  point  de  vue  pratique,  et  il  s*y  est 
rallié.  Mais  on  ne  se  défait  pas  sans  doute  facilement  du  vieil  homme. 
En  tons  cas  M.  L.,  tel  un  néophyte,  plein  d'enthousiasme  mais  insuf- 
fisamment instruit^  qui  se  mettrait  trop  tôt  à  prêcher  sa  foi  nouvelle 
fait  un  sacrilège  mélange  des  anciennes  erreurs  et  des  vérités  au- 
jourd'hui reconnues. 

C*est  ce  que  montrent  surabondamment  les  vingt-huit  pages  de  son 
prologue  où,  entr'autres  choses,  il  expose  la  méthode  de  la  grammaire 
comparée  en  général  et  formule  les  lois  de  la  phonétique  castillane. 

NouB  lui  reprocherons  d'ahord  de  perdre  son  temps  et  son  papier  à 
nous  répéter  des  vérités  connues  depuis  Horace,  pour  ne  pas  remonter 
plus  haut.  Tout  le  monde  sait,  même  les  illettrés,  que  les  langues  se 
transforment.  De  plus  les  lecteurs  d'un  travail  comme  le  sien  doi- 
vent connaître  déjà  les  principes  généraux  de  la  philologie  romane. 
Il  suffisait^  en  tous  cas,  de  nous  renvoyer  à  la  grammaire  de  M.  Meyer- 
Lûbke.  On  ne  doit  pas  nous  les  exposer  de  nouveau  dans  chaque  étude 
particulière  où  on  les  applique.  Tout  ce  qu'en  dit  notre  auteur  est  d'ail- 
leurs confus  et  erroné. 

En  second  lieu,  il  écrit  d'un  style  qui  ne  saurait  convenir  à  un  vrai 
disciple  de  Diez.  La  philologie  romane  a  la  prétention  d'être  une  science 
et  réclame  une  langue  scientifique  :  simple,  concise  et  exacte.  Les 
grandes  phrases  sont  bannies  de  ses  dissertations  ;  les  images^  même 
justes,  n'y  sont  guère  à  leur  place  :  ici  moins  qu'ailleurs  les  compa- 
raisons sont  des  raisons.  Or  M.  L.  écrit  p.  I  et  II  :  ce  La  lengua  casteU 
lana  no  es  como  eî  volapuk  o  la  taquigrafia,  obra  de  la  convetwiôn 
humanay  ni  tampoco  es  imposiciôn  producida  por  la  conquista  ;  la  Un- 
gvM  castellana,  lo  mismo  que  sus  congénères  las  demds  Unguas  neolati- 
nas,  es  continuadora  directa  y  nunea  interrumpida  de  su  progenitora  la 
latina  ;  pero  no  es  de  ella  una  conHnuaciôn  servil,  mecànica,  rutinaria 
y  êstadonada,  sino  una  conHnuaciôn  tal  cual  requieren  las  condtcûmes 
delverdadero  progreso  humano.  t>  Toutes  les  épithètes  inutilement  en- 
tassées dans  cette  phrase  et  les  grands  mots  qu'elle  renferme  ne  nous 
laissent  dans  l'esprit  aucune  idée  bien  nette.  Que  veut-dire  le  début?  la 
langue  castillane  n'a  pas  été  imposée  par  la  conquête  :  elle  est  le  dé- 
veloppement ininterrompu  de  la  langue  latine?  La  langue  latine  est 
donc  la  langue  primitive  de  l'Espagne  ?  Que  nous  apprend  la  fin  ? 
Quelles  sont  ces  ce  conditions  du  vrai  progrès  humain  2>  ?  Nous  lisons 
encore  p.  VII  :  «  pretender  en  la  historia  evolutiva  de  una  lengua  lU 
nea»  de  demarcadàn  tan  précisas  como  exisien  entre  el  mar  y  las  ro' 


174  BIBLIOGRAPHIE 

cas  en  que  se  estreUan  sus  ondas,  es  lo  mismo  que  pretender  alcanzar  el 
cielo  con  la  mano.  d  Ces  images  seraient  fausses  et  incohérentes  où 
qu'elles  se  trouvent  ;  dans  une  étude  philologique  elles  sont  en  plus 
déplacées.  Nous  pourrions  prodiguer  les  exemples  de  ce  genre,  mais 
nous  croyons  ceux-ci  suffisants.  Nous  avons  d'ailleur?  des  reproches 
plus  graves  à  faire  à  M.  L.  à  propos  de  ses  lois  phonétiques. 

Elles  sont  au  nombre  de  trente  et  une,  formulées  sans  distinction 
de  voyelles  ou  de  consonnes,  d'atones  ou  de  toniques,  d'initiales,  d'in- 
térieures ou  de  finales.  Elles  sont  bizarrement  réparties  en  :  1®  lois 
qui  obéissent  au  principe  du  moindre  effort,  2^  lois  qui  obéissent  au 
principe  c  de  concordance  phonétique  et  graphique,  parce  que  le  cas- 
tillan montre  une  grande  tendance  à  écrire  comme  il  prononce  d,  3^ 
lois  de  l'accent  énergique  ou  lois  de  l'emphase.  »  M.  L.  s'est  vague- 
ment rappelé  ici  que  l'accent  jouait  un  rôle  dans  les  transformations 
phonétiques. 

Ces  lois  n'ont,  d'ailleurs,  rien  de  scientifique  dans  leur  rédaction. 
Voici  le  texte  de  quelques-unes  d'entre  elles  :  p.  XIX  «  3*.  Los  sonidos 
representados  por  11,  n,  ch,  son  compuestos  de\j  n,  c  s=s  z  y  de  la  vocal 
ï  par  segundo  factor;  v,  gr.  :  mirabilia  y  maravilla,  lievar  y  llevar, 
Hispania  y  Espana,  anio  y  afio,  Sancio  y  Sancho,  rancioy  rancho. }» 

Ibid.  c  7*  La  vocal  àtona  e,  ante  las  vocales  fuertes  a,  o,  se  perâiô 
con  especialidad  en  los  verhos  :  asi  debeo  y  debeas  se  convirtieron  en  debo 
y  debas,  persuadeo  y  persuadeas  en  persuado  y  persuadas,  moveo  y 
raoveas  en  muevo  y  muevas.  »  Voici  une  règle  de  phonétique  uni- 
quement fondée  sur  des  formes  verbales.  M.  L.  ne  sait  donc  pas  que 
celles-ci  doivent  toujours  être  corroborées  par  des  formes  nominales, 
parce  qu'elles  peuvent  être  analogiques,  comme  c'est  le  cas  pour  ses 
exemples. 

Ibid.  d  8*.  La  vocal  àtona  i,  ante  las  vocales  fuertes  a,  o,  se  perdiô 
en  muchos  nombres  y  verhos  ;  v.  gr,  :  *  malitia  y  malezia  en  maleza, 
pigritia  en  pereza,  partio  y  partias  en  parto  y  partas,  dormio  y  dormias 
en  duermo  y  duennas.  ]» 

Et  dire  que  M.  L.  se  vante  d'avoir  rompu  avec  la  méthode  tradition- 
nelle et  empirique  de  saint  Isidore  !  Que  pouvait-il  donc  faire  de 
mieux  lorsqu'il  la  pratiquait  ?  Et  comment  a-t-il  pu  lire  Diez  et  Meyer- 
Liibke  sans  savoir  ce  que  c'est  que  le  jod  et  sans  se  douter  que  c'est 
au  jod  et  toujours  au  jod  qu'il  a  affaire  dans  ces  trois  lois  3,  7  et  8  ! 
Mais  que  dire  des  numéros  30  et  31,  p.  XXI  : 

€  30.  Ley  de  la  altemativa  fonética  entre  las  vocales  média  ey  la 
extrema  i,  re/orzando  à  debilitando  la  vocal  de  la  raiz,  segûn  el  mayor 
6  menor  peso  de  la  vocal  6  vocales  de  la  silaba  siguiente.  Esta  ley  es 
infaUble  en  los  verbos  à  que  se  aplica,  Yo  la  llamo  de  equilibrio  foné- 
tîco.  Si  la  vocal  de  la  raiz  es  la  ^^  y  en  la  silaba  siguiente  se  encueniran 


BIBLIOGRAPHIE  175 

la  SLy  la  e,  la  0  y  lo»  diptongos  ie,  io,  entoncea  en  la  raiz  la  e  m  cou" 
vierie  en\\  v.  gr.:  pedir,  pido,  pidamos,  pido,  pidiera,  piden  ;  si  en  la 
silaba  sîguiente  hay  una  simple  i,  entoncM  la  ^  delà  raiz  se  conserva  : 
pedimos,  pedfa.  » 

<r  31.  Ley  de  la  altemativa  fonética  entre  las  vocales  média  o  y  la 
extrema  correspondienie  u  en  las  mismas  condiciones  que  en  la  régla  30, 
V.  gr,  :  morimoS|  muramos  ;  muriô,  morirâ  ;  muriendo,  morla.  Los 
fonetistas  Uaman  à  la  &  vocal  de  equilibrio  entre  la  i  que  es  la  nuis 
aguda  de  las  vocales,  y  la  Uj  la  màs  grave,  > 

Nous  savions  qu'il  y  avait  des  voyelles  longues  ou  brèves,  fermées 
ou  ouvertes,  mais  nous  ignorions  qu'il  y  en  eût  de  lourdes  ou  de  légè- 
res, et  que  la  grammaire  historique  dût  prendre  des  balances  et  faire 
des  équilibres.  Voilà  pourtant  où  conduit  en  philologie  Tabus  des  mé- 
taphores. 

Que  peut  être  Tétude  du  verbe  faite  avec  de  pareils  procédés  pho- 
nétiques? Il  ne  nous  restait  que  juste  l'envie  de  nous  en  rendre  compte. 
Mais  le  premier  paragraphe  ne  nous  a  pas  laissé  le  courage  d'aller  plus 
loin.  Il  est  intitulé  :  EUmologia  de  la  palabra  verbo,  M.  L.  remonte 
jusqu'à  la  racine  arienne  var  et  au  suffixe  également  arien  dha  et  suit 
racine  et  suffixe  à  travers  toutes  les  langues  :  latine,  grecque,  gothi* 
ques,  slaves,  germaniques,  sans  oublier  l'ombrien  et  le  lithuanien.  Il 
termine  en  nous  apprenant  que  les  Allemands  appellent  le  verbe  Zeii^ 
wort.  M.  L.  n'a  oublié  que  la  question  de  l'origine  du  langage. 

Mais  il  est  vrai  que  la  présente  étude  n'est  qu'un  extrait,  un  échan- 
tillon d'une  grammaire  complète,  où  ce  problème  est  sans  doute  résolu. 
Nous  lisons  en  effet  p.  XVI  :  €. . .  hace  ya  algunos  meses  tengo  termi^ 
nada  una  gramàtica  compléta  de  la  lengua  casteUana  y  arreglada  al 
mismo  método  y  doctrina  que  esta  monografià,  la  cual  oeuparà  cuatro 
volùmenes  de  regulares  dimensiones,,,  el  éœito  de  esta  obrita  decidirà 
tal  vez  si  algùn  dia  se  ha  depublicar  en  su  iotalidad  6  fraccianada,  6 
si  para  siempre  ha  de  quedar  sepultada  en  el  olvido,  9 

Je  crois  que  ce  dernier  sort  lui  est  réservé.  Mais  M.  L.  aura  néan- 
moins à  se  louer  de  sa  mésaventure,  si  grâce  à  elle,  il  se  pénètre 
bien  de  cette  idée  qu'avec  la  meilleure  volonté  du  monde  et  le  travail 
le  plus  assidn  on  n'arrive  à  rien  sans  une  bonne  méthode. 

J.  DUCAMIN. 


CHRONIQUE 


LE  OOHGSiS  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTES  A  TOULOUSE 

Le  37*  Congrès  des  Sociétés  savantes  s'est  tenu  cette  année  à  Tou- 
louse du  mardi  4  avril  au  samedi  8.  C'est  la  première  fois  que  ce  Con- 
grès a  eu  lieu  en  province.  Le  choix  de  Toulouse  était  des  plus 
heureux  et  le  succès  obtenu  Ta  complètement  justifié. 

L'installation  ne  laissait  rien  à  désirer.  L'Hôtel  d'Assezat  ^ ,  où  sont 

I  Cet  hôtel  doit  son  nom  au  riche  marchand  qui  le  fit  construire. 
«  Pierre  Assezat,  dont  le  père  était  venu  d'Espalion,  en  Rouergue,  aug- 
menta rapidement  sa  fortune.  Gapitoul  une  première  fois  en  1552,  puis 
bientôt  seigneur  de  Dussède,  il  s'empressa  de  manifester  sa  richesse  et 
son  rang  élevé  par  l'érection  de  cette  demeure,  qui  devait  dépasser  tou- 
tes celles  de  la  belle  et  féconde  renaissance  toulousaine. 

II  traite  le  26  mars  1555,  avec  Jean  Castanié  dit  Nycot,  maître-maçon 
de  Toulouse,  pour  la  construction  suivante,  «  les  articles  écrits  et  or- 
donnés par  M*  Nycolas  Bachelier.  » 

Ces  mots  veulent  dire  sans  doute  que  l'illustre  architecte  toulousain, 
auteur  des  plans,  laissa  la  charge  de  l'entreprise  à  Jean  Castagne.  En 
trente  mois,  deux  ailes  et  le  portique  furent  construits.  Mais  sur  ces 
entrefaites  avait  eu  lieu  le  grand  mouvement  de  la  Réforme.  Pierre 
Assézat  avait  pris  parti  pour  elle  avec  une  grande  partie  de  la  popula- 
tion. La  guerre  civile  fut  déchaînée  partout.  Finalement,  le  roi  et  les 
catholiques  l'emportèrent.  Assézat  fut  banni  à  perpétuité,  privé  de  sa 
noblesse,  et  ses  biens  furent  confisqués.  Le  30  septembre  1572,  il  abjura 
et  rentra  en  grâce  après  une  série  d'humiliations. 

N'ayant  plus  sa  grosse  fortune,  il  ne  put  terminer  son  beau  logis  ;  lui 
ou  ses  fils  se  bornèrent  à  établir  un  étage  sur  le  portique,  la  porte  d'en- 
trée et  le  beau  balcon  qui  court  le  long  du  mur  de  la  maison  voisine. 

L'hôtel  fut  vendu,  en  1661,  au  baron  de  Puymaurin,  qui  transforma 
l'intérieur  au  goût  de  son  temps  et  détruisit  les  meneaux  en  croix  des 
fenêtres.  L'édifice  s'est  ainsi  maintenu  jusqu'à  notre  siècle.  Les  derniers 
propriétaires  se  virent  obligés,  à  leur  tour,  d'en  modifier  les  dispositions 
pour  les  nécessités  d'une  destination  utilitaire  et  commerciale. 

Des  parties  de  l'œuvre  de  la  Renaissance  furent  voilées,  mais  non  dé- 
truites, très  heureusement.  Nos  vieux  hôtels,  hélas  1  n'ont  pas  eu  géné- 
ralement cette  chance. 

M.  Ozenne  en  fit  l'acquisition  avec  l'intention  d'y  loger  l'Académie 
des  Jeux  Floraux,  dont  il  était  l'un  des  mainteneurs,  la  Société  de  géo- 
graphie qui  l'intéressait  tout  particulièrement,  et  les  autres  compagnies 
savantes  de  Toulouse.  Il  l'a  légué  à  cet  effet  à  la  ville,  chargeant  son 
légataire  universel  de  veiller  à  l'exécution  de  ses  volontés.  > 


CHRONIQUE  177 

logées  la  plupart  des  Sociétés  savantes  *  de  Toulouse,  offrait  aux 
congressistes  ses  salles  spacieuses  et  presque  toutes  les  sections  j 
trouvèrent  place. 

1  Voici  la  liste  des  Sociétés  savantes  de  Toulouse  dont  les  membres 
firent  à  leurs  confrères  étrangers  Taccueil  le  plus  affable  et  le  plus  cha- 
leureux. 

Toulouse  possède  une  quinzaine  d'Académies  fermées  et  de  Sociétés  à 
nombre  de  membres  illimités.  Six,  reconnues  d'utilité  publique  par  dé- 
cret, sont  logées  à  Thôtel  d'Assézat  et  de  Clémence  Isaure  :  en  voici  la 
liste: 

Académie  des  Jeux  Floraux,  —  Pas  de  président,  mais  un  modérateur 
par  trimestre.  —  Secrétaire  perpétuel,  M.  le  comte  Fernand  de  Ressé- 
guier. 

Académie  des  sciences^  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Autorisée  en 
1729,  lettres  patentes  de  1746,  décret  de  1807.  —  Président,  M.  le  D' 
Basset;  —  secrétaire  perpétuel,  M.  Ernest  Roschach. 

Socidté  archéologique  du  Midi.  —  Fondée  le  2  juin  1831,  décret  du  10 
novembre  1850.  Ses  membres  ont  créé  les  musées  de  Toulouse.  —  Pré- 
sident,  M.  Jules  de  Lahondès  ;  —  secrétaire  général,  M.  Emile  Cartailhac. 

Société  de  médecine.  —  Fondée  en  1801,  décret  de  1853.  —  Président, 
M.  Frébault;  —  secrétaire  général,  M.  Saint- Ange. 

Académie  de  législation.  -  Unique  en  Europe,  fondée  en  1851,  dé- 
cret de  1871;  distribue  les  prix  du  ministre.  —  Président,  M.  Bauby;  — 
secrétaire  perpétuel,  M.  Antonin  Deloume. 

Société  de  géographie.  —  Fondée  en  1884,  décret  de  1896.  —  Président, 
M.  Legoux;  —  secrétaire  général,  M.  Guenot. 

En  outre,  les  principales  Sociétés  sont  : 

Société  d'agriculture  de  la  Haute-Garonne,  rue  Saint- An toine-du-T,  20. 

—  Président,  M.  le  D'  Audiguier;  —  secrétaire  général,  M.  Héron. 
Société  d'horticulture.  —  Fondée  en  1853.  —  Président,  M.  le  D'  Clos, 

correspondant  de  l'Institut  ;  —  Secrétaire  général,  M.  Neumann. 
Société  d'histoire  naturelle,  dont  les  membres  ont  créé  le  Musée  d'his- 

r 

toire  naturelle.  — Président,  M.  Emile  Cartailhac; —  Secrétaire  général, 
le  D'  Lamic.  —  Rue  de  Rémusat,  17. 

Société  photographique.  —  La  première  de  province.  —  Président,  M. 
l'ingénieur  Jullian  ;  secrétaire  général,  M.  Ch.  Fabre.  —  Rue  de  la  Co- 
lombette,  11. 

Club  Alpin  français,  section  des  Pyrénées  centrsdes.  —Président,  M. 
Trutat;  —  secrétaire,  M.  Alyre  Martin. 

Association  pyrénéenne.  —  Fondée  en  1888.  —  Publie  la  Revue  des 
Pyrénées;  les  dix  premiers  volumes  sous  la  direction  de  M.  le  D'  Garri- 
gou,  fondateur  de  l'œuvre  avec  feu  Julien  Sacaze,  aujourd'hui,  sous  la 
direction  de  M.  le  baron  Desazars  de  Montgaillard. 

Société  régionale  des  architectes  du  Midi.  Elle  tient  un  Congrès  annuel, 

—  Président,  M.  B.  Guitard; —  secrétaire  principal,  M.  Curvale. 


17$  CHBOXIQUK 

l^es  eongreuutes  étaient  Tenus  fort  nombreox  et  dans  les  £fenes 
salles  on  publie  très  attentif  se  pressait  pour  entendre  les  eommimi- 
eations. 

Parmi  les  personnes  qai  slctèreêsent  aax  langues  romanes  nous 
remarq-iiroes  :  M\f.  Gaston  Paus,  de  TAcadémie  firançaîse  ;  Omo^st, 
bibliothécaire  à  la  Biblîothêqae  Nationale;  C.  Chaba!Ckac,  secrétaire 
général  de  la  Société  des  langues  romtuus  ;  Alfred  Jeaxbot, 
professenrà  la  Faculté  des  lettres  de  Toaloose,  directeordes  Annales 
du  Midi  ;  Antoine  Bexoist,  rectear  de  P Académie  de  Montpellier  ; 
PcRRocD,  recteor  de  l'Académie  de  Toaloase  :  Maurice  Grammont, 
président  de  la  Société  des  langues  romanes;  Paal  Mktkr,  directeur 
de  r Ecole  des  Chartes  ;  E.  Roschach,  P.  Dognos,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Toulouse  ;  Vigie,  doyen  de  la  Faculté  de  droit 
de  Montpellier,  membre  de  la  Société  des  langues  romanes  ;  Henri 
DcMÉRn^  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse  ;  Salvbboa 
DK  Gratb,  professeur  à  T Université  de  Leyde  ;  L.  Vkrgnks»  de  V Es- 
cale moundino  ;  baron  Desazars,  directeur  de  la  Revue  des  Pyré^ 
nées  ;  Emile  Boxxet,  membre  de  la  Société  des  langues  romanes  ; 
Chanoine  Douais,  vicaire  général  à  Montpellier  ;  Pasquikr,  archiviste 
de  la  Haute-Garonne  ;  Sabatikr,  doyen  de  la  Faculté  des  sciences  de 
Montpellier  ;  Jos.  Berthelé,  archiviste  de  T Hérault,  membre  de  la 
Société  des  langues  romanes  ;  Malavialle,  professeur  à  la  Faculté 
des  lettres  de  Montpellier;  A.  Crouzkl,  bibliothécaire  de  TUniversité 
de  Toulouse  ;  Rudolpb  Béer,  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  impériale 
de  Vienne  ;  Auguste  Vidal,  chef  de  division  à  la  Préfecture  du  Tarn  ; 
JoDLiN,  rheureux  fouilleur  de  Martres-Tolosane  ;  Baquié-Fonadb, 
de  VEscolo  moundino  ;  Emile  Carthailag,  Léon-G.  Péussibr,  vice- 
président  de  la  Société  des  langues  romaines  ;  André  Sourelh,  de 
VEscolo  moundino  ;  D*  Gracibttb  et  L.  Vie,  bibliothécaires  à  TUni- 
versité  de  Toulouse  ;  Angladb,  membre  de  la  Société  des  langues 
romanes;  Villepelbt,  archiviste  de  la  Dordogne  ;  Antonin  Gazelles, 
professeur  au  Lycée  de  Rodez  ;  Labande,  bibliothécaire  de  la  ville 
d*AvigD0D;  Leite  deVASCoNCELLos,  professeur  à  TUniversité  de  Coim- 
bre  ;  Vionaux,  archiviste  de  la  ville  de  Toulouse,  membre  de  la  Société 

Escolo  moundino^  relevant  de  la  maintenance  de  Languedoc.  —  M.  L. 
Vergnc,  capiscol;  —  M.  Bacquié-Fonade,  secpétaire. 

Union  artistique  de  Toulouse.  —  Président,  M.  Louis  Gazai.  —  Orga- 
nise des  expositions  annuelles. 

Cette  énumération  et  les  renseignements  qui  précèdent  sur  l'hôtel 
d'Assézat  sont  empruntés  au  petit  volume  préparé  à  Toccasion  du  Con- 
grès, par  M.  Emile  Cartailhac,  sous  le  titre  de  Notes  sur  Toulouse  et 
qui  fut  remis  à  chaque  congressiste. 


CHRONIQUE  17» 

des  langues  romanes;  j.-f.  Court,  de  VEscolo  moundino  ;  Axel  Wal- 
LENSKôLD,professeur  à  TUniversité  d'Helsingfors,  membre  de  la  Société 
des  langues  romanes  ;  Edouard  Privât,  archiviste  paléographe  ; 
J.  DucAMiN,  secrétaire  de  rédaction  des  Annales  du  Midi,  membre 
de  la  Société  des  langues  romanes  ;  Alphonse  Blanc,  professeur  au 
collège  de  Cette,  membre  de  la  Société  des  langues  romanes  ;  L. 
CoNSTANS,  professeur  à  l'Université  d'Aix,  membre  de  la  Société  des 
langues  romanes  ;  Henri  Tkulié,  secrétaire- adjoint  delà  Société  des 
langues  romanes ^  etc.,  etc.. 

Nous  ne  pouvons  rendre  compte  des  fêtes,  banquets,  réceptions, 
vins  d'honneur  qui  remplirent  le  programme  de  ce  Congrès,  nous 
devons  nous  contenter  de  reproduire  le  résumé  des  communications 
qui  entrent  dans  le  cadre  de  cette  Revue, 


SECTION  d'histoire  ET  DE  PHILOLOGIE 


Séance  du   mardi  4  avril,   après  -  midi. 

Présidence  de  M.  Gaston  Paris;  assesseurs  :  MM.  Chabaneau, 
chanoine  Douais,  Jeanroy,  Léon-G.  Péltssieb. 

M.  Anglade,  agrégé  de  l'Université,  membre  de  la  Société  des 
langues  romanes,  lit  un  mémoire  sur  la  substitution  du  français  au 
languedocien  dans  un  manuscrit  de  l'église  de  Fournes  (Aude). 

M.  Anglade  donne  une  description  du  manuscrit  dont  il  s'occupe. 
Il  contient  des  redditions  de  comptes  qui  vont  de  1502  à  1842.  Les 
redditions  de  comptes  sont  écrites  en  languedocien  pendant  la  plus 
grande  partie  du  seizième  siècle.  Le  français  commence  à  faire  sentir 
son  influence  en  1572.  Plusieurs  finales  sont  en  e  et  non  en  a  ou  o 
comme  en  languedocien.  Le  languedocien  se  maintient  longtemps 
encore,  malgré  l'influence  française.  (Les  comptes  de  1577,  1578, 
1579,1581).  En  1585,  on  a  trois  comptes  rendus  r  les  deux  premiers 
sont  en  languedocien  mêlé  de  français  ;  le  dernier  est  en  français.  Le 
languedocien  apparaît  pour  la  dernière  fois  dans  les  comptes  de  1594, 
1595.  Ce  dernier  document  est  écrit  en  mauvais  français,  sans  doute, 
mais  c'est  du  français.  A  partir  de  ce  document,  le  français  est 
seul  employé  ;  mais  il  reste  pendant  longtemps  encore  fortement 
imprégné  de  languedocien.  La  vieille  langue  résiste  pendant  quelque 
temps  et  un  compte  de  1620  débute  par  une  formule  languedo- 
cienne. 

Le  maintien  du  languedocien  jusqu'à  la  fin  du  seizième  siècle 
s'explique  par  ce  fait  que  le  village  de  Fournes  est  situé  en  dehors  de 
tout  centre  littéraire.  Les  comptes  rendus  des  années  1841-1842,  qui 
se  trouvent  à  la  fln  du  manuscrit,  sont  écrits  dans  un  français  très 
mélangé  de  patois.  Les  marguilliers  modernes  n'écrivent  pas  parfois 
une  langue  plus  pure  que  leurs  confrères,  les  jurés  du  seizième  siècle 
et  du  commencement  du  dix-septième. 


180  CHRONIQUE 

M.  Maurice  Grammont,  président  de  la  Société  pour  Tétude  des 
langues  romanes,  professeur  à  l'Université  de  Montpellier,  fait  une 
communication  sur  Tharmonie  du  vers  français. 
'     11  pose  d'abord  la  question  : 

Qu'est-ce  qui  fait  qu'un  vers  français,  indépendamment  da  rythme 
et  de  ridée  exprimée,  est  ou  n'est  pas  harmonieux  ? 

L'harmonie  d'un  vers,  dit-il,  est  produite  par  le  jeu  des  voyelles 
qui,  groupées  d'une  certaine  manière,  font  une  sorte  de  musique. 

A  la  simple  audition  et  inconsciemment,  l'oreille,  pour  percevoir 
l'harmonie  d'un  vers,  groupe  ces  voyelles  et  compare  entre  eux  les 
groupes  obtenus. 

Détermination  et  correspondance  des  groupes  de  voyelles.  Classi- 
fication des  voyelles  au  point  de  vue  de  l'harmonie. 

Les  voyelles  se  groupent  au  point  de  vue  de  Tharmonie  en  triades 
et  en  dyades. 

De  la  modulation  des  triades  et  des  dyades. 

L'auteur  examine  ensuite  les  différents  types  devers  classés  d'après 
le  groupement  des  voyelles  au  point  de  vue  de  l'harmonie. 

I.  —  Vers  parfaitement  harmonieux.  Ce  sont  ceux  dans  lesquels  le 
rythme  et  l'harmonie  gioiipent  les  voyelles  de  la  même  manière. 

10  Vers  en  triades  (Triades  se  correspondant  deux  à  deux,  —  de 
deux  en  deux,  —  en  chiasme) . 

2^   Vers   en  dyades  (Les   différents  types  de  correspondance  des 
dyades)  ; 
3°  Vers  en  dyades  et  triades  combinées  (Un  seul  type). 

II.  —  Vers  peu  harmonieux,  rangés  en  catégorie,  par  ordre  d'har- 
monie décroissante.  (Ce  sont  ceux  dans  lesquels  il  y  a  discordance 
entre  les  divisions  du  rvthme  et  de  l'harmonie  et  ceux  dont  les  élé- 
ments  se  correspondent  sans  symétrie). 

III.  —  Vers  dépourvus  d'harmonie  (Aucun  groupement  de  voyelles 
qui  fournisse  une  correspondance  n'est  possible). 

M.  Grammont  conclut  qu'il  est  possible  de  calculer  exactement  le 
degré  d'harmonie  d'un  vers  ou  d'une  série  de  vers.  On  peut  dès  lors 
classer  les  poètes  au  point  de  vue  de  l'harmonie.  D'une  statistique 
que  nous  avons  faite  sur  quelques-unes  des  pièces  les  plus  célèbres 
de  cinq  de  nos  poètes  les  plus  grands  ou  les  plus  connus,  il  résulte 
qu'ils  apparaissent  dans  l'ordre  suivant  :  le  plus  harmonieux  est 
Racine,  puis  Musset,  puis  Hugo  ;  notableinent  plus  bas  et  tous  deux 
à  peu  près  au  même  plan  :  Lamartine  et  en  dernier  lieu  Boileau. 

M.  le  baron  de  Rivièrks  lit  un  mémoire  en  réponse  à  la  dixième 
question  du  programme. 

u  Etudier  quels  ont  été  les  noms  de  baptême  usités  dans  une  loca- 
lité ou  dans  une  région.  » 

11  étudie  les  registres  de  deux  paroisses  du  diocèse  d*Albi,  archi- 
diaconé  de  Gaillac. 

Ce  sont  celles  de  Sûnt-Blaise,  de  la  Bastide  de  Montfort  et  de 
Saint-Pierre  de  Sénouillac  ou  Sénolhac,  au  dix-septième  siècle  et  au 
commencement  du  dix-huitième,  de  1606  à  1726. 

Les  dénominations  les  plus  usitées  étaient  celles  des  apôtres  et 
surtout  celle  de  saint  Jean -Baptiste.  Le  nom  de  Joseph  ne  se  voit 
qu'après  1650. On  remarque  aussi  le  nom  de  Salvy,  évéque  d'Albi,  puis 
celui  de  liaymond,  porté  par  les  comtes  de  Toulouse*  Dans  les  noms 


CHRONIQUE  181 

de  femmes  on  remarque  surtout  celui  <\e  là  Sainte-Vierge,  de  Jeanne 
et  de  Cécile.  Ce  dernier  a  sa  raison  d'être  en  Albigeois,  à  cause  de  la 
grande  martyre  romaine,  patronne  du  diocèse  d'Albi.Puis  quelques-uns 
ont  disparu  tels  que  Salvie,  Anthonie.  On  remarque  aussi  quelques 
noms  tirés  de  noms  d'hommes  :  Anastase  pour  Anastasie;  Bertrande 
pour  Bertrand  ;  puis  Carême,  synonyme  de  Carissime,  vierge  albi- 
geoise au  sixième  siècle.  L'usage  habituel  était  de  ne  donner  qu'un 
seul  nom. 

De  nos  jours,  dans  la  classe  élevée,  on  a  abandonné  les  noms  de 
fantaisie  usités  sous  la  Révolution,  sous  le  premier  Empire  et  sous  la 
Restauration,  et  on  est  revenu  aux  noms  de  saints.  Mais  dans  la 
classe  populaire  les  noms  de  fantaisie  et  de  romans  sont  usités  d'une 
façon  presque  universelle  et  souvent  grotesque. 

M.  G.  Paris  remercie  M.  de  Rivières  de  son  intéressante  commu- 
nication et  demande  s'il  ne  serait  pas  possible  de  trouver  un  document 
officiel  établissant  que  l'église  impose  aux  nouveaux-nés  le  nom  d'un 
saint.  Les  réponses  à  cette  question  auraient  un  véritable  intérêt, 
c'est  même  une  des  raisons  qui  l'ont  fait  maintenir  au  programme  du 
congrès. 

M.  l'abbé  Duffaut,  curé-doyen  de  Montgiscard,  a  donné  lecture 
d'un  mémoire  sur  les  prénoms  usités  dans  la  localité  de  Montgiscard 
en  1245  et  de  1588  à  1792,  et  il  dégage  successivement  de  son  travail 
les  conclusions  suivantes  : 

1»  Au  treizième  siècle,  les  prénoms  d'origine  médiévale  possèdent 
les  trois  quarts  des  attributions  ; 

2°  A  cette  époque  les  variétés  de  prénoms  sont  beaucoup  plus 
nombreuses  pour  les  femmes  que  pour  les  hommes  ; 

3^  II  est  six  prénoms  d'homme  qui  jouissent  alors  d'une  grande 
vogue  :  Arnaud,  Bernard,  Pierre,  Raymond,  Guillaume  et  Pons, 
surtout  les  cinq  premiers  ; 

4?  Dans  les  temps  modernes,  l'usage  a  été  à  Montgiscard  de  ne 
donner  en  général  aux  enfants  qu'un  seul  prénom.  L'usage  de  multi- 
plier les  prénoms  s'est  graduellement  accru,  surtout  dans  la  seconde 
moitié  du  treizième  siècle  ; 

5^  Pour  les  garçons,  la  variété  des  prénoms  a  été  plus  grande 
dans  les  temps  modernes  qu'au  treizième  siècle.  Pour  les  filles,  cette 
variété  est  plus  grande  au  treizième  siècle  ; 

6^  Du  treizième  à  la  fin  du  seizième  siècle,  une  sorte  de  révolution 
s'est  accomplie  dans  la  vogue  des  prénoms  tant  des  filles  que  des 
garçons.  L'origine  médiévale  ne  possède  plus  dans  les  temps  moder- 
nes qu'un  quart  des  attributions  ;  l'origme  romaine  en  possède  les 
trois  quarts.  C'est  exactement  l'inverse  de  ce  qui  existait  au  treizième 
siècle  ; 

7°  Au  moment  de  la  conquête,  les, Francs  remplissent  la  Gaule  de 
la  multitude  de  leurs  noms  ou  prénoms  profanes.  Quelques-uns 
illustrés  par  des  saints  se  sont  maintenus  en  vogue  ;  les  autres  ont 
été  insensiblement  délaissés  par  suite  du  désir  de  l'Eglise  qu'on 
n'impose  aux  enfants,  autant  que  possible,  que  des  noms  de  saints  ; 

8»  Deux  causes  générales  ont  fait  prévaloir  les  prénoms  de  l'anti- 
quité sur  ceux  que  le  moyen  âge  avait  glorifiés  :  les  croisades  et  la 
Renaissance  ; 


ISS  CHRONIQUE 

9*  Jeaa  est  le  prénom  masculin  qui  a  en  le  plos  de  vogue  dans  le 
midi  de  la  France,  aux  temps  modernes,  tandis  qu*il  était  presque  dé- 
laissé an  treizième  siècle.  Après  lui,  les  prénoms  Pierre,  Joseph, 
François,  Antoine  et  Jacques  ont  été  les  plus  répandus.  Les  prénoms 
Marie,  Jeanne,  Anne,  Françoise,  Marguerite,  Catherine,  Elisabeth  et 
Antoinette,  sont,  du  côté  des  filles,  les  plus  populaires  ; 

10(>  La  cause  qui  a  le  plus  efficacement  agi,    du   moins   dans  le 

fiajs  toulousain,  pour  la  vogue  et  la  transmission  des  prénoms,  c'est 
'usage  constant  d'imposer  au  garçon  les  prénoms  du  parrain  et  à 
la  fille,  celui  de  la  marraine  ; 

11*  Aux  seizième  et  dix-septième  siècles,  le  peuple  ne  donne  qu*un 
seul  prénom  aux  enfants.  C  est  dans  les  familles  nobles  qu'on  rencon- 
tre les  premiers  prénoms  multiples  ; 

12*  Le  patron  de  la  localité  ou  de  l'église  paroissiale,  dont  la  fête 
à  la  fois  religieuse  et  profane  a  été  toujours  et  partout  si  populaire, 
n*a  assuré  à  peu  près  aucune  vogue  à  son  nom  ; 

13*  De  même,  les  saints  du  diocèse  ou  du  pays  ont  très  peu  contri- 
bué, de  1588  à  1792,  à  la  vogue  de  leur  nom. 

M.  Henri  Trulié,  de  la  Société  pour  Tétude  des  langues  romanes, 
fait  une  communication  sur  Torigine  montpelliéraine  du  manuscrit  de 
Bâle  D.  II.  11.  Les  manuscrits  médicaux  d'origine  montpelliéraine 
disséminés  dans  les  diverses  bibliothèques  de  France  ou  de  l'étranger 
sont  fort  nombreux,  il  est  souvent  fait  mention  de  cette  origine  dans 
les  catalogues  de  manuscrits.  Mais  il  y  en  a  bien  d'autres  qui  pro- 
viennent aussi  de  Montpellier  et  dont  la  provenance  n*a  pas  été  dé- 
montrée. 

Le  manuscrit  de  l'Université  de  Bâle  D.  II.  11,  est  de  ce  nombre. 

Une  description  du  manuscrit  montre  quUl  y  a  une  dissemblance 
profonde  entre  ses  deux  parties. 

Le  seul  fait  d'une  rédaction  languedocienne  nous  autorise-t-il  à 
conclure  à  son  origine  montpelliéraine? 

M.  Teulié  signale  les  passages  où  il  est  question  de  Montpellier  et 
discute  leur  valeur. 

Il  croit  pouvoir  conclure  que  s'il  n'y  a  que  de  grandes  présomp- 
tions pour  que  la  partie  en  parchemin  de  D.  II.  11,  ait  été  composée 
à  Montpellier,  il  paraît  du  moins  certain  qu'au  quatorzième  siècle  le 
manuscrit  était  encore  à  Montpellier  et  qu'il  n'a  dû  en  sortir  qu'au 
quinzième  ou  au  commencement  du  seizième  siècle. 

M.  ViONAUX,  archiviste  de  la  ville  de  Toulouse,  lit  un  travail  en 
réponse  à  la  9®  question  du  programme  :  «  Rechercher  à  quelle 
époque,  selon  les  lieux,  les  idiomes  vulgaires  se  sont  substitués  au 
latin  dans  la  rédaction  des  actes  administratifs.  » 

Le  21  décembre  1352,  le  roi  Jean  décida,  sur  les  plaintes  reçues 
de  Toulouse  dont  beaucoup  d'habitants  et  même  d'officiers  muni- 
cipaux ne  pouvaient  connaître  les  ordonnances  royales  ni  celles 
du  sénéchal,  et  des  capitouls,  que  ces  ordonnances  seraient  traduites 
en  langue  maternelle  (in  lingua  materna),  que  lecture  en  serait  faite 
à  l'ouverture  de  chaque  assise  de  la  sénéchaussée,  qu'il  en  serait 
dressé  un  placard  mis  en  évidence  dans  le  consistoire  capitulaire. 

Ce  n'était  d'ailleurs  que  la  réglementation  d'un  usage  dont  la  pre- 
mière mention  est  faite  par  Guilhaume  Félicien,  le  plus  ancien  hia- 


CHRONIQUE  183 

torien  de  Tlnquisition ,  qui  rapporte  que  le  bourreau  précédant  les 
cadavres  des  hérétiques  condamnés,  après  leur  mort,  criait  à  chaque 
carrefour  :  «  Qui  aytal  fara,  ajtal  périra.  »  Les  inquisiteurs  inter- 
rogeaient en  roman  et  faisaient  proclamer,  dans  la  même  langue,  les 
fautes  de  ceux  qu'ils  avaient  condamnés. 

Cependant  le  latin  resta  la  langue  officielle.  Les  registres  des  déli- 
bérations, les  lettres  de  provision  signées  par  les  officiers  munici- 
{)aux,  les  livres  des  notaires  créés  par  les  capitouls  sont  écrits  en 
atin,  sauf  la  formule  du  serment,  écrite  en  roman  en  exécution  du 
mandement  du  roi  Jean. 

Les  livres  de  maîtrise  écrits  par  des  notaires  sont  en  latin,  avec 
quelques  listes  en  roman  écrites  pai*  les  baïles.  Ces  derniers  pré- 
paraient les  règlements  et  les  rédigeaient  en  roman  pendant  une  partie 
des  quinzième  et  seizième  siècles.  Les  capitouls  leur  donnaient  force 
de  loi  et  leur  sanction  était  constatée  par  un  protocole,  toujours  ré- 
digé en  latin. 

Les  comptes  émanés  des  trésoriers  simples  marchands  ou  chan- 
geurs nommés  pour  un  an,  sont  rédigés  en  roman,  mais  cela  ne  peut 
infirmer  en  rien  les  conclusions  du  travail  qui  constate  que  le  latin 
resta  la  langue  officielle  et  ne  fut  remplacé  que  par  le  français,  anté- 
rieurement d'ailleurs  à  l'édit  de  Villers-Cotterets. 

Cette  persistance  du  latin  peut  être  attribuée  à  Pinfiuence  du  droit 
écrit  et  surtout  de  l'Université  fondée  au  lendemain  de  la  guerre  des 
Albigeois. 

Le  Parlement,  dont  les  registres,  dès  1444,  sont  écrits  en  français, 
substitua  cette  langue  à  la  langue  maternelle. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures. 


Séance  du  mercredi,  5  avril,  matin. 

Présidence  de  M.  Omont;  assesseurs:  MM.  Dumas,  Plassard, 
AsTiER,  Axel  Wallknskôld  et  Henri  Teulié. 

M.  Alphonse  Blanc,  membre  de  la  Société  pour  l'étude  des  langues 
romanes,  fait  une  communication  sur  le  rappel  du  duc  d'Anjou  et 
l'ordonnance  du  25  avril  1380:  il  montre  que  la  province  de  Lan- 
guedoc envoya  à  Paris  une  ambassade  en  janvier  1380*.  que  cette 
ambassade  resta  à  Paris  jusqu'en  mai.  Le  pouvoir  royal  traita  avec 
cette  députation  comme  avec  une  véritable  assemblée  d'Etats  ;  ceux 
qui  Pavaient  déléguée  l'ont  aussi  considérée  comme  telle.  Cette  dé- 
putation a  obtenu  le  rappel  du  duc  d'Anjou,  des  réductions  d'impôts 
considérables  et  la  reconnaissance  de  droits  importants  tant  pour  la 
perception  des  impôts  que  pour  le  contrôle  des  finances  publiques. 

Pour  répondre  en  partie  à  la  première  question  du  programme 
d'histoire  et  de  philologie,  M.  l'abbé  Esparbks  montre  d'abord  com- 
ment l'ordonnance  de  Charles  IX,  du  l*'  janvier  1563  (1564),  fut  re- 
nouvelée au  château  de  Roussillon,  le  9  août  1564,  et  enfin  exécutée, 
par  le  Parlement  de  Toulouse,  le  10  janvier  1564  (1565).  Quelques 
jours  après  cette  date  l'uniformité  fut  établie,  et  toutes  les  chancel- 
leries de  Toulouse,  parlement,  maison  commune,  chapitres,  notaires, 
etc.,  firent  commencer  Tannée  le  premier  jour  de  janvier. 


IS4  CHROXIQUE 

Les  systèmes  soirisà  Tooloose  de  1400  à  1565  étaient  divers.  L*an- 
née  commençait  : 

1*  Le  25  décembre,  comme  on  le  Toit  dans  plosienrs  registres  du 
chapitre  de  Saine- Etienne  ; 

2*  Le  25  mars,  c'était  l'asage  suivi  à  la  maison  commune  (voir 
registres  des  délibérations,  des  conseils,  de  la  ronde  da  gaet,  etc., 
etc.,  un  très  grand  nombre  de  notaires); 

3*  Le  jour  de  Pâques,  c'était  Tusage  suivi  au  parlement  depuis 
son  institution.  C'euit  aussi  Tusage  observé  par  la  chancellerie 
royale.  —    Pas  d*exemple3  chez  les  notaires. 

4<*  Le  premier  j Dur  d'avril.  Le  registre  1 18  du  fonds  de  Saint-Etienne 
aux  archives  départementales,  n^us  présente  la  particularité  sui> 
vante  :  au  foîio  92  nous  trouvons  un  acte  du  31  mars  14(^.  L*acte 
suivant  porte  ia  date  du  l**"  avril  i4*)6.  Nous  trouvons  d'autres  exem- 
ples aussi  concluants,  non  seulement  dans  ce  même  registre,  mais 
des  notaires,  comme  Louis  du  Bovs,  Clavelli.  Mandinelli,  etc. 

De  1400  à  1450,  on  peut  citer  quinze  notaires  qui  commencent 
l'année  le  l*'  avril;  de  1450  à  150«\  nous  en  trouvons  d>uze  ;  de  1500 
à  1520,  il  n'y  en  a  plus  que  quatre  ;  en  1555  un  seul. 

Quant  à  l'usage  du  25  mars,  n^us  l'avons  trouvé  de  1500  à  1565 
chez  plus  de  trente  notaires,  tandis  que  nous  n'en  trouvons  que  six 
de  1400  à  1500. 

D'après  cela,  on  pourrait  dire  que  la  date  du  l«^  avril  pour  le  chan- 
gement d'année  a  été  en  faveur  au  quinzième  siècle,  et  celle  du  25 
mars  au  seizième. 

M.  Tabbé  Dubois,  membre  de  la  Société  des  sciences,  lettres  et 
arts  d'A<;en,  présente  le  texte  des  coutumes  de  Galapian.  La  localité 
jadis  gratifiée  de  ces  coutumes  est  située  dans  Lot-et-Garonne,  can- 
ton de  Port-Sainte-Marie.  Elle  avait  pour  seigneurs  :  l*  aux  treizième 
et  quatorzième  siècles,  les  seigneurs  de  la  puissante  famille  de  Ro- 
vinha  lou  Rovinhan);  2<>  au  quinzième  siècle,  Pothon  de  Xaintrailles 
et  les  Stuei  de  Caussade.  Enfin,  cette  seigneurie  entra  dans  la  famille 
de  Lusignan  et,  par  ceux-ci,  le  texte  de  nos  coutumes  fut  transporté 
aux  archivps  de  Xaintrailles,  où  il  se  trouve  aujourd'hui.  L'original 
en  est  perdu,  mais  une  copie  authentique,  du  24  août  1487,  nous 
donne  la  date  de  concession,  13  février  1287  ^8;.  Cette  copie  qui  nous 
reste  est  en  français,  mais  quelques  formes  romanes  montrent  que  le 
texte  primitif  était  dans  la  langue  du  pays  en  usage  au  treizième 
siècle. 

Ce  qui  fait  Tintérêt  de  ce  texte,  c'est  la  parenté  qu'il  a  avec  deux 
autres  coutumes  de  la  même  époque,  reproduites  dans  la  Revue  du 
droit  historique  français  :  celles  de  Clermont- Dessus  (Lot-et-Ga- 
ronne), données  en  1262,  et  celles  de  Laroque-Timbant  (Lot-et  Ga- 
ronne), accordées  en  1270.  M.  Rébouis  a  publié  ce  premier  texte  et 
M.  Mouillé  a  cité  le  deuxième  avec  de  nombreuses  notes.  Les  trois 
textes  ont  été  rédigés  par  un  même  notaire  agenais,  Pons  Ménard. 
L'influence  du  rédacteur  est  facile  à  constater  et  le  rapprochement 
des  trois  coutumes  ne  peut  que  contribuer  à  éclaircir  chacune  d'elles. 

M.  Galabbrt,  de  la  Société  archéologique  de  Tarn-et-Garonne. 
Les  coutumes  de  Galembrun  (14  mai  1290).  —  Le  village  de  Ga- 
lembrun,  à  la  limite  des  grands  bois,   en  la  commune  de  Launac,  est 


CHRONIQUE  185 

resté  une  section  de  cette  commune  ;  il  n'a  point  prospéré  parce  que, 
dans  un  péiimôtre  de  3  lieues,  il  fut  accordé  huit  chartes  de  liberté 
plus  complètes.  Les  articles  de  nos  coutumes  offrent  des  ressem- 
blances considérables,  moins  dans  la  forme  que  pour  le  fond. 

Du  reste,  ce   sont  les  mêmes  barons  de  Launac  qui  ont  accordé  la 

flupai't  de  ces  coutumes;  aussi  ont-ils  accordé  à  tous  leurs  vassaux 
exemption  des  droits  de  leude  dans  la  châtellenie. 
En  somme,  la  charte  de  Galembrun  paraît  être  la  charte  de  bons 
paysans  que  ne  préoccupaient  guère  les  questions  débattues  ailleurs 
entre  seigneurs  et  paysans,  pas  môme   celles  qui  avaient   été  agi- 
tées trois  ans  auparavant  avec  les  habitants  du  chef-lieu   communal. 

M.  Tabbé  Taillefbr,  de  la  Société  archéologique  de  Tarn-et-Ga- 
ronne,  fait  une  communication  intitulée  Complément  des  coutumes 
de  Sauveterre,  —  11  existe  aux  archives  du  château  de  Lauture,  dit 
M.  Taillefer,  un  vidimus  d*accord  entre  les  chevaliers  et  les  consuls 
du  lieu  de  Sauveterre  en  Quercy.  Cet  acte  qui  n'est  qu'une  copie  de 
Toriginal  dressé  à  Cahors  le  l**"  avril  1407,  par  permission  de  Gui- 
chard  d'Ulphe,  sénéchal  de  Quercy,  peut  être  considéré  comme  un 
complément  des  coutumes  locales. 

Cet  accord  est  en  date  du  mois  de  novembre  1289.  Il  y  avait  alors 

f procès,  entre  les  consuls  de  Sauveterre  et  les  nobles  chevaliers  dudit 
ieu,  au  sujet  du  payement  de  la  taille  et  autres  contributions.  Le 
seigneur,  Bertrand  de  Gourdon,  chargé  de  terminer  le  différent,  étant 
mort  avant  d'avoir  prononcé  la  sentence,  les  parties  en  vinrent  à  un 
accord. 

Lors  de  sa  fondation,  Sauveterre  avait  eu  sa  charte  de  coutumes . 
Mais  là,  comme  ailleurs,  tout  ne  fut  pas  prévu.  De  là  les  réclamations 
des  intéressés  pour  le  remaniement  de  certains  articles  concernant 
plus  particulièrement  les  impositions  ordinaires  qui  dépendaient  de 
l'administration  consulaire. 

D'une  manière  générale,  il  fut  décidé  que  lesdits  seigneurs  ne  paye- 
raient jamais  ni  tailles  ni  contributions  pour  les  biens  qu'ils  possé- 
daient dans  la  juridiction  de  Sauveterre.  Mais  pour  ceux  qu'ils  pou- 
vaient acquérir  à  Tavenir,  à  moins  qu'il  ne  s'agit  de  cens,  rentes, 
acaptes  ou  droits  seigneuriaux,  ils  seraient  tenus  de  contribuer  après 
estimation  des  consuls  ;  comme  aussi  ils  restaient,  avec  tous  les  au- 
tres habitants,  soumis  au  texte  des  coutumes  pour  les  amendes  et  ré- 
parations des  dommages  cachés.  Ils  étaient  même  dispensés  de  la 
contribution  en  cas  de  guerre,  par  la  raison  sans  doute  qu'en  leur 
qualité  de  chevaliers  ils  contribuaient  alors  de  leurs  personnes. 

Parmi  les  autres  contiibutions  énumérées  dans  l'acte,  il  en  est  une 
qu'il  faut  noter  particulièrement.  Il  s'agit  de  l'épierrement  des  che- 
mins, peradas,  qui  paraît  ainsi  avoir  été  une  des  corvées  du  Quercy 
au  treizième  siècle. 

Les  coutumes  de  Castelnau  de  Montratier  (août  1291),  article  38, 
et  celles  de  Gramat  (février  1324),  article  16,  établissent  pour  les  con- 
suls le  droit  de  faire  contribuer  les  habitants  à  la  réparation  des 
ponts  et  chemins,  mais  ne  mentionnent  point  d'une  façon  spéciale 
l'épierrement  susdit.  En  le  notant,  nous  aurons  ainsi  fourni  un  détail 
important  à  ceux  qui  s'occupent  des  coutumes  du  Quercy  au  moyen 
âge. 

M.  L.  CoNSTANS,  professeur  à  la  faculté  des  lettres  d'Aix,  membre 

13 


186  CHRONIQUE 

de  la  Société  pour  Tétude  des  langues  romanes,  fait  observer,  à  pro- 
pos de  rhypothèse  que  le  mot  perada  pourrait  être  une  altération  de 
pesaday  que  le  rhotacisme  (c'est-à-dire  le  changement  de  «  en  r  entre 
deux  voyelles),  phénomène  très  répandu  en  Languedoc  eten  Provence 
ne  semble  pas  avoir  été  connu  dans  le  Quercy  et  dans  le  Rouergue, 
non  plus  que  dans  les  autres  régions  du  plateau  central.  D'ailleurs 
Tétymologie  empêche  de  comprendre  le  mot  pesada  parmi  ceux  qui 
sont  soumis  au  rhotacisme. 

M.  ViGiÉ,  membre  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier 
et  doven  de  la  faculté  de  droit  de  Montpellier,  membre  de  la  Société 
pour  l'étude  des  langues  romanes,  présente  le  texte  des  coutumes 
inédites  de  Belvès  (Dordogne). 

Belvès  est  une  localité  peu  importante  du  département  de  la  Dor- 
dogne, dont  elle  est  un  canton;  au  moyen  âge,  à  partir  du  treizième 
siècle,  cette  localité  devint  une  seigneurie  des  archevêques  de  Bor- 
deaux ;  elle  obtint  des  privilèges  importants  de  ses  seigneurs,  privi- 
lèges qui  sont  rapportés  dans  les  transactions  faites  entre  la  commu- 
nauté des  habitants  et  manants  de  Belvès  et  les  archevêques.  Ceux-ci 
devaient,  en  prenant  possession  de  la  seigneurie,  promettre  de  main- 
tenir les  coutumes  de  Belvès. 

Le  texte  de  ces  coutumes  était  resté  inédit  jusqu'à  ces  derniers 
temps  ;  il  est  contenu  dans  un  cahier  de  parchemin  appartenant  aux 
archives  de  la  Gironde  (Sect.  G,  n®  178.) 

La  date  à  laquelle  il  faut  rattacher  ces  coutumes  ne  peut  pas  être 
déterminée  exactement  :  leur  caractère,  la  comparaison  avec  des  docu- 
ments analogues,  permettent  d'affirmer  qne  ces  coutumes  sont  du 
treizième  siècle,  comme  les  textes  de  la  même  famille.  Ces  coutumes 
fixent  les  privilèges  des  habitants  du  consulat  de  Belvès,  les  restric- 
tions apportées  par  elles  aux  pouvoirs  illimités  des  seigneurs  ;  elles 
contiennent  des  règles  intéressant  le  droit  civil,  le  droit  pénal,  le  droit 
public  du  treizième  siècle.  Le  rédacteur  a  aussi  ûj.é  avec  soin  les 
droits  perçus  par  les  seigneurs  à  ^occasion  des  procès  et  de  la  pro- 
cédure. 

Sans  contenir  rien  de  nouveau,  ces  coutumes  augmentent  le  nom- 
bre des  documents  du  treizième  siècle,  au  moyen  desquels  on  pourra 
établir  les  véritables  caractères  du  droit  méridional  pendant  les  trei- 
zième et  quatorzième  siècles. 

M.  Jkanroy  communique,  au  nom  de  M.  V.  Mortet,  bibliothécaire 
de  l'université,  le  texte,  en  langue  vulgaire,  d'un  marché  passé  en 
1381  (18  avril)  entre  les  fabriciens  de  la  Dalbade  à  Toulouse  et  deux 
frères  maçons,  Arnaut  et  Raymond  Capitelh,  pour  la  reconstruction 
du  campanile  de  l'église.  M.  Mortet  complète  ou  rectifie  Panalyse 
sommaire  que  M.  Tabbé  Jullien  avait  donné  de  ce  texte  ;  il  recons- 
titue, grâce  à  lui,  les  dimensions  et  la  forme  du  clocher  de  la  Dalbade, 
qu'il  compare  à  diverses  autres  constructions  de  même  nature  élevées 
dans  la  même  région  à  la  fin  du  quatorzième  siècle  ;  il  commente 
enfin  quelques  termes  techniques  rares  ou  curieux  dont  il  réussit  à 
donner  le  sens  exact. 

Séance  du  mercredi,  5  avrils  après-midi. 

Présidence  de  M.  Pbrroud  ;  assesseurs  :  MM.  Séris,  Richard, 
Adher,  abbé  Ricauo. 


CHRONIQUE  187 

M.  Louis  Yrronb,  président  honoraire  de  VEscolo  moundino^  donne 
lecture  d'une  communication  sur  Théroïne  languedocienne  Françoise 
de  Céselly,  dont  il  s'est  attaché  à  faire  revivre  la  physionomie,  d'ail- 
leurs peu  connue.  C'est  à  peine  si  lés  historiens,  notamment  Jacques 
Gâches,  Pierre  Le  Moyne,  d'Aigrefeuille,  les  bénédictins  et  le  pasteur 
Corbière  en  ont  fait  mention,  ignorant  les  dates  et  rapportant  inexac- 
tement les  faits.  L'étude  d'une  série  de  documents  inédits  qu*il  a  ré- 
cemment découverts,  en  révélant  de  nouveaux  détails,  lui  permet  d'é- 
tablir :  1<*  que  c*est  en  1589  et  non  en  1590  que  son  mari  prisonnier 
ayant  été  assassiné,  à  Narbonne,  par  les  ligueurs,  elle  fut  appelée  à 
le  suppléer  d'abord,  à  lui  succéder  ensuite  dans  le  gouvernement  de 
Leucate  ;  2^  que  le  gouverneur  de  Leucate.  improprement  appelé 
Barri  ou  du  Barry,  ou  de  Barri  de  Saint-Aunès  appartenait  à  la  fa- 
mille Bourcier,  était  Jean  de  Bourcier,  deuxième  du  nom,  seigneur 
de  Pontaut  et  de  Barre  ;  il  avait  épousé,  le  4  avril  1577,  Françoise  de 
Céselly,  fille  du  président  de  la  cour  des  comptes  de  Montpellier  ;  3° 
que  la  famille  Céselly  était  alliée  dès  1476  avec  la  famille  de  la  Croix 
de  Castries,  par  le  mariage  de  Françoise  de  Céselly,  arrière  grand' 
tante  de  Théroïne,  avec  Guillaume  de  la  Croix,  de  Castries,  gouver- 
neur de  Montpellier  ;  4°  que  l'héroïne  était  la  cousine  germaine  du 
premier  président  Durant!,  assassiné  à  Toulouse  pendant  les  troubles 
de  la  Ligue  ;5o  que  les  armes  de  Céselly  étaient  des  armes  parlantes: 
un  pied  de  Séselli  meublait  leur  écu  ;  b*  que  Françoise  de  Céselly 
—  son  testament  en  fait  foi  —  appartenait  au  culte  catholique  ;  7» 
qu'elle  mourut  à  Montpellier  le  14  octobre  1615  et  fut  inhumée,  sui- 
vant sa  volonté,  dans  la  chapelle  Sainte-Anne,  fondée  par  elle,  en 
Téglise  Saint-Paul  de  Narbonne. 


Séance  du  jeudi  6  avril,  matin. 

Présidence  de  M.  Sbrvois;  assesseurs  :  MM.  Vigie,  Pasquibr, 

Brutails. 

M.  Brutails,  archiviste  de  la  Gironde,  cite  une  note  qu'ont  signée 
avec  lui  MM.  Dezeimeris,  Barckhausen,  Jullian  et  l'abbé  Allain,  et 
qui  conclut  aiu  double  vœu  suivant  : 

1®  Que  les  sociétés  d'archives  historiques  s'occupent  de  mettre  en 
œuvre  les  grandes  collections  de  l'étranger  qui  renferment  des  titres 
de  premier  ordre  pour  notre  histoire,  et  que  les  Sociétés  du  Sud- 
Ouest  notamment,  s'associent  en  vue  de  faire  effectuer  des  recher- 
ches méthodiques  au  Record  Office  ; 

2®  Que  les  autorités  ecclésiastiques,  au  lieu  de  faire  procéder  à  des 
travaux  isolés  et  sans  cohésion  dans  les  archives  du  Vatican,  élabo- 
rent un  programme  commun  pour  la  publication  d'un  corpus  de 
bullaires  homogènes. 

M.  ViLLKPELET,  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Péri- 
gord,  donne  communication  d'une  petite  charte  d'un  réel  intérêt 
typographique,  comme  spécimen  d'une  impression  exécutée  dans  un 
atelier  espagnol  peu  connu  en  France.  Suivant  le  témoignage  de 
M.  Conrad  Haebler,  bibliothécaire  de  la  bibliothèque  royale  de 
Dresde,  à  l'examen  de  qui  elle  a  été  soumise,  elle  daterait  de  1485  et 


18«  CHRONIQUE 

sortirait  de  Tatelier  d'Antonio  de  Centenera,  imprimeur  à  Zamora. 
C'est  une  lettre  d'indulgence  accordée  par  Tévéque  Alonzo  de  Païen- 
suela  en  faveur  de  sa  cathédrale,  San  Salvador  d'Oviedo.  Après 
une  longue  énumération  des  nombreuses  reliques  conservées  en 
cette  église,  Tévêque  indique  dans  quelles  épreuves  les  indulgences 
peuvent  être  invoquées  et  à  quelles  conditions  elles  sont  obtenues. 

M.  Villepelet  présume  que  ce  billet  d'indulgence  a  été  ou  adressé 
directement  à  l'abbaye  de  Brantôme  (Dordogne),  dont  les  revenus 
n'étaient  cependant  pas  fort  élevés,  ou  rapporté  par  le  spirituel 
chroniqueur  Pierre  de  Bourdeille,  abbé  de  Brantôme,  lui-même,  lors 
de  son  voyage  en  Espagne  et  en  Portugal  (1564-1565).  Dans  Tune 
et  l'autre  hypothèse,  la  charte  avait  le  même  objet  :  procurer  des 
ressources  aux  grands  travaux  de  construction,  de  restauration,  qui  se 
faisaient  à  l'immense  édifice  de  San  Salvador  d'Oviedo,  au  quin- 
zième et  seizième  siècles. 


Séance  du  jeudi  6  avril,  après-midi. 

Présidence   de   M.    Paul   Mrtkr;    assesseurs   :   MM.  Laurent, 

Macary,  Labande. 

M.  Bourdbau,  de  la  Société  archéologique  de  Montauban,  pré- 
sente un  rapport  sur  les  archives  de  l'ancienne  généralité  de  Mon- 
tauban.  Ces  archives  se  trouvent  actuellement  à  Cahors,  chef-lieu 
du  département  du  Lot,  dont  Montauban  ne  fut,  pendant  quelques 
années,  qu'une  simple  sous-préfecture.  Il  y  aurait  un  grand  intérêt  à 
réunir  au  chef-lieu  de  l'ancienne  généralité  les  archives  qui  se  trou- 
vent encore  à  Cahors. 

Quelques  documents  sont  aussi  épars  à  Bordeaux,  Auch,  Tou- 
louse et  à  la  Bibliothèque  nationale.  Les  conclusions  du  rapport 
tendent  à  la  réunion  de  ces  pièces  dans  les  archives  départementales 
de  Tarn-et- Garonne,  où  elles  auraient  beaucoup  plus  de  chances 
d'être  étudiées. 

M.  le  De  Graciette.  bibliothécaire  universitaire  à  Toulouse,  fait 
connaître  au  Congrès  une  Société  littéraire  oubliée  de  la  fin  du  dix- 
huitième  siècle  : 

«  Le  Musée  de  Toulouse  : 

»  Assemblée  publique  du  samedi  29  juillet  1786  : 

»  La  séance  commencera  par  une  symphonie  de  la  composition  de 
M...,  muséen. 

»  M.  de  Puymaurin ,  syndic  général  de  la  province,  président  du 
»  Musée,  lira  des  réflexions  v  sur  l'application  de  la  philosophie  à 
»  l'administration.  » 

»  On  lira  des  fragments  d'un  discours  en  vers  sur  les  protecteurs 
des  arts,  par  M.  Grignon,  du  Musée  de  Paris,  correspondant  de  celui 
de  Toulouse,  et  une  description  de  la  grotte  de  Marcillac,  en  Quercy, 
par  M.  Bordes-Bailot,  avocat,  muséen  ». 

«  Ces  lectures  seront  suivies  de  la  «  romance  de  Marie-Stuart  », 
chantée  par  M.  l'abbé  Prax,  muséen. 

«  On  lira  ensuite  l'extrait  d'un  discours  de  M.  Jouvent,  muséen, 
sur  «  l'Amitié»  et  la  traduction  d'un  morceau  du  Dante,  par  M.  Flo- 
ret,  avocat,  muséen. 


CHRONIQUE  1S9 

«  M.  Tabbé  Caire,  muséen,  chantera  une  scène  traduite  de  Topera 
de  Bérénice^  musique  del  signor  Troëtti. 

a  M.  de  Lavedan,  secrétaire  perpétuel  du  Musée,  lira  une  épître 
adressée  à  un  ami. 

«  Et  M.  labbé  Carré  {sic)^  professeur  d'éloquence,  muséen,  des 
vers  «  sur  la  mort  du  prince  de  Brunswick  ». 

ti  La  séance  sera  terminée  par  un  poème  lyrique,  intitulé  :  «  Ray- 
mond VI  ».  paroles  de  M.  Castilhon,  vice* président  du  Musée,  mu- 
sique de  M.  Âzaïs,,muséen.  » 

M.  Labande  présente  un  inventaire  des  livres  de  l^Université  d'A- 
vignon (commencement  du  seizième  siècle).  Cette  bibliothèque, 
fondée  par  le  cardinal  de  Saluces  et  installée  dans  le  clocher  de 
Téglise  de  St- Martial,  ne  resta  pas  longtemps  dans  son  intégrité, 
malgré  tous  les  règlements  des  docteurs  de  T Université. 

L'inventaire  en  question  indique  dans  quelle  décadence  elle  était 
tombée  un  siècle  après  sa  création. 

M.  Degap,  de  la  Société  de  Comminges,  présente  au  congrès  une 
nomenclature  des  chartes  de  coutumes  communales  du  département 
de  la  Haute- Garonne. 

L'auteur  dit  quelques  mots,  à  titre  d'avant-propos,  sur  l'origine, 
la  date,  l'objet,  les  éléments,  la  rédaction,  les  confirmations  et  la 
déchéance  des  coutumes  dans  le  département. 

Il  indique  Tutilité  de  cette  sorte  de  documents  au  triple  point  de 
vue  de  l'histoire  des  institutions  communales  dans  le  Midi,  de  l'his- 
toire du  droit  et  de  Thistoire  locale. 

L'énumération  des  coutumes  est  faite  par  ordre  alphabétique  de 
localités,  elle  comprend  154  coutumes  dont  78  remontent  au  treizième 
siècle,  28  au  quatorzième,  et  26  au  quinzième  et  seizième  ;  22  sont 
sans  date  connue. 

Séance  du  vendredi,  7  avril,  matin. 
Présidence  de  M.  Baguenault  de   Puchbsse  ;  assesseurs   :  MM. 

ViLLEPELBT,   GaKNAULT,   RuMEAU,    MoREL. 

Séance  du  vendredi,  7  avril,  après-midi. 

Présidence  de  M.  Roschach  ;  assesseurs  :  MM.  Vigie,  Vidal,  de 
Castbran,  Aukiol. 

Résistance  à  la  domination  anglaise  dans  le  Quercy  à  la  fin  de 
la  guerre  de  Cent  ans.  Episodes  racontés  d'après  un  document  de 
la  chancellerie  de  Louis  XI,  \idLV  M,  Pasquibr,  archiviste  de  la  Haute- 
Garonne.  —  Les  faits  dont  il  est  question  dans  ce  mémoire  ont  eu 
pour  théâtre  un  coin  reculé  du  Quercy,  près  de  Gramat,  sur  les  con- 
fins du  Périgordj  à  Lunegarde  et  à  Puicalvet  Ces  fiefs  appartenaient 
à  Guillaume  de  Gaulejac  et  à  son  fils  Raymond-Bernard.  Tous  deux, 
sans  se  laisser  décourager,  opposèrent  une  vive  résistance  aux  An- 
glais. Dans  une  seule  année,  Raymond-Bernard  fut  fait  prisonnier 
jusqu'à  cinq  fois  ;  pour  sortir  de  captivité,  où,  suivant  sa  déclaration 
u  il  avoit  esté  traict  piteusement»  il  avait  dû  payer  de  fortes  rançons. 

Le  château  de  Puicalvet  fut  presque  entièrement  démoli  ;  il  n'en 
restait  qu'une  tour  où  la  famille  fut  obligée  de  se  retirer.  La  tranquil- 


190  CHRONIQUE 

lité  publique  n'était  pas  assurée  ;  la  région  était  presque  inhabitée 
«  pour  cause  desdits  Anglois  qui  conversoient  souvent  le  dict  pays  de 
Quercy  et  y  faisoient  de  grans  courses  et  y  prenoient  prisonniers.  » 
Eur  soutenant  la  lutte  pour  la  cause  française,  la  famille  de  Gaule- 
jac  s'était  ruinée;  pour  se'procurer  des  ressources,  elle  avait  dû  arren- 
ter  la  terre  de  Lunegarde  moyennant  un  revenu  annuel  de  25  livres  ; 
auparavant,  elle  en  tirait  une  centaine.  Les  preneurs  ne  tinrent  aucune 
des  conditions,  notamment  ils  n'installèrent  pas  sur  le  sol,  pour  le 
mettre  en  culture,  quatre  familles  de  laboureurs.  . 

Raymond-Bernard  de  Gaulejac,  qui  redoutait  la  puissance  de  ses 
adversaires,  s'adressa  directement  au  roi  pour  lui  représenter  sa  situa- 
tion. Louis  XI,  par  mandement  signé  à  Orléans  en  1465,  et  résu- 
mant les  faits  exposés  dans  la  requête,  donna  ordre  au  sénéchal  de 
Quercy  d'annuler  le  contrat  et  de  faire  rendre  justice  au  suppliant. 

C'est  à  ce  document,  gracieusement  mis  à  notre  disposition  par  M. 
de  Gaulejac,  que  nous  avons  emprunté  les  éléments  de  ce  mémoire. 

Additions  et  corrections  à  l'histoire  du  Languedoc  (\3b9-\ 360) — 
M.  Auguste  Vidal,  de  la  Société  du  Tarn,  essaye  de  compléter  et  de 
corriger  l'histoire  du  Languedoc  pour  les  années  1359-1360  au  moyen 
des  comptes  consulaires  d'Albi.  Les  communes  se  réunirent  à  Car- 
cassonne  les  9-10  juillet  1359,  pour  ouïr  le  compte  rendu  du  voyage 
en  Angleterre  des  députés  des  Etats  envoyés  auprès  du  roi  Jean  le 
Bon,  prisonnier.  Dans  cette  réunion,  on  agite,  pour  la  première  fois,  la 
question  de  la  levée  d'un  subside  pour  la  guerre.  Nouveau  subside  de 
6  sous  9  deniers  par  feu  sur  la  sénéchaussée  de  Carcassonne,  en  vue 
du  projet  de  descente  en  Angleterre  du  roi  de  Danemark.  Les  comptes 
consulaires  d'Albi,  où  M.  Vidal  puise  ses  renseignements,  complètent 
heureusement  les  détails  révélés  par  Ménard  sur  ce  fait  historique 
peu  connu. 

Dom  Vaissette  ne  mentionne  pas  la  tenue  des  Etats  à  Grenade,  tes 
10-20  septembre  1359.  Les  députés  des  communes  faillirent  y  être  ar- 
rêtés par  Jean  de  Poitiers,  le  lieutenant  général,  parce  qu'ils  ne  vou- 
laient pas  s'incliner  devant  ses  volontés.  Les  Etats  n'ont  donc  pu  se 
réunir  à  Caicassonne  à  la  mi-septembre, ainsi  que  l'avance  VHistoire 
de  Languedoc, 

Mais  Terreur  capitale  commise  par  dom  Vaissette  porte  sur  la 
guerre  entre  le  comte  de  Poitiers  et  le  comte  de  Foix.  Les  hostilités 
sont  placées  en  1359  ;  il  faut  les  reporter  en  1360.  Les  comptes  con- 
sulaires permettent  de  suivre  pas  à  pas  la  marche  des  Anglais  et  des 
Béarnais  vers  Toulouse. 

Il  est  exact,  ainsi  que  le  dit  M .  Auguste  Molinier,  que  les  consuls 
d'Albi  furent  chargés  par  le  lieutenant  général  de  provoquer  l'inter- 
vention du  pape  ;  mais  c'est  en  mars  1360et  non  en  mars  1359. 

On  voit  donc  l'intérêt  qu'offrent  les  comptes  consulaires  au  point  de 
vue  historique. 

Séance  de  clôture,  8  avril,  après-midi. 

Discours  de  M.  Gaston  Paris  sur  le  Roman  du  comte  de  Toulouse, 

Le  moyen  âge  romantique  n'est  pas,  comme  on  l'a  quelquefois  dit 
par  réaction  contre  le  genre  «  troubadour  »,  une  invention  de  quelques 
rêveurs  naïfs,  épris,  sur  des  malentendus,    d'une  époque    qu'ils  ne 


CHRONIQUE  1 9 1 

conoaissaient  pas.  La  haute  société  française  de  Tâge  féodal  a  bien 
réellement  conçu  un  idéal  d'héroïsme,  de  générosité,  d'amour  pur  et 
de  ferveur  religieuse, et  cet  idéal  a  trouvé  dans  la  poésie  du  temps  son 
expression  plus  ou  moins  paifaite  QuMl  différât  beaucoup  de  la  réa- 
lité, c'est  ce  que  nous  prouve  Tétude  de  l'histoire  ;  mais  c'est  déjà 
pour  la  France  d'autrefois  un  honneur  de  Tavoir  conçu,  de  Tavoir 
aimé,  de  Tavoir  exprimé,  et  de  Tavoir  inculqué  aux  autres  nations. 
Si  Ton  doit  surtout  juger  une  société  par  ce  qu'elle  est,  il  faut  aussi 
lui  tenir  compte  de  ce  qu'elle  voudrait  être  :  la  poésie  quVlle  produit 
spontanément  est  un  élément  qu'on  ne  saurait  négliger  pour  l'appré- 
cier dans  ce  qu'elle  a  de  plus  intime,  puisque  la  poésie,  comme  l'a  dit 
un  poète  sincère  entre  tous,  n'est  après  tout  «  qu'un  rêve  où  la  vie  est 
plus  conforme  à  l'âme  ». 

Je  veux  vous  entretenir  aujourd'hui  d'une  histoire  qui  est,  surtout 
dans  ses  dernières  formes,  une  des  plus  nobles,  des  plus  touchantes 
et  des  plus  poétiques  que  nous  ait  laissées  le  moyen  âge,  une  de  cel- 
les où  cet  idéal  un  peu  factice  s'est  le  mieux  traduit.  On  pourrait 
presque  trouver  qu'elle  est  trop  «  moyen  âge  »  ;  on  la  croirait  au  pre- 
mier abord  inventée  par  quelque  romancier  moderne,  voyant  l'époque 
de  la  chevalerie  sous  un  jour  purement  conventionuel.  Rien  n'y  man- 
que des  ingrédients  ordinaires  :  ni  le  chevalier  sans  reproche  autant 
que  sans  peur,  ni  la  dame  injustement  persécutée,  ni  l'amour  chaste 
efc  discret,  ni  le  bon  moine,  ni  le  traître  à  Pâme  aussi  noire  que  celle 
de  sa  victime  est  immaculée.  Tout  cela  est  cependant  parfaitement 
authentique,  autant  du  moins  que  peut  l'être  un  roman.  C'est  un  roman, 
mais  c'est  un  roman  du  moyen  âge,  et  même,  dans  sa  première  forme» 
un  roman  du  haut  moyen  âge.  L'origine  semble  bien  en  être  toulou- 
saine ou  au  moins  méridionale,  et  c'est  à  cause  de  cela  que  je  l'ai 
choisi  pour  en  faire  l'objet  d'une  communication  au  congrès  qui  tient 
aujourd'hui  sa  dernière  séance  dans  la  vieille  et  glorieuse  capitale  de 
l'Aquitaine. 

Il  existe  toute  une  série  de  récits,  de  poèmes,  d'œuvres  dramati- 
ques et  de  romans  en  prose  qui,  sous  des  noms  et  dans  des  cadres 
divers,  nous  racontent  essentiellement  la  même  histoire.  D'habiles 
critiques  en  ont  reconnu  la  parenté  et  les  ont  divisés  en  groupes  dis- 
tincts. C'est  d'abord  le  groupe  catalan, —  récit  des  chroniqueurs  Ber- 
nât Desclot  (fin  du  treizième  siècle),  Carbonnel  (fin  du  quinzième  siè- 
cle), et  Beuter  (seizième  siècle),  auxquels  se  rattachent  une  romance 
espagnole  (quinzième  siècle)  et,  quoique  avec  l'immixtion  d'éléments 
étrangers,  la  source  inconnue  où  ont  puisé  deux  chroniques  éditées 
en  Provence  au  dix-septième  siècle,  celle  de  César  de  Notre-Dame  et 
la  Chronique  des  rois  d'Arles^  —  puis  un  poème  anglais  du  quator- 
zième siècle,  tiré  d'un  poème  français  perdu  ;  —  un  «  miracle  »  fran- 
çais du  quatorzième  siècle  ;  —  enfin,  un  groupe  de  quatre  versions 
intimement  apparentées  :  un  poème  danois  du  quinzième  siècle,  deux 
romans,  l'un  français  et  l'autre  allemand,  du  seizième  siècle,  et  une 
nouvelle  italienne  de  Bandello.  Laissant  de  côté  les  deux  chroniques 
provençales  et  le  miracle  français,  dont  les  rapports  avec  les  autres 
versions  sont  trop  vagues  ou  trop  compHqués,  je  résumerai  l'histoire 
dans  les  trois  formes,  de  plus  en  plus  riches,  où  elle  se  présente  à 
nous  d'après  le  groupe  catalan,  le  poème  anglais  et  le  troisième  groupe. 
Le  rapport  de  plus  ou  moins  grand  développement  qui  se  remarque 
entre  ces  trois  formes  correspond  à  leur  antiquité  relative  :  ce  sont 
trois  phases  successives  de  1  évolution  du  thème. 


192  CHRONIQUE 

Je  commence  parla  plus  simple  etla  plus  ancienne,  celle  du  groupe 
catalan.  Le  héros  du  roman,  —  disons  «  le  comte  »,  sans  essayer  encore 
de  lui  donner  un  nom  — entend  raconter  par  un  jongleur  le  péril  où  se 
trouve,  là  bas,  en  Allemagne,  l'impératrice  sa  suzeraine.  Deuxbaronsde 
la  courTontinjustementaccusée  d'adultère,  et  elle  sera  brûlée  si  à.  un 
terme  fixé,  il  ne  se  trouve  personne  pour  combattre  ses  accusateurs.  Le 
comte  part  secrètement  pour  Aix-la-Chapelle  et  ariive  au  moment  où 
l'exécution  vaavoir  lieu.  Revêtu  d'une  robe  de  moine  que  lui  a  procurée  un 
vrai  moine  dévoué  à  l'impératrice,  il  est  introduit  auprès  d'elle,  Tentend 
en  confession,  et,  sûr  dès  lors  de  son  innocence,  lui  révèle  son  nom 
et  son  dessein.  H  se  présente  en  armes  sur  le  lieu  du  supplice  et 
provoque  seul  les  deux  calomniateurs  ;  il  tue  le  premier,  sur  quoi 
l'autre  avoue  le  crime  qu'ils  ont  commis  «  par  haine  et  envie  »,  et 
implore  le  pardon  de  l'impératrice,  pardon  qu'elle  lui  accorde  géné- 
reusement. Elle  est  ramenée  en  triomphe  au  palais,  et  on  cherche 
partout  le  vainqueur,  mais  il  a  disparu.  Au  bout  d'un  certain  temps, 
l'impératrice  fait  connaître  le  nom  qu'il  lui  avait  été  interdit  de  révé- 
ler plus  tôt,  et  l'empereur  veut  qu'elle  aille  elle-même,  en  pompeux 
appareil,  trouver  son  libérateur  dans  le  lointain  comté  où  il  est  re- 
tourné. Elle  est  accueillie  par  le  comte  avec  magnificence,  et  le  ra- 
mène en  Allemagne,  où  l'empereur  le  remercie  à  son  tour  et  lui 
accorde  un  notable. 

On  le  voit,  dans  cette  histoire  il  n'y  a  pas  trace  d'amour  ;  la  géné- 
rosité, le  souci  de  la  justice,  le  dévouement  féodal  sont  les  seuls 
mobiles  qui  fassent  agir  le  héros.  On  ne  comprend  pas  bien  pourquoi 
il  cache  son  nom,  et  l'ayant  révélé  à  l'impératrice,  exige  qu'elle 
attende  un  certain  temps  pour  le  faire  connaître.  Aussi  a-t-on  conjec- 
turé que  le  couple  catalan  avait  ici  perdu  un  des  éléments  du  récit 
originaire,  élément  conservé  dans  le  poème  anglais,  qui  représente, 
comme  je  l'ai  dit,  un  poème  français  perdu,  sensiblement  plus  ancien. 

Ici,  en  effet,  le  comte,  au  moment  de  l'aventure,  est  en  guerre 
avec  Tempereur,  et  dès  lors  sa  conduite  est  naturelle.  11  craint,  s'il 
est  reconnu,  d'être  arrêté  ;  même  après  son  exploit,  il  n'est  pas  sûr 
que  la  reconnaissance  efface  chez  l'empereur  l'ancienne  inimitié,  et 
il  ne  veut  qu'on  sache  son  nom  que  quand  il  se  sera  mis  en  sûreté. 
Il  est  donc  probable  que  le  poème  anglais  a  conservé  ici  la  version 
primitive. 

D'ailleurs,  en  beaucoup  d'autres  traits  il  se  rapproche  du  groupe 
catalan  et,  par  conséquent,  de  l'original.  11  est  seul  avec  ce  groupe 
à  donner  à  l'héroïne  le  titre  d'impératrice,  à  faire  parvenir  fortuite- 
ment au  comte  la  nouvelle  du  péril  qu'elle  court,  à  attribuer  à  deux 
barons  ligués  contre  elle  la  calomnie  dont  elle  est  victime,  et  à  faire 
combattre  le  héros  contre  tous  deux,  l'un  étant  de  même  renversé  du 
premier  coup,  l'autre  implorant  (mais  ici  vainement)  sa  grâce.  Dans 
la  description  du  combat,  il  y  a  même  des  passages  où  l'accord 
entre  le  poèn^e  anglais  et  la  romance  castillane  est  littéral,  et  ne 
peut  s'expliquer  que  par  une  source  commune. 

Toutefois,  si  en  beaucoup  de  traits  le  poème  anglais  reproduit 
fidèlement  le  thème  prinnitif,  il  s'en  écarte  par  l'introduction  d'un 
élément  inconnu  à  ce  thème  et  qui  change,  à  vrai  dire,  tout  l'esprit 
du  récit,  mais  pour  lui  donner  un  charme  qui  lui  manquait.  L'impé- 
ratrice et  ie  comte  ne  sont  plus  des  inconnus  l'un  pour  l'autre;  ils 
se  sont  déjà  vus,  ils  se  sont  aimés,  ils  ont  échangé  des  aveux,  et  elle 


CHRONIQUE  193 

lui  a  fait  présent  d*un  anneau  ;  quand  le  prenant  pour  un  moine,  elle 
se  confesse  à  lui,  elle  ne  trouve  à  se  reprocher  que  cette  faute  com- 
mise pour  lui-même,  ce  qui  naturellement  le  remplit  de  tendresse  et 
d'émotion.  Au  reste  Tamour  n*a  pas  été  entre  eux  plu$«  loin  que 
l'expression  d'une  sympathie  mutuelle.  Le  poème  français  était 
sans  doute  sur  ce  point  plus  réservé  encore  que  ne  Test  Timita- 
tioQ  anglaise.  Dans  les  romans  de  Palanus  et  de  Galmi,  qui  en 
dérivent,  comme  le  poème  anglais,  il  n'existe  entre  les  deux  héros 
qu'un  amour  idéal  et  pur,  qui  porte  seulement  chacun  d'eux  à  se 
rendre  de  plus  en  plus  digne  de  l'honneur  que  lui  fait  l'autre  en 
l'aimant. 

Le  dénouement  de  Palanus  est  de  tous  le  plus  conforme  à  cette 
donnée  :  tandis  que  dans  les  autres  versions  du  troisième  groupe 
et  dans  le  poème  anglais  la  dame  finit,  son  mari  étant  mort,  par 
épouser  son  libérateur  ;  ici,  nos  deux  héros,  après  leur  terrible  aventure, 
restent  l'un  pour  l'autre  ce  qu'ils  étaient  auparavant  :  ils  éprouvent 
seulement,  elle,  de  la  reconnaissance  et  de  la  joie  d'avoir  si  bien 
placé  son  estime,  lui,  de  la  fierté  d'avoir  si  bien  répondu  à  la  con- 
fiance de  celle  qui  a  purifié  le  culte  qu'il  garde  pour  elle.  C'est  pnr 
de  tels  sentiments,  à  la  fois  exaltés  et  purs,  que  notre  récit  prend 
vraiment  une  place  à  part  entre  tant  de  récits  analogues  et  mérite 
d'être  regardé  comme  l'incarnation  du  plus  noble  idéal  chevale- 
resque. 

L  amour  entre  Timpératrice  et  le  comte  n'est  pas  le  seul  trait  que 
le  poème  français  inconnu  ait  ajouté  au  simple  récit  primitif.  La 
calomnie  contre  l'impératrice,  présentée  dans  celui-ci  sous  une 
forme  vague,  y  est  racontée  avec  des  circonstances  précises.  Et 
d*abord  le  motif  de  la  conduite  des  traîtres  est  différent  :  ils  n'agis- 
sent plus  par  «  haine  et  envie  »  ;  chargés,  pendant  une  absence  de 
l'empereur,  de  la  garde  de  leur  souveraine,  ils  conçoivent  pour  elle 
une  passion  d'autant  plus  odieuse  qu'ils  se  l'avouent  l'un  à  l'autre 
et  rêvent  de  l'assouvir  tous  deux,  et  c'est  quand  elle  les  a  repoussés 
avec  indignation,  qu'ils  jurent  de  la  perdre.  A  cet  effet  ils  réussis- 
sent à  introduire  dans  sa  chambre,  pendant  qu'elle  dort,  un  jouven- 
ceau qu'ils  ont  abusé  ;  puis  ils  font  irruption  avec  de  nombreux  té- 
moins, et,  comme  pris  d  indignation,  ils  mettent  &  mort  le  malheureux 
page  avant  qu^il  ait  pu  parler.  Au  retour  de  l'empereur,  ils  lui  racon- 
tent le  prétendu  crime  de  sa  femme,  qu'ils  ont  emprisonnée, et 
celui-ci  croit  à  une  évidence  qui  paraît  manifeste. 

Nous  retrouvons  les  deux  éléments  dont  se  compose  cet  épisode 
dans  des  traditions  qui  ressemblent  à  la  nôtre.  Dans  la  légende  si 
répandue  que  l'on  désigne  généralement  par  le  nom  de  Crescenlia, 
nous  voyons,  comme  ici,  un  personnage  chargé,  en  l'absence  de 
l'époux,  de  la  garde  de  sa  souveraine,  s'en  éprendre,  lui  faire  des 
propositions  qu'elle  repousse  et  s'en  venger  en  l'accusant  à  son  tour 
auprès  de  son  trop  crédule  mari.  Le  roman  français  du  Comte  de  Tou- 
louse a  sans  doute  puisé  à  cette  source  le  cadre  de  l'épisode  qu'il  a 
ajouté  au  thème  primitif.  Quant  au  stratagème,  à  la  fois  infâme  et 
naïf,  qui  constitue  la  forme  même  de  la  machination  employée  contre 
l'impératrice,  il  se  retrouve  dans  plus  d'une  de  nos  chansons  de 
geste,  —  ainsi  dans  la  Reine  Sebille  et  Dcon  de  la  Roche,  —  et 
c'est  là  sans  doute  que  l'a  prise  l'auteur  du  poème  français  perdu. 

De  ce  poème  dérivent,  nous  l'avons  vu,  parallèlement  au  poèinç 


194  CHRONIQUE 

anglais,  les  antres  versions  de  notre  récit;  mais  elles  n'en  dérivent 
pas  directement  :  il  faut  admettre  un  intermédiaire  par  lequel  s'expli- 
quent les  traits  communs  qu'elles  présentent  en  regard  du  groupe 
catalan  et  du  poème  anglais.  Le  plus  important  de  ces  traits  est 
qu'il  n  y  a  plus  qu'un  accusateur,  ce  qui  d'ailleurs  est  plus  naturel,  du 
moment  qu'un  amour  coupable  est  devenu  le  mobile  de  la  calomnie. 

Un  autre  est  tout  gracieux  et  romanesque.  Ce  n'est  point  le  hasard 
qui  apprend  au  héros  le  péril  où  se  trouve  sa  dame  :  c'est  elle-même 
qui  l'appelle  à  son  secours  par  un  message,  auquel  il  ne  fait  qu'une 
réponse  évasive,  ce  qui  enlève  à  l'infortunée  son  dernier  espoir.  Quand 
vêtu  en  moine,  il  l'a  confessée,  il  lui  demande  en  aumône  l'anneau 
qu'elle  porte  au  doigt,  seule  richesse  qu'elle  ait  conservée.  Après  le 
combat  il  disparait,  et  nul  ne  sait  qui  était  le  généreux  libérateur 
(tandis  que  dans  le  poème  anglais  il  s'était  fait  connaître,  non  plus 
à  l'impératrice  elle-même,  mais  à  l'abbé  qui  lui  avait  procuré  son 
déguisement).  Plus  tard  il  revient  à  la  cour,  et  celle  qui  jadis  l'avait 
si  doucement  traité  le  reçoit  avec  une  froideur  dont  elle  finit  par  lui 
dire  la  cause  :  il  accepte  ces  reproches  sans  protester,  mais  fait 
en  sorte  qu'elle  voie  à  son  doigt  l'anneau  qu'elle  a  donné  au  moine 
inconnu  qui  l'a  confessée  dans  la  prison.  Klle  le  reconnaît,  tombe  à 
ses  pieds  et  lui  demande  pardon.  Cette  scène  est  bien  dans  l'esprit 
qui  devenait  de  plus  en  plus  celui  de  la  légende  :  elle  fait  honneur  au 
remanieur  qui  l'a  conçue. 

Ce  remanieur  travaillait  évidemment  sur  le  poème  français,  qui 
est  aussi  la  source  du  poème  anglais  du  quatorzième  siècle.  Son  œuvre 
a  en  commun  avec  ce  poème  la  plupart  des  traits  qui  le  distinguent  du 
groupe  catalan,  donc  du  thème  primitif.  Le  remaniement  ne  doit  pas 
être  ancien,  car  aucun  de  ses  dérivés  n'est  antérieur  à  la  fin  du  quinzième 
siècle.  11  laissait  sans  doute  dans  le  vague  le  pays  et  le  rang  des 
personnages  :  dans  aucun  des  dérivés,  l'héroïne  n'est  impératrice  ; 
elle  est  reine  d'Angleterre  ou  de  Pologne,  duchesse  de  Bretagne  ou 
de  Savoie  ;  le  héros  est  un  comte  de  Lyon,  un  roi  de  Bohème,  un  che- 
valier breton  ou  un  seigneur  espagnol.  J'imagine  que  ce  remaniement 
était  écrit  en  latin,  et  qu'il  appelait  simplement  son  héros  cornes 
quidam  palatinus;  c'est  ainsi  que  je  m'explique  ce  singulier  nom  de 
Palanus  donné  par  le  roman  français  au  comte,  qu'il  fait  comte  de 
Lyon  simplement  parce  que  l'auteur  écrivait  dans  cette  ville. 

Telle  est,  sous  ses  formes  successives,  cette  belle  et  naïve  histoire, 
où  les  sentiments  les  plus  délicats  et  les  plus  élevés  de  la  chevalerie 
apparaissent  mêlés  aux  traits  les  plus  sombres  de  la  férocité  et  de  la 
justice  dérisoire  des  temps  barbares.  Peut-on  biendécouvrir  une  base 
historique  et  déterminer  l'époque  et  le  pays  où  elle  a  pris  naissance  ? 
Uu  savant  allemand,  M.  Gustave  Lûdtke,  l'a  essayé  dans  un  livre 
où  l'érudition  la  plus  exacte  est  mise  au  service  de  la  plus  pénétrante 
ingéniosité,  et,  bien  que  sa  démonstration  ne  puisse  pas  être  regar- 
dée comme  tibsolument  certaine,  elle  paraît  au  moins  très  plausible; 
elle  est  en  tous  cas  des  plus  attrayantes,  et  elle  offre  pour  les  Tou- 
lousains un  intérêt  tout  particulier. 

Les  versions  de  notre  récit  qui  dérivent  du  remaniement  du  poème 
fi  ançais  donnent  au  héros  et  à  l'héroïne,  on  vient  de  le  voir,  les 
noms  et  les  titres  les  plus  divers.  Mais  le  groupe  catalan  s'accorde 
avec  le  poème  anglais,  représentant  le  poème  français  antérieur,  pour 


CHRONIQUE  105 

faire  de  la  souveraine  injustement  persécutée  une  impératrice  ;  quant 
au  héros,  Taccord  du  groupe  catalan  et  du  poème  anglais  est  d'au- 
tant plus  frappant  qu'il  n'apparaît  pas  d'abord  et  ne  se  révèle  qu'à 
un  examen  attentif;  il  s'agit  dans  le  premier  d'un  comte  (anonyme) 
de  Barcelone,  dans  le  second,  d'un  comte  Bernard  de  Toulouse;  or, 
il  a  existé  un  comte  de  Barcelone  qui  a  été  en  même  temps  comte  de 
Toulouse,  et  ce  comte  s'appelait  Bernard  :  c'est  le  célèbre  fils  du 
plus  célèbre  et  plus  glorieusement  célèbre  Guillaume  de  Toulouse 
(OU  saint  Guillaume  de  Gellone),  Bernard,  que  nous  appelons  ordi- 
nairement duc  de  Septimanie,  mais  qui  fut  également  à  la  tête  des 
deux  grands  comtés  séparés  par  cette  province.  Une  telle  coïnci- 
dence peut  difficilement  être  fortuite.  Si  maintenant  nous  trouvons 
dans  l'histoire  de  ce  personnage  quelque  chose  qui  puisse  être 
considéré  comme  ayant  servi  de  base  à  la  tradition  poétique  qui 
met  en  scène  ici  le  comte  de  Barcelone,  là  le  comte  Bernard  de 
Toulouse,  nous  aurons  bien  des  chances  d'être  dans  le  vrai  en  croyant 
que  le   héros  de  la  tradition  est  le    personnage  historique. 

Qr  précisément  il  y  eut,  tout  le  monde  le  sait,  entre  Bernard  et 
celle  qui, de  son  temps,  était  assise  sur  le  trône  impérial,  des  rapports 
qui  ressemblent  singulièrement  ou  qui,  du  moins, ont  pu  être  considé- 
rés comme  ressemblant  à  ceux  qu'établit  la  poésie  entre  le  comte  de 
Toulouse  et  de  Barcelone  et  l'impératrice.  Judith,  la  seconde  femme 
de  Louis  le  Pieux,  fut  accusée  en  830,  par  un  parti  en  tête  duquel 
figuraient  deux  puissants  seigneurs,  Hugon  et  Madfrid,  d'adultère 
avec  Bernard,  camerarius  du  palais  depuis  824  et  fut  de  ce  fait 
maltraitée,  reléguée  et  emprisonnée.  En  février  831,  le  parti  qui  lui 
était  favorable  ayant  repris  le  dessus,  elle  se  justifia,  dans  une 
assemblée  tenue  à  Aix-la-Chapelle,  par  un  serment  solennel.  Bernard, 
qui,  devant  l'hostilité  déchaînée  contre  lui,  s'était  retiré  à  Barcelone, 
n'assistait  pas  à  cette  assemblée;  mais  il  parut  à  celle  qui  eut  lieu  en 
automne,  àThionville,  et  il  offrit  de  soutenir  par  un  combat  judiciaire 
l'innocence  de  ses  relations  avec  Judith;  pas  plus  qu'à  Aix  contre 
l'impératrice  ,  aucun  accusateur  ne  se  présenta  ;  quant  aux  deux 
comtes  Hugon  et  Matfrid,  ils  avaient,  du  chef  de  haute  trahison, 
été  condamnés  à  mort  à  Aix-la-Chapelle,  et  n'avaient  dû  la  vie 
qu'à  la  clémence  de  l'empereur.  Bernard  ne  fut  pas  toutefois  réinté- 
gré dans  ses  fonctions  de  camerarius;  il  retourna  dans  ses  comtés 
de  France  et  d'Espagne. 

L'histoire,  après  tant  de  siècles,  se  déclare  hors  d'état  de  porter 
un  jugement  certain  sur  la  nature  des  liens  qui  existèrent  entre  le 
duc  de  Septimanie  et  l'impératrice  Judith.  Furent-ils  seulement  unis 
par  des  intérêts  politiques,  Bernard  aspirant  à  prendre  sous  le  nom 
du  faible  Louis  la  direction  effective  de  l'empire,  Judith  ne  songeant 
qu'à  assurer  au  profit  de  son  fils  Charles  un  remaniement  du  par- 
tage imprudemment  fait  par  l'empereur,  avant  son  second  mariage, 
entre  ses  trois  fils  du  premier  lit  ?  Furent-ils  coupables  comme  leurs 
ennemis,  surtout  Hugon  et  Matfrid,  les  en  accusèrent  avec  passion? 
Entre  les  assertions  contradictoires  des  contemporains,  il  nous  est 
impossible  de  le  décider,  et  d'ailleurs,  vous  le  savez,  il  est  bien  diffi- 
cile, pour  rappeler  un  mot  célèbre,  d'être  sûr  de  ces  choses-là.  Mais 
il  est  évident  que  les  partisans  de  Bernard  et  surtout  les  populations 
qui,  des  deux  côtés  des  Pyrénées,  vivaient  sous  son  autorité  et  lui 
étaient  toutes  dévouées,  proclamèrent  bien  haut  l'innocence  de  l'im- 


196  CHRONIQUE 

pératrice  et  traitèrent  de  vils  calomniateurs  les  deux  comtes  Hugon  et 
Matfrid.Le  triomphe  de  Timpératrice  à  Aix-la-Chapelle,  la  confusion 
de  ses  accusateurs  condamnés  à  mort^puis  graciés,  Toffre  de  Bernard, 
à  Thionville  de  combattre  en  champ  clos  ceux  qui  soutiendraient  la 
calomnie,  devaient  bien  facilement,  dans  l'imagination  de  ses  fidèles, 
éloignés  du  théâtre  des  événements  et  n'en  recevant  que  des  échos 
altérés,  se  transformer  en  un  drame  autrement  simple  et  pathétique, 
où  le  comte  Bernard,  cachant  son  nom  à  cause  de  Tinimitié  de  l'em- 
pereur, se  présentait  comme  champion  de  Timpératrice  accusée 
d'adultère,  non  avec  lui  mais  avec  un  autre,  recevait  d'elle-même, 
sous  le  sceau  sacré  de  la  confession,  l'attestation  de  son  innocence, 
combattait  seul  les  deux  infâmes  persécuteurs,  les  forçait  à  deman- 
der grâce,  et  disparaissait  aussitôt  pour  se  retirer  dans  son  comté, 
où  la  reconnaissance  de  l'impératrice  et  de  l'empereur  enfin  éclairé 
venait,  plus  tard,  lui  apporter  l'hommage  dû  à  son  héro'ïsme  et  à  son 
dévouement. 

La  légende  ainsi  formée  avait  —  on  en  comprend  sans  peine  le 
motif  —  écarté  des  relations  entre  Bernard  et  l'impératrice  tout 
soupçon  d'amour,  même  platonique  ;  plus  tard  seulement,  quand  elle 
fut  devenue  pour  ceux  qui  la  racontaient  un  simple  roman,  s'y  in- 
troduisit le  délicat  et  pur  élément  d'un  amour  qui  n'a  rien  que  d'enno- 
blissant pour  les  deux  âmes  qui  le  ressentent  ;  toutefois,  même  dans 
cette  version  nouvelle,  conformément  à  la  légende  originale,  ce  n^est 
pas  avec  le  héros,  comme  il  eut  été  naturel,  c'est  avec  un  autre  per- 
sonnage que  l'impératrice  est  accusée  d'avoir  failli  à  ses  devoirs 
d'épouse.  Tout  semble  donc  indiquer  que  c'est  dans  les  comtés  sou- 
mis à  Bernard  que  fut  mise  par  écrit,  après  un  temps  que  nous  ne 
pouvons  préciser,  la  légende  à  laquelle  avaient  donné  lieu  les  événe- 
ments, par  eux-mêmes  singuliers  et  romanesques,  de  830  et  de  831. 

Elle  ne  revêtit  pas  la  forme  des  chansons  de  geste  :  l'épopée,  qui  a 
tant  célébré  Guillaume  de  Toulouse,  ignore  complètement  son  fils,  et 
d'ailleurs  l'épopée,  à  cette  époque,  n'admettait  guère  de  thèmes  aussi 
purement  personnels.Ce  fut  très  probablement  un  récit  latin  qui  trans- 
mit àla  postérité  la  belle  histoire  née,  au  moment  même,  de  la  connais- 
sance imparfaite  et  de  l'impression  exagérée  des  faits.  Bernard  y  était 
sans  doute  appelé  —  comme  dans  un  autre  document  légendaire  qui 
le  concerne  —  cornes  Tolosanus  et  Barcinonensis  ;  de  là  le  double 
nom  de  «  comte  Bernard  de  Toulouse  »  qui  est  conservé  dans  le 
poème  anglais,  et  de  «  comte  de  Barcelone»,  qu'ont  préféré,  comme 
il  était  naturel,  les  récits  catalans. 

L'histoire  de  Bernard  dut  de  bonne  heure  passer  de  la  Catalogne 
dans  l'Espagne  plus  occidentale:  car  il  semble  bien  qu'on  en  ait 
une  adaptation,  d  ailleurs  bizarre,  dans  une  aventure  attribuée  par  la 
Chronica  gênerai  d'Alfonse  X  à  la  femme  et  aux  deux  fils  du  roi  de 
Navarre,  Sanche-le- Grand  (-i-lOOlJ,  et  qui  ne  doit  pas  être  postérieure 
au  douzième  siècle.  Si  ce  rapprochement  est  fondé,  c'est  la  plus  an- 
cienne trace  de  notre  légende  qui  nous  ait  été  conservée,  et  elle  se 
présente  en  Espagne,  c^est-à-dire  là  où  nous  la  trouvons  plus  tard 
sous  la  forme  la  plus  voisine  de  sa  forme  définitive. 

Le  récit  latin  se  répandit  aussi  dans  le  nord  de  la  France  et  four- 
nit au  douzième  ou  au  treizième  siècle  la  matière  d'un  poème  dont  la 
perte  est  des  plus  regrettables    et   auquel  remonte  directement  le 


CHRONlOUfi  1^7 

poème  anglais  et  indirectement  les  imitations  faites  en  France,  en 
Allemagne,  en  Danemarck  et  en  Italie.  La  dernière,  celle  de  Bandello, 
est  la  plus  altérée  et  peut-être  la  moins  bonne  ;  elle  a  toutefois  un 
certain  intérêt  pour  l'histoire  littéraire.  Adaptée  en  1713,  au  goût  du 
temps  par  Nf^*  de  Fontaines,  elle  ravit  le  jeune  Voltaire,  et  il  en 
tira  plus  tard  l'inspiration  de  sa  tragédie  de  Tancrède,  qui  fut  un  de 
ses  plus  brillants  succès,  se  maintint  longtemps  au  répertoire  et 
peut  être  regardée  comme  un  des  prototypes  du  drame  romantique. 
Ainsi  la  ramification  légendaire  qui  s'était  jadis  étendue  sur  toute 
TEurope  a  poussé  une  dernière  branche  jusque  dans  la  littérature 
presque  contemporaine. 

La  souche  qui  a  produit  cette  végétation  riche  et  vivace  parait 
bien  avoir  ses  racines  dans  la  terre  méridionale  où  Bernard  donna  le 
spectacle  de  son  existence  tumultueuse  et  féconde  en  péripéties.  Le 
grand  duc  de  Toulouse  Guillaume  est  devenu  le  centre  d*un  des 
cycles  les  plus  nationaux  de  notre  vieille  épopée  ;  autour  de  son  fils 
Bernard,  par  l'interprétation  idéalisée  d*un  épisode  de  sa  vie,  s*est 
formée  une  légende  d'un  caractère  plus  individuel,  qui  peu  à  peu, 
transporté  hors  de  sa  patrie ,  s'accroissant  d'éléments  emprun- 
tés ailleurs  et  s'enrichisaant  d'heureuses  innovations,  est  devenue 
une  des  incarnations  les  plus  complètes  et  les  plus  typiques  de  la 
poésie  romantique  et  chevaleresque.  Il  m'a  semblé  intéressant  de  rap- 
peler ce  souvenir  dans  une  réunion  tenue  à  Toulouse.  Les  vents  et 
tes  oiseaux  ont  dispersé  par  le  monde  une  semence  de  poésie  qui 
avait  germé  dans  une  terre  féconde  entre  toutes  :  j'ai  voulu  rassem- 
bler les  fleurs  qui  en  sont  nées  et,  sous  les  cieux  les  plus  divers,  se 
sont  richement  épanouies,  et  en  faire  hommage  au  sol  dont  elles 
sont  originaires. 


SECTION  d'archéologie 

Séance  du  mercredi,  5  avril,  après-midi, 

M.  CoNSTANS,  délégué  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de 
TAveyron ,  lit  une  note  sur  un  curieux  monument  conservé  à  Milhau 
(Aveyron)  et  qui  porte  une  inscription  dont  Tinterprétation  n'a  pu  être 
donnée  jusqu'ici.  Il  s'agit  de  1  ancien  pilori.  L'inscription  qui  y  est 
gravée  ne  saurait  être  postérieure  au  début  du  quatorzième  siècle, 
elle  est  en  langue  vulgaire.  On  peut  la  lire  ainsi  :  Quara  que  faras 
enant  que  comedes  vostra  (vianda).  Selon  toute  apparence  c'est  une 
colonne  provenant  de  quelque  château  ou  de  quelque  réfectoire  con- 
ventuel invitant  les  convives  à  prier  le  Seigneur  avant  de  prendre 
leur  repas.  On  suppose  qu'elle  a  pu  être  enlevée  de  quelque  maison 
religieuse  pillée  par  les  protestants  dans  les  guerres  du  seizième  siè- 
cle. On  s'est  demandé  si  vraiment  cette  colonne  avait  pu  servir  de 
pilori.  M.  Gonstans  énumére  les  raisons  qui  permettent  de  le  croire. 

Séance  du  vendredi,  7  avril,  après-midi. 

M.  Emile  Bonnet,  membre  de  la  Société  pour  l'étude  des  langues 
romanes,  lit  un  mémoire  sur  les  jetons  émis  par  les  États  généraux 


198  GfiRONIQCE 

de  Languedoc.  Ces  jetons  n*ont  jamais  eu  qu'un  rôle  rémunérateur 
et  honoiifique.  Ils  constituaient  une  sorte  de  récompense  officielle 
exclusivement  destinée,  à  Torigine,  aux  membres  du,  bureau  des 
comptes,  c'est-à-dire  de  la  commission  chargée  par  les  Etats  de  pro- 
céder à  l'audition  et  d  la  clôture  des  comptes  des  officiers  de  la  pro- 
vince. Cette  récompense  fut  accordée  .plus  tard  aux  membres  du  bu- 
reau des  recrues  (1678),  puis  aux  premiers  opinants  des  trois  ordres, 
enfin  à  plusieurs  autres  personnages  et  fonctionnaires  de  la  province. 
Le  plus  ancien  des  jetons  connus  porte  la  date  de  1634,  le  plus  récent, 
celle  de  1790.  Le  nombre  des  types  de  jetons  retrouvés  s^élève  au- 
jourd'hui à  plus  de  110.  \h  étaient  frappés  à  THôtel  des  Monnaies  de 
Paris  par  les  soins  de  la  députation  que  les  États  généraux  envoyaient 
tous  les  ans  à  la  cour  pour  présenter  au  roi  le  cahier  de  leurs  do- 
léances. 

Les  sujets  et  légendes  étaient  d'ordinaire  fournis  par  les  membres 
de  l'Académie  des  inscriptions,  ayant  des  attaches  languedociennes. 
Ces  jetons  offrent  la  signature  des  meilleurs  artistes  des  dix-septième 
et  dix-huitième  siècles:  Rottiers,  Duvivier,  Drez.  Gatteaux,  etc. 

Les  types  du  revers  consacrent  le  souvenir  d'événements  d'un  in- 
térêt général  ou  exclusivement  provincial;  cependant  quelques-uns 
consistent  uniquement  dans  l'écu  à  la  croix  de  Languedoc,  et  c*est 
même  là  le  type  qui  prévalut  à  partir  de  1755  ;  mais,  grâce  à  l'habileté 
des  graveurs,  cette  donnée  très  simple  fournit  une  série  artistique  qui 
comprend  de  véritables  petits  chefs-d'œuvre  d  élégance  et  de  bon 
goût. 

M.  LE  Président  fait  ressortir  toute  l'importance  du  travail  de 
M.  Emile  Bonnet,  qui  mérite  d*être  proposé  comme  un  véritable  mo- 
dèle d'étude  numismatique. 


«  « 


Durant  le  Congrès  des  Sociétés  savantes,  tenu  à  Toulouse,  VEscolo 
moundinOf  société  félibréenne  qui  relève  de  la  Maintenance  de  Lan- 
guedoc, eut  l'heureuse  idée  d'offrir,  avec  le  concours  des  romanisants 
toulousains,  un  banquet  à  MM.  Gaston  Paris  et  Camille  Chabaneau. 
M.  Paul  Meyer,  qui  arriva  sur  ces  entrefaites,  y  fut  aussi  convié. 

Nous  donnerons  dans  le  prochain  numéro  de  la  Revue  le  compte- 
rendu  détaillé  de  ce  banquet  avec  le  texte  des  discours  qui  y  furent 
prononcés. 

Nous  devons  toutefois  dès  maintenant  remercier  les  initiateurs  et 
les  organisateurs  du  banquet:  MM.  L.  Vergues,  A.  Jeanroy,  Baquié- 
Fonade,  P.  Dognon,  J.-Félicien  Court,  J.  Ducamin,  A.  Sourelh  et 
A.  Vignaux,  qui  accueillirent  de  la  façon  la  plus  aimable  leurs  confrè- 
res de  la  Société  des  langues  romanes^  et  plus  particulièrement  le 
secrétaire  général  de  la  Société,  M.  C.  Chabaneau. 


GHHONlQUt:  109 


* 
«  * 


Goncoars 

La  Société  des  Sciences,  Arts  et  Belles- Lettres  du  Tarn  a  décidé 
de  reprendre,  à  partir  de  cette  année,  ses  Concours  annuels. 

Le  Concours  de  1899  comprendra  trois  catégories  :  Histoire  et 
archéologie. —  Littérature  —  Sciences  et  arts,  avec  les  sujets  suivants: 

I .   —  HISTOIRE  ET   ARCHEOLOGIE 

1®  Les  poteries  de  Giroussens.  —  Résumer  ce  que  Ton  sait  sur 
ce  sujet  ;  fournir  quelques  photographies  de  pièces  ordinaires  et,  s'il 
en  est,  d*œuvres  remarquables  :  donner  une  bibliographie  des  tra- 
vaux publiés  isolément  ou  dans  des  ouvrages  généraux  et  revues. 

2^  Les  noms  de  lieux  d'un  arrondissement  ou  d'un  canton  du 
Tarn,  —  Grouper  ces  noms  suivant  leur  radical  (particularité  topo- 
graphique, genre  de  culture,  noms  de  propriétaires,  etc.)  —  suivant 
leur  désinence.  —  Justifier  les  hypothèses  que  suggère  cet  examen 
aux  points  de  vue  des  dialectes  locaux,  de  la  géographie  ancienne 
de  la  région,  de  son  exploitation  agricole  d'autrefois,  etc. 

II.  —  LITTÉRATURE 

1°  Poésie  patoise  du  Tarn  ou  française, 

2^  Prose  française,  —  Conte  ou  nouvelle  se  rapportant  à  une 
légende  spéciale  au  pays  albigeois. 

III.   —  SCIENCES  ET   ARTS 

1®  Le  Sidobre,  —  Etude  géologique,  avec  carte  à  grande  échelle. 

2?  Diplôme  de  la  Société,  pouvant  être  affecté  soit  aux  Sociétai- 
res,  soit  aux  lauréats.  Dessin  à  réduire  pour  une  planche  typogra- 
phique de  29  sur  22  centimètres  environ.  —  Ce  dessin  devra  être 
exécuté  a  la  plume  ou  au  crayon  Conté  sur  bristol.  11  devra  contenir 
le  titre  de  la  SOCIÉTÉ  DES  SCIENCES ,  ARTS  ET  BELLES- 
LETTRES  DU  TARN  et  la  devise  servare,  augerk  ;  —  un  dessin 
allégorique  ayant  rapport  au  caractère  de  la  société ,  avec  croquis  de 
vues  ou  monuments  du  département  du  Tarn. 

Observations.  —  Toute  étude  ou  dessin  soumis  au  Concours 
sera  la  propriété  de  la  Société  qui  reste  juge  de  Tutilité  de  son  in- 
sertion dans  la  Revue  du  Tarn. 

Ces  travaux  devront  être  adressés  au  Secrétaire  perpétuel  de  la 
Société  (M.  Jules  Jolibois,  42,  avenue  Villeneuve,  à  Albi)  avant 
le  1*'  octobre. 


èÔÔ  CHRONIOUE 

Une  médaille  au  moias  (argeat  ou  bronze)  sera  décernée  pour 
chacun  des  sujets  au  Concours  avec  le  nom  gravé  du  lauréat.  —  Si 
plusieurs  concurrents  ont  présenté  un  mémoire  ou  dessin  digne  de 
récompense,  des  mentions  pourront  être  accordées  à  ceux  qui  auront 
été  classés  après  les  titulaires  de  la  ou  des  médailles. 

Une  récompense  de  vingt-cinq  francs  est  promise,  en  outre  de  la 
médaille,  au  lauréat  du  Concours  pour  le  diplôme  de  la  Société. 

Il  pourra  aussi  être  offert  en  hommage  une  médaille  à  la  personne 
qui  aura  fait  don  à  la  Société  d'un  ou  plusieurs  objets  d*une  valeur 
réelle  archéologique  ou  à  toute  autre  personne,  originaire  du  Tarn, 
qui  aurait  présenté  une  œuvre  remarquable. 


Le  Gérant  responsable  :  P.  Hamelin. 


LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

DE  LA  COMMANDERIE  DE  SAINT-ANDRÉ-DE-GAILLAC 

(Tarn) 


La  commanderie  de  St-André«de-Gaillac  est  certainement 
rétablissement  charitable  le  plus  antique  de  TAlbigeois.  Sa 
fondation  est  due  aux  comtes  de  Toulouse  K  Des  documents 
de  la  seconde  moitié  du  XP  siècle  le  montrent  en  pleine  pros- 
périté. Il  eut  pour  bienfaiteurs,  outre  les  comtes  de  Toulouse, 
les  rois  de  France,  les  comtes  d'Armagnac  et  les  évêques 
d^Albi.  Les  archives  départementales  du  Tarn  possèdent  les 
nombreuses  copies  des  donations  qui  lui  furent  faites  au  cours 
des  siècles. 

Mais  ce  n^est  pas  la  monographie  de  cet  hôpital  que  nous 
voalons  écrire  ;  nous  ne  pourrions  que  rééditer  l'œuvre  de 
M.  Elle  Rossignol,  Térudit  tarnais  bien  connu;  qu'il  nous 
suffise  de  dire  que  Thôpital  de  St-André  ouvrait  ses  portes  à 
toutes  les  misères  de  la  vie  *.  Ce  que  nous  voudrions  surtout 
faire  connaître,  c'est  Torganisation  intime  de  la  commanderie 
sur  laquelle  Fauteur  des  Monographies  communales  de  Carron- 
dissement  de  Gaillac  n'a  pas  eu  le  loisir  de  s'étendre.  Nous 
nous  appuierons  sur  des  documents  inédits  conservés  aux 
archives  départementales  du  Tarn,  mais  non  encore  inven- 

*  C'est  ce  qui  résulte  d'un  placet  du  précepteur  de  la  commanderie, 
Pierre  Donat  (1667-1700)  ;  il  s'appuie  sur  une  charte  de  Philippe  le  Bel 
de  1311.  Cf.  Monographies  communales  de  M.  Ëlie  Rossignol,  vol.  II, 
p.  284. 

'  In  receptionem  pauperum  tam  sanorum  quam  infirmorum,  mulierum 
pregnantium,  educationem  languidorum,  sanguinolentorum,  orphanorum 
expositionem,  et  aliarum  miserabilium  personnarum,  sive  fratrum  ordi- 
Dum  mendicorum  ad  dictum  hospitale  undique  de  diversis  mundi  partibus 
apportatorom  etconfluentium,  et  aliorum  multiplicium  operuni  charitatis 
que  ibidem  laudabilius  adimplentur.  —  Requeste  présentée  à  l'evesque 
d'Alby,  aux  fins  de  confirmer  la  concession  de  Téglise  de  S.  Hiérosme  du 
Tescou,  au  d.  hospital. (Extrait  des  donations  faites  à  la  commanderie.) 

xLii  —  Mai-Juin  1899.  14 


202  LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

tories  :  les  Statuts  de  la  commanderie  et  Las  costumas  et  orde- 
nansas  dels  senkors  fraires  cappellas,  diagues,  clergues  et  donats 
del  hospital.  Coutumes  et  statuts  sont  des  dernières  années  du 
XIV  siècle. 

Les  statuts,  datés  du  24  février  1390  (1391,  nouv.  sty.),  sont 
une  réédition  revue,  corrigée  et  augmentée  de  ceux  de  1271. 
On  lit,  en  effet,  dans  le  préambule  :  Inprimis  namque  statuimus, 
sic  ut  a  sex  vingiti  annis  dira  fuisse  observatum  declaramus  ut  in 
predicto  hospitali..,  est  unus  preceptor,  etc.  Ils  sont  rédigés  en 
latin  ;  nous  nous  contenterons  de  donner  une  scrupuleuse 
analyse  des  articles  qui  les  composent. 

L'an  de  la  nativité  du  Christ,  1390  et  le  24  février,  la  deu- 
xième année  du  Pontificat  de  Clément  VII,  dans  la  ville  d'Albi, 
en  présence  de  M'*'  Helias  de  Borno,  clerc  du  diocèse  de 
Limoges,  notaire  public  apostolique  d'Albi,  fut  passé  Tacte 
suivant:  Étaient  présents,  d'une  part;  G.,  par  la  grâce  de 
de  Dieu,  évêque  d'Albi  ^  et  Bertrand  de  Foucaud,  docteur  en 
décrets,  précepteur  de  Thôpital,  faisant,  au  nom  de  rétablis- 
sement, tant  pour  lui  que  pour  ses  successeurs  ;  d'autre  part, 
Pierre  Raymond  Ascerii  *,  bachelier  en  décrets,  et  Pierre  du 
Mas,  prêtres,  représentant  les  frères  hospitaliers,  Pierre 
Abelhonii,  consul  de  Gailiac,  tant  pour  lui  que  pour  les  autres 
consuls,  ainsi  que  pour  ses  successeurs,  en  leur  qualité  de 
patrons  de  Thôpital,  M"  Pierre  Pelrous,  bachelier  es  lois, 
syndic  et  conseiller  des  consuls. 

Guilhaume  déclare  qu'il  veut  réformer  les  antiques  statuts 
de  rhôpital  et  y  ajouter  de  nouveaux  articles.  Nous  passons 
le  préambule  de  Tacte,  trop  long  et  sans  grand  intérêt. 

Le  précepteur  doit  être  pris  parmi  les  frères  hospitaliers, 

*  D'après  le  catalogue  des  évéques  d'Albi,  pubhé  par  la  Revw  du 
Tarn  (vol.  I,  pp.  69-72),  ce  serait  un  Pierre  II  de  la  Voûte  qui  aurait 
occupé  le  siège  épiscopal  à  cette  époque.  La  Revue  ajoute  que  ce  Pierre 
n'a  jamais  été  évéque  d'Albi  et  que  plusieurs  actes  prouvent  que  Guil- 
haume VIII  de  la  Voûte  a  siégé  de  1383  à  1397.  Le  document  que  nous 
analysons  confirme  cette  opinion.  Cet  évéque  fit  continuer  la  bisbia,  ou 
palais  épiscopal,  ainsi  que  le  château  de  Gombefa,  résidence  ordinaire 
des  évéques  d'Albi. 

*  C'est  le  successeur  immédiat  de  Bertrand  de  Foucaud. 


DE  LA   COMMâNDERIE  DE  SÂlNT-ÂNDRE  203 

si  ibidem  idoneus  reperitur.  Il  doit  être  élu  et  son  élection  est 
conârmée  par  Tévêque.  Il  est  en  quelque  sorte  la  tête  d'un 
corps  dont  les  frères  sont  les  membres.  Il  régit  en  père  de 
famille  le  spirituel  et  le  temporel  de  Thôpital. 

Les  consuls  sont  les  vrais  patrons  de  Thôpital  ;  à  ce  titre  ils 
ont  la  garde  des  clefs  de  rétablissement.  A  la  mort  du  pré- 
cepteur, de  concert  avec  les  frères,  ils  procèdent  à  l'élection 
de  son  successeur.  A  cet  effet,  on  convoque  tous  les  frères  qui 
se  trouvent  dans  Gaillac  ;  on  les  attend  un  jour  entier,  et, 
après  une  invocation  au  St-Esprit  par  le  chant  du  Fient',  creator 
Spiritvs^  et  la  récitation  du  verset  Congruentibus,  Télection 
se  fait  soit  dans  le  chœur  de  St- Pierre,  soit  dans  la  sacristie 
de  l'église,  soit  dans  un  autre  lieu  honnête  et  convenable. 

On  devra  choisir  parmi  les  frères  un  homme  d'une  vie  hono- 
rable et  d'une  conversation  honnête,  et  dont  on  puisse  attendre 
honneur  et  avantage  pour  l'établissement.  L'élection  doit  être 
à  Tabri  de  tout  soupçon  de  simonie. 

Dans  l'élection,  les  consuls  de  Gaillac  ou  leur  majorité  au- 
ront une  voix,  à  titre  de  patrons,  et  les  frères  seu  major  pars 
eorum  une  autre  voix. 

Il  en  sera  de  même  dans  le  cas  où  le  précepteur  mourrait 
hors  de  la  ville  de  Gaillac  ;  tous  les  frères  présents  devront 
être  convoqués  et  ils  seront  attendus  un  jour. 

Après  l'élection,  les  consuls  et  les  frères  présenteront  l'élu 
à  Tagrément  de  l'évêque  et  lui  soumettront  le  procès-verbal 
de  l'opération,  et  l'évêque  la  confirmera,  si  elle  lui  paraît 
idonea. 

Si,  par  suite  de  discorde^  il  était  élu  plusieurs  précepteurs, 
l'évêque  ferait  choix  de  celui  qui  lui  paraîtrait  doué  de  plus 
de  mérites  et  plus  utile  à  l'établissement. 

Aussitôt  après  rélection,il  sera  fait  choix,  par  les  consuls 
et  les  frères,  de  deux  hommes  probes,  pris  parmi  les  frères, 
pour  la  rédaction  de  l'inventaire.  Ils  sont  constitués  procureurs 
pour  là  garde  et  l'administration  des  biens  et  des  affaires  de 
la  communauté. 

Ces  procureurs  rendront  compte  de  leur  administration. 
Leur  nomination  sera  conârmée  par  l'évêque  avant  toute  prise 
de  possession.  Usprêteront  serment,  sur  les  quatre  saints  évan- 
giles, de  leur  main  droite  touchés,  d'exécuter  toutes  les  clauses 


204  LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

des  statuts  les  concernant,  de  procarer  tout  ce  qui  poarrait 
être  utile  à  Thôpital  et  à  Téglise,  d*éviter  autant  que  possible 
tout  ce  qui  leur  serait  nuisible. 

Des  frères,  prêtres  et  clercs,  seront  perpétuellement  daos 
rétablissement  pour  la  célébration  des  messes,  des  heures  tant 
diurnes  que  nocturnes,  dans  Téglise  de  St-Pierre.  Leur  nombre 
sera  déterminé  par  le  précepteur  et  les  frères ,  suivant  les 
facultés  de  Thôpital,  son  honneur,  ses  avantages,  son  utilité 
et  suivant  les  besoins  du  service  du  culte. 

La  réception  des  frères,  prêtres,  clercs  ou  laïcs,  et  même 
des  femmes  chargées  du  service  des  pauvres  et  qui  portent  le 
nom  de  sœurs,  se  fait  par  les  soins  du  précepteur,  après 
mûre  délibération,  mais  de  la  volonté  et  du  consentement  de 
tous  les  frères,  prêtres  et  clercs,  présents  à  Gaillac,  ou  de  la 
majorité  d'entre  eux.  Si  une  réception  se  fait  autrement,  elle 
doit  être  considérée  comme  nulle  et  non  avenue. 

On  ne  recevra  en  qualité  de  frères  que  des  personnes  d^ane 
vie  honorable,  d*une  honnête  considération  et  telles  qu^elles 
puissent  procurer  à  Thôpital  honneur  et  profit. 

Dès  leur  réception,  les  frères  promettront  par  serment 
d'obéir  au  précepteur,  de  le  garder  de  tout  dommage,  selon 
leur  pouvoir,  de  défendre  de  toutes  leurs  forces  les  biens  et 
les  droits  de  Thôpital,  sauf  en  cas  de  maladie. 

Les  frères  et  les  sœurs  infirmes  recevront  par  jour  une 
miche  de  pain  de  majoribus^  un  demi-pega  *  de  vin  pur,  et  la 
moitié  d'une  pièce  de  mouton,  ou  leur  valeur  en  argent. 

Si  un  frère  prêtre  est  négligent  aux  matines,  ou  dans  la 
célébration  de  la  messe,  il  sera  privé  de  sa  pitance  au  dîner  ; 
et  s'il  commet  une  faute  aux  vêpres,  la  pitance  du  souper  lui 
sera  supprimée. 

Les  autres  frères  inférieurs,  clercs  et  serviteurs,  seront, 
selon  leur  faute  et  au  jugement  du  précepteur,  mis  au  régime 
du  pain  et  de  Teau,  suivant  Tantique  coutume. 

1  Nous  traduisons  par  pega  le  mot  pegarius.  Le  pega  était  une  mesure 
de  capacité  en  usage  à  Gaillac  ;  elle  équiralait  à  deux  pintes  euTiron  ; 
la  pinte  correspondait  à  1  litre  70  et  le  pega  à  3  litres  30.  Cf.  Louis  de 
Santi  et  Auguste  Vidal,  Deux  Livres  de  raison  (1517-1550)  (Introduction, 
p.  288). 


DE  LA  COMMANDERIE   DE  SAINT-ANDRE  205 

Tous  ]e8  frères  mangeront  à  la  table  commune  du  réfectoire, 
où  il  leur  sera  fait  la  distribution  quotidienne  des  mets,  dans 
la  manière  et  la  forme  marquée  dans  le  livre  de  leurs  pitances. 

Chaque  jour,  au  commencement  du  repas,  un  frère  lira  la 
Bible  ou  un  autre  livre.  A  la  fin  du  repas,  au  moment  où  les 
fières  quitteront  la  table,  une  hymne  sera  chantée,  surtout 
chacun  des  jours  de  TAvent,  de  la  Quadragésime  et  tous  les 
dimanches  et  joars  de  fête. 

A  table,  le  silence  doit  être  gardé,  ou  si  Ton  parle  ce  ne 
sera  qu*à  voix  basse,  et  Ton  ne  s'entretiendra  que  de  choses 
honnêtes. 

Si  quelque  frère  se  conduit  mal  au  réfectoire  ou  au  chœur 
et  se  répand  en  paroles  injurieuses,  il  sera  puni:  le  prêtre  de 
la  privation  companagii^  au  dîner  ou  au  souper,  et  les  autres, 
de  toute  nourriture,  sauf  le  pain  et  Teau,  suivant  la  coutume. 

Les  frères-prêtres  sont.  Tan  après  l'autre,  hebdomadiers 
pour  la  célébration  des  grand'messes.  S*il  arrive  quMl  y  ait 
plusieurs  messes  chantées,  comme  aux  vigiles  de  quelques 
fêtes,  à  Quadragésime,  à  TAvent,  aux  Quatre-Temps,  c'est  le 
prêtre  de  semaine  immédiatement  après  qui  devient  hebdo- 
madier  et  le  sacristain  est  chargé  d'aviser. 

Il  sera  nommé  un  vicaire  perpétue),  pris  parmi  les  frères 
de  l'hôpital  ;  il  aura  charge  des  âmes,  non  seulement  de  la 
paroisse  de  St-Pierre,  mais  encore  de  toutes  ses  annexes  ^. 
La  vacance  du  poste  de  vicaire  doit  être,  dans  les  six  mois, 
dénoncée  à  l'évêque. 

Il  sera  choisi  un  antre  frère-prétre  pour  la  célébration  des 
messes  anniversaires  ;  il  sera  rétribué,  selon  son  travail,  aux 
frais  de  l'hôpital. 

•  Ce  mot  est  intraduisible  en  français  ;  il  faut  prendre  une  périphrase 
et  dire  :  ce  qui  se  mange  avec  le  pain  (cum  pané).  La  langue  vulgaire 
le  traduit  par  coumpanaje. 

*  Ces  annexes  étaient  :  St-Jérôme-du-Tescou,  donnée  par  G.,  évêque 
d'Albi  (sans  date),  St-Pierre  et  St-André-de-Gaillac,  données  au  mois 
de  mai  1172  par  Guilhem  Peyre,  évéque  d'Albi;  les  églises  de  Sénouillac, 
de  Boissel  et  de  Gandastre,  données  par  le  même  en  1182,  St-Pierre-de- 
Vors,  donnée  par  le  même  évéque  en  juin  1195  (donation  confirmée  le  15 
des  Kalen.  de  septembre  1259  par  l'évêque  Bernard  de  Gombret)  ;  l'église 
de  Sl-Jean-de-Celles  échangée,  le  3  des  Kalen.  de  juin  1271,  contre 
celle  de  St-Sernin-de-Salettes,  sous  l'épiscopat  de  Bernard  de  Gombret. 


206       LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

Denx  autres  frères,  choisis  parmi  les  derniers  venns,  ponrvu 
qu'ils  soient  diacres,  seront  tenus,  une  semaine  après  Tautre, 
de  faire  Toffice  de  diacre  à  toutes  les  messes  célébrées  au 
grand  autel.  S'il  n'y  a  qu'un  diacre,  ou  s'il  n'y  en  a  aucun,  un 
ou  deux  prêtres,  suivant  le  cas,  pris  parmi  les  plus  jeunes,  en 
rempliront  l'office^  sur  Tordre  du  précepteur. 

Le  vicaire  perpétuel,  le  prêtre  chargé  du  service  des  anni- 
versaires et  les  deux  diacres  seront  exempts  de  tout  service 
hebdomadaire  des  grand^messes. 

Les  autres  frères-prêtres,  pour  la  célébration  des  messes 
chantées,  suivant  leur  tour  de  semaine,  auront  une  tenue 
honnête  et  dévote  ;  leur  tonsure  et  leur  barbe  seront  rasées  ; 
ils  ne  pourront  manquer  à  ce  devoir  que  pour  cause  de  néces- 
sité ou  d'infirmité  ;  un  long  voyage  hors  du  diocèse  d'Albi 
est  encore  une  excuse  suffisante.  Dans  ces  cas,  ils  seront  rem- 
placés par  un  autre  frère-prêtre. 

Le  précepteur  seul  a  le  droit  de  célébrer  la  messe  au  maître 
autel  de  St- Pierre  *  ;  il  peut  cependant,  pour  les  jours  de 
fêtes  solennelles,  autoriser  tels  prêtres  qu'il  lui  conviendra, 
pourvu  qu'ils  appartiennent  à  Thôpital,  ou  que  ce  soit  un 
prélat,  un  grand  personnage,  un  docteur,  un  maître,  un  licencié 
ou  un  prêtre  pour  sa  première  messe.  Le  vicaire  perpétuel 
peut  donner  la  même  autorisation. 

Si  quelque  frère-prêtre  ne  célèbre  pas  la  messe  qui  lui 
incombe,  il  sera  puni  de  la  privation  de  toute  nourriture  ad 
arbùrium  preceptoris. 

Aucun  frère  n'entrera  dans  le  chœur  où  il  sera  de  service, 
soit  pour  les  messes,  soit  pour  les  heures  canoniques,  s'il  n'est 
revêtu  de  son  surplis. 


1  L'abbé  de  Gaillac  paraît  avoir  joui  d'un  droit  sur  les  offrandes  re- 
cueillies dans  l'église  de  St-Pierre.  Le  i"  janvier  1384  (1385  nouv.  sty.)» 
le  révérendissime  Roger  Turre,  célébrait  la  messe  dans  cette  église  ;  le 
vicaire  perpétuel,  Jean  Desorgia  réclama  le  produit  de  l'offrande  à  Jean 
Tonnac,  vicaire  de  l'abbé.  Tonnac  lui  répondit  que  l'offrande  lui  appar- 
tenait in  signum  juris  quod  habehat  in  dicta  ecclesia. 

Un  différend  de  même  nature  surgit  le  14  mai  suivant,  entre  Roger 
Turre  et  les  procureurs  de  l'hôpital,  Jean  Molinas  et  Jean  Gausser. 
L'abbé  invoqua  le  même  droit  pour  lui  et  le  sacriste  de  son  monastère. 
Cf.  Extrait  des  donations  concernant  Vhdpital. 


DE   LA  COMMANDERIE  DE   SAINT-ANDRE  207 

Dans  leurs  actes,  les  frères  se  conduiront  honnêtement  ;  ils 
auront  la  tonsure  ;  leur  chaussure  et  leurs  habits  seront  con- 
venables et  de  couleur  qui  convienne  àTétat  ecclésiastique  ^ 

Il  est  interdit  aux  frères  de  jouer,  d'entrer  dans  les  taver- 
nes pour  y  boire,  de  vivre  malhonnêtement  avec  les  personnes 
malhonnêtes  ;  ceux  qui,  charitablement  prévenus,  seraient  un 
objet  de  scandale  public,  seraient  privés  des  aliments  servis 
à  Thôpital  jusqu'à  parfait  amendement,  sous  réserve  des  droits 
de  révêque. 

La  place  du  précepteur  et  du  vicaire  perpétuel,  à  Téglise, 
sera  au  chœur,  au  lieu  désigné  de  toute  ancienneté.  Les  frères 
se  placeront  suivant  Tordre  de  préséance,  leurs  grades  et 
leurs  ordres. 

Les  frères  seront  assis  ou  debout  pendant  les  cérémonies 
religieuses,  suivant  la  nature  de  celles-ci  ;  leur  tenue  sera 
honnête  et  dévotieuse  ;  ils  n'y  devront  ni  parler  ni  dormir  ; 
les  propos  vains  et  déshonnêtes  y  sont  interdits.  Ce  n'est  que 
dans  des  cas  rares  et  à  voix  basse  qu'ils  pourront  s'entretenir 
pour  des  choses  urgentes.  Le  tumulte  n'y  sera  pas  toléré, 
parce  qu'il  est  une  offense  à  Dieu  et  un  objet  de  scandale  pour 
le  peuple.  Les  délinquants  seront  punis  de  la  privation  de 
toute  pitance,  toute  autre  punition  étant  réservée  à  Tévêque. 

En  l'absence  du  vicaire  perpétuel,  ou  sur  son  ordre,  les 
hebdomadiers  seront  tenus  d'assurer  le  service  divin  à 
St-Pierre,  sous  peine  de  privation  du  companatgium  au  dîner 
ou  au  souper. 

Les  recommandations  faites  aux  frères  pour  leur  tenue  au 
chœur,  l'interdiction  d'y  parier  à  haute  voix,  s'appliquent 
également  aux  assemblées. 

Aux  processions  dos  dimanches  et  des  fêtes,  ils  marchent 
en  chantant  et  en  récitant  leurs  prières,  s'abstenant  de  toute 
parole  inutile. 

Le  vicaire  perpétuel  et  le  sacriste  auront  sous  leur  garde 
les  reliques,  les  vases  sacrés  et  tous  les  objets  du  culte  que  le 
précepteur  ou  les  frères  leur  confieront. 

*  La  couleur  noire  n*était  pas  de  rigueur  pour  la  robe  des  ecclésias- 
tiques. Dans  Deux  Livres  de  raison  au  XVI*  siècle^  nous  avons  fait  con- 
stater que  Fabre  Eutrope,  prêtre  à  Mauriac,  avait,  dans  sa  garde-robe, 
une  soutane  violette.  Voir  p.  65  de  l'Introd.  et  31  du  Texte. 


208  LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

Ils  entretiendront  la  lampe  des  paroissiens,  orneront  les 
aatels,  sonneront  les  cloches  poar  les  heares  canoniques  et  les 
divers  services  de  Thôpitai.  Ils  devront  mettre  tout  leur  soin 
à  leur  charge. 

Il  a  été  traité  quelque  peu  de  ce  qui  concerne  spécialement 
le  service  divin  ;  il  convient  maintenant  de  régler  les  condi- 
tions de  la  bonne  administration  et  de  la  conservation  des 
biens,  des  droits  de  Thôpital  ou  ce  qui  concerne  les  précep- 
teurs, les  frères  et  les  pauvres  à  qui  ils  sont  communs. 

L'appartement  appelé  la  garda-rauàa,  placé  dans  la  sacris- 
tie de  l'église  St-Pierre,  est  expressément  et  spécialement 
affecté  aux  archives  qui  renferment  tous  les  documents,  in- 
struments, titres  de  Thôpital  et  quecumque  jocalia  dicte  Eccle- 
sie.  Cet  appartement  aura  une  porte  fermant  à  deux  clefs  dis- 
semblables, de  sorte  que,  pour  Touvrir,  les  deux  clefs  seront 
nécessaires.  De  ces  deux  clefs,  Tune  sera  entre  les  mains  du 
précepteur,  Tautre  entre  les  mains  d'un  frère  élu  à  cet  effet. 
Celui-ci  jurera  par  serment  corporel  de  la  bien  garder. 

Les  lettres  de  fraternité  seront  scellées  d'un  sceau  de  cire 
verte  et  mention  y  sera  faite  de  Tapposition  du  sceau. 

La  réception  des  frères  doit  être  constatée  par  un  acte 
public. 

Il  sera  fait  attention  que,  dans  les  instruments  publics  de 
réception,  il  ne  se  glisse  des  mots  qui  pourraient  faire  naître 
un  soupçon  d'avarice  ou  de  simonie.  Si, pour  Tamour  de  Dieut 
de  l'église  on  de  l'hôpital,  le  frère  à  recevoir  veut  faire  un 
don,  il  devra  être  passé  un  acte  public  et  séparé  de  cette  dona- 
tion. 

Le  précepteur,  de  la  volonté  et  du  consentement  de  tous 
les  frères  ou  de  leur  majorité,  nommera  un  notaire,  homme 
honnête  et  probe,  qui  recevra  tous  les  actes  intéressant  l'hôpi- 
tal, après  serment  de  fidélité  et  de  bonne  gestion  de  sa  charge. 
Il  sera  créé,  en  outre,  un  ou  des  procureurs,  un  ou  des  syn- 
dics pour  la  défense  des  intérêts  matériels  de  l'hôpital  (liteset 
negotia). 

Un  dispensateur  (économe)  et  un  sacriste  seront  pris  parmi 
les  frères  ;  ils  seront  choisis  surtout  parmi  ceux  qui  sont  étran- 
gers à  la  ville  ;  ils  aideront  le  précepteur  et  les  procureurs 


DE   LA  COMMANDERIE   DE   SAINT- ANDRE  20^ 

dans  Tadministration  des  biens  forains  {extraneis).  Ils  seront 
rétribnés  suivant  leur  travail. 

Si  les  dispensateurs  et  le  sacriste  s'acquittent  mal  de  leur 
charge,  ils  seront  remplacés  dans  leur  office  par  les  soins  du 
procureur  et  des  frères. 

Sont  maintenus  dans  toute  leur  vigueur  les  antiques  statuts 
en  ce  qui  concerne  les  pauvres. 

Le  précepteur  sera  tenu  d'éoiairer  Thôpital  pendant  la  nuit 
et  d'avoir  un  nombre  de  lits  suffisant. 

Siy  par  suite  de  leur  faiblesse  ou  de  quelque  infirmité,  des 
malades  ne  peuvent  venir  chercher  leur  uourriture  à  Thôpi- 
tal,  le  précepteur  ou  son  procureur  sera  tenu  de  leur  fournir 
à  domicile  le  pain,  le  vin  et  le  companatgium,  deux  fois  par 
jonr,  à  dîner  et  à  souper. 

Si  leur  faiblesse  était  telle  qu'ils  n^;  puissent  se  nourrir  de 
ces  aliments,  le  précepteur  devra,  aux  frais  de  Thôpital,  leur 
envoyer  un  chirurgien  pensionné  par  rétablissement  pour  les 
visiter  et  les  soigner,  et  il  leur  servira  les  remèdes  suivant  les 
ordonnances  du  chirurgien  et  suivant  les  facultés  de  Thôpital- 

L'hôpital  sera  tenu  de  recevoir  les  femmes  pauvres  prêtes 
à  s*accoucher,  et  il  sera  satisfait  à  tous  leurs  besoins  pendant 
sept  semaines  seulement. 

Il  recevra  aussi  les  enfants  pauvres  et  les  orphelins  expo- 
sés ;  le  précepteur  assurera  leur  nourriture  en  lait  *  tant  qu'ils 
ne  pourront  se  nourrir  d'autres  aliments,  de  manière  à  pro- 
curer la  gloire  de  Dieu. 

Et  comme  Thôpital  a  été  fondé  pour  les  pauvres,  par  les 
aumônes  des  fidèles,  les  précepteurs,  dans  leur  admission  et 
leur  entretien,  ne  pourront  faire  valoir  pour  excuse  l'insuffi- 
sance des  revenus  de  l'hôpital  ni  quod  faculiatem  non  suppe- 
tunt  ad  substantationem  fratrum  et  pauperum.  Dans  ce  cas,  il 
faudrait  diminuer  le  nombre  des  frères  plutôt  que  celui  des 
pauvres  *. 

Les  blés,  les  vins  et  tous  les  autres  revenus  seront  placés. 


1  Ëxistait-il  un  biberon  à  cette  époque  ?  On  remarquera  qu'il  n'est 
nulle  part  question  de  nourrice. 

«  Une  note  marginale  résume,  de  façon  très  juste  et  très  concise,  cette 
clause  des  statuts:  Bona  hospitalis  potius  sunt  paupet'um  quam  fratrum. 


210  LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

poar  y  être  gardés,  dans  des  greniers  ou  autres  dépendances 
de  Thôpital;  il  ne  sera  dérogé  à  cette  clause  que  de  Texprès 
consentement  des  frères. 

Tous  les  ans,  plus  souvent  même,  à  la  volonté  du  précep- 
teur et  des  frères,  les  procureurs  devront,  devant  le  précep- 
teur et  deux  délégués  des  frères,  rendre  compte  de  leur 
gestion.  Le  précepteur  a  seul  qualité  pour  leur  délivrer 
quittance.  Toute  autre  quittance  serait  de  nulle  valeur. 

Le  livre  des  cens  en  blé,  avoine,  gélines  et  argent  ou  le  livre 
qui  les  contiendra  tous,  seront  conservés  dans  les  archives  et 
laissés  à  la  seule  disposition  du  précepteur  ou  de  ses  procu- 
reurs chargés  de  la  perception  des  cens  ^ 

Les  livres  de  cens  seront  renouvelés  de  dix  en  dix  ans,  ou 
suivant  qu'il  paraîtra  convenable  au  précepteur  et  aux  frères. 
Les  vieux  livres  seront  conservés  aux  archives. 

Le  précepteur  nomme,  chaque  année,  des  frères  qui  sont 
chargés  du  service  des  chapellenies  fondées  et  qui  sont  ré- 
tribuées selon  la  coutume. 

Les  aliénations  d'immeubles  appartenant  à  Thôpital  ne 
pourront  avoir  lieu  que  de  Texprés  consentement  des  frères 
ou  de  la  majorité  d'entre  eux.  Il  en  sera  de  même  de  toute 
cession,  échange,  donation,  transaction,  etc.,  etc.,  sous  peine 
de  nullité  de  Pacte. 

Si  Tun  des  frères  voulait  acquérir  quelques-unes  des  posses- 
sions de  rhôpital,  il  devrait  être,  à  prix  égal,  préféré  à  tout 
autre,  pourvu  qu'il  n'en  résulte  aucun  dommage  pour  réta- 
blissement, ni  aucune  jalousie  ou  discussion  parmi  les  frères. 

Si,  à  l'occasion  de  ventes,  échanges,  etc.,  il  s'élevait  un 
désaccord  entre  le  précepteur  et  les  frères,  ou  entre  les  frères, 
onaurarecours  aux  voies  pacifiques  avant  de  saisir  la  justice* 
Le  précepteur  doit  faire  sa  principale  occupation  des  soins 
à  donner  aux  pauvres  par  l'intermédiaire  des  sœurs  de 
l'hôpital  et  des  autres  serviteurs,  soit  en  cas  de  maladie,  soit 
dans  toute  autre  circonstance,  et  ce,  suivant  les  ressources 
que  le  Seigneur  procurera  à  Thôpital. 


1  La  Gommanderie  possédait  d'innombrables  fiefs  dans  le  Gaillacois. 
Le  livre  terrier  établi  en  1564,  sous  le  commandeur  Philibert  de  la  Gui- 
che,  nous  en  a  révélé  2366. 


DE  LA  COMMANDERIE   DE   SAINT- ANDRE  211 

L^hebdomadîer  et  les  gardiatores,  élus  par  les  consuls, 
patrons  de  l'hôpital, sont  tenus  de  visiter  une  fois  par  semaine, 
avec  charité,  les  pauvres  infirmes,  et  s'ils  prévoient  quelques 
défectuosités  de  service,  ou  des  plaintes,  ils  en  référeront  au 
précepteur  ou  au  procureur  pour  y  porter  remède. 

Le  précepteur  et  les  frères  doivent  s'appliquer  de  tout 
leur  pouvoir  à  procurer  le  bien  de  Fhôpital  de  manière  à  en 
être  récompensés  en  ce  monde  et  à  obtenir  une  gloire  éternelle 
au  Paradis. 

Défense  est  faite  aux  précepteurs  de  considérer  les  revenus 
de  rhôpital  comme  les  leurs  propres  ;  ils  sont  la  propriété 
des  pauvres.  Les  excédents  seuls  seront  affectés  à  son  usage 
et  à  celui  de  deux  serviteurs  seulement,  lorsque  les  précep- 
teurs résideront  à  Gaillac  ou  ailleurs  pour  le  bien  de  l'hôpi- 
tal ou  par  nécessité,  ou  bien  pour  les  frères  et  les  autres 
besoins  de  l'établissement. 

Ces  mêmes  excédents  devront  parer  aux  nécessités  créées 
par  une  disette  ou  un  manque  de  récolte.  Chaque  année,  le 
jeudi  de  la  mi-Carême,  il  sera  célébré  un  service  solennel 
pour  les  précepteurs,  les  frères  et  les  bienfaiteurs  de  l'hôpital 
décédés,  cela  suivant  la  coutume  ^ 

Le  même  jour,  après  la  célébration  de  la  messe  des  morts, 
le  précepteur  ou,  en  son  absence,  le  procureur  tiendra  un 
3onseil  général  où  seront  traitées  toutes  les  affaires  intéres- 
sant l'hôpital  et  l'église  ;  les  présents  statuts  et  les  ordonnances 
y  seront  lus  pour  que  nul  ne  puisse  prétexter  d'ignorance. 

Suivant  une  louable  coutume,  observée  depuis  longtemps, 
les  frères  qui  s'adonneront  au  service  divin  et  aux  affaires 
matérielles  de  l'hôpital,  continueront  à  recevoir,  après  leur 
réception,  une  chape  processionnale,  d'une  valeur  de  huit 
livres  tournois  petites,  pour  le  service  de  l'église. 

La  chape  du  nouveau  précepteur  sera  d'une  valeur  de  douze 
livres  tournois. 

Le  précepteur,  les  frères  et  le  consul,  tant  en  son  nom  qu'au 
nom  de  ses  successeurs,  jurent  de  tenir  et  observer  les  pré- 

1  Nous  verrons,  dans  les  costumas^  que  ce  service  solennel  portait  le 
nom  de  revit. 


212  LES   STATUTS    ET  LES  COUTUMES 

sents  statuts,  en  touchant  de  la  main  droite  les  quatre  saints 
Evangiles. 

Tout  aussitôt  le  précepteur,  les  frères  et  le  consul  supplient 
Tévêque  quatkenus  in  predtctis  statutis  et  ordinationibus  superius 
dictis  suam.,.  autkoritatem  judiciariam  interponeret.  L'évêque, 
s' asseyant  sur  son  tribunal  suam  authoritatem  tnterponit  pariter 
et  decretum^  salvo  jure  suo  et  quolibet  alieno.  Il  se  réserve 
cependant  la  faculté  de  corriger  et  d'interpréter  les  statuts 
suivant  qu'il  lui  paraîtra  opportun.  Précepteur,  frères  et  con- 
sul demandent  qu'il  soit  passé  acte  public  et  que  l'instrument 
soit  scellé  du  sceau  épiscopal.  Voici  la  formule  finale  de  l'acte  : 
Actaet  publicata  fuerunt  hec,  anno,  die,  loco,  indictione  et  ponti- 
ficatu  quibus  supra  ^  presentibus  venerabilibus  et  discrefis  viris 
dominis  Bernardo  Celarerii,  canonico  Albtensif  Bernardo  Viga- 
ru,  licentiato  in  decretis^  religioso  viro  Johanne  Amaldi,  priore 
Predicatorum  conventus  A  Ibie,  domino  Guilhermo  Martelli,  rectore 
ecclesie  de  Tersiis,  magistris  Guilhermo  Chamberti^,  Albie, 
Petro  Barravi,  Tholose  notario,  et  Sicardo  Nicolaii^,  burgense 
Albie,  testibus  ad  premissa  vocatis  specialiter  et  rogatts,  et  me 
Helia  de  Bomo,  clerico  lemovicensis  diocesis^  publico  apostolica 
etepiscopali  albiensi  authoritate  notario,  qui  inpremissis  omnibus 
et  singulis  dum,  sic  ut  premittuntur,  agerentur  et  fièrent,  una 
cum  prenominatis  testibus,  presens  fui  ;  indeque  requisitus  hoc 
presens  publicum  instrumentum^  quod  per  alium  substitutum 
meum,  aliis  occupatus  negossiis,  scribi  et  grossari  feci^  recipi 
hicque  mea  manu  propria  subscripsi  et  signo  meo  solito  signavi, 
una  cum  appensione  sigilli  magni  et  autkentici dicti  domini  nostrt 
albiensis  episcopi,  in  fidem  et  testimonium  premissorum. 

Ces  statuts  ne  satisfont  pas  entièrement  notre  curiosité. 
Nous  avons  vu  qu'il  y  avait  deux  catégories  de  frères,  les 
prêtres  et  les  laïcs  ;  mais  quelles  conditions  fallait-il  rem- 
plir pour  obtenir  les  lettres  de  fraternité  ?  Elles  étaient  cer- 
tainement fort  ambitionnées,  puisqu'elles  constituaient  une 
grasse  prébende  et  qu'elles  n'exigeaient  qu'une  besogne  à  peu 
près  insignifiante.  A  cette  prébende  étaient  attachés,  outre 


1  Les  Ghambert  ont  fourni  des  consuls  aux  XVI«  et  XVII"  siècles. 
'  Guilhaume  Nicolay,  probablement  le  père  de   Sicard,  était  consul 
d'Albi  en  1367. 


DE  LA  COMMANDERIE  DE  SAINT- ANDRE  213 

les  avantages  matériels  que  nous  allons  faire  connaître,  des 
avantages  moraux  importants  qui  rejaillissaient  même  sur  les 
fermiers  des  biens  de  la  commanderie  ^ 

Le  document  que  nous  venons  d' analyser  est  muet  sur  cette 
question  ;  il  ne  répond  pas  davantage  à  celle-ci  :  quel  était 
le  nombre  des  frères  ?  Il  est  dit  dans  un  article  qu'en  cas  de 
déficit  dans  les  revenus  le  nombre  des  frères  peut  être  réduit^ 
jamais  celui  des  pauvres.  Dans  une  requête  adressée  par  la 
commanderie  àTEvêqued^Albi,  pour  en  obtenir  la  confirmation 
de  la  donation  de  Téglise  de  St- Jérôme, on  lit  que  les  serviteurs, 
tant  prêtres  que  clercs,  sont  au  nombre  de  trente  environ 
(jguasi  triginta)  2.  Cette  expression,  par  son  manque  de  pré- 
cision, tendrait  à  démontrer  que  le  nombre  des  frères  était 
indéterminé.  Mazenx,  dans  ces  comptes,  n'en  nomme  qu'une 
douzaine  ^.  A  Tépoque  où  se  déroulent  les  péripéties  de  l'in- 
terminable procès  intenté  au  commandeur  Pelrous  par  les 
consuls  de  Gaillac,ils  ne  sont  plus  que  dix,  dont  huit  prêtres  ^. 
Tout  permet  donc  de  supposer  que  le  nombre  des  frères  hospi- 
taliers variait  avec  les  revenus  de  l'hôpital. 

1  Pour  ne  citer  qu'un  exemple  de  ces  avantages  moraux,  notons  que 
les  établissements  religieux,  comme  la  commanderie  de  St- André,  étaient 
considéFés  comme  privilégiés  par  la  loi  ;  ils  pouvaient  par  suite  obtenir, 
dans  les  procès,  des  lettres  royales  sur  requête  appellées  lettres  de  com- 
mittimus  après  la  création,  dans  les  Parlements,  d'une  Chambre  des 
requêtes.  Au  Parlement  de  Toulouse,  disons-le  en  passant,  cette  création 
eut  lieu  en  1543  ;  mais  la  nouvelle  chambre  ne  fonctionna  guère  qu'à 
partir  du  22  novembre  1574.  Les  lettres  de  requête  et  de  committimus 
contenaient  deux  clauses  essentielles  :  la  maintenue  du  requérant  dans 
tous  ses  droits  prétendus  pendant  une  année,  la  contrainte  envers  ses 
débiteurs.  Cf.  Deux  Livies  de  raison,  Introd.,  p.  257-258. 

*  Pro  cujus  [hospitalis]  servitio  sunt  continui  quasi  triginta  servitores 
tam  presbyteri  quam  clerici.  (Extrait  des  donations.)  La  requête  n'est 
pas  datée  ;  elle  semble  être  de  la  fin  du  XIV®  ou  du  commencement  du 
XV*  siècle. 

3  Cf.  Deux  Livres  de  raison^  Introduction,  p.  263,  et  Texte  202  à  212. 

*  On  lit  au  verso  du  2e  folio  de  VExtratt  de  donations  :  Frères  de 
Sainct- André  qui  estoient  pendant  les  poursuittes  contre  Pelrous  :  M 
Anthoine  Ëstellot,  vicayre  perpétuel.  M'*  Françoys  Gastanier,  pbre,  M 
Ambroise  La  Tour,  pbre.  M"  Jean  Maurel,  pbre.  M"  Jean  Méault, 
pbre,  M"  Pierre  Essé,  pbre.  M"  Marc-Anthoine  Bonafoy,  pbre,  M'* 
Pierre  Estienne,  pbre,  Pierre  Bonac,  M"  chirurgien  des  pauvres.  M" 
Jean  Beteihe,  notaire  royal. 


214  LES   STATUTS  ET  LES   COUTUMES 

Mais  quel  était  le  genre  de  vie  de  ces  frères  dont  la  charge 
était  une  vraie  sinécure,  puisque  le  soin  des  malades  était 
confié  à  des  serviteurs  et  à  des  femmes  ?  Les  statuts  qu*on 
vient  de  lire  sont  en  quelque  sorte  le  code  de  Tadministration 
générale  de  Thôpital  ;  ils  ne  nous  font  pas  pénétrer  dans  Tin- 
timité  de  la  vie  quotidienne  des  frères.  Les  archives  de  la 
commanderie  possèdent  un  document  de  premier  ordre  à  ce 
point  de  vue  spécial.  Il  porte  pour  titre  :  Costumas  et  ordC' 
nensas  delsfrayres  del  hospital  de  S^-Andrieu-de-Gualhac. 

Les  ordonnances  qu*on  va  lire  sont  contemporaines  des 
statuts  ;  elles  sont  datées  du  12  janvier  1391  (1392  en  nouv. 
sty.).  C'est  au  moment  où  vénérable  et  circonspect  homme 
Pierre  de  Raymond  Astier,  nouvellement  élu  précepteur,  va 
pénétrer  dans  Thôpital  pour  prendre  possession  de  sa  charge, 
que  les  frères  hospitaliers,  ayant  à  leur  tête  Jean  de  Fagia^ 
vicaire  perpétuel,  lui  firent  prêter  le  serment  supra  sancta 
quatuor  Dei  evangilia  tenere  et  invtollabiliter  observare  omnia 
statuta  et  omnes  observationes  et  consuetu  dines  antiquas  etnovas 
ejusdem  hospitalis  et  pauperum  ac  fratrum. 

Le  préambule  constate  que  las  Costumas  et  Ordenansas  éidÀeni 
écrites  dans  un  livre  de  papier  à  couverture  rouge  ;  les  frères 
le  présentent  au  commandeur  et  réclament  leur  insertion  dans 
Tacte  de  prise  de  possession  *.  En  voici  la  teneur  : 


Ayso  son  las  costumas  et  ordenansas  dels  senhors  frajres 
capelas,  diagues,  clergues  et  donatz  del  hospital  de  mos- 
senhor  Sanct  Andrieu  de  la  villa  de  Galhiac  *  vielhas  et  novel- 
las  autregadas  per  totz  los  senhors  comandayres  passats  tro 
lo  jorn  de  huey  ;  en  lasqualas  los  senhors  frayres  so  en  veraya 
et  tranquilla  pocession  tro  lo  dia  presen. 


1  La  prise  de  possession  avait  lieu  par  Tintroduction  du  nouveau  per- 
cepteur dans  r hôpital. 

2  Une  autre  copie  porte  GttaMac;  c'est  ainsi  que  s'orthographie  géné- 
ralement ce  nom  de  ville  dans  les  comptes  consulaires  d'Albi  de  1359- 
1360. 


DE  LA   COMMANDERIE   DE   SAINT-ANDRE  215 

Article  1. 

Del  pa 

Permyeyramen  que  lo  dit  senhor  comandayre  o  lo  procu- 
pajre,  costituit[z] •  per  el  et  per  nos,  nos  deu  donar  una  micha 
per  lot  lo  jorn,  sy  no  voliam  mangiar  al  reffector,  o  mieja 
per  lo  dignar  o  autra  mieja  al  sopar,  al  cas  que  no  vol  g  u  es- 
son  dignar  o  sopar  al  dit  reffector  ;  la  quala  micha  deu  esser 
del  nombre  de  sayssanta  michas  al  sestier  ^  moult  al  bordoles 
et  passât  al  cédas  megaussier  ^  nj  trop  prim  nj  trop  gros. 

Art.  2. 

Del  vy 

Item,  lo  vj,  de  Sant  Miquel  ♦  tro  a  Pasquas,  tôt  pur  ses 
ajgua,  et  de  Pascas  tro  Sant  Miquel,  asagat  competemen. 

Art.  3. 

Dbl  gompanatgb  de  matt 

Item,  deu  nos  donar  mieja  pessa  de  moto  bo  et  sufficien, 
de  dos  en  dos  capellas,  de  maty,  ho  de  autra  carn  valen  mieja 
pessa  de  moto,  segon  lo  temps  en  que  seriam  ;  et  a  diages  et 
clergues  de  très  en  très  la  porcion  de  dos  capellas. 

Art.  4. 

Dbl  gompanatgb  del  sbr 

Item,  al  sopar  devem  aver  una  pessa  de  moto  devesida  ^ 
entre  très  talhadas  ^  am  lo  potatge  acostnmat,  segon  lo  temps 
en  que  hon  sera. 

*  Autre  copie  :  costetuit, 

*  Le  sétier  de  Gaillac  égale  138  litres  ;  il  se  divise  en  émine,  quartière, 
demi-quartière,  et  boisseau.  L'unité  supérieure  vaut  deux  fois  l'unité 
inférieure.  —  Faut-il  traduire  moult  al  bordoles  par  moulu  à  la  façon  de 
Bordeaux?  La  ville  de  Gaillac  était,  à  l'occasion  de  son  commerce  des 
Tins  qu'elle  y  transportait  par  eau,  en  communication  fréquente  avec  ce 
port  de  mer. 

s  Mejatùssier,  moyen  ;  le  sens  de  ce  mot  est  expliqué  par  les  mots  qui 
suivent. 

*  29  septembre. 

^  Autre  leçon  :  divisada, 

*  Morceaux,  portions. 


216  LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

Art.  5. 

Dbls  jorns  om  no  manja  carn  *■ 

Item,los  jorns  hom  no  manja  carn,  comavendres,  sapdes  e 
temporas^  ho  de  juns,^  devem  aver  miech  carto  de  formatge 
dematj^cascun  capella,  etmay  très  huous  crus  o  cu6tz,  segon 
que  los  volram,  et  dos  a  cada  clergue. 

Db  las  PITANSAS  ' 

Item,  la  pitansa  del  vy  clar,  ajssi  coma  so  acostumadas  ny 
80  escryptas  *  de  jotz. 

Art.  6. 

Dbls  jorns  quant  hom  vb  db  foras 

Item,  se  se  endevenia  que  negun  frayre  capella  o  diague  o 
cierge  vengues  de  foras  vila,  o  de  far  las  besonhas  necessa- 
rias,  quely  sia  baillada  lamicha  acostumada  cal  que  horaque 
vengues,  se  no  volia  manjar  al  reffector. 

Art.  7. 

Dbl  pbrmier  dia  db  CARBMA  BT  DBL  SBapN 

Tôt  permyeyramen  es  acostumat  que  lo  permier  dia  de 
Carema,  so  es  assaber  lo  mecres  et  pueys  may  lo  jous  après, 
per  cascun  de  aquels  dos  dias,  devo  aver  a  taula  pors  "^  et  ung 
arenc  de  dos  en  dos,  et  peys  fresc  et  ris  et  figuas  meladas  am 
avelanas  et  rasins  melats  et  vy  de  pitansa>  los  dos  dias  desus. 

Art.  8. 

Dbl  lus  bt  mars  gras  * 

Item,  lo  lus  et  lo  mars  gras  de  Carmantrans  era  acostumat 
autramen*  que  totas  las  causas  desus  dichas  donava  hom  a'  n 

*  Autre  leçon  ;  Dels  joims  caremals, 

*  Quatre-Temps. 

*  Jours  de  jeûne, 

*  Autre  leçon:  et  may.  Elle  est  mauvaise. 

*  Pitansa  a  pour  étymologie  pita^  quart  du  denier,  parce  que,  à  l'ori- 
gine, la  pension  quotidienne  fut  d'une  pite. 

^  Autre  leçon  :  Et  escriptas  dejots. 

'  Nous  trouverons  à  l'art.  12  et  à  d'autres  ;  potres,  poireaux. 

*  Autre  leçon  ;  Dels  dos  jorns  de  Caramanlrans . 

*  Autre  leçon  qui  nous  paraît  la  bonne  :  anciennement. 


DE  LA   COMMANDERIE   DE  SAINT- ANDRE  217 

aquel  que  la  manjava  ^  aquels  dos  dias;  mas  aras  no  sj  dyna 
hom,  sy  no  d'alscans,  per  que  es  transportât  al  mecres  et  al 
jous  ;  ampero  sj  negun  n'avia  que  manjar  la  volges,  los  ditz 
dos  dias  de  Carmantrans,  donaria  lor  hom  coma  los  autres 
dias  per  semmana  es  acostumat  ;  o  sj  n'y  avia  que  volguesso 
de  junar,  dara  lor  hom  et  arenx  et  spinarts  ;  et  las  autras  cau- 
sas coma  se  apart  de  aquels  que  de  juno. 

Art.  9. 

Del  fermier  vendres  de  gariïima 

Item,  lo  venres  après,  als  senhors  capelas,  dos  arenx  de 
dos  en  dos  am  spinartz,  et  après  favas  et  puejs  très  noses;  et 
en  ajssi  per  totz  los  vendres  de  carema;  et  als  cierges  am 
los  diagues  et  los  autres  adordenatz,  de  dos  en  dos  ung  arenc. 

Art.  10. 

Del  fermier  sapde  de  carema 

Item,  lo  sapde  après,  pureja  et  merlus  de  dos  en  dos  très 
pessas  del  cartier  ;  et  no  devo  far  mas  très  pessas  del  cartier  ; 
et  après  pezes  et  noses  ;  et  en  ayssi  per  totz  los  autres  [sap- 
des]^  de  Carema,  am  salsa  de  alhiada'. 

Art.  11. 

Del  fermier  dimbrge  de  carema 

Item,  lo  dimerge  après,  al  dignar,  pors  am  merlus  et  am 
salsa  ;  et  al  sopar  arenx,  de  dos  en  dos  ung  arenc,  et  fresas  ^, 
a  las  vegadas  bonhietas  ^;  en  ayssi  per  totz  los  dimerges  del 
Carema. 

1  Autre  leçon:  Mangiavo, 

^  Au  lieu  de  sapdes  qui  manque   sur  la  leçon  qui  nous   a    paru    la 
moins  fautive,  nous  trouvons  dans  une  autre  :  dias, 
3  Sauce  à  l'ail. 

*  Il  faut  probablement  entendre  par  fresas,  non  le  fruit  du  fraisier  — 
les  fraises  ne  sont  pas  si  précoces  —  mais  une  pâtisserie. 

•  Le  mot  n'est  pas  encore  disparu,  pas  plus  que  la  chose  au  reste. 
Dans  les  montagnes  de  Lacaune,  on  fabrique  des  bougnetos  avec  de  la 
viande  de  porc  hachée  menue,  de  la  mie  de  pain ,  du  lait  et  des  œufs 
pétris  ensemble. 

'5 


218        LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

Art.  12. 

De  la  fbsta  de  St-Peyre  de  la  Cadieyra 

Se  se  endevenia  que  la  festa  de  la  Cadieyra  de  sanct-Pejre 
fos  en  Carema  et  cases  ad  vendres,  o  en  aultre  dia  que  di- 
merge  no  fos,  devo  aver  porres  et  merlus  et  arenx,  et  pueys 
rjs  et  noses  ;  se  ad  dimerge  venia,  devo  aver  coma  desas,  et 
al  sopar  frezas  am  merlus  et  noses  et  vy  de  pitansa. 

Art.  13. 

Item^  se  casia  la  ditta  festa  en  temps  de  carn  manjar  devo 
aver  porres  am  carn  salada  et  carn  de  moto  o  de  buou  ;  et  al 
sopar  raust  de  porc  o  de  moto  ;  vy  de  pitansa. 

Art.  14. 

Del  jous  de  mibja  carbma 

Item,  lo  jous  de  la  mitât  de  la  Carema,  es  acostumat  de  far 
un  revit  gênerai  *  per  totz  los  frayres  que  so  mortz  ;  et  devo 
aver  porres  et  arenx  et  peys  fresc  am  ris  et  ûgas  et  avelanas 
am  raisins  melatz  et  pitansa  de  vy  bo. 

Art.  16. 

Dbl  dia  de  nostra  dona  de  mars 

Item,  lo  dia  de  la  Mayre  de  Dieu,  pors  et  arenx  am  merlus, 
ris  et  noses  et  vy  de  pitansa. 

Art.  16. 

Dbl  dia  de  rams 
Item,  lo  dimerge  *  de  Rams  %  al  dignar,  porres,  arenx,  peys 
fresc  ;  al  sopar,  ris  am  arenx  et  noses.  Devo  far  fogassa*  als 
senhors  et  devesir  aquela  a  taula  al  dignar,  et  pitança  de  vy. 

Art.  17. 

Del  jous  sanct 

Item,  lo  jous  sanct,  porres,  arenx,  peys  fresc  et  avelanas  et 
ris,  figas  am  las  ditas  avelanas  '  et  vy  de  pitansa. 

1  Service  funèbre  d'anniversaire. 

«  Dans  les  comptes  consulaires  d'Albi  1359-1360,  on  trouve  Dimengue 
et  Dimergue  pour  a  dimanche  ». 

*  Rameaux. 

*  Gâteau. 

>  Autre  leçon  :  meladas,  avelanas. 


DE  LÀ  GOMMÂNDERIE  DE  ÔÀINT -ANDRE  219 

Art.  18. 

Del   SAPDfl   SANCT 

Item^  ]o  sapde  sanct,  en  ayssi  meteys  coma  lo  jous  sanct. 

Art.  19. 

Del  dia  db  pasgas 

Item,  lo  dia  de  Pasquas,  broet  o  janat^  am  carn  de  porc  o 
de  moto,  am  carn  salada,  am  lo  raust  del  anhiel  pasqual  et 
pitansa  de  formatge  fresc  ho  salât;  al  sopar,  raust  de  porc  ho 
de  moto  et  pitansa  de  vj  et  de  formatge  ;  et  maj  los  dos  dias 
après  del  ser  et  de  matj. 

Art.  20. 

Del  lbndbma 

Item,  lo  endema,  sabrie  simple  am  carn  salada  et  de  fresqua, 
coma  desus  ;  al  sopar,  raust  de  porc  o  de  moto  ;  formatge,  ut 
aliis  diebus. 

Art.  21. 

Del  tbrs  jorn 

Item,  lo  ters  dia,  spinartz  am  carn  salada  et  de  fresqua, 
coma  desus  ;  al  sopar,  raust,  de  dos  endos  mieja  pesa  vaJen  ; 
ajtan  metejs  al  sopar  he  de  fromatge. 

Art.  22. 

Del  fermier  megres  de  Pascor  ^ 

Item,  del  premyer  mercres  de  Pascor  entre  a  Sanct  Mi- 
chel, devo  donar,  de  dau  ser  ^  a  cada  capela,  del  broet  en 
que  sera  cuecha  la  carn,  a'n  aquels  que  ne  volran. 

1  Faut-il  rattacher,  comme  le  suppose  M.  H.  Teulié,  janat  à  bajanat 
qui,  dans  la  langue  d'aujourd'hui,  se  dit  d'un  pain  incomplètement  cuit 
et,  dans  Mistral,  a  le  sens  de  décoction  ?  Doit-on  au  contraire,  suivant 
ITiypo thèse  de  M.  Louis  Rouanet,  le  rattacher  à  janado^  feu  de  joie  ? 
Quoi  qu'il  en  soit,  janat  paraît  bien  désigner  une  grillade.  ^ Broet  oja?iat 
am  carn  de  porc  o  de  moto>  semblent  devoir  se  traduire  par  :  c Viande 
de  porc  ou  de  mouton  en  sauce  ou  grillée  » . 

*  Temps  pascal. 

3  C'est-à-dire  al  se7%  le  soir.  En  effet  l'intitulé  de  cet  article,  dans 
une  autre  copie,  est  :    DA  potatgie  d'au  sser. 


T20  LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

Art.  23. 

Del  MECRB8  DB  Pasquor 

Item,  devo  aver,  de  Pasquas  tro  a  Pentecosta,  fresas  am 
cam  salada  et  am  carn  ficesqaa  de  moto  ;  al  sopar,  carn  bol- 
hida  de  moto  o  de  autra  carn.  Se  casia  festa  dobla,  raust,  al 
sopar,  de  porc  o  de  moto. 

Art.  24. 

Del  jous  de  Pasquor 

Item,  lo  jous,  spinartz  am  carn  salada  et  am  carn  fresqna  ; 
al  sopar^  raust.  Et  en  ajssi  entre  a  Pentecosta.  Et  tôt  autre 
dia  de  carn  manjar,  qae  sia  vespra  de  temperas  o  de  Tigillia, 
devo  aver  raust  per  tôt  Tan  compllt,  et  dimerges  et  festas 
doblas  ;  al  sopar,  raust. 

Art.  25. 

En  GENERAL  DEL  DIVSNDRBS  ET  SAPDB 

Item,  lo  divendres  et  lo  disapde,  la  ung  dia  legums,  et 
Tautre  pureja  o  broet  am  una  pessa  de  fromatge  a  cada  ca- 
pela,  del  pes  des  us,  et  may  très  huous  o  cueg  [s]  ho  crus  de  Pas- 
quas  entre  a  Pentecosta,  la  hun  dia  batuts  et  Tautre  jssilats  *  ; 
et  de  Pentecosta  entro  a  las  autras  Pasquas,  la  ung  dia 
bolhitsa  Tajga,  et  L'autre,  batuts  ho  jssillats,  am  la  salsa  que 
se  apertendra,  segon  lo  temps  '. 

Art.  26. 

Dbl[s]  luges  PER  SEMMANA 

Item,  per  semmana,  lo  lus,  sabrie  simple  entro  a  Sanct 
Michel  am  carn  salada  entro  a  Pentecosta,  et  am  fresqua  de 
carn  de  porc  ho  de  moto  ho  de  buou,  segon  lo  temps.  Et  ayssi 
per  tôt  Tan  ;  al  sopar,  carn  bolhida.  Als  autres  dias  spinarti 
ho  fresas,  segon  lo  temps. 

1  C'est-à-dire  une  fois  en  omelette,  une  autre  fois  faits  à  la  poêle. 

*  Nous  avons  trouvé,  dans  les  comptes  consulaires  d'Albi,  une  autre 
façon  de  préparer  les  œufs  :  c'était  la  fromafjada.  On  râpait  du  fro- 
mage dans  des  œufs,  on  battait  ensemble  comme  pour  Tomelette.  On 
saupoudrait  ensuite  de  sucre. 


DE  LA   COMMANDERIE   DE  SAINT-ANDRÉ  221 

Art.  27 

DbLS  DOS  DIAS  DE  ROOASOS 

Item,  a  las  Rogasos,  al  dignar,  legurus  novels  ho  vîels  am 
formatge,  et  am  huoas  et  nozes,  o  merlus  o  autre  peys  fresc. 

Art.  28. 

Item,  no  devo  ges  sopar,  mas  tant  solamen  dono  una 
micha  am  pitansa  del  vj  ;  et  meto  la  sas  lo  dressado  ;  et 
manga  que  mangar  vol  ;  quar  d'al  res  no   so  tenguts. 

Art.  29. 

Del  ters  bia 

Item,  lo  ters  dia  de  Rozas  S  que  es  la  vespra  de  la  Assen- 
sion,  legums  novels,  quy  no  pot  trovar,  sy  no  de  viels,  et 
formatge  et  huous,  et  pueys  flans  *  am  sucre  et  nozes  ;  lo 
ser  beure  tant  solamen  de  bon  vy. 

Art.  30 

Del  dia  de  la  assbnsion 

Item,  lo  dia  de  la  Assension,  al  dignar,  janat  am  carn 
salada  et  am  carn  de  moto  ho  de  porc  et  pytansa  de  vy  bo. 

Art.  31. 

La  vbspra  de  Pentecosta 

Item,  la  vespra  de  Pentecosta,  favas  novellas  o  pesés  am 
formatge  ;  après  flans  am  sucre  ;  al  ser,  beure  de  bon  vy 
am  frucha. 

Art.  32. 

Del  dia 

Item,  lo  dia  de  Pentecosta,  al  dignar,  janat  am  carn  sa- 
lada et  am  carn  fresca  de  porc  ho  de  moto;  après  vyvayrol  ^, 

ï  A  remarquer  cette  forme  de  Hozas^  Rogations. 

*  Autre  leçon  :  flars. 

3  Nous  avions  d'abord  écrit  vi/  vayrol  en  deux  mots.  Mais  l'article  44 
prouve  surabondamment  qu'il  ne  s'agit  pas  d'une  variété  quelconque  de 
vin  à  opposer,  par  exemple,  à  vy  de  pitansa.  M.  Louis  Rouanet  serait 
tenté  de  faire  de  vyvayrol  un  substantif  verbal,  comme  viande  [vivenda). 


222  LES  STATUTS  ET  LES   COUTUMES 

et  pueys  pitansa  de  bon  yj,  et  de  maty  et  de  ser.  Al  sopar, 
raust  de  porc  ho  de  moto  et  formatge,  los  dos  dias  après. 

Art.  33. 

Los  LUSSES  ^ 

Item,  lo  las  après,  sabrie  simple  am  carn  salada  et  am 
carn  fresca.  Et  en  ayssi  per  totz  los  lusses  de  carn  manjar, 
se  no  que  fos  festenal,  entro  a  Sanct  Michel.  Al  sopar,  raust 
de  porc  ho  de  moto  et  vj  de  pitansa  ;  matj  et  ser  de  for- 
matge. 

Art.  34. 

Lo   BIARS 

Item,  lo  mars  après,  cauls^  blancs,  se  on  ne  trova,  o  spi- 
nartz  am  carn  salada  et  carn  fresqua  ;  al  sopar ,  coma  desus 
de  formatge. 

Art.  35. 

Las  temporas  de  pentecosta 

Item,  las  temporas,  al  dignar,  favas  novellas ,  ho  aultres 
legumsam  formatge  am  huous  ho  pejs  fresc,  ho  de  salât  et 
nozes  ;  al  ser  heure. 

Art.  36. 

General 

Item,  lo  jous  apres^  coma  es  script  entro  Pasquas  et  Pan- 
thacosta  ;  al  ser  raust,  et  en  ajssi  per  tôt  lo  an. 

Art.  37. 

Lo   VENDRAS   ET   LO   SAPDE 

Item,  lo  vendres  et  lo  sapde,  en  ajssi  coma  es  script  entro 
Pasquas  et  Panthacosta. 

dont  il  faudrait  chercher  Têtymologie  dans  vivere  ou  bien  un  dérivé  de 
varioluSy  varius^  d'où  le  mot  français  «bariole».  Dans  tous  les  cas  l'ar- 
ticle 44  permet  de  traduire  ce  mot  par  omelette.  On  lit  en  eflet  dans  les 
comptes  consulaires  d'Albi  de  1359,  f»  II  v  :  Item  per  huous  et  per  fro- 
matges  per  far  fromatjadas  :  Dans  les  deux  articles  il  s'agit,  sans  conteste 
possible,  d'un  même  mets,  c'est-à-dire  d'une  omelette  au  fromage  qu'on 
saupoudrait  de  sucre,  ainsi  qu'on  le  constate  au  fo  suivant  des  mêmes 
comptes  Cf.  dans  Mistral  :  vivaràu,  bibaroUy  s.  m.  Espèce  de  bouillie 
en  Béam  (1674). 

1  Forme  pluriel  de  «lus  »,  lundi. 

^  Choux,  aujourd'hui  caulet. 


DE  LA  COMMANDERIE  DE   SAINT-ANDRE  223 

Art.  38. 

LO   DIMERGE 

Item,  lo  dimerge  après,  coma  es  script  entre  Pasquas  et 
Pantacosta,  tant  dels  dimerges  que  quant  dels  autres  dîas 
per  sempmana. 

Art.  39. 

La  F£STA  db  nostrb  senhor 

Item,  lo  dia  de  la  festa  de  Nostre  Senhor,  al  dignar,  ginas  * 
senso  janat  am  carn  salada,  am  moto,  ho  porc  ;  al  sopar, 
raust  de  moto  o  de  porc  et  pitansa  de  bon  vy,  maty  et  ser,  et 
formatge,  ut  supra. 

Art.  40. 

La  vespra  de  sanct  johan  batista 

Item,  la  vespra  de  sanct  Johan  Batista  guinas,  al  dignar, 
et  legums  novels  ho  viels  am  formatge.  Item,  flans.  Item,  lo 
ser  heure  al  reffector.Et  en  ajssi  per  totas  las  autras  vigillias 
de  tôt  l'an  ;  exeptat  que  las  guinas  et  las  autras  fruchias  devo 
donar  segon  lo  temps;  vy  de  pitansa. 

Art.  41. 

Del  dia 

Item,  lo  dia  de  Sanct  Johan  Batista,  al  dignar,  coma  los 
dimerges  ;  al  sopar,  raust  de  porc  ho  de  moto  ;  vy  de  pi- 
tansa. 

Art.  42. 

La  vespra  de  sanct  peyre 
Item,  la  vespra  de  sanct  Peyre  et  de  sanct  Paul,  al  dignar, 
porres  am  fromatge  ;  après  peys  fresc   et  pueys  fruchia  de 
maty  et  de  ser  ;  a  la  collation,  vy  de  pitansa. 

Art.   43. 

Lo  DIA 

Item,  lo  dia,  al  dignar,  petyt  oya  am  menusas^  d*auquas 
ara  lo  raust  am  moto  ho  porc  et  carn  salada.  Item,  vyvayrol. 

^  G.  a  le  son  dur  ;  nous  allons  trouver  à  Tart.  40,  guinas^  sorte  de 
cerise. 
'  Abatis. 


224  LES    STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

Item,  pitansa  de  vj  et  de  fruchia.  Item^  la  ser,  raust  de  las 
auquas  o  de  autra  carn. 

Art.  44. 

Nota  bkne 

Item,  sy  la  festa  de  sanct  Peyre  et  de  sanct  Paul  venia  a 
divendres  ho  a  disapde,  devo  donnar  porres  am  formatge  et 
peys  fresc  de  bolhit   et   de   rostit  am  merlus ,  et  pueys  vy- 

« 

vayrol  de  formatge  et  de  huous,  et  sy  qualqua  autra  festenal 
fos,  devem  adver  aquo  meteys  am  pitansa  de  vy,maty  et  ser, 
coma  dis  es. 

Art.  45. 

Del  potatge  del  dimerge  après  sanct  peyre 
Item,  devo  donar  cogas  *  per  cascun  dimerge  james  que 
comenso  de  esser  ;  et  eysso  a  luench  que  duro. 

Art.  46. 

La  «  AD  VINCULA  »  DE   SANCT   PEYRE  ^ 

Item,  en  la  ad  vincula  de  sanct  Peyre,  coma  una  autra 
festa  dobla,  am  pitansa  de  vy  et  de  formatgie  ;  et  de  ser 
raust. 

Art.  47. 

Item,  la  vespra  de  sanct  Laurens,  fruchia. 

Art.  48. 

La  vespra  de  la  mayrb  dieu 

Item,  la  vespra  de  la  Mayre  de  Dieu  de  Aost,  al  dignar, 
broet  am  huous  fach,  et  après  formatge  et  pueys  peys  fresc. 
Item,  lo  ser,  heure  ;  de  vy  bo  maty  et  ser.  Item,  frucha.  Et 
ayssi  coma  dis  [esj  la  vespra  de  sanct  Johan. 

Art.  49. 

Del  DiA 

Item,  lo  dia  de  la  dicha  festa,  al  dignar,  porres  o  janatara 
moto  et  porc,  et  pueys  vy  vayrol  et  fruchia  am  formatge. 
Item,  lo  ser,  raust,  am  pitansa  de  vy,  maty  et  ser  ^. 

1  Gâteaux. 

2  Fête  le  1"  août. 

'^  En  marge  ou  en  interligne,  dans  cette  page,  on  lit  :  La  vespra  de 


DE   LA   COMMANDERIE  DE   SAINT-ANDRE  225 

Art.  50. 

De  la  Nativitat  db  Nostra  dona  * 

Item,  la  festa  de  la  Nativitat  de  la  mayre  de  Dieu,  al  dignar, 
porres  am  moto  et  porc  et  carn  salada  et  pitansa  de  vy, 
maty  et  ser;  al  sopar  raust.  Item,  vyvayrol,  coma  dis  es  lo 
ser  de  Sanct  Peyre. 

Art.  51. 

La  Vespra  de  Martbro' 

Item,  la  vespra  de  Martero,  porres  am  formatge  et  peys 
fresc  0  de  salât,  bo>hit  o  rostit;  lo  ser  heure  de  bon  vy. 

Art.  52. 

Lo    DIA   DB   LA   FESTA 

Item,  lo  dla  de  la  festa,  porres  am  carn  salada  et  am  carn 
grossa  am  vyvayrol  ;  et  al  sopar,  raust  de  porc  ho  de  moto, 
et  pitansa  de  vy,  maty  et  ser,  am  formatge. 

Art.  53. 

Del  DIA  DE  Sanct  Marti' 

Item,  lo  dia  de  Sanct  Marti,  devo  aver  coma  las  autras 
festas  dohlas  et  pitansa  de  vy  novel  d'au  ser  et  de  maty,  et 
formatge. 

Art.  54. 

La  Vbspra  DE  Sanct  Andrieu  * 

Item,  la  vespra  de  Sanct  Andrieu  devo  aver  peys  am  mer- 
lus am  arencz,  et  pueys  peys  fresc  et  ris  se  em  als  Avens,  et, 
se  em  en  carnal  ^,  formatge  et  figas,  advelanas  et  rasins 
melats;  et  devo  heure  de  hon  vy,  al  ser,  a  la  collation. 


St  Betihomieu,  la  vespra  de  St  Mathieu,  la  vespra  de  St  Symon  et  Jude, 
fnichia  segon  lo  temps. 

ï  Fête,  8  septembre. 

2  Fête  de  la  Toussaint.  On  dit  encore  Martror  pour  désigner  la  fête 
des  morts,  2  novembre. 

^  Fête,  11  novembre. 

*  Fête,  30  novembre. 

*  Jour  où  il  est  permis  de  manger  de  la  viande. 


226  LES  STATUTS  ET  LES  COUTUMES 

Art.  55. 

Del  dia 

Item,  lo  dia  de  la  festa,  porres  am  carn  salada  et  carn  de 
porc  et  de  moto  am  vyvayrol  ;  al  sopar  raust  de  tessonas  '. 
Sj  la  festa  casia  en  advens  devo  ad  ver  porres  am  arenx,  de 
dos  en  dos  ung  arenc,  et  peys  fresc  de  bolhit  et  de  rostit  am 
merlus  et  ris  am  sucre,  figas,  avelanas  am  rasins  melatz  am 
pitansa  de  vy  bo  tôt  lo  dia. 

Art.  56. 

Item,  lo  jous  d'avan  los  advens  dono  om  broet  am  galinas, 
am  squinas  de  porc  saladas,  a  dos  capelas  mieja  galina,  am 
carn  grossa;  al  sopar^  pitansa  de  bon  vy  et  de  formatge.  Et 
en  ayssi  los  jous  d*avan  carema. 

Art.  57. 

Del  Dimergb  de  Avbnx 

Item,  lo  permier  dimerge  de  Avens,  donaprechan  Carman- 
trans  ^  et  dono  am  galinas  am  squinas  de  porc  saladas  et  por- 
res a  dos  capellas  ;  al  dignar,  mieja  galina  et  carn  grossa  am 
vyvayrol  ;  al  sopar,  als  capelas  de  dos  en  dos  nna  galina  et 
pitansa  de  formatge,  et  de  vy  maty  et  ser. 

Art.  58. 

Del  premier  dia  et  segon  di/v. 

Item,  lo  permier  dia  et  lo  segon  d*avenx  dona  om  dos  potat- 
ges,  la  ung  de  ris  et  Tautre  a  la  volontat  dels  ministres,  am 
arenx  et  merlus  et  huous,  nozes  et  ôgas  et  salsa  aquela  que 
apertendra.  Et  en  ayssi  per  totz  los  autres  dias  de  avenz, 
exceptât  que  totz  ges,  tôt  dia  no  devem  aver  ris  ny  arenz  ; 
cada  ser  beure. 

Art.  59. 

Dels  dimergbs  d'âvenx 

Item,  los  dimerges  d'Avenx,  al  dignar,  porres  et  merlus; 
al  sopar,  ôgas,  arenx  et  merlus. 

1  Truies. 

*  Nous  avouons  ne  pas  saisir  le  sens  exact  de  ce  membre  de  phrase. 


DE  LA   COMMANDERIE  DE   SAINT-ANDRE  287 

Art.  60. 
Dels  bivbndres  d'Avbnx 

Item,  totz  los  divendres  d'Avenz,  arenz  et  merlus  et  nozes, 
etnng  aultre  potatge  tant  solamen. 

Art.  61 

Item,  la  vespra  de  Sanct  Thomas  *,  fruchia. 

Art.  62. 

De  la  Vespra  de  Nadal 

Item,  la  vespra  de  Nadal,  ris  et  pejs  fresc,  ûgas  et  avelanas 
et  pjmen  *,  neullas  '  et  bon  vy  de  pitansa,  maty  et  ser. 

Art.  63. 

Del  dia 

Item,  lo  dia  de  Nadal,  caulx  am  carn  salada  et  carn  grossa 
de  doas  am  vyvayrol,  am  pymen  et  neulas.  Al  sopar,  coma 
al  dignar,  et  vy  de  pitansa  et  formatge,  maty  et  ser. 

Art.  64. 

L'bndema  de  Nadal 

Item,  pymen  et  neulas  per  totas  las  octavas,  cada  dia  dos 
vestz,  et  a  quatre  neulas  cada  capela,  et  als  cierges  dos  ;  et 
vy  de  pitansa  los  très  jorns,  maty  et  ser  et  formatge. 

Art.  65. 

De  la  octava  de  S.  Estephe* 

Item,  tota  la  octava  de  Sanct  Stephe,  Sanct  Jolian  et  dels 
Ignocens,  pymen  et  neulas,  cada  dia,  dos  vestz,  et  vy  de 
pitansa  los  très  dias. 

»  Fête,  21  décembre. 

*  Le  piment  paraît  avoir  été  considéré  à  cette  époque  comme  un  con- 
diment recherché.  Les  consuls  d'Albi  en  faisaient  cadeau  aux  personna- 
ges importants  qui  visitaient  leur  ville.  On  lit  dans  les  comptes  consu- 
laires de  1359-1360  ;  a  VI  de  dezembre^  tramezen  al  jutge  majer  de  Car- 
cassona...  IIII  lbr.de  cofimens  en  /a  mola  de  muscadel  etautra  de  pimen. 

*  Gâteaux  faits  de  fleur  de  farine.  Voir  Du  Gange,  verb.  nebula.  Peut- 
être  des  oublies  ou  des  gaufres. 

*  Fête,  26  décembre. 


228  LES  STATUTS  ET   LES  COUTUMES 

Art.  66. 

Dël  dia  db  s.  Johàn  APRES  Nabal^ 

Item,  lo  dia  de  San  et  Johan,  que  es  lo  ters  dia  de  Nadal, 
pebrada  S  se  es  dia  de  carn  manjar,  am  carn  fresqua  de  buoo 
ho  porc. 

Art.  67. 

Del  dia  de  an  nou 

Item,  lo  dia  de  an  nou  ^  porres  am  carn  salada  et  carn 
grossa  ;  après  pymen  et  neulas  ;  al  sopar,  raust.  Et  en  ayssi 
per  las  autras  octavas,  et  vy  de  pytansa. 

Art.  68. 

Epiffania,  de  la  vespra  de  la  Tosania 

Item,  la  vespra  de  la  Tosania,  dos  vestz  pymen  et  neulas 
et  vy  de  pitansa  et  potatge  et  conpanatge,  segon  lo  dia.  Item, 
formatge. 

Art.  69. 

Del  dia  de  Tosania*  Epiffania 

Item,  lo  dia  de  la  Tosania,  porres  am  carn  salada  et  carn 
grossa  et  pueys  vyvayrol;  al  sopar,  raust  de  moto  ho  de 
porc,  formatge.  Item,  pymen  et  neulas,  dos  vegadas,  et  per 
totas  las  octavas  dos  vegadas  per  chascun  dia. 


1  Fête,  27  décembre. 

2  Probablement  sauce  où  entrait  le  poivre  comme  condiment. 

3  II  s'agit  évidemment  ici  du  1"  janvier,  jour  de  l'an  neuf  ou  nouveau. 
Or,  dans  l'Albigeois,  à  cette  époque  et  pendant  longtemps  encore,  l'an- 
née commençait  le  25  mars.  Il  faut  donc  admettre  que,  si  pour  les  actes 
publics,  si  dans  la  langue  officielle,  l'année  s'ouvrait  le  lendemain  de  la 
fête  de  l'Annonciation,  dans  le  populaire,  dans  les  actes  courants  de  la 
vie,  le  véritable  premier  jour  de  l'an  était  resté  le  !•'  janvier.  De  ce  fait, 
qui  ne  manque  pas  d'importance,  nous  avons  trouvé  une  autre  preuve 
dans  les  comptes  consulaires  d'Albi  de  1368-1369:  La  nuech  (Tan  nou 
casec  un  tros  de  mur  davan  Vosdal  de  R.  Terssac  e  rompec  lo  pal  que  era 
davan.  Or,  c'est  le  2  janvier  qu'est  faite  cette  constatation  et  que  les 
consuls  mettent  des  ouvriers  à  la  réparation  de  cette  fortification  en 
bois  (pa/,  palenc)  entraînée  dans  la  chute  du  mur  de  Raymond  Terssac. 

*  Tosania^  synonyme  de  Epifania. 


DE  LA  COMMANDERIE  DE  SAINT-ANDRE  229 

Art.  70. 

De  la  vespra  de  St-Ylari  et  del  dya 

Item,  la  vespra  de  Sanct-Alari  ^  et  lo  dia,  que  ne  devem 
aver  aytambe,  ^  doas  vestz  '  per  cada  dia,  et  vy  de  pitansa, 
lo  dia  et  la  octava.  Item  formatge. 

Art.  71. 

De  la  vespra  de  St-Vincbns  et  del  dia 

Item,  la  vespra  de  Sanct-Vincens^  et  lo  dia^  pjmen  et  neu- 
las  dos  vestz  et  vy  de  pitansa.  Item  formatge. 

Art.  72. 

Item,  lo  dia  d*avan  la  vespra  de  la  Purifûcation,  al  sopar, 
raost.  Et  en  ajssi  per  totz  los  de  juns  et  vigillas  de  tôt  Tan. 

Art.  73. 

Item,  la  vespra^  très  huons  crus  o  cuetz  chascun,  am  pezes 
et  formatge  am  nozes  et  vj  de  pitansa. 

Art.  74. 

Del  dia  de  la  Puriffication  ^ 

Item,  lo  dia  de  la  Puriffication  de  lamajre  de  Dieu,  porres 
am  carn  salada  et  carn  grossa  et  vjvayrol.  Item,  al  sopar, 
raust  de  porc  o  de  moto  et  pymen,  se  n'y  a,  et  vy  de  pitansa 
et  formatge^  maty  et  ser. 

Art.  75. 

Del  dioaus-gras 

Item,  lo  jous  d'avan  lo  dimerge  de  Carmantrans,  al  dignar, 
broet  et  myeja  galina,  de  dos  en  dos,  am  carn  grossa,  am 
squinas  de  porcs  saladas  ;  al  sopar,  raust  de  porc  et  pytansa 
de  bon  vy  et  formatge  maty  et  ser. 

ni  y  a  donc  équivalence  entre  Ylari  et  Atari;  la  fête  de  St-Hilaire 
est  le  14  janvier. 

*  Aussi. 

^  Vetz^  écrit  également  vêts  dans  les  documents  de  l'époque,  est  syno- 
nime  de  vegadas,  fois;  doas  vetz^  deux  fois,  c'est-à-dire  à  chaque  repas. 

*  La  fête  de  St-Vincent  est  le  22  janvier. 
5  2  février. 


230       LES  STATOTS  ET  LES  COUTUMES 

Art.  76. 

Del  DIMBR6UB  GRAS 

Item,  lo  dimerge  de  Carmantrans,  al  dignar,  broet  o  janat 
am  galinas,  de  dos  en  dos  mjeja  galina,  am  squinas  de  porc 
saladas,  am  carn  grossa  ;  et  paejs  vjvajrol  et  formatge.  Al 
sopar,  raust,  de  dos  en  dos  una  galina,  am  salsa  et  pitansa 
de  vy  et  formatge,  matj  et  ser. 

Le  nouveau  Commandeur,  Pierre  de  Raymond  Âstier,  po- 
sant les  mains  sur  le  Te  igitur  du  livre  missel,  jura  sur  les 
saints  évangiles  de  fidèlement  observer  les  statuts,  coutumes 
et  ordonnances  de  l'hôpital,  spécialement  ceUes  qui  concer- 
naient la  nourriture  et  la  table  des  frères.  L*act6  se  termine 
ainsi  :  Acta  fuerunt  hec  apud  dictum  locum  de  Galhiaco,  annoet 
die  et  régnante  predictis^  in  presentia  et  testimonio  discretorum 
virorum  magistrorum  Bemardi  de  Cadalonio^^  Pétri  de  Fonte^ 
baccallariorum  in  legibus,  nobilium  Guilhermi  de  Almonano, 
Yzami  Ebralhy  '  domicellorum^  dominorum  Pétri  Raymundy, 
Benedicti  Atmaldi  Roquas,  Raymundi  Arquerii^  presbiterorum, 
Guilhermi  Artolij  VitaUis  Campanesii^Petin  Abel/ionis^Johannis 
Julianij  Pétri  Ravalini,  Raymundi  Farsati^  etplurium  aliorum 
testium  adpremissa  vocatorum  et  requisitorum^  et  mey  Pétri 
Pelros  habitatoris  dicti  loci,  notaini  Tholose  publicij  qui^  re- 
quisitus  de  premissis^  hoc  publicum  presens  instrumentum  recepi^ 
scripsi  fideliter  et  grossavi  et  in  fidem  et  testimonium  premis- 
sorum  signo  meo  sequenti  signavi. 

Certes,  au  point  de  vue  historique  et  philologique,  les  pa- 
ges qui  précèdent  n'ont  pas  grand  intérêt.  Cependant  l'orga- 
nisation intérieure  de  l'hôpital  de  St-André  est  absolument 
inconnue  ;  on  a,  jusqu'ici,  recueilli  peu  de  renseignements 
sur  les  établissements  charitables  au  mojen  âge.  Les  statuts 

'  1  Cadalen,  chef-lieu  de  canton  de  rarrondissement  de  Gaillac. 

*  Les  Elbrail  avaient,  au  XVI*  siècle,  les  seigneuries  de  Tonnac,  de 
Dalon,  de  Lacourtade,  de  Rouyre,  la  baronnie  de  Rivières.  Un  Guil- 
laume Ëbrail,  écuyer,  figure  dans  les  archives  communales  d'Albi, 
au  XIV*  siècle  :  il  paie  110  francs  d'or  pour  avoir  tenu  garnison  dans 
l'église  du  prieuré  de  St-Michel  de  Lescure.  (G.  G.  432). 


DE  LA   COMMANDERIE   DE  SAINT-ANDRE  231 

que  nous  venons  d'anal jser,  sans  combler  une  lacune,  nous 
font  pénétrer  plus  avant  dans  la  connaissance  de  Torganisa- 
tion  de  la  charité,  dans  une  petite  ville,  au  XIV  siècle. 

D'autre  part,  las  costumas  des  frères  hospitaliers,  si  elles 
ne  sont  pas  un  document  philologique  de  premier  ordre,  don- 
nent un  important  spécimen  du  dialecte  albigeois  peu  connu 
des  romanisants»  On  y  trouve  quelques  mots  nouveaux  ;  sans 
doute  la  récolte  n'est  pas  abondante  ;  mais  les  gerbes  sont 
composées  d'épis  et  nous  sommes  de  ceux  qui  n'hésitent  pas 
à  ramasser  même  un  épi. 

AuG.  Vidal. 


OH!  POUSQUÉ 


Oh  !  pousqué  desfueia  li  roso, 
Li  roso  blanquinello  e  roso 
Que  mirgaion  lis  ort, 
E  souto  vôsti  pas,  à  pleni  man  li  traire, 
Perqué  vosto  bèuta,  e  sis  oulour,  dins  Taire 

Mesclèsson  sis  acord  ! 

Oh  !  pousqué  *nfada  cardelino, 
Roussigaoulet  e  calandrino, 
Auceloun  cantadis, 
E  li  faire  à  plesi  bresiha  soun  aubado 
Pèrtoat  ount  vous  plairié  de  pourta  vôsti  piado, 

Rèino  de  Paradis  ! 

Pousqué  sempre  coumandaTauro, 
Pèr  fins  que  flour,  espigo  sauro, 
Li  prado  e  li  meissoun, 
Quand  vous  espaçariés,  davans  vous  se  clinèsson, 
Que  piboulo  e  canèu,  ensèn,  vous  murmurèsson 

Sis  ôumage  bessoun  ! 


OH!  POUVOIR. 


Oh  I  pouvoir  effeuiller  les  roses,  les  roses  blanches  et  les  roses  roses 
qui  émaillent  les  jardins,  et  sous  vos  pas  à  pleines  mains  les  répandre, 
afin  que  votre  beauté  et  leurs  odeurs,  dans  Tair,  pussent  mêler  leurs 
accords  I 

Ohl  pouvoir  enféer  chardonnerets,  rossignols  el  fauvettes,  tous 
oiseaux  chanteurs,  et  les  faire  à  plaisir  gazouiller  leur  aubade,  partout 
où  il  vous  plairait  de  laisser  une  trace  de  votre  passage,  reine  de 
Paradis  I 

Pouvoir  toujours  commander  au  vent,  afin  que  fleurs,  blonds  épis, 
les  prairies  et  les  moissons,  lorsque  vous  vous  promèneriez  devant 
vous  s'inclinassent,  que  peupliers  et  roseaux  murmurassent  ensemble 
leurs  hommages  géminés  ! 


233  oh!    POUSQUÉ... 

* 

Oh  !  pousqué  dis  escandîhado 
D'avoust  amaisa  li  raiado 
Em'eigagno  e  blasin, 
Pèr  madura 'perpaus  frucho  d'aubre  e  de  souco, 
Rendre  dous,  perfuma,  proun  fresc  pèr  vosto  bouco, 

E  pessègue^  e  rasin  I 

Oh  I  pousqué  faire  uno  culido 
D'estello  palo,  margarido 
Di  pradoun  de  la  ni ae  ; 
Dins  vôsti  peu  sedous  li  ramena  'bel-èime, 
E  vous  courouna  'nsin  de  Taubenc  diadèime 

Qu*an  pantaîa  mis  lue  ! 


»  ♦ 


Mai  pecaire,  ai  ges  d'ort,  ni  de  roso  nacrado, 
Lis  auceloun  dôu  bosc  canton  que  se  ié  plais, 
L'auro  clino  quand  vôu  lis  espigo  daurade 

E  li  fueio  dî  frais  ; 

De  Testiéu  lis  ardeur  assecon  li  reviero, 
E  noun  pode  empacha  Tescaudage  di  fru  ; 
Lis  estello,  toustèms,  se  clucon  matîniero 

Dins  lou  âermamen  blu  ; 


Oh  !  pouvoir  des  incendiées  d'août  apaiser  les  rayonnements  avec 
la  rosée  et  la  fine  pluie,  pour  mûrir  à  propos  les  fruits  des  arbres  et 
de  la  vigne,  pour  rendre  doux,  parfumés,  suffisamment  frais  pour 
vôtre  bouche,  et  pêches,  et  raisins  I 

Oh  1  pouvoir  faire  une  cueillette  d'étoiles  pâles,  pâquerettes  des 
prairies  de  la  nuit  ;  dans  votre  chevelure  soyeuse  les  semer  à  tout 
hasard,  et  vous  couronner  aiusi  du  diadème  d'aube  que  pour  vous  ont 
rêvé  mes  yeux  î 

* 

Mais  hélas!  je  n'ai  aucun  jardin,  ni  aucune  rose  nacrée  ;  les  oiselets 
du  bois  ne  chantent  que  lorsqu'il  leur  plaît  ;  le  vent  incline  lorsqu'il 
le  veut  les  épis  dorés  et  les  feuilles  des  frênes  ; 

De  Tété  les  ardeurs  mettent  à  sec  les  rivières,  et  je  ne  puis  empêcher 
les  fruits  de  se  griller;  les  étoiles  toujours  se  couchent  matinales  dans 
le  firmament  bleu  ; 

16 


234  oh!   POUSQUÉ... 

Mai  n'en  cabusso  ges  sus  li  como  sedoaso 

Di  chato  s'aliscant  à  Touro  dôu  leva 

Bello,  adouDc  D*aurés  pas  lî  causo  miraclouso 

Qu'aviéù  pèr  vous  raival... 


* 


—  Eque  m'enchaute  enfant,  que  vrai  o  noun  m*avèngue 
Ço  que  dins  toun  pantai  me  vouliés  destina  ; 
Ai  ma  part  de  bonur  quand  counsèntes  que  tèngue 
Moun  front  sus  toun  espalo  un  moumenet  clina  ! 

Ës-ti  besoun  de  roso,  e  d'eigagno,  e  d'aubado  ? 
N'ai-ti  pas  toun  sourire,  e  ti  plour,  e  ti  cant  ? 
Mai  que  lou  dous  rasin  ta  bouco  es  perfumado, 
Ti  labro moun  te  i'a  béure  mai  refrescant  ! 

Tis  iue  leva  sus  iéu,  vese  de  farfantello  ; 
Se  caresses  moun  peu,  n'en  gisclo  de  raioun  ; 
Yai^  leisso  au  ôermamen  lis  astre  e  lis  estello, 
Que,  pèr  me  couronna,  rèn  noun  vau  ti  poutoun  ! 


Mais  il  n'en  tombe  aucune  sur  les  chevelures  soyeuses  des  jeunes 

fîlles  à  leur  toilette  au  moment  du  lever Belle,  vous  n'aurez  donc 

pas  les  choses  miraculeuses  que  j'avais  rêvées  pour  vous  !... 


* 


—  Et  que  m'importe,  enfant,  que  réellement  ou  non  m 'arrivent  les 
choses  que  ton  rêve  m'avait  destinées  ;  j'ai  ma  part  de  bonheur  lorsque 
tu  consens  à  ce  que  je  tienne  mon  front  sur  ton  épaule  un  moment 
incliné  ! 

Ai-je  besoin  de  roses,  et  de  rosée,  et  d'aubades  ?  N'ai-je  pas  ton 
sourire,  et  tes  pleurs,  et  tes  chants  ?  Plus  que  le  raisin  sucré  ta  bouche 
est  parfumée,  tes  lèvres où  trouver  boisson  plus  rafraîchissante? 

Tes  yeux  levés  sur  moi,  et  je  suis  éblouie  ;  si  tu  caresses  mes 
cheveux,  ils  deviennent  rayonnants  ;  va^  laisse  au  firmament  les  astres 
et  les  étoiles,  car  pour  me  couronner  rien  ne  vaut  tes  baisers  ! 


oh!  POUSQUÉ...  235 

Apren  pèr  toun  gonvèr,  enfant  à  Tamo  cando, 
Que  m^encanto  e  me  plais  ta  bello  voulounta  ; 
S'aviés  senti  pèr  iéa  qu'uno  passioun  mens  grande, 
Bèn  segur  que  jamai  n'auriés  pas  regreta 

De  n'èstre  pas  mié-diéu  pèr  mestreja  la  terro, 

E  pèr  mètre  à  mi  pèd  sa  f ruche  e  si  trésor 

En  place,  prene  adounc,  pèr  coumbla  toun  espère, 
Ço  que  m'as  pas  oufri  :  e  toun  amo,  et  toun  cor. 

P.  Chassary. 
Mount-Pelié,  8  de  jun  1899. 


Apprends  pour  ton  expérience,  enfant  à  Tâme  candide,  que  ta  belle 
volonté  m*enchante  et  me  ravit  ;  si  tu  n'avais  éprouvé  pour  moi  qu'une 
passion  mesquine,  sûrement  que  jamais  tu  n'eusses  regretté 

De  n'être  pas  un  demi-dieu  pour  commander  à  la  terre,  et  pour 
mettre  à  mes  pieds  son  fruit  et  ses  trésors...  A  leur  place,  je  prends 
donc,  pour  combler  ton  espérance,  ce  que  tu  ne  m'as  point  offert  :  et 
ton  âme,  et  ton  cœur. 

P.  Chassary. 

8  juin  1899. 


NOTICE 

SUR  UN  LIVRE   DE  COMPTES 
DE  l'Église  de  fournes  (aude)  * 


Le  manuscrit  dont  nous  allons  nous  occuper  appartient  à 
réglise  de  Fournes  (département  de  TAude,  arrondissement  de 
Carcassonne,  canton  de  Mas-Cabardés).  Il  nous  a  été  signalé 
par  un  passage  de  Mahul,  qui  en  donne  quelques  extraits. 
Voici  la  transcription  qu'il  donne  des  premières  lignes  du 
folio  I. 

«  Sen  siée  se  lo  einventary  dels  juels  et  paramens  de  la  gleisa  de 
Nostra-Donna  de  Fornas,  baylhat  per  Bernard  Turc,  jurât  del  an 
passât,  à  Arnaut  Gros,  jurât  del  an  présent,  et  ly  es  estât  baylhat, 
dimendgé  xj"*'del  mes  davost.  Tan  mil  V«  €•  quatre,  presens  :  Guiraud 
Blanc,  Johan  Turc,  Bernard  Turc,  Guilhem  Teyssier,  etc.  » 

«  Et  premieramen,  un  libre  missal,  complet,  de  pargam. 

Item  ung  autre  libre  missal  de  pnsa. 

Item  ung  autre  libre  missal,  petit,  vieilh. 

Item  lo  ordenary  per  batasar. 

Item  ung  cazous  vieilh.  notât. 

Item  may  las  letras  de  la  licencia  dels  sous  ? 

Item  lo  testamen  et  très  ypras  (?)  de  messes  mdts  (?), 

(suivent  les  vases  et  ornements  d'église,  etc.).  ^ 
(Cartulaire  et  Archives  de  V ancien  diocèse  et  de  V arrondissement 
administratif  de  Carcassonne^  par  Mahul,  vol.  III,  p.  17.) 

*  La  première  partie  du  présent  travail  (Introd.  et  Textes)  a  fait  l'objet 
d'une  communication  au  Congrès  des  Sociétés  Sav.  tenuàTouiouse(1899), 
et  a  été  acceptée  par  le  Comité  des  Travaux  historiques  pour  le  Bulletin 
des  travaux  historiques  et  philologiques.  Mais  comme  les  remarques 
grammaticales  et  le  vocabulaire  qui  accompagnent  les  textes  ne  rentrent 
pas  dans  le  cadre  du  Bulletin  des  tr.  hist.  et  phil,^  j'ai  préféré  confier 
le  présent  travail  à  la  Revue  des  L.  Rom,  où  il  sera  mieux  à  sa  place. 
Je  n'en  remercie  pas  moins  vivement  le  Comité  des  travaux  historiques 
])Our  sa  bienveillante  décision. 

^  Si  on  veut  bien  comparer  cette  transcription  à  celle  que  nous 
donnons  plus  loin,  on  verra  que  Mahul  n'a  guère  eu  la  main  heureuse. 


DE  l'Église  de  fournes  237 

Le  manuscrit  forme  un  gros  volume  de  27  centimètres  de 
hauteur  sur  19  centimètres  de  largeur.  Il  est  en  papier  très 
fort  avec  vergeures.  Il  est  formé  de  la  réunion  de  dix  cahiers 
de  dix  feuilles  doubles  chacun  :  il  a  donc  exactement200  feuilles. 

II  est  protégé  par  une  forte  couverture  en  parchemin.  La 
première  feuille  de  la  couverture  ne  contient  rien  d'intéres- 
sant ;  le  recto  de  la  deuxième  partie  est  occupé  par  un  acte 
de  baptême  de  1674,  en  français. 

La  première  et  la  deuxième  feuille  du  manuscrit  ne  sont  pas 
foliotées.  La  foliotation  commence  —  en  même  temps  que  le 
texte  —  à  la  feuille  trois  avec  le  chiffre  i  et  se  continue  j  usqu*au 
chiffre  xxiu  inclusivement.  Nous  avons  suivi  dans  nos  extraits 
la  foliotation  déjà  commencée,  ne  voyant  pas  quel  intérêt 
nous  aurions  eu  à  la  changer. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  l'écriture  est  cursive, 
qu'elle  est  quelquefois  difficile  à  déchiffrer  et  que  j'ai  noté  à 
Toccasion  les  mots  que  je  n'ai  pas  pu  réussir  à  identifier. 

Le  recto  de  la  première  feuille  (non  foliotée  dans  le  manu- 
scrit) contient  en  haut  de  la  page  la  suite  d'un  compte  en  écri- 
ture du  XVI®  siècle  dont  le  commencement  est  perdu.  En 
voici  le  texte  : 

[1«  feuille]  largen  degut  et  baylat  par  Bernât  Blanc  p*^ 

Johan  Turc ij  scutz  sôlel 

Darde  Teyssie xxj  dobla  * 

les  consols  per  paga 

M0S8  G"  Baduel ij  L    v  ss 

B.  Steve xx  ss 

Art.  Gros iiij  L 

Au-dessous:  Pagua  Ramon  da  silla*  de...^  pariva  per  uferta  vjd 

près  Peyre  Coffant  virât  lan  vc  xvij. 

Enôn  la  seconde  moitié  de  la  première  feuille  est  occupée 
par  un  reçu  de  1642. 

Le  verso  de  cette  première  feuille  est  rempli  en  partie  par 
le  texte  suivant  : 

1  Le  ms.  semble  porter  dolla  avec  un  trait  traversant  les  deux  /.  Il 
faut  sans  doute  lire  dobla  (s)  monnaie  connue  dans  le  Narbonnais.  Cf. 
A.  BLANC,  Substitution  du  fr.  au  prov.  à  Narbonne.  Bull,  hist.  et  phil. 
(1897),  p.  26  du  tirage  à  part. 

'  Les  Ilhes 

3  Mot  peu  lisible  :  Candelurta?  Candolurtaf 


238  NOTICE    SUR  UN  LIVRE   DE  COMPTES 

Jhon  Perj  resta  a  deure  a  la  glejsa  de  Nostra  Dama  de  Fomas  la 
Boma  de  (de)  xv  ss  iiiij  d.  per  causa  de  hun  sestie  de  blat  he  de  una 
pipa. 

[Au-dessous  et  barré  :] 

Resta  a  deure  Amaut  Bonnet  plus  viel  a  la  gleyza  de  nostra  dama  de 
Fornas  la  soma  de  j^  lieura  js  xd  contât  totas  caussas  coma  es  lano 
ho  lemeta  qe  avio  mes  e  contât  an  les  [présents  barré]  obries  de  la 
gleyza  coma  es  Arnaut  Bonet  Jhove  de  las  Femadas  he  Jhon  Blanc. 

Au  recto  de  la  deuxième  feuille  se  trouve  le  titre  suivant, 
en  écriture  capitale  : 

ATSSO  ES  LO.  LIBRE.  DE  LA  GLBYSA  DE  NOSTRA.  DON  A.  DE.  FOR- 
NAS. EN  LO.  QUAL.  ES  SCRIPT  LO.  INVENTARI.  DELS.  JUBLHS.  DE  LA. 
DICTA.  GLEYSA.  ET  LOS  CONPTES.  DELS.  JURATZ.  DAQUBLHA  ET. 
AUTRAS  CAUSAS.  APARTENENS  A  LA  DICTA  GLEYSA  COMBNSAT  LAN. 
SINCCENS  ET  DOS  COMMA  SEN  SIEC  QUIBUS. 

Ce  manuscrit  est  une  sorte  de  registre  où  sont  inscrites  tous 
les  ans  les  redditions  de  comptes  des  deux  jurés  de  l'Eglise. 
Elles  commencent  en  1504  et  se  continuent  d'année  en  an- 
née, presque  sans  interruption,  jusqu'en  1842.  Le  manuscrit 
renferme  ainsi  des  documents  suffisants  pour  une  histoire  de 
la  modeste  église  de  Fournes,  pendant  trois  siècles  et  demi. 
Nous  laissons  à  d'autres  le  soin  de  récrire  et  nous  nous  con- 
tenterons d'étudier  la  substitution  du  français  à  la  langue 
vulgaire  dans  ces  documents. 


II 

Deux  jurés  sont  nommés  tous  les  ans  pour  administrer  les 
biens  de  l'église  de  Fournes.  Quand  leur  administration  est 
terminée,  ils  sont  Ai^i^elés  juratz  viels  et  les  jurés  auxquels  ils 
transmettent  leur  charge  s'appellent /tira^z  novels.  Ils  rendent 
compte  des  dépenses  qu'ils  ont  faites  et  énumèrent  les  j'uels 
et  ornamens  qui  appartiennent  à  l'église  :  calices,  chapes,  mis- 
sels, etc.  Ils  rendent  compte  également  de  l'argent  qu'ils  ont 
reçu  et  aussi  de  celui  qu'ils  ont  prêté.  Car  ils  prêtent,  quoi- 
que Téglise  ne  soit  pas  très  riche.  Quelquefois  ils  empruntent 
eux-mêmes.  Chaque  emprunteur  d'ailleurs  s'engage  à  rendre 
l'argent  «  à  sa  bonne  foi  »  et  a  de  jour  en  jour  ».   Quittance 


DE  l'Église  de  fournes  239 

des  dettes  est  transcrite  à  côté  ou  au  bas  de  la  reddition   de 
comptes  le  jour  du  paiement. 

Les  jurés  étaient  évidemment  de  petite  condition,  si  on  en 
juge  par  les  deux  traits  suivants:  ils  empruntent  souvent  de 
petites  sommes  à  la  caisse  de  Téglise.  De  plus,  la  plupart 
d'entre  eux  ne  savent  pas  signer;  exception  faite  pour  quel- 
ques-uns, les  autres  se  contentent  de  faire  inscrire  leurs 
noms  au-dessous  de  leurs  «  marques  et  signes  ».  Ces  marques, 
il  est  vrai,  ne  se  rencontrent  qu'à  la  fin  du  siècle  (1581)  ;  mais 
on  peut  croire  que  les  jurés  du  commencement  du  siècle  n'é- 
taient guère  plus  lettrés  que  leurs  successeurs. 

Les  jurés  rendent  leurs  comptes  devant  un  groupe  de  per- 
sonnes qui  constitue  une  sorte  de  Conseil  de  fabrique.  Nous 
avons  peu  de  renseignements  sur  ces  auditeurs;  le  scribe  se 
conteute  souvent  de  dire  «  et  autres  habitants  du  dit  lieu  ». 
Quand  ils  sont  nommés,  ils  ne  sont  pas  plus  capables  que  la 
plupart  des  jurés  de  signer  leurs  noms  et  ils  placent  eux- 
aussi  leurs  «  signes  et  marques  ». 

Le  rédacteur  du  compte  est,  il  est  vrai,  ou  doit  être  un 
homme  plus  instruit.  Nous  trouvons  parmi  les  principales  si- 
gnatures des  comptes  celle  de  Johan  Perri  capella  (1520),  De 
Podio  not(arius)  (1522),  Parency  vic(ary)  (1526),  J,  Gros 
capp(ela)  (1530  et  plusieurs  années  suivantes  ;  il  a  encore  si- 
gné un  compte  de  1566),  Boye  cappela  (1531),  Mas,  cappela  et 
secundary  de  las  llhas  per  lan  presen  (1555-56-58-59,  etc.). 
Mais  qui  nous  dit  que  tous  ces  signataires  étaient  capables 
d'écrire  leurs  comptes  en  français  ?  Et  s'ils  en  avaient  été  ca- 
pables, auraient-ils  été  compris  des  jurés  dont  ils  écrivaient 
les  comptes  et  du  conseil  qui  les  écoutait? 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  Fournes  est  un  tout  petit  village, 
au  pied  de  la  Montagne-Noire,  loin  de  toute  ville  importante, 
et  que  par  conséquent  le  français  y  a  difficilement  chassé  la 
langue  vulgaire.  M.  A.  Blanc  a  montré,  dans  une  intéressante 
communication  au  Congrès  des  Sociétés  savantes  (1897.  Cf. 
Bulletin  historique  et  philologique,  1897)  que  le  français  s'é- 
tait substitué  difficilement  au  provençal,  même  à  Narbonne, 
où  pourtant  s'est  toujours  maintenue  une  certaine  culture  lit- 
téraire. Il  a  constaté  que  pour  les  Comptes  de  Clavaire  «  à 
partir  de  1540  tout  est  en  français  ».  Pour  les  Compoisk  par- 


240  NOTICE   SUR  UN   LIVRE   DE   COMPTES 

tir  de  1561  le  français  est  seul  employé.  Si  la  langue  vulgaire 
s'est  maintenue  si  longtemps  à  Narbonne,  nous  pouvons  pen- 
ser à  priori  qu'elle  s'est  maintenue  plus  longtemps  encore 
dans  lapetite  localité  deFournes  et  l'examen  des  textes  ne  fera 
que  confirmer  nos  prévisions. 

III 

Les  textes  du  commencement  du  XYP  siècle  sont  écrits 
dans  une  langue  assez  pure.  On  remarquera  dans  le  premier 
de  ceux  que  nous  donnons  des  mots  de  la  vieille  langue  comme 
cazem,  lumenaria,  jueis,  batejar;  les  termes  ecclésiastiques 
n'ont  encore  subi  aucune  influence  française  :  mi'ssal,  man- 
dial,  sobrepelhis,  amit,  manipol.  Nous  remarquons  peu  de  tra- 
ces de  cette  influence  dans  les  comptes  qui  suivent  jusqu'en 
1572.  Les  comptes  de  1566  sont  d'une  langue  presque  aussi 
pure  que  ceux  de  1504.  Mais  le  compte  de  1572  est  écrit  dans 
une  langue  déjà  fortement  imprégnée  de  français.  L'ensemble 
est  encore  nettement  languedocien,  mais  quelques  mots  im- 
portants n'appartiennent  plus  à  la  langue  vulgaire.  Ainsi  la 
formule  du  début  est  française  :  le  XXIll  jours  du  moys  de 
novembre  ;  on  trouve  les  formes  dux  et  lur  qui  représentent 
les  formes  françaises  deux  et  leur.  Plusieurs  finales  sont  déjà 
en  e  et  non  plus  en  a  ou  en  o  :  cause  véritable  —  Nostre  Dame 
—  some  —  diche  eglyse. 

Dans  le  compte  de  l'année  suivante  (1573),  les  traces  d'in- 
fluence française  sont  moins  nombreuses.  On  y  trouve  la 
même  formule  française  que  nous  avons  vue  plus  haut  : 
le  xxij  jour  du  mois  de  may  ;  on  trouve  aussi  quelques 
finales  en  e  à  la  place  des  finales  languedociennes  en  o,  mais 
les  formes  languedociennes  l'emportent  de  beaucoup  sur  les 
autres. 

Les  deux  comptes  rendus  de  1574  et  1575  dont  nous 
donnons  les  débuts  sont  aussi  imprégnés  de  français.  Par 
contre,  les  comptes  suivants  —  1576,  1577,  1578,  1579  — 
sont  en  languedocien  assez  pur,  quoiqu'ils  soient  rédigés  par 
le  même  Rojres,  qui  a  rédigé  les  premiers  comptes  où  se 
montre  l'infiuence  française. 

Le  languedocien  est  la  langue  dominante  pour  les  années 


DK  l'Église  de  fournes  241 

1581  (1580  manque)  (sauf  dans  le  compte  de  cette  année  la 
formule  du  début  qui  est  française  :  le  6  jour  du  moys  d'aou&t) 
et  1586  (les  années  intermédiaires  manquent).  Pour  cette 
année  1585  nous  avons  trois  redditions  de  comptes.  Les  jurés 
réparent  ainsi  la  négligence  dont  ils  ont  fait  preuve  de  1581 
à  1585.  Les  deux  premières  redditions  de  comptes  se  font  le 
même  jour  et  sont  rédigées  par  Royre.  Mais  avec  la  troi- 
sième, qui  a  lieu  un  peu  plus  tard,  nous  retrouvons  le  nom  de 
Royre,  et  cette  fois  le  français  supplante  le  languedocien. 

Le  languedocien  reparaît  toutefois  dans  un  compte  de  1588 
(ceux  de  1586-87  manquent).  Ce  document  est  signé  Royre, 
mais  la  signature  de  Rojre  est  accompagnée  cette  fois  de 
six  marques  (jurés,  consuls  et  habitants  de  Fournes).  Pour- 
quoi s'est-il  servi  de  nouveau  du  languedocien,  après  avoir 
déjà  employé  le  français  dans  un  compte  précédent  ?  Les 
comptes  ont-ils  été  rédigés  cette  fois-ci  en  assemblée  publi- 
que, devant  un  plus  nombreux  auditoire,  et  a-t-il  cru  se  faire 
mieux  entendre  du  public  ? 

Nous  retrouvons  le  français  dans  les  comptes  rendus  des 
années  suivantes  :  1589,  sous  la  signature  de  Cabanes  phre^ 
1590-91-92,  signés  également  Cabanes  (un  reçu  de  la  même 
année  est  pourtant  encore  en  languedocien,  cf.  XXII),  1593, 
avec  la  signature  de  Teissier^  recteur. 

Le  languedocien  reparaît  enfin,  mais  pour  la  dernière  fois, 
dans  les  comptes  rendus  de  1594  et  1595.  Nous  sommes,  on 
le  voit,  à  la  fin  du  XVP  siècle.  Mais  dans  le  premier  de  ces 
documents  la  langue  a  bien  encore  tous  les  caractères  du 
languedocien.  Les  mots  suivants,  par  exemple,  n'ont  subi  au- 
cune influence  française  :  jung  —  dins  —  gleyso  —  nostra 
damo  — loc  —  lour  annado  -  toutos  autros  causas  —  reliquos 
—  largen  quels  an  levât  ~  que  son  estados  donados  —  commo 
son  marquados^  etc. 

I/inûuence  française  est  au  contraire  très  sensible  dans  le 
document  de  1596.  Voici  des  mots  qui  ont  encore  les  carac- 
tères du  languedocien  :  agost  —  presos  que  mesos  —  al  basi 
des  percatori^  capo —  agoust  — confesse  a  deure.  Mais  en  voici 
d'autres  qui  sont  français  :  somme  —  piese  —  monoie  —  sai- 
sante  —  la  dite  glise  —  comme  fête  la  présente  —  an  resu  — 
oun  randu  —  an  presance,  etc. 


242  NOTICE   SUR  UN  LIVRE   DE  COMPTES 

A  partir  de  ce  document,  le  français  est  seul  employé  ; 
mais  il  reste  pendant  longtemps  encore  fortement  imprégné 
de  languedocien.  Les  jurés  continuent  à  être  appelés  juratz 
vieil  Qi  juratz  novek;  la  vieille  langue  résiste  encore  avec 
des  formes  comme  :  candelye  —  cappes  —  blanques  (compte 
de  1609,  f»  67,  r*)  et  un  compte  de  1620  débute  ainsi  : 

«  Le  dier  jorn  de  may  dans  Tesglize  de  Nre  Dame  de  Fourne 
»  Jacque  Blanc  et  Jacque  Sornin  juratz  viels  de  ladicte  esglize  hont 
»  fait  le  conte  de  leur  anade  a  Anthoene  Sablairoles  et  Pierres  Cler- 
»  gue  juratz  no velz  de  lad.  esclise...,  » 

IV 

Nous  pouvons  nous  arrêter  à  ce  document  :  avec  le  compte 
de  1621  récriture  change  et  la  langue  est  plus  correcte.  Les 
textes  que  nous  avons  étudiés  nous  suffisent  d'ailleurs  ;  ils 
montrent  que  le  languedocien  n'a  cédé  que  lentement  la  place 
au  français.  La  première  trace  d'influence  française  se  re- 
marque en  1572. 

Les  deux  langues  sont  employées  simultanément  pendant 
quelque  temps,  mais  Tinfluence  française  est  de  plus  en  plus 
forte  et  le  languedocien  reparaît  en  1595  pour  la  dernière 
fois. 

Nous  avons  vu  qu'il  n'avait  pa3  disparu  tout  à  fait  et  que 
le  français  se  ressentait  beaucoup  de  son  voisinage.  Rien 
d'étonnant  à  cela  :  les  jurés  qui  rendaient  les  comptes  et  les 
personnes  qui  les  écoutaient  avaient  peu  d'occasions  de  par- 
ler et  d'écrire  le  français,  partant  de  le  comprendre.  Quand 
ils  veulent  rédiger  leurs  comptes  en  français,  le  dialecte 
dont  ils  se  servent  encore  tous  les  jours  leur  impose  ses  for- 
mes et  ses  désinences.  Les  dernières  pages  de  notre  manu- 
scrit que  nous  publions  en  appendice  nous  montrent  que  les 
rédacteurs  de  comptes  presque  contemporains  (1842)  n'ont 
pas  échappé  à  cette  influence.  Il  sufflra  de  lire  ces  derniers 
textes  pour  voir  que  les  marguilliers  modernes  n'écrivent  pas 
parfois  une  langue  plus  pure  que  leurs  anciens  confrères,  les 
jurés  du  XVI*  siècle  et  du  commencement  du  XVII*. 

J.  Angladb. 


DE  l'Église  de  fournes  243 


TEXTES 


I 


[F®  1,  r®]  Siec  se  lo  enventary  dels  juels  et  gamimens  de  la 
gleysa  de  Nostra-Dama  de  Fornas  baylhat  per  Bernad  Turc  jurât 
de  l'an  passât  a  Arnaud  Gros  jurât  de  Tan  présent;  et  Ij  es  estât 
baylhat  dimenge  xj«  del  mes  d'avost  Tan  mil  v«  et  quatre,  presens 
Gniraud  Blanc,  Johan  Turc,  Bernât  Turc,  Guilhem  Teyssie,  Bernât 
Ramelhieyra,  Johan  Coffand,  Guyraud  Veyres,  P.  Steve  Perrj,  Ber- 
nât Blanc  et  Domenge  ;  et  am  lo  conte  dejotz  escript  led.  Bernât 
Turc  demora  quiet. 

Premieyrament  : 

Ung  libre  missal  cumplit  de  pargam. 

Item  ung  autre  libre  missal  de  penitensa. 

Item  ung  autre  libre  missal  petit  vielh. 

Item  lo  ordenarj  per  batejar. 

Item  unh  cazern  vielh  notât  ^ 

Item  may  las  letras  de  la  licencia  de  la  fons. 

Item  lo  testament  et  très  compras  de  moss.  Vint  (?). 

Item  una  capa  de  seda  blanqua  am  son  garnimen. 

Item  una  capa  verda  de  seda  am  son  garnimen. 

Item  una  capa  mesclada  am  son  garnimen. 

Item  una  capa  vielha  sens  stola  ny  manipol. 

Item  très  albas  am  lors  amitz  [et  ung  autre  amit  nou  barré]. 

Item  ung  sobrepelhis. 

Item  ung  calissi  d'argen  peza  am  la  padelha. 

Item  ung  calisse  d*argen  am  sa  padelha  peza. 

Item  cinq  toalhas  et  una  panna  trincada  et  viehl. 

Item  una  capa  de  saty  blanc  que  moss.  Litur  de  Salsinhan  Tavia 
donada  e  no  i  a  poy  de  manipol. 

[F®  I,  V®]  Item  ungs  perdos  de  XII  cardenals. 

Item  una  crotz  granda  de  lato. 

Item  una  lanterna. 

Item  ungs  mandials  prims  [en  marge  trincatz  et  vielh.] 

Item  ung  payrolet  de  l'aygua  senhada. 

Item  ungna  gazalha  de  fedas  que  te  Johan  CofFand  qe  y  a  coma  apar 
per  instrument  rendut  (restât?  ms,  :  R^)  per  conte  (?)  Bernât  Turc. 

^  En  note  :  trincatz. 


24  4  NOTICE  SUR  UN  LIVRE    DE   COMPTES 

Item  a  baylhat  lod.  Bernât  Turc  ald.  Gros  quatorze  liuras  dos  soutz 
cinq  d.  xiiij  L  n  s  v  d 

Item  a  baylhat  que  deu  Peire  Steve  la  soma  de  très  liuras  treize 
soutz  onze  d.  iij  L  xiij  s  xj  d 

Item  a  baylhat  que  deu  Bernart  Steve  conte  fait  ambelh  metejs  très 
liuras.  III L 

Item  a  baylhat  que  deu  Guiraud  Blanc  cinq  soutz  dets  d.  et  dos 
liuras  cera.  L.  v  s  x  d 

(II  L  cera) 

Item  a  baylhat  que  deu  lod.  Amaut  Gros  per  dos  motos  que  man- 
jeren  las  gendarmas  trenta  et  ung  sout  veit  d.  ^  j  L  xj  s  viij  d 

Item  plus  deu  lod.  Gros  unaliura  cera,  j  L  cera 

Item  ly  es  estât  baylhat  que  deu  Peire  Steve  mage  dedus  vingt  non 
soutz  et  non  demas  tornas  son.  j  L  ix  s  ix 

Pagat  B.  Steve  en  deduxio  de  Titem  dessus  ha  nos  B.  Blanc  et 
Johan  Turc.  xv  s 

Pagat  Pe  Steve  viel  en  deduxio  de  Titem  dessus  ha  nos  dessus  d. 

xij  s  vj 
Pagat  Guyraud  Blanc  en  deduxio  de  Titem  dessus  a  nos  dessus  d. 

XV  s 

Pagat  Peire  Steve  jove  en   deduxio    de  l'item  dessus  a  Guyraud 

Veyres  en  j  cest.  blat  xv  s 

Plus  per  las  mas  de  Johan  Keyre  a  nos  dessus  d.  xx  s 

II 

[P<»  S,  p°J.  A  viij  de  septembre  mial  [Vo  et  cinq  au-dessus  de  la 
ligne]  Arnaut  Gros  jurât  de  Tan  passât  a  rendut  conte  a  Johan  Turc 
et  Bernât  Blanc  juratz  de  l'an  présent  et  rendut  totz  los  juelhs  que 
son  contengutz  al  enventery  davant  escript. 

Item  lura  baylhat  et  rendut  una  capa  processional,  una  capamissal 
am  diague  et  sudiague  et  lur  garnimens  tôt  de  drap  de  damas  fegurat 
blanc  la  ont  lod.  Gros  a  mes  l'argent  que  ly  era  estât  baylhat  per 
Bernât  Blanc  Turc  jurât  davant  et  tôt  l'argent  que  es  estât  amassât  a 
ladita  gleysa  compresa  la  lumenaria  que  a  faita  per  sa  annado. 

Item  lur  a  rendu tz  dos  minhes  de  seda  roja  que  y  a  donatz  mestre 
Bernât  Turc. 

Item  lur  a  rendutz  totz  los  doutes  que  son  escriptz  a  la  pagena 
davant  escriptz. 

Presens  eran  aldit  conte  Peire  Steve  jove  consol,  Darde  Teyssie, 

1  En  note  :  Guiraud  Blanc  deu  losd.  xxx  s. 


DE  l'Église  de  fournes  245 

Peire  vielh,  Gairaud  Blanc,  Peire  Perij  jove,  Ramon  Turc,  Bernât 
Ramelhieyra,  Bertran  Gros  de  Fomas  et  jeu  Johan  Turc  Notz  que 
ej  eschpt  lo  présent  conte  et  senhat  de  ma  propria  ma  lez  an  et  jom 
dessus. 

Turc  Not. 
Au-dessous  : 

Item  plus  a  bajrlhat  lod.  Gros  al  susdit  Johan  Turc  et  Bemat  Blanc 
dos  toalhas  de  tela  de  peret  et  unas  autras  toalhas  enseradas  que 
foren  ^  agudas  per  la  saera  de  lad.  gleysa.  Fait  Tan  et  jor  dessus  et 
presens  losd.  testimonis  et  my. 

Turc  Not. 


III 

[F^  2,  V®]  Dimendge  a  cinq  de  juUet  mial  v^'  et  sieys,  Johan  Turc 
et  Bernât  Blanc,  juratz  de  Tan  passât  de  la  gleysa  de  nostra  dama 
de  Fomas,  an  rendutz  los  comptes  de  lur  juratayria  a  Ramon  Turc 
et  Guilhem  Teyssie  jove,  juratz  de  Tan  prezent;  et  an  baylhat  los  d. 
juratz  vielhs  als  juratz  novelhs  toutz  los  juelhs  et  bes  contengutz  al 
enventeri  del  présent  libre  ;  et  an  pagat  al  marchant  de  las  capas, 
coma  apar  per  bilheta,  la  somma  de  XXX  It  ;  et  deven  losd.  Johan 
Tui'cet  B.  Blanc  a  la  gleysa  una  liura  dotze  soutz  et  nondemas  tor- 
nas  que  deven  pagar  de  jom  en  jom.  Ëteran  presens  ald.  conte  Gui- 
lhem Teyssie,  Bertran  Gros  consol,  Guiraud  Blanc,  Ârnaut  Gros, 
Peire  Perrj  vielh,  Peire  Steve  vielh,  Johan  Blanc  et  jeu. 

Turc  Nots. 

Item  an  baylhat  losd.  juratz  vielhs  en  deute  très  liuras  toraesas 
que  deven  los  hereties  de  Johan  Teyssie  jore  dessus  per  la  padelha 
que  avia  perduda  lod.  Johan  Teyssie,  acord  fait,  et  deven  pagar  a 
nostra  dama  de  septembre   après  en  seguen  XX  soutz. 

Item  deven  losd.  hereties  cinq  canos  de  cera. 

Item  an  baylhat  losd.  juratz  en  deute  que  son  escriptz  al  présent 
libre  a  tras. 

D'une  écriture  plus  grosse  : 

An  pagat  losd.  heretz  tant  a  B.  Turc  jurât  de  l'an  v°  et  jx  fenyt  v* 
etx    XXX  s. 

Plus  a  B.  Blanc  jurât  per  Tan  w^  et  x  fenyt  v  et  xi.XXX  s.et  quitz. 

*  On  lirait  plutôt  fonen  ou  foven. 


246  NOTICE  SUR  UN  LIVRE   DE   COMPTES 

IV 

[F*  3,  T^  ]  A  dos  de  novembre  mial  v^  et  veit,  ayem  rendat  conte 
nos  Johan  Tare  Notz  et  Bemat  Steve,  joratz  de  la  gleysa  de  Fornas 
per  Tan  derer  passât,  de  qae,  fayta  la  lamenaria  de  la  gleysa  et 
pagatz  nou  escutz  que  eran  degutz  per  argent  qae  la  gleysa  avia 
amalhevat  dels  juratz  de  las  Ilhas  et  per  las  canpanas  et  très  florig 
qae  avem  pagatz  per  bestial  lanut  comprat  a  la  gazalha  de  la  gleysa, 
avem  rendat  a  Bernât  Tare  et  Bertran  Gros,  juratz  de  Tan  présent,  la 
soma  de  XI  soutz  VIll  dt;  et  lur  avem  baylhaten  deates,  coma  apar 
per  ang  rolle,  la  somma  de  ving  veit  liuras  XII  soatz  XI  d  et  lur 
avem  rendatz  totz  los  juelhs  a  Tenventary  davant  contengatz.  Et  eran 
presens  aldit  conte  Guiraud  Blanc,  Gailhem  Teyssie,  Père  Steve  et 
Jacme  Steve  [Père  Bonet,  Arnaat  Bonet  de  lasFemadas  ajouté  à  la  fin 
avec  un  renvoi]  et  per  so  jeu  dit  Johan  Turc  Notz  ey  script  et  senbat 
lad.  redda  de  contes  lez  an  et  jom  dessus.  Turc  Notz. 


[F*  6,  ro]  Le  XX VIII  dejulhet  M.  V«  et  XVI ,  avem  rendut  nostre 
conte  nos  Bernât  Blanc  et  Johan  Turc,  juratz  de  Tan  M.  C^  et  XII 
fenyt  V<^et  XIII,  que  avem  rendut  nostre  conte  ha  Darde  Teysie  etR. 
Steve,  juratz  de  Tan  M.  V«  et  XIII  fenyt  V«  et  XIIII,  que,  rendutz 
totz  los  juels  davan  sc(r)  iptz,  avem  rendut  tant  en  argen  contan  que 
en  deute  la  somo  de  quaranta  et  set  liuras  dos  soutz  et  cieys  d.  ;  en 
los  quais  doutes  son  degutz  ensi  que  hapar  al  rolhe  aysi  estaqat*. 
Presen  eran  S«  Johan  Turc  et  Johan  Rufec  consolhs,  Bemat  Turc, 
Bertran  Gros,  Arnaut  Bonet,  Bernât  Hamelieyra,  Darde  Turc  (écrit 
au-dessus  de  Teysie  rayé).  Jonan  Turc  ita  est, 

VI 

RBGONNAISSANCB   d'uNB   DBTTB   PAR  J.   TURC 

[po  8,  r«]  leu,  Johan  Turc  Notz  de  Fornas,  confessi  a  deure  als 
juratz  et  consols  de  Fornas  la  soma  de  sieys  scutz  de  solelh  que  me 
an  prestada  ;  la  quala  somma  de  vj  .V.  solelh  lur  prometi  rendre  de 
jorn  en  jorn  en  ma  bona  fe  a  Fornas.  Testimoni  la  présent  cedula, 
fayta  et  scripta  de  ma  propria  ma,  lo  xiij  jorn  de  mars  mil  v<^  xviij,  a 
Fornas. 

[Cette  cédule  se  trouve  sur  un  morceau  de  papier  rattaché 
1  Quelque  chose  a  été  oublié  ici  par  le  copiste. 


DE  l'Église  de  fournes  247 

tout  récemment  au  folio   viii**  r^  par  une  bande  de  papier 
gommé.] 

VII 

[F®  9,  p®]  L'an  M.  v«  e  xx,  e  lo  xx"*«  jorn  de  may,  an  redut  lor 
conte  Ramon  Turc  e  Arnaut  Blanc,  juratz  de  la  gleysa  de  Nostra- 
Dama  de  Fornas,  a  Bertran  Gros  e  Arnaut  Bonet,  juratz  de  la  dita 
gleysa,  jurât  de  l'an  pressen  ;  e  an  redut  los  juelhs  davan  escrit  e 
1  quintal  e  x  11.  metalh  iiij  11.  de  sera  e  xxvj  ss.  Item  an  redudas  las 
causas  sobreditas  al  dit  Bertran  Gros  e  Arnaut  Bonet  Juratz  presens, 
en  presensia  de  Bernât  Turc,  Darde  de  Série  e  Jamme  Esteve,  Guilhem 
Teysie,  sen.  Jehan  Blanc,  Bemat  Esteve  jove,  Arnaut  Bonet,  Darde 
Turc  e  me  *  Guiraut  Veyres  e  de  mj . 

JoHAN  Péri,  capela. 

[F^  9,  r°].  Au-dessous  d'une  reddition  de  comptes  de  1519  se 
trouve  la  mention  suivante  :  Item  an  ressaubut  los  ditz  juratz  per 
Vostal  que  es  estât  vendut  de  las  Zilas  la  soma  de  xooviij  Ll.  t,, 

[F°  10,  r^*]  Item  avem  prestatz  a  Darde  de  Séries  de  Targen  de 
Nostra-Dama  de  Fornas  per  lo  loguie  de  las  Ilhas  la  soma  de  très 
liaras  t.  Présent  Bernad  Turc. 

Pagat  les  hereties  del  susdit  Darde  la  soma  de  trenta  ss,  t. 

Pagat  les  ereties  dessus  dit  v  ss. 

Paga  Darde  Turc  per  les  dessus  dit  VI  ss.  VIII  d. 

VIII 

[F°  12,  po]  L'an  mil  vc  xxiiij  et  le  denier  del  mes  de  julh,  Johan 
Blanc  et  Johan  GofiTant,  juratz  de  Fan  passât,  an  rendut  Ihos  contes 
dels  juhels  de  la  gleisa  de  Nostra-Dama  de  Fornas  a  sen.  Bertran 
Gros  e  Ramon  Teychie  de  Séries,  juratz  novels  de  Tan  présent  de  la 
dita  glesa  de  Fornas,  a.  s.  que  se  conte  hen  le  enventari  susdit  dels 
ditz  juhels  ;  et  les  ditz  juratz  novels  de  lasditas  causas  contengudas 
en  le  dit  enventari  et  de  las  ditas  capas  contengudas  en  le  conte  der- 
rier  passât  tenen  per  presas  et  ressaubudas.  Item  les  ditz  juratz  novels 
tenen  per  ressaubutz  xj  s.  t.   de  la  borsa  de  Tobra  de  ladita  gleisa. 

Présent  sen.  Bemat  Turc,  mestre  Guiraud  Veires,  Johan  Goffant 
jove,  Johan  Ruffec,  Peire  Perri,  Anthoni  Teychie  et  autres  plusors 
del  dit  loc  habitans  et  jeu,  dejost  signât  ;  et  de  voluntat  dels  susditz 
hej  scrita  et  signada  la  présent  bilheta. 

Parbnci. 

*  Erreur  pour  de. 


24 «  NOTICE   SUR   UN  LIVRE   DE   COMPTES 

[F^  12,  v^]  1.  10...  les  quais  tenen  per  prezes  et  ressaubutz,  ansi 
que  apar  aFenventari  aisi  derrier  passât.  Item  les  ditz  juratz  novels 
tenen  per  prezes  dos.  Lt  xv  sz  del  bassi  de  la  obra 


IX 

[F<*  13,  p®]  Le  jorn  de  sancta  Marta  M.  Vo  xxvj,  Johan  Blanc  jove 

del  loc  de  Fornas  et  Arnaut  Bonet  jove  del  mas  de  la  Femadas,  juratz 

de  l'an  passât,  an  rendut  compte  de  Ihor  annada  a  sen  Arnaut  Blanc 

del  dit  Ihoc  de  Fornas  et  Bernât  Teichie  del  mas  de  Ceries,  juratz  de 

Tan  présent.   Et  Ihor  an  bailhatz  totz  les  juels  [conte  barré]  et  les^ 

contengutz  en  le  enventari  al  présent  libre  davant  escrit.  Et  an  rendut 

compte  de  l'argent  et  deutes  que  lor  era  estât  bailhat,  que  tôt  comptât 

so  que  an  ressaubut  et  paguat  losditz  Johan  Blanc  jove  et  Arnaut 

Bonet  jove,  lor  an  bailhat  argent  comptan  très  L.  xj  ss  vij  d.  Et  en 

deutes  una  1.  ix  ss  vi)  d.  ;  les  quais  deutes  prometen  de  pagar  lesd. 

juratz  viels  als  susditz  juratz  novels  de  jorn  en  jorn  a  Ihor  bona  fe. 

Présents  mestre  Guiraud  Veires,  Bringuie  Turc,  consols  del  dit  loc 

de  Fornas,  Bernât  Turc  bailhe,  Arnaut  Bonet  viel  de  las  Femadas, 

Philip  Turc,  mestre  Johan  Veires,  Johan  Blanc  vielh,  Johan  Ruffec 

et  Perri  Raimon  Steve  et  Coffant  de  Fornas,  Mfquel  Teichie,  Anthony 

Teichie  de  Geries,  et  plusors  autres  habitans  del  dit  loc  et  jeu  dejost 

signât  que  de  yoluntat  dels    susditz   hei   scritz    et  signatz  les  ditz 

contes. 

Parenci,  vie. 

[En  marge]  : 

Resta  a  deure  lo  susdit  Johan  Blanc  iiij  s.  y  d.  per  le  con  te  de  sus 
escrit. 

[Au-dessous  et  barré]  : 

Paga  Jhon   Blanc  jhove  la  soma  de  x  s.  en  deductiu  de  majhor 
sema  ;  escrit  a  xxij  de  ginie  Tan  m^  yc  xxx. 

[D'une  écriture  plus  pâle]  : 

Item  plus  paga  xij  s.  ij  d. 
Item  paga  mai  iiij  s. 


[F®13,vo]L'anm^  vc  xxvij  et  lo  xx  jhorn  del  mes  de  julet,  Arnaut 
Blanc  de  Fornas  e  Bertran  Teysie  de  Séries,  juratz  de  Pan  passât, 
an  rendut  lor  conte  de  lor  annado  a  sen  Arnaut  Bonet  de  las  Fema- 

1  Sic;  faut-il  lire  6es? 


DE   i/EGLISË  de  FOURNES  249 

das  e  Giraut  Gros,  jurats  de  l'an  pressent  ;  he  lor  an  baylatz  totz 

les  juels  con^engus  en  le  enventari   al  pressent  libre  davant  escrit  ; 

et  an  rendut  conte  de  la  argent  (barré  :  he  deutes)  que  lor  era  estât 

bailat,  que,  tôt  conta  so  que  an  ressaubut  e  pagat  los  ditz  Arnaut 

Blanc  e  Bernât  Teytie,que  lor  an  bajlat  la   argen  contan  très  liuras; 

en  pressentia  de  sen  (Jho  barré)  Bernât  Turc  bajle  he  Jhoan  Blanc 

cossol,  Miquel  Teytie  cossol,  mestre  Giraut  Veyres,  Peyre  Teysie  de 

las  Fumados,  Brengie  Turc,  Peyre  Coffant,  Jhoan   Péri,  Peyre  Péri, 

Bertran  Blanc,  Antonj  Teysie,  he  de  mj  jhos  escrit  que  ey  eicrit  le 

pressent  conte 

JoHAN  Blanc. 

(Au-dessous,  d'une  écriture  plus  pâle)  : 

Restan  a  deure  les  ditz  jhuratz  viels  la  soma  de  très  liuras  x  ss  xd 
coma  es  Arnaut  Blanc  he  B.  Teytie  a  cauza  de  uffertas  que  so 
estados  vendudas  de  lor  annado. 

Paga  Arnaut  Blanc  xxxvij  ss  v.  d. 

Paga  Arnaut  Blanc  .U  Ll.  a  mj  Jon  Blanc  jurât  e  Peyre  Coffant 
l'an  M*  Vc  XXXV. 

XI 

[Po  14,  r«]  Jeu  jotz  signât  confecy  a  deure  a  lagleisode  Nostro 
Damo  de  Fornos  la  somo  de  II  L.  III  ss.  e  VI  d.  la  qualo  somo 
aprometi  de  paga  de  jorn  en  jorn  sus  ma  bona  fe.  Testimony  mon 
signet  aisi  de  joz  mes  e  ei  faito  la  presen  bileto  l'an  M^  V<:  XXX  e  lo 
très  de  abrial  (non  signé,) 

XII 

[F®  17,  V*»]  L'an  mil  v«  xxxv  et  le  xiii*  jorn  del  mes  de  jun, 
Johan  Blanc  jove,  Peire  Coffant  de  Fornas,  juratz  de  Tan  passât,  an 
rendut  los  contes  dels  juels  e  de  Targen  dels  bassis  de  la  gleiza  de 
Nostra  Dama  de  Fornas  als  juratz  novels  que  son  Arnaut  Bonet  vielh 
de  las  Femadas  et  Guiraut  Cros  del  dit  loc  de  Fornas  ;  et  primo  dels 
juels  et  capas  de  la  dita  gleisa,las  cals  tenon  per  prezes  et  ressaubutz 
aisi  que  apar  a  Tenventari  aissy  darre  scrit. 

Item  an  rendut  conte  del  argen  dels  bassis  et  soma  en  tôt  xiij  ss 
mj  d.  dels  cals  juels  de  sus  escritz  e  lo  (lai)  argen  lo  [s]  ditz  juratz 
Arnaut  Bonet  viel  e  Guiraut  Cros  tenen  per  prezis  e  ressaubutz. 
Pressens  Arnaut  Blanc  consol,  Bertran  Cros,  Miquel  Teysie  de  Ceries 
e  autres,  Johan  Blanc  vielh,  Arnaut  [Blanc  rayé]  Bonet  jove,  et  de 
mi  jotz  signât  etey  faits  los  presens  contes  l'an  e  lo  jorn  sus. 

Johan  Cros,  vicary  de  lazillas. 

17 


250  NOTICE  SUR  UN  LIVRE    DE   COMPTES 

[Au-dessous  et  rayé]  : 

Resta  a  deore  Guiraut  Gros  a  la  gleyza  la  soma  de  xviij  s.  de  la 
qualo  soma  desus  dita  apromet  de  pagar  de  jon  en  jon.  Près,  les 
juratz  Ârnaut  Blanc  et  Peyre  Esteve. 

XIII 

[F»  18,  V*]  L'an  m.  vc  xxxij  et  xvij  jon  del  mes  de  jhun,  Arnaut 
Blanc  et  Peyre  Esteve,  juratz  de  Tan  passât,  an  rendut  conte  as  juratz 
novels,  coma  es  Bertran  Gros  et  (et)  s.  Brengie  Turc,  et  an  rendut 
conte  dels  guels  contengus^  en  le  enventary  de  tras  escrit,  les  cals 
juels  tenen  per  ressaubutz;  et  an  contât  Targen  que  lor  ero  estât 
baylat,  que,  tôt  contât  et  so  que  an  ressaubut  et  pagat,  los  ditz 
iuratz  viels  an  baylat  as  iuratz  novels  la  soma  de  xv  s.  En  presentia 
de  Ârnaut  Bonet  et  Guiraud  Gros,  cossols,  et  de  Arnaut  Bonetjove 
et  de  Arnaut  Turc  et  de  Guilhem  Péri  et  de  s.  Peyre  Gofifant  et  de  Jon 
Goffant  et  de  mj  que  ey  escrit  le  présent  conte  et  de  (my  efifacé) 
Guilhem  Teysie. 

John  Blanc,  bayle. 

Restan  a  deure  los  juratz   viels,  coma  es   Arnaut  Blanc  et  Peyre 
Esteve,  per  derayracges  de  lor  annado  la  soma  de  xiiij  s.  i.  d. 
Pago  Peire  Steve  vii  per  sa  part. 
(Au-dessus  :  p  (pago?)  Peire  Steve iiij.  s.  ii.  d.) 

XIV 

[F®  19,  r°].  L'an  que  hom  conta  m*  v«  xxxviij  et  lo  xiiii®  jorn  del 
mes  de  julh,  Bertran  Gros,  Brenguie  Turc,  juratz  de  Tan  passât,  an 
rendut  los  contes  dels  juelhs  de  la  gleiza  de  nostra  dama  de  Fornas 
a  sen  Arnaut  Bonet,  Arnaut  Turc,  del  dit  loc,  juratz  novels  de  l'an 
présent  de  ladita  gleiza  de  Fornas,  ansi  que  se  conta  en  lo  enventari 
davanscrit.  Item  an  rendut  lo  conte  de  Targen  delsbassis  que  soma 
en  tôt  veit  L.  xviij  ss  contàn  presa  e  mesa. 

Item  los  juratz  susd.  Arnaut  Bonet,  Arnaut  Turc,  tenen  per  res- 
saubutz los  juels  de  ladita  gleiza  e  lo  argen  desus  scrit. 

[En  marge  :  Peire  Cofant] 

Pressent  Arnaut  Diane,  Johan  Blanc  bailhe  e  autres  deldit  loc 
habitans  e  jeu  jotz  signât  que  ei  scripta  la  pressent  bilheta. 

J.  Gros  vicari. 

*  On  avait  écrit  d'abord  contengùt. 


DE  l'Église  de  fournes  251 

[po  28,  v^.  En  marge]  Resta  a  deure  Bertran  Blanc  a  la  dita  gleisa 
jaL  xvj  s.viij  d.  faita  son  propi  deate. 

[po  20,  r^].  Sapiant  totzs  presens  [e]  endeve[ni]dors  coma  sen 
Johan  Blanc  jove  confessa  a  deare  a  la  gleysa  de  nra  Dama  de  For- 
nas  80  es  la  soma  de  viij  L  ix  sz,  laqiiala  Boma  de  viij  L  ix  sz  promet 
de  paga  de  jom  en  jorn,  en  presensia  des  testimonis  de  sus  scritz  he 
de  me  dejost  signât.  Fait  Tan  he  le  jorn  coma  dessus  [1549]. 

P.  LaGrosa  *. 


XV 

[po  24,  ro].  Sapian  tottz  pressens  que  Fan  que  hom  conta  mil  v^ 

xliij  e  le  xiij"  jorn  del  mes  de  may  Miquel  Teissie  del  mas  de  Ceries 

juridixion  del  loc  de  Fornas  confessa  a  deure  a  la  gleisa  de  Nostra 

Damo  de  Fornas  so  es  a  saber  la  soma  de  xij  L.  xx  '  ss.  contan  per 

L.  XX  ss.  la  calo  soma  de  xij  L.  ledit  Miquel  Teissie  confessa  a  deure 

e  promet  de  paga  d'aissi  a  la  festa  de  Sanct  Miquel  propda  venen.  En 

la  presensia  de  Arnaut  Bonet  de  las  Femad.  e  Bertran  Blanc  cossols, 

Johan  Blanc  bailhe,  Brenguie  Turc,  Johan  Goût,  Guiraut  Gros,  Peire 

Cofant,  Johan  Peirri,  Fransses  Gros,  Johan  Gofant,  Peiri  Steve,  e  de 

my  jotz  signât  que  de  voluntat  del  dit  Teissie  ey  faita  la  press.  cedu- 

la  Tan  e  lo  jorn  desus  scrit  per  mi. 

J.  Gros  cappela. 

A  côté  de  la  signature  et  à  gauche  :  Pago  Miquiel  Teissie  vij  L. 
xij  ss.  a  my  Anthoni  Gombas  jurât  de  Tan  M.  V©  xviij. 

L'an  e  lo  jorn  de  ^  sus  scrit  Arnaut  Bonet  maje  e  Bertran  Blanc, 
consola  de  Fornas,  confessan  a  deure  a  la  gleisa  de  Nostra  Damo  de 
Fornas  so  es  la  soma  de  xij  L.  contan  per  L.  xx  ss.  La  calo  soma  dit 
x\j  L.  confessan  a  deure  e  paga  de  jorn  en  jorn  en  la  presensia  dels 
testimonis  de  sus  scritz  e  de  mi  jotz  signât  que  ey  faita  la  press-cedula 
Tan  e  lo  jora  de  sus  scrit  per  mi. 

Signé  :  J.  Gros  capela. 

XVI 

[po  27,  V®].  L'an  e  le  jorn  desus  scrit  *  confessan  a  deure  a  la  dita 
gleisa  Miquel  Teissie  et  Benaseg  Teissie  la  soma  de  xj  ss.  Item  Ber- 

*  Même  signature  au  compte  qui  précède  :  P.  la  crosa  vie.  F»  19,  v»  ; 
P.  la  crosa  capp. 
'  Ce  chiffre  est  peu  lisible. 
3  Deux  lettres  sont  effacées  entre  les  deux  mots. 
«  1548. 


«5?  NOTICE  SUR   UN  LIVRE  DE   COMPTES 

tran  Teissie  conffesa  a  deure  la  soma  de  xij  sa.  et  so  per  caasa  de 
Jana  que  les  gusditz  Teissies  an  conprada  de  ladita.  La  cala  soma  pro- 
meto  de  paga  de  jorn  en  jorn  en  la  pressensia  desus  scritz  (scritz 
répété)  et  de  my. 

Gros,  cappela. 

XVII 

[F^  30,  v®].  L'an  mil  V<*  cinquante  e  dous  e  le  xxviij^  del  mes  de 
agoust,  les  juratz  viels  de  Tan  passât,  que  eron  Arnaut  Bonet  e  Ber- 
nât Ferran,  an  rendut  conte  als  juratz  novels  que  son  de  pressenz  so 
es  Peire  Coffant  e  Guilhem  Perri,  juratz  de  la  presenz  gleisa  de  Nos- 
tra  Damo,  an  rendut  conte  premieiramen  de  Targen.  Primo  hi  a  en 
aver  set  escutz  del  Solhel  e  ung  scut  de  Spanhia  e  en  monedo  xij  L. 
contan  per  L.  xx  ss.  soma  en  tout  la  soma  de  trenta  L.  la  calo  somo 
le  [sic]  susditz  juratz  Peire  Cofant  e  Guilhem  Perri  teno  per  resseaudo 
en  set  scutz  del  solhel  e  xij  L.  en  monedo. 

Item  tenon  per  prezes  dos  calissis  de  argen  e  abilhamens  de  damas 
blanc,  capo  missal  an  son  garnimen,  capo  prossecional  e  diagues  e 
autres  abilalmens  [sic]  que  tout  so  de  sus  tenon  per  près  e  resseuut 
les  ditz  juratz.  En  la  pressensia  de  Ânthoni  Teissie  consol  e  Peire 
Cabrie,  Peire  Steve,  Johan  Goût,  Johan  Turc,  e  autres  del  dit  loc  de 
Fornas  e  de  mi  jotz  signât  que  ey  scrit  le  press  conte  l'an  e  le  jorn  de 
sus  crit  per  my. 

Signé:  Gros,  capela. 

Resto  a  deure  Bemat  Ferran  per  ufertos  vendudos  v  ss.  viij  d. 
Arnaut  Bonet  resta  a  deure  per  son  deutes  a  fait  a  la  gleisa  jx  ss 
V...  *  d. 

XVIII 

[F*  39,  r<^]  L*an  milo  cinq  cens  soixante  et  quatre  a  le  vintres  de 
abrial,  an  redut  conte  lous  discretz  homes,  so  es  sen  Peire  Blanc  et 
RamonTurc,  juratz  de  la  gleyso  de  nostraDamo  deFournos  per  Tan 
milo  cinc  cens  soixante  et  très,  so  es  a  Arnaut  Gros  et  Miquel  Turc, 
juratz  de  la  dite  gleyso  per  Tan  présent,  et  an  redut  conte  de  v 
{rayé)  albos  gamidos  de  vêles  et  courdos.  Item  an  redut  dous  calises 
d'argen.  Item  un  sobrepelis.  Item  v  corporlals.  Item  la  capo  blanco 
de  damas  figurât  et  la  pposesiuyrnal  et  diages.  Item  un  autre  capo  de 
mors  de  mego  oustodoet  la  capo  prosesiuenal  et  diages.  Item  un  autro 

^  Une  partie  du  chiffre  est  effacée. 


DE  l'Église  de  fournes  «s s 

eapo  de  sedo  blanco  et  bous  garnimens  ses  diages.  Item  uno  capo 
roQgo  e  808  garnimens.  Item  uno  capo  dels  joves  obrans  e  sous  gar- 
nimens. Item  V  toualos.  Item  xj  roguetz.  Item  an  redut  libres  et 
antres  causes  del  evetari  como  apar  al  libre.  Item  an  redut  d'argen 
esmoncin  (?)  la  somo  de  3  Lt.  8  ss.  et  un  pistolet  fais  laqualo  somo 
estavo  meso  entro  las  mesos  de  Arnaud  Gros  et  Miquel  Turc,  juratz 
de  la  dîto  gleiso  per  Tam  présent  milo  v^'  Ixiiij.  Présent  Âuthoni 
Teichie  et  de  Gulem  Péri,  cossols  del  dit  loc,  et  de  Joban  Teycbie  de 
las  Femados  et  de  Bernât  Feran  et  Ouillem  Blanc  et  de  Peire  Cofant 
et  de  Johan  Perl  et  do  Johan  Goût  paire  et  fil  et  Jame  Cabrie  {ce  der- 
nier mot  ajouté  en  marge)  tous  del  dit  loc  et  de  Cristol  Teychie  del 
camas  de  Séries  et  de  mijos  signât.  Permj.  B.  Steve. 

XIX 

[P*>  41,  po]  Le  XIX  del  mes  de  novembre  mil  s^  LXV  pagua  sen 
Peire  Quoifant  del  loc  de  Fornas  a  sen  Guilhem  Perj,  jurât  de  Tan 
presen  de  la  gleisa  de  Nostra  Dama  de  Fornas  la  some  de  j  Lt. 
XV  88.  ij  d.  de  toutsaus  que  restava  a  deure  a  la  gleisa.  Es  presens 
sen  Johan  Guot  et  de  Guilhem  Blanc,  andous  del  loc  de  Fornas,  e  de 
my  que  ey  escripta  la  présenta  bileta.  Marc. 

XX 

[F<*  41,  v^]  L'an  et  le  jorndesus  scrit  en  la  pressensia  de  testimo- 
nis  Buscritz,  jeu  de  jotz  signât  me  teni  per  pagat  et  conten  de  la 
soma  de  IX  francs  XViij  ss  et  so  per  le  cervici  del  purgatori  ;  de  la 
calo  soma  quiti  Guillem  Perri  et  Jaume  Teissie,  juratz  de  Tan  M  v* 
LXVj  et  le   XXVj  de  mai  faite  la  press.  cedula  per  mi. 

J.  Gros  cap. 

[Ce  reçu  est  barré] 

XXI 

[F*  42,  ro]L*an  mil  V«  LXVI  e  le  XXII  del  mes»  de julhet,  Johan 
Goat,  filh  de  autre  Johan  Goût,  e  Frances  Gros,  juratz  de  Tan  press. 
de  la  gleisa  del  press.  loc  de  Fornas,  an  bailhat  a  Johan  Teissie 
jove,  filh  de  Ramon  Teissie  del  mas  de  Geries,  en  conssentimen  de 
808  fraires  Jaume  e  Johan,  les  ditz  juratz  an  bailhat  le  nombre  de  X 
nau  bestias  lanudas  tant  fedos  que  motos  [en  marge  en  gassalho]  per 
le  terme  de  sine  ans  complitz  comenssan  le  press.  jorn  de  la  Mada- 
leno  e  finira  senblable  jom  ;  e  devon   parti  la  lano  a   la  feita   de 

1  On  a  écrit  deux  fois  del  mes  :  le  premier  est  barré. 


25  4  NOTICE  SUR  UN  LIVRE  DE  COMPTES 

sanct  Jon  Batista  cascun  an  e  toutz  autres  profitz  qe  cera  aldit  bes- 
tial e  devon  rendre  conte  als  ditz  juratz  cascun  an  del  dit  bestial. 
Âital  sondemoratz  de  pacte  les  susditz  juratz  a  le  dit  Johan  Teissie. 
En  la  presensia  de  Johan  Steve  e  Johan  Perri  deld.  loc  e  de  mi  johz 
signât  que  de  voluntat  dels  juratz  e  Teissie  ey  faita  la  press.  me- 
moria  l'an  e  lo  jorn  de  sus  scrit  per  mj. 

J.  Gros. 

XXIl 

[po  45^  poj  L*AQ  QQ^ii  cincq  sens  septante  et  dax  et  le  XXIIIl  [et 
quatre  rayé]  jour  du  moys  de  novembre,  cause  véritable,  Guilem 
Blanctz  et  Johan  Goût,  juratz  de  Pan  présent  de  nostra  Dame  de 
Fournos,  an  rendut  lur  conte  als  juratz  nouvelz,  cornées  sen  Ânthonj 
Rougie  jouve  et  Arnaud  Blanc  ;  an  randut  le  presen  conte  de  l'ar- 
gent que  i  a  d'argent  la  some  de  j  L  ij  s  x  d. 

Item  an  rendut  conte  les  dictz  juratz  vielz  alz  juratz  nouvelz  de 
lur  presos  et  mesos  que  [ja  g  ja  agut  a  barré]  i  aguet  tant  de  mesos 
que  de  presos  la  some  de  .  xj  s  xviiij  s.  * 

Item  an  renduct  conte  delz  abilaments  et  de  dous  calisis  et  del 
lybre  et  del  soubrepelys  et  del  mysal  et  de  toutz  autres  ournamenz 
de  la  dicte  gleyse,  come  apar  par  l'iventary.  Les  sus  dictz  contes  an 
randut  les  dictz  juratz  vielz  als  juratz  nouvelz  a  la  presensie  de  Gai- 
raud  Bonet,  Peyre  Blanc,  Jehan  Pery  et  Guilem  Pery,  toutz  del 
loc  de  Foumos  ;  et  de  aquo  que  deu  Guilem  Blanc  a  nostre  Dame 
de  Foumos  monte  la  somme  de  I  It  X  s» 

et  de  aquo  que  je  deu.  Jehan  Jout,  la  some  [IIII  s  rayé]  iiij  It. 

ROYRK. 

En  marge  :  Le  darie  jour  de  jung  (1591)  a  pagat '  Goûtais 

juratz  de  la  prezente  annado  qu'es  Peire  Sabblairoles  et  Jon  Esteve  de 
Fournos  la  some  de  XXX  s. 

XXIII 

[Fo  45,  T»]  L'an  mil  cinc  cens  septante  et  très  et  le  xxni  jour  du 
moys  de  may,  comme  les  [consulz  barré]  juratz  vielz  an  randut 
lyour  conte  alz  juratz  novelz  ,  comme  es  sen  Peyre  Blanc  et 
Guilem  de  las  Femados,  que  les  dyctz  juratz  [novelz  rayé]  vielz 
an  baylat  l'argen  que  an  amasat  tant  per  liour  annado  que  l'argen 
que   hy    dayseron   les   juratz   de    l'an  mil  cinc   cens   septante  et 

1  Même  abréviation  que  après  Xj. 

'  Mots  peu  lisibles  ;  Sertma  (?)  Jen  (?)  Goitt.,», 


DE  l'Église  de  fournes  26  5 

dous,  qu'eron  sen  Jehan  Goût  et  sen  G™  Blanc  de  Fournos,  juratz 
de  la  dycte  annade,  et  les  juratz  vielz  de  Tan  1573,  comme  es 
sen  Anthony  Rougie  et  sen  Arnat  BUnctz  de  Fournos;  et  letz 
dyctz  juratz  an  baîlat  en  conte  de  l'argen  que  devio  sen  Peire 
Confifant  quant  el  era  jurât  de  Nostre  Dame  Fournos  que  le  dyct 
Centre  la  ligne  qui  précède  et  Vautre  se  trouve  intercalée  la 
ligne  suivante:  et  hy  a  d'argen  la  some  ij  It.]  Conifant  devio....  [une 
ligne  et  demie  barrée,] 

Item  an  rendut  conte  les  dictz  juratz  vielz  alz  juratz  nouvelz  tant 
de  mesos  que  hy  a  la  some  de  sept  soustz, 

Item  an  rendut  conte  les  dyctz  juratz  vielz  alz  juratz  nouvelz 
[nouuelz  répété  et  barré  la  seconde  fois]  delz  hornamens  de  la 
gleyse  de  Nostre  Dame  de  Fournos,  corne  es  de  dous  calysis  e  delz 
libre  et  delz  sobrepelhis  et  delz  mysals  et  de  toutys  autris  hourna- 
mensde  la  dyche  gleyse  de  [de]  Nostre  Dame  de  Fournos, comme  apar 
par  rinventary  des  susdytz  contes;  et  les  dyctz  juratz  vielz  an  rendut 
iieur  conte  presen  aro*  de  sen  Jehan  Teysye  del  mas  do  las  Femados 
et  de  sen  Jehan  Pery  et  de  sen  Anthony  Teysye  et  de  Anthony 
Esteve  et  de  sen  Mycquel  Turc  et  de  sen  Frances  Gros,  toutz  de 
Fournos,  et  de  my  que  ey  presys  les  sus  dyctz  contes  par  my 

ROTRES. 

XXIV 

fF"  46,  r"]  Année  1574.  Début  de  la  reddition  des  comptes  :  L'an 

1574  et  le  8  jour  du  moys  de  may,  comme  les  juratz  vielz  qu'es  sen 
Pe  Blanc  et  G°*  Bonetan  randut... 

Signé  :  Rotrbs. 

[F*  46,  vo]  L'an  1575  et  le  8  jour  du  moys  de  may  comme  les 
juratz  vielz  qu'es  sen  Frances  Gros  et  Hesteve  Gombes  an  randut 
lieurs  contes  as  juratz  nouvels  qu'es  sen  Johan.... 

Signé  :  Royres. 

[F«  47,  r»J  Gompte  rendu  de  1576  en  languedocien.  L'an  1576  et  le 
9  jorn  del  mes  de  septembre  coma  sen  Johan  [Johan]  Pery  et  sen  Ar- 
naut  Blancs  juratz  vielz  [an  redut  le  effacé"]  de  la  gleysa  de  Nostra 
Dama  de  Fornas... 

Signé  :  Frances  Royres. 

[F*  47,  vo]  Gompte  rendu  de  1577  en  languedocien. 
[F«  48,  r«>]  Gompte  rendu  de  1578  en  languedocien. 
[F°  49,  r*»]  Compte  lendu  de  1579  en  languedocien. 


4  Sic. 


25  6  NOTICE  SUR  UN  LIVRE  DE  COMPTES 

[P*  49,  V»]  Compte  rendu  de  1581  en  languedocien,  sauf  la  for- 
mule du  début  :  L'an  1581  et  le  6  jour  du  moys  d*aoust... 
[F°  60,  r<>]  Compte  rendu  de  1585  en  languedocien. 


XXV 

[F*  50,  r*]  Compte  rendu  de  1585  en  languedocien. 

Ledit  jour  mesmes  an  que  de  sus  1585^  an  [en  marges  et  le  25 
mars]  rendut  conte  Anthoni  Rongie  et  Cristol  Blanc,  juratz  viels  de 
la  gleyso  deNostra  Damo  de  Fornos  de  Tan  1583,  als  juratz  novels,  • 
que  son  Peyre  Blanc  et  Arnaut  Pery  de  la  présent  annado,  que, 
contât  presos  et  mesos,  ledit  Anthoni  Rougie  es  demorat  reduable 
a  la  gleyso  de  Nostra  Damo  de  Fornos  de  la  somo  de  4  1  12  s  3  d, 
la  qualle(ô?)  somo  promet  de  pagar  lodit  Rougie  de  jour  en  jour  et 
ledit  Cristol  Blanc  n'a  degut  res... 

Signé  :  Rougie. 

XXVI 

[F*»  47,  p*]  L'an  1576  et  le  9  jorn  de  septembre,  coma  sen  Johan 
Johan  Pery  et  sen  ^  Arnaut  Blanc,  juratz  viels  de  la  gleisa  de  Nostra 
Dama  de  Fornas,  an  redut  lor  conte  de  la  ministration  de  la  dita 
gleisa  de  lor  annada,  so  es  als  juratz  novels  que  es  senMicquel  Turc 
e  sen  Arnaut  Bonet,  juratz  de  la  présenta  annada  ;  premieiramen  de 
Targen  que  es  a  la  dita  gleisa,  que  n'i  a  la  soma  de  1  L.  ^  ss.  vj  d. 

Item  an  redut  conte  dels  huornamens  que  son  a  la  présenta  gleisa, 
coma  es  dos  calisis  de  argen,  ung  libre  gran  e  ung  libre  missaPe 
ung  capelet  de  capas  de  damas  blanc,  coma  es  la  capa  prossisiuinal 
e  lo  diague  e  subrediague  an  lor  guarnimen  d'estolas  e  manipol. 

Item  ung  autre  capelet  de  capas  de  mieja  osteda  negra  par  les 
mortz  tôt  guarnit  coma  la  desus. 

Item  una  capa  misai  per  cada  jorn. 

Item  très  cortinas  rogas  per  tenj  davan  Tauta  de  Nostra  Dama. 

Item  catre  toualos,  dos  de  primas  e  dos  de  grossieiras. 

Item  très  cosis  petitz  de  cobertura  roga  les  dos  e  Tautre  cqubert 
de  damas  viulet  e  qu'i  a  en  escrit  Jésus. 

Item  ung  subrepelis. 

*  Une  main  toute  récente  a  corrigé  1584  ;  mais  il  y  a  bien  1585  dans  le 
texte. Ce  même  jour  on  a  rendu  les  comptes  des  deux  années  précédentes. 

2  Au-dessus  de  la  ligne. 

3  II  n'y  a  rien  entre  l  et  le  sigle  ss. 

*  En  marge  :  Et  autres  dos  libres  petitz. 


DE  l'Église  de  tournes  257 

Item  catre  albas  an  lor  guarnitnen.  Les  cals  contes  an  redut  ^  les 
(susditz)  juratz  viels  aïs  novels.  Présent  sen  Esteve  Combas,  cosol 
del  dit  loq  de  Fornas,  e  de  sen  Peire  Bonet  e  de  mi  que  ej  presis  les 
présents  contes  Tan  e  le  jorn  que  desus  escrit  per  mi. 

Franges  Rotrb. 


XXVII 

[F*  51,  r«>].  L'an  mil  V*  lxxxv  e  le  quatriem  jour  d'aoust,  ont 
randu  compte  les  bassinies  et  jures  vieulx,  que  sont  sen  Père  Blanc 
e  Arnaud  Perry,  aux  jures  noveaulx,  que  sont  Michel  Turc  et  Arnaud 
Guy  de  Tesgliese  Nostre  Dame  au  lieu  de  Fournes,  de  l'adminis- 
tration de  leur  année,  tant  de  la  recepte  par  euls  frayée  pour  le 
service  de  ladite  esglise,  que  tout  compte  lesditz  Blanc  e  Perry 
ont  baillé  ausd.  Turc  e  Guy,  jures  la  présant  année,  la  somme  de 
un  g  escu  trente-trois  soulz  et  six  deniers  ;  laquelle  somme  les  dits 
Turc  e  Guy  ont  reçue  ensemble  dix-sept  soûls  et  liards  neufs.  En- 
semble ledit  an  et  jour  lesdits  Pierre  Blanc  et  Arnaut  Guy  ont  randu 
compte  des  omemens  et  abilhemens  de  ladite  esglise,  ainsin  que  aper 
par  rinvantayre  sur  ce  faict  cy  devant  [ici  un  renvoi  à  la  fin  du 
compte  où  se  trouve  ajoutée  la  phrase  suivante  :  Saulf  les  escremiees 
que  les  dit  Blanc  et  Perry  ont  prestées  à  G™  Turc,  jurât  des  Isles]. 
Faict  ce  dessus  a  la  presance  de  sen  Anthoene  Rougie  et  Pierre 
Perry,  consuls  dud.  Fournes,  Jehan  Teissie,  Jehan  Perry,  Jehan  Guy, 
Ramond  Turc,  Jehan  Ferran,  Jehan  Perry  juve,  Bringuie  Turc, 
toutz  dudit  Fournes  et  moy  qui  de  leur  consantement  ay  escripte  et 
signée  la  presanle,  les  an  et  jour  susditz. 

ROYRE. 

[po  52,  r®].  Reddition  de  comptes  en  languedocien  :  L*an  mil  v« 
Lxxxviij  et  le  vinct  et  sieis  jour  de  jung,  an  rendut  leurs  contes  les 
bassinies  et  juratz  vielz,  que  son  sen  Miquel  Turc  et  Arnaut  Guy,  als 
juratz  novelz  que  son  Jehan  Estève  et  Miquel  Turc  jove,  etc. 

[F°  53,  r®].  Reddition  de  comptes  en  français  de  1589. 

[F^  54,  r^].  Reddition  de  comptes  en  français  de  1590. 

[Fo  54,  v»].  1591.  Français. 

[F*  55,  r^].  1592.  Français.  Cf.  le  reçu  donné  la  même  année  et 
écrit  en  languedocien.  Doc,  xxil. 

[F*  56,  r"].  1593.  Français. 

fF»  57,  r«].  1594.  Languedocien. 

[F®  58,  r«].  1595.  Languedocien. 

1  Une  lettre  effacée. 


258  NOTICE  SUR  UN  LIVRE  DE   COMPTES 

XXVIIl 

[F^  58,  r®].  Le  iiij  jung  1595,  dins  la  gieyso  de  nostra  damo  de 
Fornos,  an  rendut  lour  conte  les  juratz  vieils  que  son  Arnaud  Pery  et 
Peyre  Teysie  deldit  loc  als  juratz  novels  que  son  Jehan  Feran  e  Bal- 
tasa  Beraud  de  Taministracion  de  lour  annado  que  tant  de  presos 
que  de  mesos  ;  et  premieyramen  an  rendut  conté  dels  abilamens  de 
ladito  gieyso  et  libres  et  dos  calises  et  reliques  de  la  saincto  ostivo 
(ou  estrinof)  et  toutos  autres  causes  commo  es  porta  per  Tinven- 
tary. 

Item  ansy  an  rendut  le  conte  de  Targen  qu'els  an  levât  contant,  que 
somo  de  bon  argen  la  sotna  de  viii  liuras  t. 

Item  an  rendut  conte  les  dictz  juratz  de  dos  amillos  que  son  estados 
donados  a  lad.  gieyso  que  sont  antre  les  mains  de  Pierres  Sablayrolos 
unne  amelle  et  Tautre  entre  les  mains  de  Peyre  Blanc,  commo  son 
m  arqua  dos  a  la  marque  de  la  gieyso  ;  le  tout  so  de  sus  an  rendut 
les  dictz  juratz  viels  als  juratz  novels  a  las  presensos  de  sen  6" 
Rougie  consoul  et  Antony  Rougie,  Peire  Pery,  Jehan  Teysie,  Jehan 
Guy,  Antony  Blanc,  Jehan  Vialelo,  Jehan  Pery,  [P*»  58,  v®]  signes 
e  marques,  et  de  my  dejoust  signât  G™  Rougie  de  las  llhos  [en  mar- 
ge :  et  Miquel  Turc]  que  an  coustumo  dels  dictz  consouls  et  abitans 
an  presis  les  présent  conte  Tan  e  jour  que  dessus  per  my. 

[Au  verso  se  trouvent  plusieurs  signes  et  le  nom  des  signa- 
taires: Rougie,  Teysie,  Rougie,  Pery,  Guj,  Steve,  Turc, 
Blanc  et  Rougie  ;  ce  dernier  a  signé  son  nom  et  semble  avoir 
écrit  les  autres  au-dessous  des  signes.] 

XXIX 

[po  59^  poj  [^7^Q  mille  1596  et  le  unsieme  de  agost,  an  randus  les 
cuntos  les  juratz  viels  qu'es  Jan  Feran  et  Balthasa  Beraut  a  Pieres 
Seblairolos  et  Bringuie  Turc,  )uratz  novels,  que  les  ditz  juratz  viels 
oun  randu  tant  que  presos  que  mesos  an  resu  les  juratz  novels  la 
somme  de  trois  ecus  sol  de  saisante  sous  pour  piese  et  xij  sous  de 
monoie  et  xvj  al  basi  d'espercatori,  plus  sine  capos  misais  et  dus 
capos  prosicionals  et  dus  chalicos  dargan,  catre  diacres,  dus  blans  et 
dus  noirs,  et  bairere  (?)  et  dus  misais  et  troies  pans  de  estofo  et  tou- 
tos autros  choses  apertenantos  a  la  dite  glise  de  nostro  dame  de 
Fornos,  comme  apart  par  Tenventari.  An  presance  de  Pieres  Blanc, 
baile,  et  Michel  Turc  vieil,  Peire  Péri,  consul,  et  Frances  Gros,  et 
Arnaut  Péri  et  Antoni  Blanc,  Christol  Blanc,  toutz  degoust  signes  et 

merces  et  moy  qe  ay  fête  la  presante. 

P.  Martin  pbre. 


DE  l'Église  de  fournes  250 

L'an  1596  et  le  unsiestne  de  agoust  a  fet  son  cunte  san  Feran,  lequel 
confesse  adeure  la  some  de  dus  ecus  de  saisante  sous  pour  piese  et 
vint  sous  que  monte  la  sommo  de  vii  Lt  11  s. 

[F®  59,  V®].  Reddition  de  comptes  en  français  de  1597.  Les  jurés 
continuent  à  y  être  appelés  :  juratz  vielz  —  juratz  novels.,. 

F®  60,  vo].  Reddition  de  comptes  de  1599  en  français.  L'an  mil 
cinq  cens  nouant  et  neuf  et  le  vingt-huictiesme  jour  du  moys  de  juing 
honnt  randu  conte  les  juratz  vielz  alz  novelz  comme  sonnt  Jacme 
Blang  et  Jan  Esteve... 

XXX 

[F®  65,  p®]  Le  13«"*  jour  du  mois  de  abril  mil  six  cens  et  six,  au 

lieu  de  Fournes,  Pierre  Sablairoles  et  Brenguye  Turc,  juratz  vielz, 

hont  rendut  conte  de  leur  annade  a  Pierre  Perry  et  Bernad  Teissye 

de  Séries,  juratz  novelz  ;  premièrement  en   rendut  conte  de  XVI  Lt 

Vlll  sstz,  dous  calissiz  d'argan  et  six  cappos  messalz  garnides  (do5  ?) 

d'estole  et  manipoulz,   dos  cappos   prossesionalz,  quare  [sic)  albes, 

cinq  courpouralz  garnis,  uns  relequie  de  latton,  cinq  touvalles,  dos 

courtines  et  dous  missalz ,  dos  robos  de  nostre  dame,  dous  couissiz  et 

eouissiniere  de  telle  et  un  petit  de  valions  et  une  crois  de  latton  et 

un'escremiere  et  un  candelye  de  latton  et  dous  de  fern  et  uns  bassis 

de  couire  et  toutes  autres  causes  apartenantz  a  ladite  cleise  comme 

apt*  par  l'enventary.  Presentz  a  ce  Arnaud  Teissye  et  Anthony  Blanc, 

consulz,  et  autres  habitantz 

Suivent  les  signatures. 


APPENDICE 

[F*  189,  r°]  L'an  mil  huit  cens  quarante  et  le  dix  a  sept  may  le 
conseil  de  la  fabrique  de  Teglize  de  Fournes  runis  dans  une  chambre 
de  la  previtaire  enfein  de  donner  et  de  debatre  les  comptes  de  recettes 
et  de  depansses  depuis  le  15  avril  jusques  au  dix  a  sept  mai  1840 

recette  du  bassein 28  »            6  f. 

recette  du  grains  ou  argens 49  10 

recete  des  chezes 63  17 

recette  du  pain 10  2 

recette  de  le  du  simatiere 2  15 

recette  de  la  sire  du  mois. 1  10 

161  ÔÔ 

1  Apart  ou  apert  ? 


f«0              NOTICE  SUR  UN  LIVRE  DE  COMPTES 

Depanse  de  mil  hait  cents  trante  neaf  : 

de  la  cire  depanse 68  »          14  f. 

paye  an  carrillionear 14 

paye  pour  Tuille 10              17 

paye  pour  les  ostiges * 6 

paye  pour  le  st.    huille 3             03 

paye  pour  un  banc  a  la  glize 35 

paye  pour  les  enses 16 

paye  pour  une  cadene  al  lustre 5              10 

paye  pour  accomoder  la  navette 1 

paye  pour  six  chezes. 4              12 

paye  pour  reparer  les  chezes 9 


158  12  f. 


Portant  que  le  contable  et  reliquataîre  de  deux  frans  huit  sols. 

Le  conseil  approube  le  compte  randu  par... 

[po  189,  v°]  L'an  mil  huit  quarante  un  et  le  vingt-cinq  avril  le 
consel  de  la  fabrique  de  Teglize  de  Fournes  runis  dans  une  chambre 
de  la  previ taire  enfein  donner  et  de  debatre  les  comptes  de  recette 
et  depances  depuis  le  dix  a  sept  mai  1840. 

ressu  du  relicat 2  40  f. 

recette  du  basin 26  45 

resu  des  mortuaire 2 

recettes  des  grains 67  08 

recette  de  Terve  du  simatiere 3  75 

recette  du  pain 6  13 

resu  de  la  sire  viellie 5  40 

recette  des  chezes 60  75 

173  96 

depances  de  184 

depance  de  Tuille 9  95 

depance  de  sire 84  30 

d'ences 1  50 

depance  de  las  ostigues 8 

pour  aranger  le  chezes 4  10 

paye  au  carrillionneur 7 

paye  pour  les  sains  uilles 3  15 

paye  pour  reparer  un  mur  au  simatiere      1 

119  00 

54  96        " 


.---i 


DE  l'Église  de  foubnes  26 1 

portant  que  le  comptable  et  relicataire  de  cinquante-quatre  frans  le 

cpnsel  approuve 

[F**  190,  r*']  L'an  mil  huit  cent  quarante  deux  et  le  vingt  quatre 
avril  le  consel  de  la  fabrique  de  Teglize  de  Foume  reunis  dans  une 
chambre  de  la  previtaiere  enfein  donner  et  de  debatre  les  comptes  de 
resette  et  depances  depuis  le  24  avril  1841  jusque  à  lannais  1842. 

Resette  de  vasin 18  »  50 

quette  du  grain  ou  argens 64  »  95 

Resette  du  pain 7  »  60 

Resette  de  mortuaire 32  » 

L'erbe  du  simaitiere    5  »  10 

Resette  de  chaize 63  »  85 

Relicat 64  »  96 

Total 256  »  96 

Depances  du  Téglize  sire  36  livres  3/4.  71  »  50  c. 

Pour  les  fason  de  la  chaize  de  vérité.  102  » 

huile  pour  la  lampe 7  »  06  c. 

et  le  seint  huilles  ou  les  osties  ou  la 

maisse  du  seint  Roc 1 1  »  15 

pour  la  carrilhonneure 12  » 

Paiyé    pour    paitites    reparassion  du 

réglize 12  »  70 

216  »  41 

Portant  que  le  comptable  et  relicataire 
de  la  somme  dç  quarante  frans  50. .     40  »  50 

Le  consel  approuve  le  compté  randu... 


REMARQUES  GRAMMATICALES  * 

Les  textes  qui  précèdent,  quoique  n'étant  pas  très  variés, 
présentent  quelque  intérêt  au  point  de  vue  philologique.  Nous 
avons  réuni  ci-dessous  les  principales  remarques,  phonétiques, 

1  NoTB  SUR  LA  GRAPHIE  DU  MANUSCRIT  :  j  représente  tantôt  le  son  t, 
tantôt  le  son  y;  v  et  u  ne  se  distinguent  pas. 

Pour  les  formes  modernes,  du^  m,  6u  représentent  les  diphtongues 
dou,  tou,  ôou;  g  représente  toujours  un  son  dur.  E  non  accentué  e  fer- 
mé ;  è  représente  e  ouvert. 


262  NOTICE  SUR  UN  LIVRE   DE  COMPTES 

morphologiques  ou  autres  qu'ils  suggèrent,  et  à  Toccasion 
nous  avons  comparé  le  parler  ancien  au  parler  d'aujourd'hui. 

PHONÉTIQUE 

§  1.  A.  Le  traitement  de  a  tonique  et  protonique  ne  pré- 
sente rien  d'intéressant,  sauf  pour  le  mot  ginie  (ianuariu).  Le 
mot  a  disparu  dans  le  patois  d'aujourd'hui  où  l'on  àiijanbiè, 
sous  l'influence  du  français. 

SI 

§  2.  A  posttODique  est  passé  à  o  dans  le  dialecte  moderne. 
Dans  nos  textes  nous  avons  tantôt  a,  tantôt  o.  Les  formes  en 
osont  excessivement  rares  jusqu'au  document  de  1552 (XVII). 
En  voici  le  relevé  :  lano  Intr.  I,  nostra  damo  Intr.  I,  annado  2, 
507720  5,  annado^  estados,  annado  10,  qualo  12,  erô,  annado  13, 
nostra  damo  de  Fornas,  la  calo  15,  eron,  nostra  damo,  monedo 
la  calo  somo,  resseuudOy  monedo^  capOy  ufertos,  vendudos^  17 
(1552).  A  partir  de  1552  les  formes  en  a  dominent. 

§  3.  Sufflxe  artu'^  ie^  ter,  dans  sestie,  Intr.  I,  hereties  S, 
loguie  7,  ginie  9,  décrier  8  ;  aria"^  iei  —  iey  dans  :  premieyra- 
men  1,  premieiramen  17,  26,  28,  grossieiras  26.  Il  est  traité 
différemment  dans  les  mots  suivants  qui  sont  d'origine  savante  : 
ordenary  1,  enventafn/  1  (forme  normale,  dans  nos  textes), 
enventery  2,  enventeri  3.  Les  formes  actuelles  pour  ces  deux 
mots  sont  ourdinari,  enàentari. 

Le  suffixe  aria  est  représenté  actuellement  par  ièro  :  rebièro, 
prumièro, 

§  4.  Le  suffixe  aticu  est  représenté  par  cg  dans  la  forme 
derayracges  9.  Dans  le  parler  actuel  attcu  >  tch  dont  notre 
cg  est  sans  doute  déjà  l'équivalent. 

§  5.  jB*  protonique  est  resté  dans  derrier  S  (deux  fois), 
derer  4  ;  il  est  passé  à  a  dans  darre  12,  darie  22^  pargam  1 
(auj.  pargam^  dargnè). 

%6.  E  bref  tonique  s'est  diphtongue  suivant  la  règle  dans 
vielh^  vielhs,  sieys  3  ;  siec  Intr.  1.  Non  diphtongue  dans  derer  4, 
darre  12.  Formes  actuelles  bièl  —  sièis—  siègre  <  *  sequere. 

%1.  I  long  tonique  suivi  de  la  liquide  /  s'est  diphtongue  en 
ta  dans  mandials  1,  aàrial  11,  18  ;  mt'al  3,  4.  Resté  intact  dans 
mil  6,  15.  Formes  actuelles  :  mil,  abril  ;  mais  fiai  (ôlu),  pialo 
(pila). 

§  8.  La  pseudo-diphtongue  io  provenant  de  ione  s'est  déjà 


DE  l'Église  de  fournes  sôs 

transformée  dans  notre  texte  ;  cf.  deductiu  9.  La  prononciation 
actuelle  pour  tous  les  mots  venant  de  —  ione  est  tu  avec  Tac- 
cent  sur  le  premier  élément  {passiu  de  passiane  comme  riu  de 
ritm). 

§  9.  0  ouvert  suivi  de  c  avait  donné  à  Torigine  la  triph- 
tongue  uei;  il  est  difficile  de  dire  si  le  premier  élément  s'était 
déjà  durci  en  i;  —  b  dans  nos  textes,  la  forme  ueit  4,  14, 
pouvant  représenter  ueit  et  veit. 

Formes  actuelles  :  bèit,  nèit  ;  plèjo,  fèlhoy  trèjo^  mais  cuèit 
(coctu)  et  cuèr  (coriu). 

§  10.  0  ouvert  4-  semi-consonne  ti  reste  o  dans  nou  fnovu 
et  noue)  1,  4,  vïngt-nou  1  ;  passe  à  a  dans  Xnau  21  On  dit  dans 
le  parler  actuel  nôu  (noue  et  novu)  et  dijdus.  Mais  à  Touest  de 
Castelnaudary  on  a  les  formes  nàu  et  dijàus,  (0  ouvert  ou 
fermé  suivi  de  la  semi-cons.  u  est  passé  à  a).  La  forme  nau^ 
inconnue  au  narbonnais  moderne,  a  existé  dans  le  narbon- 
nais  ancien.  Cf.  nau^  in  A.  Blanc  :  Substitution  du  fr.  au 
prov.  à  Narbonne,  Bulletin  hist,  etphil.^  1897,  doc,  XVIL 

§  11.  Vi  du  groupe  latin  iu  s'est  souvent  maintenu  en  sjl- 
labe  posttonique  :  ceruici  20,  purgatori  20,  despercatori  29, 
propi  14^  testimonis  2,|ô,  etc.,  testimony  11,  ordenary  1,  enven- 
tery  2,  enventeri  3. 

Maintien  de  la  finale  ulu  dans  manipol  1,  26. 

A  Texception  de  testimoni  disparu  et  de  propi  remplacé  par 
prope  les  mots  ci-dessus  ont  gardé  i  dans  le  parler  actuel. 

CONSONANTISMB 

§  12.  Le  groupe  et  donne  régulièrement  it  :  faït  2.  On  a 
cependant  la  forme  quiet  1  et  quitz. 

Dans  le  parler  moderne  les  mots  venant  du  latin  et  ont  ré- 
gulièrement it  :  faity  nèit,  cuéit. 

§  13.  G.  —  A  côté  des  formes  agoust  17,  29,  nous  remar- 
quons la  forme  avùst  1.  Forme  actuelle  agoust, 

§  14.  Le  groupe  dy  a  donné  /  dans  batejar  <^  *  baptidiare. 
Parler  actuel  :  6a//za  (influence  française)  mais  netefa, 

§  15.  Il  faut  noter  la  dissimilation  de  pr  dans  propi  14  (auj. 
prope)  à  côté  de  proprta  ma  2.  La  métathèse  de  r  n'a  pas  lieu 
dans  comprat  4,  compra$  1,  conprada  16.  Auj.  crumpa. 


264  NOTICE   SUR   UN   LIVRE   DE   COMPTES 

§  16.  L.  —  Initial  passé  à  d  dans  dayseron  23,  comme  dans 
la  plupart  des  dialectes  méridionaux,  (cf,  Patois  de  Lézignan, 
Revue  des  Langues  Romanes,  1897,  p.  32d^  §.  181). 

§  17.  Le  grouper»  de  diumu  s'est  réduit  dans  le  dialecte 
moderne  an  :  joun  (on  dit  également  ^our; furnu^  four).  Dans 
nos  textes,  à  côté  de  la  forme  fréquente /om,  nous  avons  jon 
13  (1537),  yon  en /on  12. 

§  18.  Une  question  intéressante  est  de  savoir  si  les  trois 
graphies  /,  //,  Ih,  représentent  tontes  trois  le  son  de  / 
mouillé. 

Examinons  d'abord  le  cas  ou  le  groupe  M  final  ou  non  final 
correspond  aux  groupes  romans  c7,  ly^  iL 

Lh  :  vielhj  vielha^  toalhas^  gazalha,  ambelky  haylha  \,juelhs 
2 y  vielh^  juelhs,  bilheta,  vielhs  3,  gazalha  Ajulhet  5,  soUlh  6, 
juelhs  7^julh,  bilhetaS^fuih,  14,  bailhe  14,15^  souàrepelkis  23, 
bilheta  I4yjulhet,  filh  21,  abilhamen  17,  etc., 

L,  Il  :  fulletS,  las  zilas  l^julet  10,  bileto  11,  lazillas  12,  abi- 
lalmen  17  (à  côté  de  abilhamens),  toualos  18,  Gulem  18,  bileta 
19,  Guilen  22,  abilamens  22,  28,  Guilem22,  23,  toualos  26,  etc. 

11  ne  peut  pas  j  avoir  de  doute  pour  la  prononciation  de  / 
mouillé  dans  ces  cas  ;  elle  s'est  maintenue  jusqu'à  nos  jours. 

Il  en  va  autrement  pour  /  final.  L  mouillé  final  existe  pa- 
rallèlement à  /simple  dans  le  dialecte  moderne  de  Fournes  ; 
il  est  donc  permis  de  se  demander  si  les  graphies  si  nombreuses 
juels^  viels  (juels  1,  9,  10,  12,  13,  viW9,  12,  viels^  vielz  9,  10, 
12,  etc)  ne  représentent  pas /simple.  Les  graphies  de  ces 
mêmes  mots  avec  lh  représenteraient  la  vieille  prononciation 
qui  se  maintenait  à  côté  de  l'autre.  Solhel  (2  fois)  17,  me 
paraît  être  le  résultat  d'une  confusion. 

Les  formes  novelhs  3,  consolhsb^metalh  7,  représentent  sans 
doute  des  formes  analogiques  ;  il  me  paraît  difficile  d'admet- 
tre que  lh  représente  ici  /  simple,  comme  Tadmet  M  Scunee- 
GANS  [Gesta  Caroli  Magni  ad  Cave,  et  Narb,  [  Pseu  do -Philo - 
mena],Romani8che  Bibliothek,  T.  XV,  p.  60)  pour  les  formes 
qualh^  talh,  bestialh,  matinalh  d'Alzonne  *  et  pascalh^  telha 
tela,  portalh^  cristalh  de  Carcassonne  *  . 

1  Dans  des  documents  d^Alzonne  de  1451  publiés  par  Mahul,  I,  20-25, 
*  Livre  des  comptes.... de  TËglise  paroissiale  de  St-Michel  (1417-1450). 


DE  l'Église  de  fournes  «es 

Je  ne  crois  pas  non  plus  qu'il  faille  voir  des  représentants 
de  /  simple  dans  les  graphies  suivantes  :  Ihos  8,  Ihor  9,  Ihoc  9, 
/Aor  9  (ibid.  /o?').  Il  faut  admettre  que  ih  représente  ici  / 
mouillé  ;  car,  dans  la  partie  de  nos  textes  où  le  français  fait 
sentir  son  influence,  nous  avons  les  formes  suivantes  :  li'eur^ 
lyou7\  liour,  23,  Heurs  24,  qui  dénoncent  une  prononciation 
de  lour  avec  /  mouillé.  De  plus  le  parler  moderne  a  la  forme 
liour  à  côté  de  la  forme  low\ 

La  prononciation  de  l  mouillé ,  venant  de  /  latin  simple 
en  syllabe  initiale  ou  ûnale,  appartient  principalement  au- 
jourd'hui au  domaine  catalan  ;  elle  empiète  aussi  sur  les 
dialectes  environnants  de  TAude  et  surtout  de  TAriège  : 
dans  TAude  en  particulier ,  cette  prononciation  se  fait 
sentir  dans  la  haute  vallée  de  TAude,  environ  jusqu'à  Quillan. 
Quelques  villages  de  cette  contrée  ont  même  /  mouillé 
après  une  consonne,  comme  dans  plhaj  blhat  (planu,  bladu), 
développement  qu'a  connu  le  groupe  pi  en  italien  avant  de 
passer  à  pi.  Le  domaine  de  /  mouillé  (venant  de  /simple  latin) 
ne  s'étend  pas  aujourd'hui  jusqu'à  Fournes  où  l'on  dit  : 
parel  et  parelh^  soulel  et  soulelh,  calel  et  calelh,  mais  quintal, 
métal;  nous  pouvons  cependant  admettre  qu'au  XVI"  siècle 
/  simple  a  pu  sporadiquement  devenir  /  mouillé  et  les  formes 
citées  dans  le  paragraphe  précédent  sont  des  preuves  de 
cette  mouillure. 

§  19.  Le  groupe  tl  dans  rotulu  a  donné  //  ;  rolle  4,  ce  qui 
est  la  forme  encore  usitée  aujourd'hui,  et  rolke,  ce  qui  repré- 
sente le  traitement  du  groupe  tl  comme  cL 

§  20.  J  est  quelquefois  représenté  par  g  même  devant  a  ou 
0  :  mego,  rougo  18,  7'ogas  26,  guels  13,  miega  26.  Cas  con- 
traire dans  Jout  (=  Goût)  22. 

§  21.  A  remarquer  aussi  l'adjonction  de  h  k  j  dans  les 
formes  suivantes  :  Jhon,  j'hore ,  majhon  9,  jhorn,  jhos,  jhu- 
ratz  10. 

§  22.  Le  groupe  nd  s'est  réduit  à  d  dans  les  mots  suivants  : 
redut  7,  18,  26,  redudas  7.  Cette  réduction  ne  s'est  pas  main- 


MAHUL  VLl.  (Barthb  !  Mémoires  de  la  Soc.  des  sciences  et  arts  de  Car- 
cassonne,  II,  262-369). 

18 


266  NOTICE  SUR  UN  LIVRE  DE  COMPTES 

tenue  dans  le  parler  actuel  où,  peut-être  sous  l'influence 
française,  on  a  randre,  randut, 

La  forme  redda  4,  est  remplacé  aujourd'hui  par  les  formes 
rento-rendo, 

§  23.  Nous  avons  affaire  à  une  sorte  de  n  mouillé  dans  les 
formes  \jung  22  (1591),  ung  passim. 

§  24.  r  intervocalique  est  représenté  par  z  dans  cazem  1, 
^quatemu,  qui  existe  déjà  sous  cette  forme  dans  Tancienne 
langue  (cf.  Rajnouard  :  Lex,  Rom.). 

§  25.  Le  groupe  pU  est  représenté  par  pd  dans  le  mot 
pt'opda  15  (prop'tana),  inconnu  dans  le  parler  actuel. 

MORPHOIiOGIB 

§  26.  Article.  —  La  forme  la  plus  ancienne  de  l'article  dé- 
flni  masculin  est  /o,  los  ;  dans  les  sept  premiers  documents 
(1504  à  1520)  nous  trouvons  les  formes /o,  ios,  lod,,losd.; 
nous  trouvons  trois  fois  seulement  les  formes  lez  2,  lez  4,/e  5. 

Dans  les  documents  15-21  (années  1543-1566)  nous  trouvons 
la  proportion  inverse  :  vingt  fois  le,  les,  lesd.  led,,  quatre 
fois  lo  25,  17,  21,  37,  une  fois  lous  18. 

La  forme  usitée  aujourd*hui  à  Fournesest  le^les;  elle  s'y  est 
développée  comme  on  voit  au  milieu  du  XVI'  siècle. 

La  forme  lous  à  cette  époque  est  curieuse  ;  c*est  la  forme 
usitée  aujourd'hui  dans  le  Narbonnais  ;  remploi  de  le ,  les 
commence  à  Lézignan  (18  kii.  ouest  de  Narbonne). 

Formes  composées  de  Tarticle  :  Sing.  :  del  7,  19.  Plur.  : 
dels  4, 12,  des  14  ;  als  6,  as  13  (deux  foiSy  et  24. 

Les  formes  usitées  aujourd'hui  sont  del  et  dal  pour  le  sin- 
gulier; au  pluriel  dels^  des  et  das;  as. 

§  27.  Le  pluriel  des  adjectifs  et  participes  présente  quelques 
particularités  intéressantes.  Nous  trouvons  le  pluriel  iotz  2, 
4,  10,  14  ;  tous  18,  toutz  S,  23;  mais  dans  ce  même  document 
23  nous  avons  la  forme  loutys.  A  côté  de  toutys  nous  avons 
autris  ;  enfin  le  participe  passé  de  prene  (prendre)  se  présente 
à  nous  sous  la  forme  prezes  8  (deux  fois),  12, 17  ;  et  prezis  12, 
23,  26,  28. 

Les  mêmes  pluriels  en  is  existent  dans  le  parler  moderne  : 
prezis,  toutis,  autris.  Pour  les  participes  dont  le  radical  est 


DE  l'Église  de  fournes  ««t 

terminé  par  une  dentale,  on  a  les  doubles  formes  poulidis  et 
poulits,  (Sur  l'origine  de  ces  formes  cf.  P.  Meybr  in  Romania^ 
XIV,  292,  XVII,  32,  et  surtout  XVIII,  425,  où  sont  cités  des 
exemples  de  l'Aude.) 

§  28.  Il  ne  faut  pas  voir  des  restes  de  cas-sujet  dans  ungs 
mandials  1  ;  ungs  perdos  1.  Ungs  signifie  sans  doute  ici  :  une 
paire  de.  Uns  bassis  30^  il  s'agit  d'une  pâtre  de  bassins.  Cf.  ci- 
dessous,  §  29. 

§  29.  Adjectifs  numéraux  :  ungs  I  (trois  fois),  ordinaire- 
ment ung,  féminin  unay  unna,  ungna.  Plur.  unas  autras  toa- 
Ihas.  Le  dialecte  moderne  connaît  encore  cet  emploi  de  un  au 
pluriel,  quand  on  parle  d'une  paire  d'objets  ou  d'un  objet 
composé  de  deux  parties  :  unos  mourdasos  =  une  paire  de  pin- 
cettes. Pour  la  graphie  ung  cf.  plus  haut,  §  23. 

Comme  représentants  de  duos  nous  avons  dos  (masc.  etfém.): 
dos  toalhos  2,  dos  soutz  1,  dos  motos  1,  dos  soutz  5.  Il  est  pro- 
bable qu'il  j  avait  une  différence  dans  la  prononciation  de 
ces  o.  Le  premier  est  passé  aujourd'hui  à  ou  (dous),  l'autre 
est  un  0  ouvert  :  dos  fennos  =  deux  femmes, 

Nous  avons  déjà  la  prononciation  ou  dans  la  forme  andous 
19,  forme  de  Tancienne  langue  qui  a  disparu  aujourd'hui. 
(Auj.  tous  les  deux  =  touti  dous,) 

Vtntres  18  et  ving  veit  4  nous  représentent  une  manière  de 
compter  inconnue  du  dialecte  moderne.  On  dit  binto  très,  binto 
beit  par  analogie  de  trento  [triginta)  treSy  etc.  Septante  et  dux 
22  est  une  tournure  française. 

§  30.  Adjectifs  possessifs  :  lor  7,  10,  13,  Ihor  9  (cf. 
supra  §  18  pour  Ih)  lors  1,  Ihos  S  (mis  sans  doute  pour  Ihors  ; 
Ihos  contes  :  la  formule  ordinaire  est  lors^  Ihors  contes).  Vu  de 
lur  2  nous  représente  sans  doute  un  o  fermé. 

Dans  les  documents  de  la  fin  du  siècle  nous  avons  ou:  lyour 
23,  lour  28. 

La  forme  usitée  aujourd'hui  est  Ihour.  Cet  adj.  poss.  a  dis- 
paru du  patois  de  Lézignan  où  il  est  remplacé  par  soun^  sa, 

§  31.  Adjectifs  indéfinis. —  Cascun  a  disparu  aujour- 
d'hui ;  nous  avons  les  deux  formes  cada  26  et  cascun  an  21. 
Dans  le  parler  actuel  cadun  fait  fonction  de  pronom  indéfini 
et  cada  devenu  cado  (invariable)  fait  fonction  d'adjectif  indé- 
fini. 


268  NOTICE  SUR   UN  LIVRE  DE  COMPTES 

A  remarquer  aussi  la  vieille  formule  pltisors  autres  9^  dispa- 
rue aujourd'hui. 

§  32.  Pronoms  personnels.  —  I  pars  :  la  forme  du  sujet 
est  représentée  par/ew  (encore  usité  aujourd'hui,  iéu)  au  cas- 
sujet  et  my,  mt\  aux  cas  obliques,  conformément  aux  usages 
de  Tancienne  langue  :  de  mi  12,  15, 18,  etc.  ;  a  mj  10,  a  my  15  ; 
per  mi  15,  per  mi  17.  On  trouve  cependant  et  my  2  au  cas- 
sujet. 

Aujourd'hui  iéu  est  exclusivement  employé  au  cas-sujet 
ou  avec  une  préposition  aux  cas  obliques  (de  iéu^per  iéu,  etc.). 
Devant  un  verbe  on  emploie  me  (avec  une  préposition  tou- 
jours iéu):  me  diguèt  =  il  me  dit. 

3«  pers.  sing.  Cas  obliques  :  //,  /y  1,  y  2  ;  forme  combinée 
dans  ambelh  1.  Plur.  eU  {qu'els  an  levât  28). 

La  forme  du  cas  oblique  pour  le  pronom  de  la  S*  personne 
est  auj.  i.  Ex  :  tu  le  lui  as  dit  :  i  b'  ai  ^  dit. 

Ambel  est  représenté  auj.  par  amel  (avec  lui).  Quant  au 
pluriel  eh  il  a  pris  la  finale  i  comme  la  plupart  des  pronoms 
et  adjectifs  :  elis^  toutis^  autris,  amelis. 

§  33.  Pronoms  possessifs.  —  Lur  2,  4,  6,  Ihor^  lor  9, 
10,  13.  Ce  pronom  possessif  est  encore  usité  sous  la  forme 
Ihour  dans  le  dialecte  de  Fournes,  tandis  que  le  dialecte  nar- 
bonnais  Ta  perdu. 

§  34.  Pronoms  démonstratifs.—  Neutre  :  aysso  Intr.  1, 
so  4,  aquo  22.  Féminin  :  aquelha  Intr.  1.  (Auj.  aisso,  aco^ 
akeio). 

Enfin  il  faut  noter  la  forme  meteys  1,  disparue  de  nos  jours. 

§  35.  Pronom  relatif.  —  A  côté  de  que  (masc.  et  fém.) 
on  trouve  une  grande  variété  de  formes  de  loqual  :  loqual 
Intr.  1,  losquals  5,  lesquals9  ;  laquala  6,  laqualo  11,  lacalo  15, 
lasqais  12.  Ce  pronom  n*est  plus  usité  aujourd'hui. 

§  36.  Conjugaison.  —  La  langue  de  nos  textes  étant  peu 
variée,  beaucoup  de  formes  manquent.  Voici  celles  qui  peu- 
vent nous  servir  à  reconstruire  une  partie  de  la  conjugaison 
de  cette  époque. 

Esser:  prés.  3*'p.  du  plur.  son  l,so  10  ;  imp.  era  2  (3® p.  sing.), 

i  Sur  ramuïssement  de  s  devant  une  consonne  autre  que  c,  p,  t,  cf. 
Patois  de  hézignan,  in  Revue  des  l,  rom.y  1897,  §  130. 


DE  l'Église  de  fournes  269 

eran  3,  eron  17.  Fut.  cera,  pass.  ind.  foren  dans  l*expression 
foren  agudas  2.  La  forme  forerri  se  rencontre  deux  fois  dans 
les  Gesta  Caroli  Magni  ad  Carc,  (Ed.  Schnbegans,  p.  72  ; 
renvoie  à  Dibz,  Grammatik  der  Rom.  Spr.^  5*  éd.,  p.  548, 
Anm.) 

Le  paradigme  actuel  pour  le  présent  indic.  de  esse  est  le 
suivant  :  soun  —  es  —  es  —  en  —  èts  —  sonn.  Imp.  3*  p.  plur.  : 
eroun.  Pass.  déf.  3*  p.  plur.  :  sougèou.  Fut.  sara^  saran.  Le 
paradigme  du  présent  s*est  conservé  beaucoup  plus  pur  que 
dans  le  parler  de  Lézignan  où  Ton  a  au  présent  :  ckbu  fsidu), 
chos  (sios)^  ez,  chon  (sion)^  chots,  soun. 

§  37.  Verbe  haber.  Ind.  prés,  l  p.:  ^,  2,  4  ;  hei,  9.  Imp.  3  p. 
sing.  :  avia  1,  avio^  Intr.  1.  Parf.  aguet  21.  Part.  p.  agut  22. 

La  forme  actuelle  de  la  l'*p.ind.  prés,  est  èy;  celle  du  part, 
est  agut  et  aût. 

§  38.  Antres  verbes.  —  La  !'•  personne  de  Tind.  prés,  a 
pris  uniformément  la  terminaison  t,  y,  qui  à  l'origine  n'ap- 
partenait qu'aux  verbes  venant  du  lat.  io  ou  ùco.  Ex.  :  con- 
fessi  6,  confecy  11,  quiti  20,  aprometi  11,  teni20.  Il  est  proba- 
ble que  déjà  à  cette  époque  la  plupart  des  verbes  autres  que 
les  auxiliaires  esse,  aver^  ainsi  que  les  représentants  de  uado, 
facto f  avaient  pris  la  finale  i.  Auj.  aimt\  debi^  segutsst\  par- 
tissi^  ett. 

S*  pers.  sing.  ind.  prés,  siec  se,  Intr.  1, 1  ;  fe  1.  Auj.  seguits, 
ten  <  tenet. 

La  3*  personne  du  pluriel  se  présente  tantôt  avec  la  finale 
o,  on^  tantôt  avec  la  finale  en.  Ex.  :  tenon  17  (trois  fois),  devon 
21,  prometo  16,  teno  17,  daysero  23.  La  finale  en  est  plus 
fréquente.  Ex.  :  devenS  (trois  fois),  tenen{S  fois)  12,  13;  /)?'o- 
meten  9  ;  3"  p.  du  pass.  déf.  manjeren  1.  La  forme  en  on  a 
supplanté  l'autre  dans  le  parler  moderne,  sauf  au  subjonctif 
présent.  Cf.  infra.  (Cf.  sur  ces  terminaisons  P.  Mbybr,  Ro- 
mania  ^  IX,  202.) 

Le  subj.  prés,  est  représenté  par  les  deux  formes  sapian  15 
et  sapiant  14,  qui  renvoient  directement  aux  formas  lat'nes. 
Au],  que  sapien,  qu'ajen  (habeant)  ;  mais  que  fasken  ou  fas- 
koun. 

Deber  1"  pers.  que  je  (/eu,  3*  p.  deu  22.  Inf.  deure  17.  Part. 
degut2b.  Auj.  debi^  debes^  deu,.,;  deure ^  degut. 


270  NOTICE   SUR  UN  UYRE  DE  GOlfPTES 

§  39.  Infinitif.  —  n  est  probable  que  r  ne  sonnait  plus, 
car  à  côté  de  pagar  on  a  paga^  pagua  19  ;  inf.  de  savoir  = 
$ab^,  La  forme  tenj  26  est  analogique  de  veni  (uenire).  Auj. 
iène  avec  déplacement  d'accent  comme  véze  pour  vezer.  Infi- 
nitif actael  de  fr.  savoir  =  saupre^  formé  sur  le  radical  de 
Tancien  parfait  saup. 

§  40.  Participes.  —  Ressaubut  7,  8,  10  ;  ressaubutz  12, 
ressaubudas  8  sont  des  participes  analogiques  formés  sur  le 
parf.  re-saup.  La  forme  resseuudo  17  paraît  déjâiufluencée  par 
le  français.  Cf.  supra  les  participes  de  aver,  dever, 

La  forme  actuelle  du  participe  passé  de  ressaupre  est  ressa- 
piuty  avec  le  radical  du  subjonctif. 

§  41.  Adverbes,  prépositions.  —  No  i  a  poy  de  manipol 
1  ;  de  Iras  escrit  13,  a  Iras  3. 

Parmi  les  prépositions  il  faut  citer  am  1  (trois  fois),  amh  1 
sens  1,  dejotz  1  et  pass.,  entra  18  ;  ansi  8  ;  ses  18.  La  forme 
actuelle  pour  ce  dernier  mot  est  sans  qui  est  un  emprunt  au 
français. 

§  42.  Particularités   de  syntaxe  et  de  langue.  — 

a)  Suppression  de  de  après  un  nom  de  nombre  :  ;'.  cest.  blat 
1  ;  una  liura  cera  1  ;  dos  liuras  cera  1. 

b)  Le  nom  de  temps  est  employé  sans  article  après  la  pré- 
position a  :  a  dos  de  novembre  4,  a  cinq  de  juUet  3,  a  viij  de 
septembre  2  ;  mais  a  le  vintres  18. 

e)  Cbangement  de  genre  :  ias  gendarmas  1,  où  le  change- 
ment est  amené  par  la  finale  a,  et  la  argen  10  (deux  fois),  où 
il  est  amené  par  une  fausse  décomposition  du  mot  fla-rgen). 

d)  Mots  invariables  :  viehl  1  (panna  trincada  et  vielh),  pré- 
sent S  (présent  bUheta)^  missal  (capa  missaljj  prosesiuenal  18, 
causas  apartenens  lutr.  1.  (Cf.  au  contraire  :  la  présenta  bilela 
19.  1565.) 

e)  Le  participe  passé  s'accorde  avec  son  régime,  qu'il  soit 
avant  ou  après  :  ey  faita  la  15,  ey  faits  los  12,  an  rendutz  los 
comptes  3,  an  rendudas  las  causas  7,  compresa  la  lumenaria  2. 

Nous  avons  même  un  exemple  de  sjllepse  dans  avem  près- 
tatz  la  soma  7,  à  moins  que  prestatz  ne  se  rapporte  au  sujet. 
Participe  invariable  dans  :  contât  totas  causas  Intr.  I. 

f)  Construction  des  verbes  :  confessi  a  deure  6,  confecy  a 
deure  11,  prometi  rendre  d.  On  dirait  auj.  proumeti  de  ;  quant 


>  ' 


DE  L  EGLISE  DE  FOURNES 


271 


à  confessa  il  n'est  plus  employé  que  dans  le  sens  ecclésias- 
tique. 

g)  Remarquer  les  manières  de  parler  suivantes  :  Présent 
Anthoni...  et  de  18;  espresenssen..,  et  de  19,  qui  sont  amenées 
par  la  formule  ordinaire  :  en  presensta  de. 

h)  Enfin  les  expressions  suivantes  méritent  également 
d'être  relevées:  et  non  demas  tornas  son  1,  3;  per  cauza  de 
Intr.  I  ;  après  en  seguen  3. 


GLOSSAIRE 


AhILLOS,     ABfELLBS      28.      Du 

Canob  :  amiclus  et  amiclum 
(fascla  pectoralis) ,  cein- 
ture. Cf.  Lbvy  ,  SuppL 
Wôrterbuch,  s.  v.  amilla, 

Amitz  1^  amict. 

Apar  3,  4,  etc.  3*  p.  sing. 
ind.  pr.  de  aparer, 

AuR  17,  or.  Forme  actuelle 
or  empruntée  au  fr. 

Bairere  29,  qui  tient  du  noir 

et  du  blanc.  (?) 
Bassinies,  26,  27.  Synonyme 

de  juratz,  fabricien. 
BiLBTA  19,  bilheta  3,  compte, 

cédule. 
BoRSA  8,  trésor, 

Gamas  (del  camas  de  Séries 
18).  Raynouard,  IV,  148, 
I  :  habitation  principale, 
maison  de  maître. 

Canos  3,  bâton  (de  cire,  de 
soufre,  etc.).  Cf.  Mistral, 
Lou  Trésor  dôu  Felibrige, 


Capblbt  de  capas,  26,  chape- 
let ou  collection  de  chapes. 

Cappela   15,   curé.  Un    peu 
vieilli  auj.  dans  ce  sens. 

Cazern  1,  cahier.  Cf.  Ray- 
nouard, s.  u. 

Cedula  6,  lettre,  titre. 

CoMPRAS  1,  achats.  Mot  dis- 
paru du  parler  moderne. 

CoNPRADA  16,  achetée.  Auj. 
crumpada. 

CoNsoLs  Intr.  1,  pass.  Con- 
suls. 

CoRPORALs  18,  corporal. 

CoRTiNAS  26.  Rayn.  II,  498, 
1  :  rideau ,  draperie.  Ici 
rideau  ? 

Cosis  26,  couissiz  30,  coussin. 

CouissiNiERB  30,  taie  d'oreil- 
ler. 

DAYSAK2S{dayseron)^  laisser. 

Même  forme  auj. 
DiAOBS  18,  dlagues  l7,  20,  cf. 

subrediague. 


272 


NOTICE  SUR  UN   LIVRE   DB  COMPTES 


Dbratragobs  13,  arrérages. 
Cf.  Rem,  Grani,^  §  4. 

DoBLA  Intr.  1.  Sorte  de  mon- 
naie. Cf.  A.  Blanc,  Subst. 
du  fr,  au  prov,  à  Narbonne^ 
p.  26  du  tirage  à  part  (Ex- 
trait du  Bull.  hist.  et  phil,, 
1897).  M.  A.  Blanc  a  l'obli- 
geance de  me  faire  savoir 
que  dans  les  textes  narbon- 
nais  du  xv®  siècle,  la  dobla 
vaut  dix  deniers  tournois. 
Drap  de  Damas  2,  drap  de 
Damas  fegurat  18. 

BSCUTZ   DEL    SOLELH    17,    SCUtZ 

solel  Intr.  1.  Cf.  xxiv  :  trois 
ecussol  de  saisante  sous  pour 
piese.  Scut  de  Spanhia  17. 
Florin  d'Aragon?  Cf.  An- 
nales du  Midi,  1898.  p.  59. 
Enseradas  (toalhas)  2,  enfer- 
mées. 

Enventart  1,  pass.  inven- 
taire. Autres  formes  :  inven- 
tary  Intr.  1  ;  enventeri  3. 
E.  Levy,  Suppl.  Wôrter- 
buch,  3,  103,  1,  ne  cite  pas 
de  forme  enventeri  (on  sait 
que  le  Suppl.  Wôrterb.  ne 
va  pas  ordinairement  plus 
loin  que  le  xv«  siècle). 

Escremieks  27,escremiere30.  ? 

Esmoncin  (argen)  18.  ? 

Fedas  1,  brebis. 

Festa  de  Sanct  Miqubl  15, 

terme  de  paiement. 
Festa  de  Sanct  Jan  Batista 

21,  terme  da  paiement. 


Floris  4,  florin.  Quelle  va- 
leur avait-il  dans  TAude? 

Cf.  Annales  du  Midi,  1898, 
p.  52,  n.  Ibid.  p.  58,  il  est 

dit  que  le  florin  valait  de  15 

à  16  sous. 

Franc  20. 

Garnimen  1^  ornement. 

Gazalha  4,  gassalho  21,  chep- 
tel. Cf.  P.  Mbyer  in  Roma- 
nia  IV,  467 

Ilhas  (las)  4,  hameau  voisin 
de  Fournes,  avec   mairie, 
desservant  et  école  commu- 
nale. Autres  formes  :  las  Zi* 
las  7  {RRmon)  dasilla  Intr.  1. 
Item  en  deduxio  de  Vitem  1, 
pris  dans  le  sens  de  compte, 
paragraphe, 
Juels  \,juelhs  4.  Raynouard, 
III,  445,  1  :  joyeh  joell  = 
jojau.  Ici  objets  précieux, 
calices,  patènes,  etc. 
JuLH  14,  juillet. 
Juratayria  3,  année  pendant 
laquelle   un  jurât    est    en 
exercice. 
Lanudas  [bestias)  21,  bestial 
lanut  4,  moutons  et  brebis. 
Lato  1,  laiton. 
Lemeta  (1.  remeta)  Intr.  1.  Du 
Cange    :    ementum     2    = 
«  praestationis  species  ex 
ouibus  et  porcis...  a   C'est 
donc  une  sorte  d'impôt? 
Letras  1,  textes,  copies. 
Levât  (argent)   28,    argent 
recueilli.  Usité  encore  dans 
ce  sens. 


DK  l'Église  de  fournes 


273 


Licencia  1,  permission. 

LiuRA,  UEURA,  poss.  Livre. 
Elle  vaut  vingt  sous.  Cf. 
Doc.  XV,  XVI. 

LoGUiB  7,  loyer. 

LuMBNARiA  2,  somme  dépen- 
sée pour  les  cierges  ou  les 
lampes  qui  brûlent  dans 
une  église.  Ratn.  IV,  104, 
1,  donne  cette  déûnition 
vague  «  terme  collectif 
spécialement  usité  dans  les 
églises  ;  ex.  a  laobra  e  a  la 
lumenaria.,,  ».  Du  Cangb, 
s.  u.  iuminariae  :  «  eccle- 
siarum,  uti  vocant,  fabri- 
cae,  seu  ecclesiasticorum 
aedituorum  et  matriculario- 
rum  fisci...  » 

Magb  1,  mage  15.  Rayn.  IV, 
114,  1  :  maire,  chef.  Ici  sy- 
nonyme de  consol. 

Malhevar  4,  emprunter.  Cf. 
malevar  in  Gesta  Caroli  Mag- 
ni  ad  Carcassonam,  1.  1152. 

Mandials  =  1,  nappe,  ser- 
viette ;  manque  dans  Rat- 
NouARD.  Du  Canoë  :  «  raan- 
dile  pro  mantile  :  uelum... 
uestimenti  genus  esse  uide- 
tur...  »  Cité  dans  Bartsch. 
Chrest.  Prov.  (Glossaire) 
sous  la  forme  mandils.  Cf. 
Guillem  de  la  Barre ^  éd.  P. 
Mbyer,  Glossaire. 

Manipol  1,  manipule.  Cf. 
Rem.  Gram.  §  11. 

Mbmoria  21,  synonyme  de 
ceduia^  bilheta^eic.  ;  compte. 


Mbsclada  (capa)  1,  opposé  à 
tela  prim  :  en  drap  mêlé. 
Cf.  P.  Mbybr>  Hugo  Ter- 
ralh^  gloss. 

Mesos  18,  dépenses.  Du  Canob 
s.  V.  misa  :  impensa, .  •  Ce  mot 
va  presque  toujours  avec 
expensa  :  misae  et  expensae  ; 
dans  nos  textes  nous  trou- 
vons toujours  ensemble  : 
presos  et  me«o«  (14, 22,  etc.)  ; 
meso  signifie  donc  dépense 
etpreso-=  recette.  Cf.  prise 
=  perception  in  Godefroy. 
Cf.  Annales  du  Midi,  1898, 
p.  55  :«  Les  comptes  d'Albi 
sont  divisés  en  presas  (re- 
cettes) et  mesas  (dépenses). 

Metalh  7,  cf.  Rem.  Gram. 
§18. 

MiNHEs  2,  coussin  ?  cf.  minhot 
==  coussin  dans  Guillem  de 
la  Barre,  éd.  P.  Meybr, 
gloss. 

MissAL  (capa^  2,  chape  pour 
dire  la  messe? 

Notât  1.  Le  mot  paraît  si- 
gnifier ici  «  contenant  des 
notes^de\&  musique»;  cazem 
notât  serait  donc  une  sorte 
de  recueil  de  morceaux  de 
chant. 

Obra  8,  Tadministration  de 
TEglise,  la  fabrique.  Le 
mot  est  conservé  dans  la 
locution  française  :  le  banc 
d'œuvre^ 

Obrans  18,  les  jurés,  les  fa* 
briciens. 


«74 


NOTICE  SUR  UN  LIVRE  DE  COMPTES 


Obribs  Intr.  I,  même  sens. 

OsTAL  7,  maison. 

OsTEDA  (miega)  26,  oustodo 
(mego)  18.  Le  même  mot 
sans  doute  que  fr.  ostade 
dans  GoDBFROY  :  «  espèce 
de  serge  on  d^étame,  sorte 
de  brocatelle  mêlée  de  laine 
et  de  poil.  »  Exemple  cité  : 
le  corps  [du  pourpoint] 
estoit  de  demie  ostade  (H. 
Estienne). 

Pacte  21,  dans  Texpression 
demora  de  pacte  ^  tomber 
d'accord. 

Padblha  1,  la  patène. 

PaNNA    1.      GODEFROY     S.      V. 

panne  :  étoffe  de  soie  à 
longs  poils,  drap,  tissu... 
particulièrement  serviette 
pour  la  table,  essuie-mains. 
Ici ,  nappe  ?  Mot  encore 
connu  dans  le  Narbonnais, 
où  il  désigne  une  étoffe  à 
longs  poils. 

Parti  21,  partager.  Sens  pri- 
mitif, inconnu  aujourd'hui, 

Payrolbt  1,  petit  bassin. 

Pbrdos  de  XII  cardenals  1.  In- 
dulgence 1  ou  reliques  1  Go- 
DBFROY  :  «  reliques  aux- 
quelles des  indulgences 
étaient  attachées  ».  Ici,  re- 
liques de  XII  cardinaux  ? 

Pbrbt,  cf.  tela. 

Pbza  (padelha)  1,  massif,  en 
métal  massif.  Cf.  argen 
pezal. 

Pipa  Intr.  I.  Tonneau.  Il  est 


difficile  de  dire  quelle  con- 
tenance avait  cette  mesure 
dans  l'Aude.    On  pourrait 
admettre     la     contenance 
fixée  par  M.  A.  Vidal  pour 
les  pipes  du  Tarn,  car  Four- 
nés  est  à  la  limite  de  ce 
département.     A.    Vidal  , 
Annales   du    Midi^    1898, 
p.  66  (Compte   d'Albi  de 
1368)   :    a  una  pipa  de  vi 
que  tenian  Y  sesties  e  emi- 
na  »•  Le  cours  varia  plus 
tard.    Ibid.   p.  67  :  fin  du 
XIV»  siècle  la  pipa  valait 
de  7  setiers   1   émine  à  8 
setiers.  Le  setier  vaut  86 
litres  (ibid.  p.  83). 

Pistolet  18  ,  demi-pistole. 
Quelle  valeur  ? 

Plusors  {autres)  8,  adj. indéf. 
Disparu  du  parler  actuel. 

PoY  1,  point,  pas. 

Presos  22,  cf.  mesos. 

Prima  26 ,  fin ,  aujourd'hui 
usité  principalement  dans 
l'expression  ôi  prim  (vin 
qui  coule  du  tonneau  à  la 
décuvaison). 

Procbssional  2,  qui  sert  pour 
la  procession. 

Propria  ma  6,  propre  main. 

Rbdda  (de  contes)  4,  reddi- 
tion de  comptes.  Cf.  Rem. 
Qram.  §.  22. 

Relequie  30,  reliquaire. 

Res  25,  rien. 

RoouBTZ  18,  rochet. 

Rollb  4,  rôle,  registre. 


DE  l'Église  de  tournes 


275 


Sacra  2 ,  consécration  de 
l'Église  ou  fête  solennelle. 

S  ATT  1,  satin. 

SAUs(de  tout  saus)  19  =^80,  ce. 

^VNBAJ>A  {aygua)l  y  e&u  bénite. 
Ce  mot  n'est  usité  aujour- 
d'hui que  dans  Texpression 
pa  signât  =  pain  bénit 

Sbstib  Intr.  1,  Cest,  blat  1, 
setier.  Cf.  pipa. 

SiGNBT  41,  seing. 

SOBRBPBLLIS  1,  SUrplis. 

SoMAR  (soma,  somo)  12,  14, 
28  :  former  un  tout.  Cf. 
Rayn.  Lex  Rom.  s.  u. 

Spanhia  17,  cf.  scut^  escut. 

StolaI,  étole. 

SuDiAOUE  2  et  pass.  Godbfrot 
s.  n.  diague  :  tunique  des- 
tinée au  diacre.  Sudiague 
serait  une  tunique  destinée 
au  sous  diacre. 

Tb  1,  Tbnen  12,  de  tener^ 
avoir,  posséder.  Le  verbe 
tène  est  encore  aujourd'hui 
assez  généralement  em- 
ployé dans  le  département 
de    l'Aude     avec    le    sens 


avoir f  posséder  :  ièn  un  trou- 
pèU  tèn  de  moutons  =  Il  a 
un  troupeau,  des  moutons. 
Dans  la  haute  vallée  de 
TAude,  influencée  par  le 
catalan,  il  est  encore  plus 
fréquemment  employé.  Cf. 
A  Rodome  (canton  de  Bel- 
caire)  tèni  fret  =  j'ai  froid, 
Narbonne  :  èy  fret. 

Tbla  db  pbret,  2. 

Terme  21,  terme  de  paiement. 

Tbstimoni  14,  20,  témoin.  Ce 
mot  n'est  plus  usité  dans 
ce  sens;  rétymologie  popu- 
laire en  a  fait  dans  le  Nar- 
bonnais  un  synonyme  de 
tête  (analogie  de  testa). 

ToALHAS  1,  toualos  26,  touval- 
les  30,  nappe. 

Trincatz  1,  trincada  1,  brisé, 
déchiré. 

Uperta  Intr.  1,  uffertas  10, 
offrande. 

Velbs  18,  lire  vélos  ? 
Vellous  30,  velours. 
Virât  Intr.  1,  transcrit. 

J.  Anoladb. 


I  DODICI  CANTI 


EPOPEE  ROMANESQUE   DU   XVI*  SIÈCLE 


(Suite) 


100.  Aleramo  a  mirar  lontan  si  [puose] 
Per  veder  quanto  Astolfo  sa  d'ischermo. 
Et  se  aile  sue  parole  boriose 

Egli  ha  Talmo  conforme,  sano  o  infermo. 
Stava  egli  adoaque  infra  più  querce  ombrose 
Col  cor  trémolo  si,  ma  Tochio  ha  fermo, 
Sopra  un  poggetto  onde  veder  poteva 
Chiaro  ci6  che  ciascun  di  lor  faceva. 

101 .  Et  vidde  ch'  a  l*uscir  che  fe  Gorante 
Astolfo  con  la  lancia  un  sovramano 

Le  diè  nel  petto,  et  il  colpo  arogante 
A  dietro  roversô  sopra  del  piano 
Quel  crudo  alpestro  et  rigido  gigante 
Fra  tutti  gli  altri  in  apparenza  strano, 
Et  ch*  Astolpho  alla  gola  del  latrone 
Tenea  la  lancia  et  le  dicea  :  «  Poltrone  ». 

f  F®  48  ro]  102.     Et  poi  udi  che  '1  duca  ad  alta  voce 
Minacciava  il  gigante  d'impiccarlo 
S*  indi  a  parti rsi  non  era  veloce 
0  che  volea  di  subito  scannarlo. 
Il  gigante,  che  mira  il  sir  atroce, 
Prega  ir  lo  lasci  et  non  voglia  amazzarlo, 
Cui  disse  Astolfo  :  «  Si  con  questo  patto 
Che  tu  ti  parta,  o  gran  ladron,  di  fatto. 


CANTO:  QUARTO  «77 

103.  Etvoglio  che  tu  vada  nel  Ponente, 
Et,  86  tu  mel  prometti,  me  Tosservi, 
Se  non,  ti  far6  far  morte  dolente 

Sol  per  la  man  dei  miei  più  tristi  servi, 
Che  me  nel  sangue  tuo  bruttar  mia  mente 
Non  lo  comporta  et  men  vuo*  che  mi  servi.  » 
El  gigante  promette  et  giura  andare 
Se  1  duca  gliel  comanda  in  mezzo  il  mare. 

104.  Tan  ta  hapaura  délia  forte  lancia 
Ch'  Astolfo  le  tien  ferma  in  su  la  gola, 
Vedendo  che  '1  guerrier  non  fa  da  ciancia, 
Grave  timor  Tardir  superbo  invola. 
Vuole  costui  mandar  questi  in  la  Francia 
Aciô  ch'  Orlando  con  sua  forza  sola 

Un  di  Fuccida,  onde  egli  al  duca  cède 
Et  di  partirsi  al  fin  le  dà  la  fede. 

105.  Non  sa  ch'  in  quella  lancia  è  virtù  taie 
Et  non  nel  cavallier,  perû  si  rende 

A  lui  Gon  patto  d'irsene  con  quale 
Maggior  prestezza  il  palladino  intende, 
Et  giara  per  quel  sol  ch'  ogni  mortale 
Col  suo  lume  et  splendor  vivace  rende, 
Di  non  posarsi  mai  in  tutta  la  via 
Fin  ch'  in  Ponente  giunto  egli  non  sia. 

106.  Con  questo  modo  il  duca  Astolfo  quello 
Ladron  levô  del  regno  di  Sylvana, 

Onde  ei  giunse  in  Ardenna  et  fe  Thostello 
Che  dissi  già  délia  torre  profana 
Ove  Orlando  e  Rinaldo  e  il  damigello 
Spagnuol  vi  capitar  con  mente  insana, 
Et  con  Tanello  che  pria  fu  di  Gigi 
Fur  liberati  et  non  da  Malagigi. 

[F»48vo]  107.       Et  percV  in  quella  selva  aspra  ventura 
Truovorno  i  cavallier  [cjercando  délia 
Regina  ingrata  fuor  d*ogni  misura. 
Ad  Amor ,  a  natura,  al  ciel  ribella, 
Speser  più  giorni  indarno  et  per  sciagura 
Hor  questa  région  cercando,  hor  quella, 
Et  pensando  lontan  indi  scostarsi 
Fur  stretti  in  quella  selva  ritruovarsi  ; 


278  I  DODIGI  GANTI 

108.       Perô  che  Malagigi  ivi  da  presso 
Intertenea  Rinaldo  e  il  conte  Orlando, 
Perché  egli  havea  sapato  et  chiaro  espresso 
Che  ne  venia  Gradasso  dal  coi  brando 
Esser  dovea  re  Carlo  al  tutto  opresso, 
Onde  venia  sua  arte  dispensando 
In  questo  modo,    benchè  nulla  valse, 
Perché  di  Carlo  ai  cavallier  non  calse. 

109.  Non  era  ito  prigione  il  gentil  mago, 
Perch'  i  demoni  Angelica  gabbaro, 

A  quai  seppe  egli  simular  Timago 
SI  che  nol  conoscendo  lo  lasciaro, 
Et  tomato  in  Guascogna  tutto  vago 
Al  suo  comando  li  dimon  tornaro, 
Et,  al  petrone  di  Merlin  tornato, 
Truovô  il  libre  da  Angelica  lasciato. 

110.  Angelica  il  lasciô  quando  partisse 
Con  TArgalia  ch'  ivi  lasciô  la  lancia 
Che  toise  Astolfo  poi  ;  per  quella  ardisse 
Tanto  costui  con  la  superba  lancia, 

Pur  prigion  stette,  corne  Tautor  scrisse 
Di  lui  corne  degli  altri  sir  di  Francia 
Li  gesti  tutti,  et  prigion  stette  tanto 
Che  di  vincer  Gradasso  porto  il  vanto. 

1 1 1 .  Astolfo  havendo  poi,  corne  v'  ho  dette, 
Superato  Gradasso  et  liberato 

Re  Carlo  et  Francia»  lasciô  il  suo  distretto, 
Ch*  era  Orlando  truovar  deliberato. 
Giunse  in  l'Ëgitto  alfin.  Questo  é  Teffetto 
Onde  Gérante  il  ladro  hebbe  scaccîato 
In  la  selva  d*Ardenna,  ove  ancor  era 
Rinaldo,  Orlando  et  Angelica  altiera. 

[F*  49  r®]  1 12.     Stupi  Aleramo  quando  oltra  sua  fede 
Vide  el  duca  gentil  tanto  galiardo 
Et,  bench*  a  peu  a  alli  [ochi]  stessi  il  crede, 
Disseli  :  «  0  signer  mio,  quanto  più  guardo, 
Debitamente  a  te  Rinaldo  cède, 
Debitamente  Orlando  t*  ha  riguardo, 
Perô  che  tu  del  monde  in  ogni  parte 
Somigli,  anzi  sei,  credo,  il  Dio  Marte. 


CANTO  QUARTO  279 

113.  Ma,  poichô  V  hora  è  tarda  et  gîà  nel  mare 
Vedesi  Apol  tuffar  i  bei  crin  d'oro, 

Parmi,  signor,  dobiamo  ritornare 
A  la  fata  gentil  et  del  lavoro 
Tuo  degno  a  lei  chiara  notitia  dare, 
Ch*  io  80  che  n 'baverai  degno  ristoro.  » 
Oui  disse  il  duca  :  «  La  fata  gentile 
Me  ha  ristorato,  »  et  le  mostrô  il  monile. 

114.  Poi  disse:  «  V  non  mi  parte  sodisfatto, 
S'io  non  abrugio  la  cappanna  e  il  letto 
Nel  quai  el  traditor  n'a  più  disfatto, 

Se  vero  è  quel  che  tu  narrando  bai  detto.  w 
Et  cosi  smonta  de  1'  arcion  disfatto, 
Che  già  partito  s*era  il  maladetto 
Né  lontano  era  mezzo  miglio  al  luoco 
Chevolto  al  crépi tar  vidde  il  gran  fuoco. 

115.     Et  vidde  Astolfo  in  la  cappanna  entrato 
El  letto  fatto  per  Taltrui  tormento 
Et  teste  ancor  sanguigne  hebbe  trovato 
£  d*un  romito  certo  vestimento. 
Aleramo  cercando  in  altro  lato 
Del  frate  il  capo  vidde,  onde  lamento 
Si  grande  fenne  che  a  pietà  comosse 
Il  duca  che  da  lei  mai  non  se  mosse. 

116.       Sepeliron  le  teste  et  fuoco  derno 
Alla  cappanna  et  ripreser  camino 
Verso  Sylvana,  il  mazimo  et  eterno 
Dio  ringratiando.  Il  degno  palladino 
El  compagno  conforta  cb'  al  superno 
Redentor  creda,  perché    Saracino 
A  rhabito  pareva,  onde  ei  Chris tiano 
Si  confesô  et  di  patria  Alemano. 

[F**  49  ^]  1 17.  Cosi  arsa  la  cappanna  et  discacciato 
Il  gigante  ladron,  con  lieta  fronte 
Fu  col  compagno  Astolfo  ritornato 
Ove  bor  lo  lascio  ritornando  al  conte, 
Cb' ancor  dubbioso  dentr*  al  mar  turbato 
Si  truova  et  verso  el  ciel  con  le  man  gionto 
Suplica  aiuto,  et  pur  sel  porta  il  legno 
Fra  Tonde  piene  d'impeto  et  di  sdegno. 


280  I  DODICI  CANTI 

1 18.  Et  un  turbine  vien  pien  di  furrore 
Che  tutto  il  palischermo  sotto  Tacque 
Guopre.  Se  '1  conte  hor  ha  pena  nel  core, 
S*alta  paura  nel  suo  petto  nacque, 
Giudicalo  hora  tu,  saggio  lettore, 

Che  per  mezza  hora  corne  morto  giacque 
Et  sotto  Tonde  per  lo  mar  andava 
El  battel  che  la  strega  lo  guidava. 

119.  In  se  tornato  lo  signor  di  Brava 
Si  vede  corne  un  pesce  in  el  mar  cupo 
Et  d'Alessandro  alhor  si  ricordava 
Del  drago  nato,  se  fu  vero  il  strupo, 
Che  col  vetro  ne  V  onde  si  calava  : 
Essendo  délia  terra  avido  lupo, 
Desiava  soggiogar  ne  V  onde  il  pesce, 
Ma  il  desio  humano  sempre  non  riesce, 

120.  Rivolta  il  conte  alla  maligna  strega 
La  schiena  sol  per  non  vederla  in  faccia, 
Perch'  a  pietà  di  lui  mai  non  si  piega 
Ne  ridurlo  alla  ripa  ancor  procaccia, 
Anzi  ogni  gratia,  ogni  favor  le  niega 
Et  di  farlo  périr  quasi  minaccia  ; 

Ma  egli  guata  nel  fondo  et  chiaro  vede 
Quel  pesce  ch'  indi  parte  et  quel  che  riede. 

121 .     La  spinosa  murena  trascorre 

Ch'or  questo  pesce  et  hor  quel  altro  prende, 
L'anguilla  spesso  quinci  e  il  lupo  corre 
Che  questa  il  fragolin,  quel  altro  attende 
La  scialpa  e  il  tordo  ;  il  tonno  vi  concorre 
Che  Tuno  et  Taltro  poi  di  quegli  offende  ; 
Li  squadri,  Tampie  ragge  vede  e  i  rombi, 
Li  cani,  i  polpi  et  li  pasci  palombi. 

[F^  50 po]  122.       Le  sepie,  i  cantalupi,  Taligoste, 
L'ostrache  sorde,  cannole  et  telline 
Van  boccheggiando  con  le  dure  croste 
Et  fanno  pur  ma  deboli  rapine. 
Gambari  granci  andar  vede  in  più  poste 
Solcando  il  mar  come  le  crude  Erine 
Et  vede  giù  nel  mar  fra  i  pesci  guerra 
Quai  fanno  fere  et  homini  su  in  terra. 


CÀNTO  QUARTO  S8l 

123.  Vedevi  il  magior  pesce  che  1  minore 
S*ingoa  ne  Tacque  corne  il  lupo  in  sel  va 
La  pargoletta  dama  senza  core, 

0  corne  lamaggior  la  minorbelva, 
0  corne  fa  il  tjranno  col  furore 
El  Buddito  meschino  che  s'inselva 
Spesso  fugendo,  ove  poi  muor  di  famé 
Et  col  suo  satia  altrui  le  voglie  brame. 

124.  Ah  Italia  ingorda  de  T  altrui  fatica, 
In  te  si  nudre  il  perfido  tyranno 

CoU'  altrui  sangue  !  0  età  beata  antica 
Che  ti  vivevi  in  pace  senza  affanno, 
Sol  di  virtù,  sol,d*honestade  arnica, 
Ne  tenevafra  i  tuoi  superbia  il  scanno, 
Ne  te  Avaritia  dominar  poteva, 
Perô  lieto  et  contente  ognun  viveva  ! 

125.  Deh,  vedi  un  poco  il  regno  delli  Insubri 
Et  come  sta  la  misera  Liguria 

Che  del  suo  cigno  i  pianti  ancor  lugubri 
Manda  fin  aile  foci  delF  Etruria; 
Poi  guarda  Roma  con  li  soi  delubri 
Come  hora  jace  et  quanto  è  sua  penuria 
Degli  huomini  ch*  amor  la  libertade 
Délia  lor  patria,  délia  lor  cittade. 

126.  Tu  non  vedrai  più  il  Code,  Curtio,  Attilio. 
11  Torquato,  Camille,  il  bon  Marcello, 
Mutio,  Fabritio  povero,  Manilio 

0  Flaminio  o  il  Cursor  o  il  villanello, 
Ma  Scipio  truovarai  posto  a  Tesilio 
Come  se  fusse  alla  patria  ribello, 
Et  con  Sardanapalo  et  Cathilina 
Tomato  è  Crasso  in  ultima  ruina. 

[r>50.  v«]  127.    Vedi  i  Rutili,  i  Voischi,  li  Latini, 
Li  Marsi,  li  Picenti,  il  mio  paese, 
Ch'  al  vincitor  fu  termini  et  confini 
Che  ritomô  da  bellicose  imprese  ; 
Mira  et  Ravenna  con  li  soi  vicini 
Ove  vedrai  la  genti  Ferrarese 
Ingrassarsi  nel  sangue  Ravennate 
Senza  mostrarle  segno  di  pietate. 

19 


282  I  DODIGI  CANTI 

128.  Vedi  san  Léo  col  Montefeltro,  tutto 
Il  smantellato  Urbino  ;  ah,  fier  leoae, 
Questo  ô  il  soave  et  delettevol  frutto 
Già  meritato  per  lunga  stagione 
Dachi  nel  tempo  del  tuo  acerbo  lutto 
Te  acarezzô  nella  sua  regione  ! 

Questo  è  quanto  tu  de*  a  Y  alber  dî  Giove 
Che  al  ciel  ti  fe  salir,  non  per  tue  pruove  I 

129.  0  Italia,  il  regno  che  al  dassezzo  perse 
Il  re  Aragonia  stirpe,  non  ti  dico  : 
S'unita  fusti,  i  militi  di  Xerse 

Con  quei  di  Dario,  an  cor  chè  tuo  inimico 
11  monde  havessi,  non  potria  tenerse 
Contra  di  te,  o  s'havesti  il  ciel  amico  ; 
Ma  haver  nol  puoi  perché  persa  hai  la  fede 
Che  ti  facea  del  sommo  Giove  herede. 

130.  Lupi  son  fatti  li  pastori  tuoi, 
Li  principi  tyrannî  oltra  misura, 
Dalli  toi  mari  in  sin  ai  liti  Eoi 
Gente  peggior  su  la  terra  non  dura, 
Ne  amor  ne  fede  régna  infra  gli  heroi, 
Ne  délie  pecorelle  ha  il  pastor  cura, 

Ne  puô  mia  penna  scriver  senza  pianto, 
Onde  fin  faccio  a  questo  quarto  canto. 

Ferdinand  Castbts. 

(A  suivre,) 


BIBLIOGRAPHIE 


Gasté  (Armand).  —  VAvaricieux^  comédie  traduite  librement  de  VAu- 
lularia  de  Plante  par  Jacques  de  Gahaignes  (1580).  —  Roueriy  1898, 8* 

M.  Armand  Gasté,  professeur  de  littérature  française  à  l'Univer- 
sité de  Caen,  vient  de  publier  en  un  beau  volume  pour  la  Société 
Rouennaise  de  Bibliophiles  une  comédie  de  VAvaricieux,  traduite  en 
1580  de  VAulularia  de  Plante  par  un  médecin  caennais,  Jacques  de 
Gahaignes,  et  qui,  jusqu'ici,  était  restée  manuscrite.  La  pièce  se  fait 
lire  avec  plaisir  et  suggère  quelques  réflexions  intéressantes. 

D'abord,  elle  nous  permet  de  constater  une  fois  de  plus  combien 
nos  idées  sur  la  propriété  littéraire  et  sur  le  plagiat  étaient  étrangères 
aux  hommes  du  XVI*  siècle.  Larivey,  en  1579,  venait  de  publier  la 
comédie  des  Esprits  qu'il  avait,  disait-il,  imitée  de  Plante  et  de 
Térence  :  or,  les  Esprits  n'étaient,  avec  des  modifications  habiles 
mais  peu  nombreuses,  qu'une  traduction  d'une  comédie  italienne  de 
Lorenzino  de  Médicis,  VAridosio,  dont  Larivey  ne  soufflait  mot. 
Gahaignes,  en  1580,  explique  dans  un  prologue  comment  il  a  traduit 
l'Euclio  de  Plante  et  ne  fait  aucune  allusion  à  Larivey  :  or,  qu'on 
juge  si  Larivey  n'aurait  pas  eu  quelque  raison  de  se  plaindre  : 

SÉvBRiN  (au  moment  de  cacher  Serrant  (au  moment  de  cacher 
son  argent  près  d'une  croix)  :  son  argent  dans  un  cimetière)  : 

Qtie  feray-ie  ?  L'y  mettray-ief         Mais  deuant  que  m'en  deffaire, 

Oy;  nenny;  si  ferayy  je  Vy  vay  ie  veus  veoir  si  quelqu'un   me 

mettre  ;  mais  devant  que  me  des-  regarde  point.  Hé,  mon  Dieu  I 

charger,  je  veux  veoir  si  quel-  il  me  semble  que  ie  suis  veu  de 

qu'un  me  regarde.  Mon  Dieu  !  chasqu'vn^  mesmes  que  les  testes 

il  me  semble  que  je  suis  veu  de  mort  me  regardent.  Que  fe- 

d^un    chacun,    mesmes  que  les  ray^ie  f  Vy    mettray-ie  ?  Oy, 

pierres  et  le  bois  me  regardent,  nenni,  —  Si  feray,  non  feray, 

Hé  !  mon  petit  trou,  mon  mi*  ie  Vy  mettray,..  Mon  petit  trou, 

gnon,  je  me  recommande  à  toy.  mon  mignon,  garde-le  bien,,.  Je 

(Les  Esprits,  II,  3.)  ^«  ^«  recommande, 

(VAvaricieux,  IV,  2,  p.  45.) 

D'un  comique  grec  à  Plante,  de  Plaute  à  Lorenzino  de  Médicis,  de 


284 


BIBLIOGRAPHIE 


Lorenzino  de  Médicis  à  Larivey,  de  Larivey  à  Cahaignes,  c'est  ainsi 
que  les  auteurs  allaient  se  copiant. 

Mais,  comme  les  Esprits  combinent  à  la  fois  les  sujets  de  VAuîth 
laria,  de  la  Mostellaria  et  des  Adelphes,  Cahaignes  n'a  pu  copier 
Larivey  qu'en  de  rares  endroits  :  ailleurs  il  rivalise  louablement  avec 
lui  de  verve,  de  naturel,  de  familiarité  comique.  Et  la  victoire,  en 
cette  lutte,  reste  à  Larivey,  dont  la  langue  a  plus  de  saveur  et  un 
goût  de  terroir  plus  prononcé  ;  mais  le  mérite  de  Cahaignes  n'en  est 
pas  moins  incontestable. 

Suivant  à  la  fois  l'exemple  donné  par  Larivey  dans  ses  Comédies 
facétieuses  et  celui  qu'avait  déjà  donné  Antoine  de  Baïf  dans  le 
Brave,  traduit  du  Miles gloriosus  en  1567,  Cahaignes  donne  une  cou- 
leur française  et  même  normande  à  la  pièce  du  vieux  comique  latin. 
Il  applique  à  ses  personnages  les  noms  expressifs  de  Serrant, 
ChichefacCf  Madame  Bonne^  au  lieu  de  garder  ceux  à^EucliOy  de 
Staphyla  et  dL'Eunomia  ;  l'Âvaricieux  cache  son  argent  dans  un 
cimetière,  et  non  dans  le.  temple  de  la  Bonne  Foi  ;  le  voleur  n'est  pas 
menacé  du  préteur,  mais  on  va  faire  haro  sur  lui  ;  il  n'est  plus  ques- 
tion de  monnaies  antiques,  mais  de  mailles,  d'oboles,  de  testons, 
à'écus;  ce  n'est  pas  une  joueuse  de  flûte,  mais  des  violons  que  le 
fiancé  envoie  pour  la  noce  ;  la  fille  de  Serrant,  quand  elle  accouche, 
n'invoque  pas  Juno  Lucina,  mais  elle  crie  :  Jésus  !  Jésus  !  Citons 
un  peu  au  hasard  quelques  plaisantes  traductions  : 


Metuo  ne  mistum  bibam  {II, 
3,  235). 

Cererin,  Strobile,  has  facturi 

[nuptias  f 
—  Quif  —  Quia  temeti  nihil 
allatum  intellego  {II,  5,  310). 

Pipulo  hic  differam  ante  aedis 
[II,  2.  402). 

Ubi  nugivendis  res  soluta  est 

[omnibus, 
Ibi  ad  postremum  cedit  miles, 

[aes  petit, 
Itur,  putatur  ratio  cum   ar^ 

[gentario, 
Impransus  miles  astat,    aes 

[cessât  dari. 


Fay  grand  peur  que  tout  le 
potaige  du  banquet  ne  soit  ren^ 
uersé  sur  moy  {1,  b,p,  25). 

le  croy  que  ce  sera  vn  soupper 
de  brebis.  —  Pourquoy  dis4u 
cela  ?  —  Parce  que  te  ne  voy  ne 
sydre  ni  autre  bruuage  (II,  1, 
p.  31). 

le  le  diray  dix  mil  pouilles 
deuant  ta  porte  (III,  2,  p,  37). 

En  fin  n'ayant  point  (Pargent 
dans  les  coffres,  fault  faire  de 
belles  promesses,  remettre  de 
terme  en  terme,  fausser  sa  foy, 
emprunter  aux  vns  pour  bailler 
aux  autres,  et  comme  on  dit  en 
commun  proverbe ,  descouurir 
saint  Pierre  pour  couurir  saint 


BIBLIOGRAPHIE  285 

Vbi  disptUaia  est  ratio  cum     Paul^  faire  obligations  et  pren- 

[argenlario,      dre  de  (argent  a  interest  (III, 
Etiamplus  ipsus  débet  argen-     5,  p.  40). 

tario, 
Spes    prorogatur    militi    in 

[alium  diem. 
(III,  5, 481). 

Pici  divitiis  qui  aureos  montis         Me  voila  riche  a  tout  iamais  : 

[colunt  ie  dis  plus  riche  que  le  sultan 

Ego  solus  super 0,  Nam  istos  Solyman,  car  ie   ne    me  veulz 

[reges  ceteros  comparer  aus  autres  rois  qui  ne 

Memorare     nolo»     hominum  sont  que    belistres  au  prix  de 

[mendicabula  ;  moy  (/V,  7,  p,  52). 
Ego  sum  ille  rex  Philippus  ! 

(/V,  6,  657). 

Quid  ?  si  falles  ?  —  Tum  me  Si  vous  faictes  autrement  ?  — 
facial,  quod  volt,  tnagnus  lup*  Queie  n' entre  iamais  en  paradis  l 
piter!  (77,  8,  734).  (/V,  9,  p.  39). 

Si  j'ajoute  que  Cahaignes  se  permet  cà  et  là  quelques  additions  ou 
quelques  suppressions,  on  connaîtra  bien  le  système  de  traduction 
qu*il  a  adopté  et  qu'il  justifie  spirituellement  dans  un  prologue  : 
«  Geste  comédie  est  une  des  celles  de  Plante,  qu'il  a  intitulée  Euclio. 
Mais  ie  vous  veus  bien  auertir  en  passant  que  comme  elle  luy  est 
semblable  quand  a  l'argument  et  sujtte  de  personnages  de  scène  en 
scène,  aussi  est  beaucoup  dissemblable  quand  au  discours,  nes'estant 
l'autheur  qui  Ta  miseenfrançois,  assubietty  aus  mots,  termes  et  sen- 
tences de  Plante,  mais  ayant  discouru  par  tout  à  sa  phantasie  ^.  Si 
vous  luy  demandez  pourquoy  il  a  prins  une  si  grande  licence,  il  vous 

1  Aussi  ne  reprocherai-je  point  au  passage  suivant  de  contenir  un  faux 
sens,  mais  de  n'offrir  aucun  sens  satisfaisant.  Serrant  vient  d'ordonner  à 
Chicheface  de  bien  garder  la  maison  :  «  Ghichbface.  —  Que  voulez-vous 
que  i'y  garde  qu'on  ne  l'emporte  volontiers?  Car  les  larrons  n'y  pour- 
roient  faire  autre  butin,  n'estant  meublée  que  de  toiles  d'araignes.  »  Il 
faut  lire  :  Que  voulez- vous  que  i'y  garde?  qu'on  ne  l'emporte,  volon- 
tiers? »,  c'est-à-dire  que  voulez-vous  que  j'y  garde?  je  dois  garder  qu'on 
ne  l'emporte, sans  doute? 

Ego  intus  servem?  An,  ne  quis  aedis  auferat? 
Nam  hic  apud  nos  nihil  est  aliud  quaesti  furibus  : 
Ita  inaniis  sunt  oppletae  atque  araneis.  (I,  3, 43.) 

Le  cinquième  acte  de  rAvaricieiex  est  traduit  du  supplément  de  Go- 
drus  Urcéus. 


?86  BIBLIOGRAPHIE 

respondra  qa*il  y  a  plusiears  mots  en  Plante  qui  ne  se  peuvent  bien 
rendre  en  françois,  qu'il  y  a  plusieurs  gosseries  et  discours  desquels 
on  prendroit  en  ce  temps  un  bien  maigre  plaisir,  parce  qu'vn  autre 
temps  apporte  autre  manière  de  viure,  autre  façon  de  faire  et  de  par- 
ler. Que  si  vous  ne  vous  payez  de  ces  raisons,  il  vous  dira  fraizement 
qull  Ta  ainsy  voulu  faire,  que  tel  a  esté  son  plaisir,  qu'il  n'y  estoit 
pas  tenu,  qu'il  Ta  vertie  seulement  pour  en  faire  présent  aus  comé- 
diens qui  passeront  par  ceste  ville  de  Caen,  afin  de  la  représenter  au 
peuple  françois  qui  prendra  plus  de  passetemps  à  l'ouir  telle  qu'elle 
est,  que  si  elle  estoit  vertie  mot  à  mot  selon  le  sens  de  l'autheur.  » 

Cette  dernière  phrase  mérite  attention.  Non  qu'il  faille  en  conclure, 
ainsi  que  le  fait  M.  Armand  Gasté,  que  rAvaricieux  €  fut  composé 
pour  une  troupe  de  comédiens  de  passage  à  Caen  qui  durent  la  re- 
présenter en  1580.  »  C'est  là,  semble-t-il,  faire  dire  à  Tauteur  plus 
qu'il  n'a  voulu  dire.  Cahaignes  n'affirme  pas  qu'une  troupe  de  comé- 
diens va  passer  et  se  chargera  de  sa  comédie.  Il  se  propose  simple- 
ment, puisque  des  troupes  de  campagne  se  montrent  à  Caen  de  temps 
à  autre,  d'ofirir  son  œuvre  à  l'une  d'elles.  Et  notez  que,  d'après  la 
suite  même  de  ce  prologue,  il  a  eu  d^autres  raisons,  «  plus  vallables 
et  pertinentes  »,  d'entreprendre  sa  traduction;  notez  encore  que  le 
prologue  tout  entier  a  été  biffé  par  l'auteur  dans  son  manuscrit,  ce 
qui  doit  sans  doute  s'expliquer  par  un  mouvement  de  dépit  et  de  dé- 
couragement. Il  ne  me  parsdt  donc  pas  qu^l  faille  ajouter  rAvari- 
cieux à  la  liste,  bien  courte,  des  pièces  d'inspiration  classique  que 
nous  savons  avoir  été  représentées  au  XYI*  siècle  ;  mais  enfin  nous 
voyons  qu'en  1580  des  troupes  assez  nombreuses  passaient  en  Nor- 
mandie et  qu'un  dramaturge  amateur  pouvait  espérer  y  trouver  des 
interprètes. 

Toutefois  il  était  plus  sûr  de  les  chercher  autour  de  soi,  parmi 
d'autres  amateurs.  Aussi  quatre  ans  plus  tard,  le  26  juin  1584,  le  jour 
où  un  certain  Germain  Jacques  reçut  le  bonnet  de  docteur  en  théo- 
logie, Cahaignes  fit-il  jouer  par  des  jeunes  gens  de  bonne  famille, 
ingenui  adolescentes  y  une  comédie  traduite  du  latiniste  hollandais 
Cornélius  Crocus  et  où  étaient  exposés  les  démêlés  de  Joseph  et  de 
la  femme  de  Putiphar. 

L'Avaricieux  a  été  publié  avec  un  soin  extrême  par  M.  Armand 
Gasté,  qui  l'a  fait  précéder  d'une  intéressante  introduction.  Au  reste, 
M.  Gasté  est  coutumier  de  ces  publications  méritoires,  et  il  y  a  quel- 
ques mois  à  peine  qu'il  réunissait,  plus  complètement,  plus  diligem- 
ment, et  avec  plus  d'éclaircissements  qu'on  ne  l'avait  jamais  fait,  les 
pamphlets  et  les  opuscules  divers  qui  constituent  la  Querelle  du  Cid. 

Eugène  Riqal. 


BIBLIOGRAPHIE  287 

Gehrt  (Paul).  —  Zwei  altfranzôsische  Bruchstiicke  des  Floovant.  — 
Erlangen^  Junge  und  Sohn,  1896,  m-S",  [28  p.]. 

Ce  travail  est  consacré  à  l'étude  de  deux  fragments  de  Floovant ^ 
découverts  à  la  bibliothèque  de  l'Université  de  Fribourg  i.  B.  Ils  se 
trouvaient  dans  la  couverture  d'un  livre  provenant  de  Pabbaye  de 
Tennebach.  Ces  fragments  sont  les  restes  d'un  manuscHt  en  parche- 
min écrit  à  la  fin  du  XIV*  siècle  ;  ils  ont  été  identifiés  par  M.  G.  Baist. 
Ils  comblent  le  tiers  de  la  lacune  qui  se  trouve  dans  le  manuscrit 
unique  de  Montpellier  après  le  vers  430  et  contiennent  192  vers, 
dont  les  96  premiers  étaient  inconnus  jusqu'ici. 

Le  texte  est  accompagné  de  remarques  critiques,  d'une  comparai- 
son entre  ces  fragments  et  le  manuscrit  de  Montpellier,  de  notes 
grammaticales  sur  la  langue  de  Floovant  en  général  et  sur  la  gra- 
phie des  fragments. 

A  remarquer  parmi  les  notes  celle  du  vers  68  (p.  14)  sur  anclune- 
enclume.  La  forme  paraît  suspecte  avec  raison  à  l'auteur,  qui  donne 
à  cette  occasion  une  nouvelle  explication  de  l  de  enclume.  Il  admet 
l'influence  de  includere  employé  en  parlant  du  travail  des  orfè- 
vres :  le  radical  incud  —  aurait  été  influencé  par  le  radical  includ. 
L'étude  du  contenu  de  ces  fragments  et  de  la  forme  du  mot  Floo- 
vant (réduit  en  général  à  Flovent,  Flovant)  montre  que  la  rédaction 
de  ce  texte  est  postérieure  à  celle  du  manuscrit  de  Montpellier. 

Le  chapitre  se  termine  par  quelques  pages  intéressantes  sur  la 
légende  de  Joyeuse,  l'épée  de  Floovant,  et  sur  les  rapports  de  cette 
légende  avec  celle  de  Durandal^  l'épée  de  Roland,  et  avec  celle  de 
Courtainef  l'épée  d'Ogier. 

Le  chapitre  III  est  un  peu  du  remplissage;  il  s'occupe  plutôt  de 
quelques  particularités  de  la  langue  de  Floovant  que  de  la  langue 
même  des  fragments  qui,  à  la  vérité,  ne  fournissaient  qu'une  mince 
matière.  L'étude  de  la  graphie  forme  un  dernier  chapitre  qui  amène 
l'auteur  à  conclure  que  les  deux  manuscrits  (Montpellier  et  frag- 
ments) ont  été  écrits  en  Lorraine. 

J.  Angladb. 


Nouvelles  bibliographiques 

La  Revue  des  Universités  du  Midi,  après  avoir  paru  durant  qua- 
tre années  sous  ce  titre,  vient  de  subir  une  nouvelle  métamorphose  ^ 
Elle  formera  dorénavant  deux  recueils  distincts,  le  premier  s'appe- 

1  Elle  porta  d'abord  le  titre  d'Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de 
Bordeaux,  1879-1894. 


288  BIBLIOGRAPHIE 

lant  :  Revue  des  études  anciennes j  le  second  :  Revue  des  lettres 
françaises  et  étrangères.  Des  emprunts  faits  à  Tun  et  à  Tautre  con- 
stitueront un  troisième  périodique:  le  Bulletin  hispanique.  La  Re- 
vue des  lettres  françaises  et  étrangères  paraît  tous  les  trois  mois  ; 
la  périodicité  des  deux  autres  n^est  point  indiquée  dans  le  fasc.  1  du 
tome  I.  Ajoutons  que  les  trois  recueils  portent  encore  le  titre  géné- 
ral à' Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux  et  des  Univer- 
sités du  Midi, 

Après  cet  exposé  qui  ne  sera  pas  inutile  aux  bibliographes,  notons 
l'article  de  M.  E.  Bourciez:  L'agrégation  d'espagnol  et  d'italien  {Re- 
vue des  lettres  françaises  et  étrangères,  janv,-mars,  1899),  et  celui 
de  M.  Eugène  Bouvy:  Dante  en  France  à  propos  d'un  livre  récent. 
C'est  de  l'ouvrage  de  M.  Hermann  Oblsnbr  qu'il  s'agit. 

Le  même  travail  a  inspiré  l'étude  de  M.  Henri  Hauvette:  Dante 
dans  la  poésie  française  de  la  Renaissance,  {Annales  de  l'Université 
de  Grenoble^  1^'  trimestre  1899). 


A  signaler  dans  la  Revue  internationale  de  l'enseignement  les  ar- 
ticles suivants  :  N.  Vaschide  .  La  nouvelle  loi  de  l'enseignement 
secondaire  et  supérieur  en  Roumanie  (15  janvier,  15  février  et  15 
mars  1899).  [C'est  l'historique  de  la  réorganisation  de  l'enseignement 
en  Roumanie  durant  les  dernières  années,  avec  des  commentaires 
critiques  sur  la  nouvelle  loi.  Cette  étude  fait  suite»  en  quelque  sorte, 
au  beau  livre  qu'a  publié  notre  confrère  M.  A.  Ureohia  ,  sur  le  déve- 
loppement de  l'enseignement  en  Roumanie  depuis  le  commencement 
de  ce  siècle  *.]  —  G.  Dbsdevises  du  Dezbrt.  La  réforme  de  l'ensei- 
gnement secondaire  en  Espagne  (15  janvier).  — Jules  Delv aille  . 
Ls  travail  en  province  (15  avril). 


La.  Revue  des  Pyrénées  (janvier-février  1899)  commence  la  publi- 
cation d'une  étude  de  M.  Maurice  Gat  :  Un  poète  béarnais  du 
XVIII*  siècle,  Cyprien  d'Espourrin  (1698-1759).  Ce  premier  article 
ne  traite  guère  que  des  alentours  du  sujet  :  Origine  de  la  famille 
D'Espourrin,  son  blason,  son  château,  etc.  Il  rappelle  qu'on  a  dé- 
montré que  le  poète  naquit  à  Accous  et  non  à  Adast  comme  on  le 
crut  pendant  longtemps. 


1  Oelsner  (Hermann).  —  Dante  in  Frankreich  bis  zum  Ende  des  XVIII 
Jahrhunderts.  —  B&^lin,  Ebering,  1898,  tn-8^  [F//-106  p,]. 

2  Urbchia  (V.  A.) —  Istoria  scoalelor  de  la  1800  la  1864.—  Bucuresciy 
1894,  3  vol. 


BIBLIOGRAPHIE  ^89 

Livres  reçus 

Dveamin  et  Païquier.  —  Charte  gasconne  de  1304  concernant  les 
reconnaissances    féodales  de    la  terre    de    Rivière  en   Bigorre.  — 
Bagnères-de-Bigorre»  Imp,  Bérot,  1898,  in-8**.   [24  p.]. 
[Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  Ramond,  1898.] 

FalgairoUe  (Prosper).  —  Le  Péage  de  St-Gilles  au  XIV»  siècle, 
d'après  un  texte  languedocien  inédit.  —  Nîmes,  Imp,  générale ^ 
in-8o.  [12  p.]. 

[LacuYe]. —  Ine  brassaie  de  contes  en  bia  laingage  potevin,  assaraie 
in  p*tit  pretout  dons  le  département  daux  Deux-Sèvres  et  mise  en 
livre  delamoain  de  Moaitre  R.-M.  Lathiube,  membre  de  la  Sauciété 
daux  traditians  poupulaires.  —  Paris,  Lechevalier  et  Maisonneuvcy 
1899,  in.l2.  [168  p.]. 

Lindberg  (Lars).  —  Les  locutions  veibales  figées  dans  la  langue 
française.  —  Upsal,  Imp.  Almqviat  et  Wtksell,  1898,  gr.  in-8^  [II- 
117  p.]. 

[Thèse  de  doctorat  d'Upsal.] 

Linder  (Alfred)  —  Plainte  de  la  vierge  en  vieux  vénitien.  Texte 
critique,  précédé  d'une  introduction  linguistique  et  littéraire.  — 
Upsala,  Imp.  Edv.  Berling,  1898.  in  8°.  [II  +8  +  CCXLIV+102  p.]. 

[Upscda  Universitets  Arssh'ift  1898.  Filosofi,  Sprakvetenskap  och 
Historiska  vetenskaper  I.] 

Lindqvist  (Georges).  —  Quelques  observations  sur  le  développe- 
ment des  désinences  du  présent  de  l'indicatif  de  la  première  conju- 
gaison latine  dans  les  langues  romanes.  —  Upsala^  Imp,  Almqviat  et 
Wtksell,  1898,  gr.  in-8*.  [11-161  p.]. 

[Thèse  de  doctorat  d'Upsal] . 

Loaieth  (E.).  —  Observations  sur  le  Polyeucte  de  Corneille.  — 
Christiania,  Jacob  Dybujod,  1899,  gr.  in-8®.   [18  p.]. 

[Extrait  des  VidemJcabsselsJeabets  Skrifter.  II.  Historisk-Filosqfisk 
Klasse.  1899.  n»  4.] 

Miret  y  Sans  (JoaqaimN  —  Noticia  histôrica  del  monestir  d'Al- 
guayre  de  la  orde  sagrada  y  militar  del  hospîtal  de  Sant  Joan  de 
Jérusalem. —  Barcelona,  Tip,  «  L'Avenç  »,1899,  in-8°.  [64  p.]. 

Schnchardt  (Hago).  —  RomanischeEtymologieen.  I.  —  Wien,  Cari 
Gerold,  1898,  gr.  in-8<».  [82  p.]. 

[Extrait  des  Sitzungsberichte  der  kais.  Akademie  der  Wissenschaften 
in  Wien,  Philosophisch-historische  Classe,  Bd,  CXXXVIII.] 


290  BIBLIOGRAPHIE 

Svedelius(Garl). -^  L'analyse  du  langage  appliquée  à  la  langue 
française.  —    Upsala,  Imp,    Almqvist  et   Wiksell,   1897,  gr.  in-8°. 

[11-180  p.]. 

[Thèse  de  doctorat  d*Upsal.] 

Hftzuc  (Emile).  —  Grammaire  languedocienne.  Dialecte  de  Péze- 
nas.  —  Toulouse,  Privât,  1899,  gr.  in-8**.  [XV-350  p.]. 

Torres  y  Gômez  (Manmel  Enrique).  —  Gramâtica  histôrico-compa- 
rada  de  la  lengua  castellana.  —  Madrid^  Sàenz  de  Jubera,  1899, 
in-8o  [XVI-492  p.]. 

Vidal  (âug.). —  Lou  Paradou  de  moun  paire.  —  Albi,  Imp,  G, -M. 
Nouguiès,  1897,  in-8«.  [12  p.]. 

[Extrait  de  la  Revv>e  du  Tarn,  1897.] 

Vignauz  (A.)-  —  Fillettes  et  Capitouls.  Documents  pour  servir  à 
l'histoire  de  l'éloquence  judiciaire  et  des  mœurs  à  Toulouse,  pendant 
le  XV«  siècle.  —  Toulouse,  Imp.  Lagarde  et  Sébille,  1899,  in-8° 
[26  p.]. 


CHRONIQUE 


BANQUET   OFFERT  A  MM.  GASTON  PAKIS,    CAMILLE  CHABANKAU 

ET  P.    MEYER  A  TOULOUSE. 

C'est  pendant  la  réception  des  Congressistes  à  l'Hôtel -de- ville  de 
Toulonse,  réception  par  laquelle  se  termina  la  première  journée  du 
Congrès  des  Sociétés  savantes  que  Tîdée  vint  à  nos  amis  de  VEscolo 
moundino  d'ofiErir  un  banquet  à  MM.  Gaston  Paris  et  C.  Chabaneau 
On  commença  aussitôt  à  recueillir  les  adhésions.  Félibres  et  romanistes 
de  Toulouse,  de  Montpellier,  du  Midi  de  la  France  et  de  l'étranger, 
s'inscrivirent  à  l'envi.  On  avait,  en  sortant  du  Capitole,  la  certitude  du 
succès  ;  il  ne  restait  plus  qu'à  fixer  la  date  et  le  lieu  du  banquet.  Le 
mérite  de  cette  rapide  organisation  revient  tout  entier  à  MM.  Baquié- 
Fonade  et  Louis  Vergne  de  VEscoîo  moundino.  Le  lendemain  et  le 
surlendemain  survinrent  quelques  nouveaux  adhérents  ;  en  outre,  il 
fut  décidé  qu'on  inviterait  au  banquet  M.  Paul  Meyer  qui  était  arrivé 
à  Toulouse  sur  ces  entrefaites. 

Le  banquet  eu  lieu  le  7  avril,  jour  essentiellement  félibréen  *,  au 
Café  Hiche.  M.  Jeanroy  présidait,  ayant  à  sa  droite  M.  Gaston  Paris,  à 
sa  gauche  M.  Paul  Meyer.  M.  Chabaneau,  qui  faisait  vis-à-vis  au  prési- 
dent, avait  à  ses  côtés  MM.  Vergues  et  Sourelh,  de  VEscolo  moundino- 
Parmi  les* convives  on  remarquait  MM.  Dognon,  Baquié-Fonade,  Wal- 
lenskôld,  Berthelé,  Salverda  de  Grave,  Grammont,  Leite  de  Vascon- 
cellos,  Ducamin,  Félicien  Court,  Brissaud,  Sernin  Santy,  L.  Constans? 
Omont,Cartailhac,  baron  Dézasars  deMontgaillard,  Vignaux,  Clavelier, 
Prou,  Caries  de  Carbonnières,  J.  Rozès,  de  Peyralade,  Chabrié,  E. 
Privât,  Journet,  Dumoret,  Anglade,  Campa,  Dereix,  Delorme,  Saint- 
Raymond,  Loris,  Teulié,  etc.,  etc. 

Un  peintre  toulousain,  M.  G.  Castex,  avait  dessiné  un  joli  menu 
où,  comme  dans  notre  sceau,  on  voyait  le  soleil  disparaissant  au  loin 
derrière  les  vagues,  avec  la  devise  de  la  Société  des  langties  romanes  : 

s'es  ESCONDDTZ  MAS  NON  ES  MORTZ. 

Au  Champagne,  remplacé  en  la  circonstance  par  la  blanquette  de 

*  Sept  est  le  nombre  aimé  des  félibres.  VAiolij  le  moniteur  officiel  du 
Félibrige  —  si  toutefois  on  peut  dire  qu'il  y  ait  quelque  chose  d'officiel 
dans  le  Félibrige  —  paraît  les  7, 17  et  27  de  chaque  mois. 


292  CHRONIQUE 

Limoux,  le  président,  M.  Jeanroy  se  lève  et  dit  à  peu  près  les  paro- 
les suivantes  : 

Nul,  Messieurs,  n'est  plus  étonné  que  moi-même  de  me  voir  à  cette 
place,  que  votre  courtoisie  m'a  imposée,  et  je  me  demande  si  ce  n'est 
point  par  amour  du  paradoxe  que  vous  avez  voulu  faire  présider  par 
un  professeur  une  réunion  defélibres,  —  à  laquelle  nous  nous  sommes, 
nous  autres  universitaires,  associés  de  très  grand  cœur,  —  faire 
exprimer  vos  sentiments  dans  le  langage  décoloré  d'un  philologue, 
alors  qu'il  l'eussent  été  si  bien  dans  les  chaudes  sonorités  du  parler 
d'Oc,  que  je  me  réjouis  d'entendre  tout  à  l'heure  ?  Ou  n'est-ce  point 
plutôt  parce  que  vous  avez  voulu  marquer  ainsi  clairement  que  vous 
voyez  en  nous  des  alliés  et  des  collaborateurs  tout  naturels  ?  Et  c'est 
là,  en  efEet,  l'idée  même  qui  a  inspiré  cette  manifestation.  Vous  sen- 
tez, Messieurs,  que  votre  langue  forme  un  tout,  où  le  passé  se  rejoint 
nécessairement  au  présent  :  sans  doute  vous  n'avez  le  temps  ni  les 
moyens  de  pénétrer  tous  les  secrets  de  cette  vieille  langue  des  troa- 
badours,  aussi  difficile  que  belle  ;  mais  un  instinct  du  coeur  vous  en 
révèle  l'incomparable  valeur  poétique  ;  vous  aimez  à  y  chercher  les 
titres  de  noblesse  de  vos  idiomes  locaux  et  vous  sentez  que,  mieux 
vous  la  connaitrez,  mieux  vous  saurez  dans  vos  œuvres  préserver  ceux- 
ci  des  contacts  qui,  dans  la  rue,  les  défigurent  et  les  déshonorent.  Et 
voilà  pourquoi  vous  avez  voulu  rendre  hommage  aux  trois  savants 
qu'une  heureuse  circonstance  a  réunis  parmi  nous.  L'un  est  le  maître 
incontesté  de  la  science  romane  ;  c'est  lui  qui  a  suscité  dans  ce  do- 
maine, si  délaissé  il  y  a  cinquante  ans,  une  activité,  une  émulation 
dont  nos  collègues  étrangers  pourraient  vous  rendre  un  éclatant  témoi- 
gnage. Quant  aux  deux  autres,  ils  ont  acquis  des  droits  tout  particu- 
liers à  votre  reconnaissance  :  par  les  textes  qu'ils  ont  découverts, 
publiés,  commentés,  aussi  bien  que  par  leurs  œuvres  originales,  ils 
ont  fait  plus  que  personne  en  Europe  pour  le  protçrès  des  études  pro- 
vençales. Je  lève  mon  verre  en  l'honneur  de  l'auteur  de  VHistoire 
poétique  de  Charlemagne^  en  Thonneur  des  deux  auteurs  ou  éditeurs 
de  la  Grammaire  Limousin^,  des  Derniers  troubadours  de  la  ProveMty 
du  Roman  de  Flamenca,  de  la  Chanson  de  la  Croisade^  des  Biogra- 
phies des  Troubadours. 

De  nombreux  applaudissements  accueillent  ce  discours,  et  M.  An- 
dré Sourreil  répond  en  languedocien  : 

Cars  e  illustres  Mestres, 

Lous  Felibres  de  VEscolo  Moundino  sèm  estad  urous  de  l'oucasiu 
que  nous  èro  oufèrto  per  vostre  sejourn  dins  la  ciutad  ramoundino, 
pramo  de  vous  donna  lou  testimoni  de  nostro  admiraciu.  Troubares 
belèu  que  pagam  d'un  biais  un  pauc  menud  nostre  dèime  d'ounourifi- 
caciu,  es  pamens  del  mai  prigound  de  nostre  cor  qu'es  moimtado  Tens- 
piraciu  d'aquesto  pitchouno  festo. 

Moussus  e  brabes  counfraires,  dins  nostre  poulid  Lengodoc,  - 
dirèi  dins  nostre  Mièjourn,  perço  que,  coumo  dis  Mistral,  sèm  toutis 
de  fraires  :  Gascons,  Limousis  e  Proubençals,  —  i'a  pas  de  joio  mai 
grando,  mai  cando,  qu'aquelo  de  se  trouba  en  familho. 

N'es  uno  atal  la  qu  esproubam  d'aqueste  moument,  ataulads  que  sèm 


CHRONIQUE  S93 

per  fa  fèsto  ai  sabents  que  damb  lours  trabalhR  toDcant  la  lengo  rou* 
mano,  ni  mounde  fan  counesse  las  bèutats  de  la  litteraduro  d'Oc. 

Moussas,  desumpèi  lous  afas  tant  mahirouses  per  nostre  païs  e 
dount  la  pats  de  Maus  vejèt  la  fin,  i'a  pas  cause  que  lous  Francimands 
n'ajoun  assaiado  per  nous  deuaciunalisa  ;  pamens,  que  s*i  sioscoun 
près  d'un  biais  ou  d*un  antre,  lou  sang  quepisso  dins  nostros  venos 
es  un  sang  rouxnan  e  Tengin  de  nostro  raço  es  demourad  gallès-rou- 
manisad. 

Disèm^  lous  Mièjoumals  que  sèm  en  Franco  lous  eiritiès  de  l'engin 
d'aquelos  raços  que  dins  Tantiquitad  à  Spartes,  à  Âtenos,  à  Roumo, 
mountèroun  la  civilisacin  à  la  cimo  de  Tescak)  ;  e,  es  pr'  aco  que  pre- 
tendèm  abe  cargo  de  nianteni  ço  que  reste  d'aquelo  civilisaciu  per- 
fecciounado.  An  soubent  damandad  ço  qu'ai  juste  poudio  estre  lou 
Felibrigo  ;  moussus,  n'es  simplomen  qu'aiço  :  la  voulountad  de  l'afir- 
maciu  e  de  l'exprcHsiu  de  Tengin  de  la  raço  d'Oc,  car  lous  Felibres 
n'abèm  qu'uno  visto  :  fa  mai  riche  lou  patrimoni  litterari  e  artistic  de 
nostro  naciu  ! 

Cridoun  e  countoun  souben  que  la  lengo  d'Oc  es  falido  e  counto  pus 
que  coumo  dirio,  un  mounument  arqueoulougic... 

N'abèm,  cresi,  pas  pla  à  nous  inquiéta  d'aquelos  cridasous  e  d'aques 
countes  de  maissants  roussicads  per  la  jelousio,  de  mentre  que  pou- 
dèm  f  a  vese  à  nostres  euemics  lous  poulids  broutons  qu'à  la  couronne 
literario  del  Mièjourn  an  ajustad  desumpèi  lou  Felibrige .  aquelos 
obros  inmourtalos  que  s'apèloun  :  Lis  Isclo  d'Ory  NèrtOf  Mirèio,  Ca- 
lendau,  La  Eèino  Jano,  Lou  Rosôy  de  l'Oumèro  de  nostre  tems  :  F. 
Mistral:  La  Miougrano  entreduberto  e  li  Fiho  d'Avignoun,  de  Th. 
Anbanel  ;  Li  Margarideto,  de  Boumaniho;  Li  Rouge  dôu  Miéjour,  del 
capouliè  F.  Gras;  Li  Couquiko  d'un  Roumièu,  de  L.  Boumièn  ;  e  Les 
Cants  del  Soulelh  ou  Les  Grilhs,  de  nostre  grand  troubaire  del  Lau- 
ragues,  Augusto  Fourés. 

Ë  quand besèm  tant  poulido  flouresoun  e  culido  tantgranado,  digas- 
me  se  n'abèm  pas  rasou  de  counsidera  coumo  d'inoucents  ou  d'ases, 
aqnes  cacarotsque  soustenoun  que  la  lengo  d'Oc  es  mortel... 

Mes,  Diu  mercès,  biu  encaro  nostre  parla  e  pensi  pas  que  de  loun- 
tems  lou  vejoun  amourrad  ;  cado  jour,  à  Palbre  del  Felibiîge  pousse 
une  neuvèlo  rèisse  per  ramplaça  las  vièlhos  e  sus  sas  brances,  cado 
estiu,  nostre  soulelh  fai  amadura  la  frucho  bouno  dount  se  nourris 
lou  pople  d'Oc,  per  las  mas  de  souspouètos... 

Cars  e  illustres  mèstres,  de  sus  vostros  cadièros  de  proufessours, 
aprenès  à  la  jouvenço  qu'estudio,  las  lèis  de  nostro  lengo  e  fasès  cou- 
nesse  las  obros  de  nostres  escribans  ;  fasès  atal  obro  f elibrenco . 

Nous  aus,  mai  menuds,  anam  pel  campestre,  per  las  col  os  et  per  las 
coumbos,  jous  fresques  oumbrages  qu'oundroun  nostre  païs,  damanda 
à  la  nature  l'enspiraciu  que  nous  fara  dire  dins  de  verses  armeu- 
niouses  la  bèuta  de  nostre  endret,  las  glerios  de  nostro  patrie,  nostro 
fe,  nostros  esperenços  e  predicam  al  pople  l'evangèli  del  Felibrige. 

Cadun  de  nostre  bord  trabalham  per  la  patrie  ;  daissas-me,  en  trin- 
can  à  vostros  santads,  heure  tabe  à  la  grandeur  de  nostre  Lengedoc  e 
à  la  leungo  vide  de  soun  parla  ! 

M.  Grammont  dit  quelques  mots  au  nom  de  la  Société  des  langues 
romanes,  dont  il  est  le  président.  Puis  M.  Gaston  Paris,  dans  une  lon- 
gue et  délicieuse  causerie  exprime  tout  le  plaisir  qu'il  éprouve  à  se 


294  CHRONIQUE 

trouver  parmi  les  félibres  et  la  joie,  toujours  nouvelle,  qu'il  goûte 
chaque  fois  qu41  entend  réciter  ou  chanter  en  langue  d'Oc  ;  il  a  des 
paroles  particulièrement  honorables  et  83nnpathiques  pour  notre  maître 
et  ami  M.  Chabaneau,  ensuite  il  fait  connaître  aux  assistants  les  tra- 
vaux et  les  mérites  des  trois  romanistes  étrangers  qui  prennent  part 
au  Congrès  :  MM.  Wallenskôld,  Salverda  de  Grave  et  Leite  de  Vas- 
concellos. 

Des  applaudissements  soulignent  cette  allocution  et  Ton  boit  à  ceux 
dont  M.  Paris  vient  de  faire  l'éloge,  à  leur  pays,  la  Hollande,  le  Por- 
tugal et  à  rindépendance  de  la  Finlande. 

M.  Chabaneau  se  lève  alors  et,  très  ému,  oc  remercie  VEscolo  moun- 
3>  dino  de  Thonneur  qu'il  reçoit  d'elle,  mais  dont  il  croit  devoir  n'ac- 
»  cepter  pour  lui  qu'une  faible  part,  réservant  la  plus  grande  à  la 
9  Société  pour  Tétude  des  langues  romanes,  dont  les  organisateurs 
D  de  la  fête  ont  eu  la  délicate  attention,  d'inscrire  la  devise  en  tête  da 
»  menu  du  banquet.  11  rappelle,  avec  un  redoublement  d'émotion, 
1»  que  cette  même  devise  est  gravée  au  bas  du  buste,  pieusement 
3)  conservé  par  la  Société,  d'Anatole  Boucherie,  qui  fut  l'un  de  ses 
}»  fondateurs  et  auquel,  plus  qu'à  nul  autre,  elle  a  dû  de  vivre  et  de 
"»  prospérer,  et  il  demande  qu^il  lui  soit  permis  d'associer  la  mémoire 
>  de  cet  ami  à  jamais  regretté  à  l*hommage  qu'il  reçoit  lui-même. 

j>  Rappelant  ensuite  que,  dans  une  réunion  de  félibres,  on  ne  san- 
]»  rait  oublier  le  grand  poète  que  tous  aiment,  admirent  et  vénèrent, 
y>  et  qui  est.  pour  ainsi  dire,  leur  âme  commune,  il  porte  un  brinde  à 
B  Frédéric  Mistral  qu'il  salue  glorieusement  des  mêmes  paroles  que 
:»  Dante  adresse  à  Virgile  au  premier  chant  de  l'Enfer  :  Tu  duca,  tu 
"»  aignore  e  tu  maestro  ;  et  sur  sa  demande,  on  entonne  le  ohant  de  la 
]>  Coupe  *. 

C'est  M.  L.  Vergue  qui  chante  la  Coupo, 

Ensuite,  sur  la  proposition  de  M.  Gaston  Paris,  on  envoie  à  Mistral 
une  dépêche  ainsi  conçue  : 

Félibres  et  romanisants,  présents  au  Congrès  des  Sociétés  savantes, 
réunis  pour  fêter  Qaston  Paris,  Camille  Chabaneau  et  Paul  Meyer, 
saluent  Mistral  dtuia,  signore  et  nuiesiro. 

Voici  la  réponse  de  Mistral  : 

Salut  e  glôri  au  Felibrige  moundin,  au  gai-sabé  di  Soucietat  sabènto 

1  Nous  n'avons  pu,  faute  de  place,  reproduire  ou  analyser  tous  les 
discours  qui  furent  prononcés  durant  le  banquet,  mais,  à  ceux  qui  dési- 
reraient plus  de  détails  sur  cette  fête,  nous  signalons  les  comptes  rendus 
qui  ont  paru  dans  la  Te9T0  d'oc  (mai  1899)  et  dans  la  Revue  des  Pyrénées 
(juillet-août  1899). 


CHRONIQUE  295 

et  à  si  très  primadié  :  Gaston  Paris,  Paul  Meyer,  Chabanèu.  Vivo 
Toulouso  I 

F.  Mistral. 

Ainsi  se  termina  cette  réunion  de  félibres  et  de  romanistes.  Chacun 
en  emporta  le  meilleur  souvenir  en  remarquant  qu'il  avait  suffi  de 
mieux  se  connaître  pour  mieux  s'apprécier. 


Lo  23  avril  s'est  réuni  à  Arles,  sous  la  présidence  de  M.  Félix  Gras, 
le  Consistoire  du  félibrige. 

A  la  suite  de  ses  délibérations,  \a,joio  dôu  Gai-Sàbé  (grand  prix 
de  poésie)  a  été  décernée  à  Philadelphe  de  Gërde  (Madame  Ré- 
quier) . 

MM.  Maurice  Joret,  du  Mas  d'Agenais,  et  Simin  Palat,  de  Yic- 
de-Bigorre,  ont  été  nommés  Mèstre  en  Gai-Sabé. 

Plusieurs  provençalistes,  dont  la  plupart  sont  de  nos  amis  ou  même 
font  partie  de  la  Société  des  langues  romanes,  ont  reçu  le  titre  de 
Sdci  dôu  felihrige.  Ce  sont  : 

MM.  Xavier  de  Cunha,  conservateur  de  la  Bibliothèque  de  Lis- 
bonne ; 

DiKTRiCH  Behrens,  professeur  de  philologie  romane  à  l'Université 
de  Giessen  ; 

Fritz  Neumann^  professeur  de  philologie  romane  à  TUniversité 
d'Heidelberg  ; 

Jaeob  Stûrzinger,  professeur  de  philologie  romane  à  TUniversité 
de  Wûrzbourg  ; 

GusTAV  Eoerting,  professeur  de  philologie  romane  à  TUniversité 
de  Kiel  ; 

Eugène  Ritter,  professeur  d'histoire  de  la  langue  française  à 
l'Université  de  Gtenève  ; 

D''  MoRiTz  BoHEMANN,  le  traducteur  des  Rouge  dôu  Miejour  de 
F.  Gras  ; 

Axel  Wallenseôld,  professeur  de  philologie  romane  à  l'Université 
d'Helsingfors  (Finlande). 


Le  Comité  fondateur  du  Museon  arlaten,  voulant  assurer  l'existence 
de  ce  musée  provençal  auquel  Mistral  a  consacré,  pendant  ces  der- 
nières années,  toute  son  activité  et  tout  son  temps.  Ta  offert  au  dépar- 
tement des  Bouches-du-Rhône.  Sur  le  rapport  favorable  du  préfet, 
M.  Floret,  le  Conseil  général  a  accepté  le  don.  Mais  il  a  été  entendu 


^^à  CHRONIQUE 

que  le  comité  fondateur  conserverait  la  direction  du  Museon  et  qu  un 
membre  du  Conseil  général  lui  serait  adjoint. 


L'Académie  des  Jeux  floraux  de  Toulouse  a  décerné ,  dans  sa 
séance  du  3  mai  1898,  une  de  ses  fleurs  à  Philadelphb  de  Qerdb 
pour  son  volume  de  vers  :  Cantos  d^Azur, 


M.  Ludovic  Legré,  qui  édita  naguère  lÀ  Fiho  d'Avignoun  d'Au- 
banel,  publiera  prochainement  un  recueil  de  poésies  inédites  du  même 
auteur.  Ce  volume  aura  pour  titre  :  Lou  RèireSoulèu ,  que  l'on  doit 
traduire  par  «  Le  soleil  d'outre-tombe  ». 


Le  Gérant  responsable  :  P.  Hamklin. 


I 

A   DON  VITOUR  BALAGUER  * 

Alor,  rèn  t'a  fa  p6a  :  Tamoar  de  la  patrio 
T'abrasavo  lou  cor,  aies  parti  coume  un  lamp  ; 
E,  treyant  11  moantagno,  as  fa  de  la  pastriho 
De  sôadard,  e  n'as  fa  même  di  capelan. 

Enterin,  devouri  d'un  mau  que  desvario, 
Ère  clavela  au  lié,  febrous  e  trampelant, 
E  t'assegure,  ami,  que  s'èro  pas  Mario, 
Aro  sariéu  coucha  soute  lou  maubre  blanc. 

Quand  sounjant  à  TEspagno,  aquéu  batèn  sens  remo, 
La  tèsto  dins  ti  man,  escampes  de  lagremo, 
Qu'un  inmènse  aiiiarun  ennègo  toun  grand  cor, 

Mete  âsanço  en  Dieu,  Vitour  !  es  lou  plus  sage... 
Avèn  fa,  tôuti  dous,  un  traite  e  sourne  yiage. 
Car  vènes  de  la  guerro  e  tourne  de  la  mort  ! 


I 

A  DON  VICTOR  BALAGUER 

Donc,  rien  nef  a  fait  peur  ;  Tamour  de  la  patrie  Vembrasait  le  cœur, 
tu  es  parti  comme  un  éclair  ;  et,  parcourant  les  montagnes,  tu  as 
transformé  en  soldats  des  bergers,  des  prêtres  même. 

Cependant,  dévoré  d'un  mal  qui  égare,  j'étais  cloué  au  lit,  fiévreux 
et  grelottant  ;  et  je  t'assure»  ami,  que  si  ce  n^était  la  vierge  Marie, 
je  serais  maintenant  couché  sous  le  marbre  blanc. 

Quand,  songeant  à  l'Espagne,  —  cette  barque  sans  rames,  —  la 
tête  dans  tes  mains,  tu  verses  des  larmes,  et  qu'une  immense  amer- 
tume noie  ton  cœur. 

Mets  ta  confiance  en  Dieu,  Victor!  c^est  le  plus  sage...  Nous  avons 
fait,  tous  les  deux,  un  perfide  et  sombre  voyage,  car  tu  reviens  de  la 
guerre  et  je  retourne  de  la  mort  ! 

^  Ces  sonnets  nous  ont  été  obligeamment  communiqués  par  M.  Ludovic 
Lborb.  Ils  font  partie  du  volume  dont  la  Revue  annonçait,  dans  son 
dernier  numéro,  la  prochaine  apparition  et  qui  comprendra  les  poésies 
encore  inédites  de  Th^odorb  Aubanbl  sous  ce  titre  :  lou  Rèire-Souléu^ 
c'est-à-dire  c  le  soleil  d'outre- tombe  ». 

xLii  —  JuiUet-Août  1899.  20 


298 

II 

L'ARAGNO  * 

A-N-UN  TBAITB 

D^abord  qae  Tas  voaga,  meîchant  I  d'abord  qu'as  rout 
Nosto  vièio  amista  tant  douço,  tèndro  e  forto  ; 
D'abord  qa'as,  contre  iéu,  treva  li  draio  torto, 
Coame  à-n-un  ohin  rascas,  à-n-an  padènt  marron, 

Te  barre  au  front  ma  porto  e  bute  li  ferrou... 
Yai-fen,  traite,  vai-t'en  I  nosto  amistanço  es  morto. 
L'as  tuiado  I  —  Un  matin  d'abriéu  qu'ère  pèr  orto, 
Yegnère  dins  Ion  champ  un  brout,  un  galant  brout 

D'aubrespin  rose  ;  au  mié  de  la  yerdo  baragno, 

Souto  fueio,  pamens  espinche  camina 

Uno  aragno  ;  eilalin,  lou  cèu  pur  s'escaragno 

D'un  nivoulun  de  dôu  ;  fai  tèms  sour  ;  a  trouna... 
La  flour  s'es  espôussado,  e  rèsto  que  l'aragno 
Fielant  ourriblamen  soun  âéu  entérina. 

II 
L'ARAIGNÉE 

A     UN     TRAITRE 

Puisque  tu  Tas  voulu,  méchant  !  puisque  tu  as  brisé  notre  vieille 
affection  si  douce,  tendre  et  forte  ;  puisque  tu  as,  contre  moi,  suivi 
les  voies  tortueuses,  comme  à  uu  chien  galeux,  à  une  bête  puante, 

Je  te  ferme  ma  porte  et  je  mets  les  verroux...  Va-t-en,  traître,  va- 
t-en  I  notre  amitié  est  morte  :  tu  Tas  tuée  !  —  Un  matin  d'avril  que 
j'errais  à  travers  champs,  je  vis  une  branche,  une  jolie  branche 

D'aubépine  rose  ;  au  milieu  du  vert  buisson,  je  découvre,  chemi- 
nant sous  les  feuilles,  une  araignée.  Tout  d'un  coup  le  ciel  bleu  est 
obscurci 

Par  un  grand  nuage  noir  ;  le  temps  est  orageux,  voilà  qu'il  tonne... 
Les  fleurs  se  sont  effeuillées,  et  il  ne  reste  plus  que  l'araignée,  dérou- 
lant, hideuse,  son  âl  empoisonné. 

*  Voir  :  Ludovic  LuQKk,  Le  poète  Théodore  Aobanel,  récit  d'un  témoin 
de  sa  vie,  p.  336* 


2d9 


III 

PÉLIS  GRAS 

Dirias,  tant  es  de  forto  raço, 
Tant  camino  fier  e  segur, 
Que  dins  si  bras  dabert  embrasso 
Tout  lou  souléu  e  tout  Tazur  ! 

Goume  sus  lou  ro  que  s^estrasso, 
Pèr  querre  un  pau  mai  d'aire  pur, 
Mounto  un  sapin  dre  dins  Taurasso, 
Eu  s'enauro  vers  lou  bonur. 

E  plen  de  yido  e  bèu  de  joio, 

Soun  amo  valènto  e  galoio 

Nous  boufo  en  tôuti  Testrambord  ! 

Soun  vers  a  Tuiau  d*uno  espaso  ; 
Malur  sus  quau  lus  e  tabaso  : 
Gantas-ié  lou  saume  di  mort! 


m 


FÉLIX   GRAS 

Vous  diriez,  tant  il  est  de  forte  race,  tant  il  s'avance  fier  et  sûr, 
qa^en  ouvrant  ses  bras  il  va  prendre  tout  le  soleil  et  tout  Tazur  ! 

Gomme  sur  le  roc  qui  se  fend,  un  sapin,  pour  chercher  un  peu 
plus  d'air  pur,  monte  droit  malgré  les  tourmentes,  lui  s'élance  vers 
le  bonheur. 

Et  plein  de  vie  et  beau  de  joie,  son  âme  vaillante  et  sa  belle 
humeur  nous  soufflent  à  tous  l'enthousiasme  ! 

Son  vers  a  Téclair  d'une  épée  ;  malheur  à  celui  sur  qui  il  étincelle 
et  s'abat  :  chantez-lui  le  psaume  des  morts  I 


300 


IV 

PARLA  MUT 

Ta  foarèst  e  casièa  peramount  sus  li  moarre 

Di  nivo  encamela,  —  nivo  e  niae  soan  ami. 

L'aaro  boafo:  aabre,  oustau,  subran  fau  que  8*amourre 

Goume  un  boulan  de  nèa  di  ro  negras  boami. 

Dins  lou  céa,  en  foagnant,  la  lune  sèmblo  courre 
Après  li  niéa  d^argènt  oante  voudrié  dourmi  ; 
Jamai  d'an  rai  tant  vién  lis  estello  à  fin  mourra 
Trelusèron.  Pèr  champ,  li  luserno  an  bleimi. 

Ansin,  Tauro  d'amour,  quand  boofo  sus  uno  amo, 
Atubo  dins  lis  iue  un  fioc  estrange  e  dous, 
Ë  Tamouronso,  emai  digue  pas  que  vous  amo, 

Dins  Tuiau  d'un  regard  coumprenès  tôuti  dous  ; 

E,  paurous  d'un  bonur  qu'un  rèn  trop  lèu  vous  raubo, 

Poutounas  coume  un  fôu  si  man,  soun  peu,  sa  raubo... 

Théodore  Aubanbl. 


IV 

Il  y  a  forêt  et  château  par  là-haut  sur  les  pics  où  s'amoncellent  les 
nuages,  —  nuages  et  nuit  se  hantent.  Le  vent  souffle  :  arbres,  maison, 
doivent  soudain  fléchir  comme  le  tas  de  neige  que  les  rocs  noirs  vomis- 
sent. 

Dans  le  ciel,  en  boudant,  la  lune  semble  courir  après  les  nuées 
d'argent  où  elle  voudrait  s'endormir  ;  jamais  d'un  éclat  plus  vif  le 
limbe  plus  net  des  étoiles  ne  brilla.  Dans  les  champs,  les  lucioles  ont 
blêmi. 

Ainsi,  le  vent  d'amour,  quand  il  souffle  sur  une  âme,  allume  dans 
les  yeux  un  feu  étrange  et  doux,  et  bien  que  l'amoureuse  ne  dise  pas 
qu'elle  vous  aime, 

Dans  l'éclair  d'un  regard  vous  vous  êtes  compris  ;  et,  tremblant 
pour  un  bonheur  qu'un  rien  vous  dérobe  trop  tôt,  vous  baisez  comme 
un  fou  ses  mains,  ses  cheveux,  sa  robe... 


LA  TRADUCTION  DU  NOUVEAU  TESTAMENT 

EN  ANCIEN  HAUT  ENGADINOIS 
Par  BIFRUN 


EVANGELIUM  JOHANNIS 
(Fin) 

CAP.  XX. 

(1)  Et  îlg  prûmdi  da  Themna  uen  Maria  Magdalenne  bain 
ma  lualg,  chelg  era  aunchia  sckiiir,  alg  mulimaint,  &  uezét  che 
la  pedra  era  aluêda  uia  dalg  mulimaint.  (2)  Et  ella  currit  dimê 
&  uen  tiers  Simonem  Petrum  &  tiers  aquel  ôter  discipul,  qusel 
che  lesus  amseua,  &  dis  ad  els  :  Eilg  haun  prais  Tg  signer  oar 
dalg  mulimaint,  &  nus  nu  sauain  innua  chelg  Tg  haun  mis.  (3) 
Mu  Petrus  giet  oura  &  er  aquel  ôter  discipul,  &  uennen  alg 
mulimaint.  (4)  Et  curriuan  amanduos  isemmel,  &  aquel  ôter 
discipul  currit  auaunt  plii  bôd  co  Petro,  &  uen  Tg  priim  alg 
mulimaint.  (5)  Et  s'abassand  giu  schi  uezét  el  che  [l]s'  linzous 
eran  mis  giu,  imperscho  nu  giet  el  aint.  (6)  Et  uen  Simon  Pe- 
trus, chi  gniua  dsieua  el  &  giet  aint  îlg  mulimaint.  et  uezét 
Vs  linzous  mis  giu  (7)  &  lin  peijz  da  sûiêr  chi  era  stô  su  sieu 
chiô,  brichia  mis  cun  Vs  linzous  mu  plaiô  aint  dimperse  in  iin 
lœ.  (8)  Et  alhura  giet  aint  er  aquel  ôter  discipul,  quael  chi  era 
gnieu  auaunt  alg  mulimaint,  &  uezét  &  craiét.  (9)  Per  che  é  nu 
incligiauen  aunchia  la  scritiira,  chel  stuaiua  arisiistêr  dais 
morts.  (10)  Et  tiraun  uia  Ts  discipuls  â  lur  chiêsa.  (11)  Et 
Maria  stêua  oura  da  dour  Tg  mulimaint  &  planschaiua.  Et 
intaunt  chella  cridêua  schi  incliné  ella  Tg  chiô  alg  mulimaint, 
(12)  &  uezét  duos  aungels  uestieus  ad  alf^  qusels  chi  se-[383]- 
zaiuen  allô  liiin  alg  chiô  &  liôter  als  pes,  innua  chi  era  stô 
mis  Vg  chiœrp  da  lesu.  (13)  Et  dian  agli  :  Duonna,  che  plaun- 
schas  tu?  &  dis  ad  els  :  Elg  haun  prais  dauend  mieu  signer  &- 
eau  nu  ssè  innua  che  Vg  haun  mis.  (14)  Et  hauiand  dik  aqué, 


302  l'Évangile  selon  s.  jean 

schi  s^ualvét  ella  innaaous  &  uezét  lesam  stand  allô,  né 
sauaiua  che  fiis  lésas.  (15)  Et  lesus  dis  agli  :  Duonna,  che 
plauQScbas  tii  ?  Chi  scherchias  tu  ?  Ella  pissiand  che  fus  un 
hortalaun,  dis  agli  :  Signer,  schi  tii  Vg  hasst  purtô  dauend, 
schi  di  â  mi  innua  che  tii  Vg  haes  mis,  &  ean  Vg  uœlg  prender. 
(16)  lesQs  dis  agli  :  Maria.  Et  ella  s'aulaét,  &  dis  agli  :  Rab- 
boni,  chi  uuol  dir  maister.  (17)  lesus  dis  agli  :  Num  tuchiêr, 
per  cbe  eau  nu  sun  aunchia  ieu  sii  tiers  mes  bab.  Mu  uatten 
tiers  mesfrars,  &  di  ad  els  :  Ch'eau  uing  sii  tiers  mes  bab,  & 
uos  bab,  &  mieu  dieu,  &  uos  dieu.  (18)  Et  Maria  Magda- 
lene  uen,  &  purto  als  discipuls,  chella  haués  uis  Vg  signer,  & 
chelhaués  dit  aqué  agli.  (19)  Et  siandgnieu  la  saira  in  aqué 
di,  qusel  chi  era  Vg  prûm  di  da  Themna,  &  Va  hiisths  eran 
sarrôs,  innua  chels  dise! puis  eran  araspôs  par  temma  dais 
lûdeaus,  schi  uen  lesus  &  stet  in  miz,  &  dis  ad  els  :  la  psesth 
sala  cun  uus,  (20)  &  cura  chel  hauét  dit  aqué,  schi  amussô  el 
ad  els  ses  mauns  &  sieu  flaunck.  Et  Ts  discipuls  hauiand  uis 
Tg^  signer  sun  allégros.  (21)  Et  ho  dit  darchiô  [384]  ad  els  : 
La  psesth  saia  eu  uus.  Da  cho  che  Tgbab  ho  tramis  me,  uschia 
er  eau  tramet  uus.  (22)  Et  cura  chel  hauét  dit  aqué,  schi 
suflô  el  in  els,  &  dis  ad  els  :  arfsché  Vg  saine  spiert.  (23)  A 
tuots  aquels  che  uus  gnis  â  pardunêr  Is  pchiôs,  uignan  â 
gnir  pardunôs  ad  els,  &  tuots  aquels  che  us  gnis  ad  artgniar 
{sic),  schi  sun  els  artgnieus.  (24)  Mu  Thomas  iin  dais  dudesth, 
qusel  chi  ho  num  Didymus  (éd.  didymus)  uun  era  cun  els  cura 
che  lesus  uen.  (25)  Et  Ts  ôters  discipuls  dschetten  agli  :  Nus 
hauain  uis  Vg  signer.  Et  el  dis  ad  els  :  upœia  cheau  ueza  in 
ses  mauns  Vg  stizzi  de  las  guettas,  &  metta  mieu  daint  ilg 
stizzi  de  las  guottas  :  &  metta  mieu  maun  in  sieu  flaunck  : 
schi  nu  craich  eau.  (26)  Et  dsieua  oick  dis  eran  darchiô  ses 
discipuls  aint  da  dains,  &  Thomas  cun  els  :  &  lesus  uen  siand 
sarrôs  Ts  hiisths,  &  stset  in  miz  &  dis  :  La  psesth  saia  eu  uus. 

(27)  Alhura  dis  el  â  Thoma  :  metta  aint  aqui  tieu  daint,  & 
guarda  mes  mauns,  &  tain  nô  tieu  maun,  &  metta  in  mieu 
flaunck  :  &  nu  daias  esser  mêl  crataiuel,  dimperse  chi  craias. 

(28)  Thomas  arespundét  &  dis  agli  ;  Signer  mes,  &  deus  mes. 

(29)  lesus  dis  agli  :  Thoma,  par  che  che  tii  haes  uis,  schi  [h]  es 
craieu  :  biôs  sun  aquels  chi  nun  haun  uis,   &  haun  craieu. 

(30)  lesus  faschét  er  bain  bgierras  ôtras  isainas,  in  la  ueziida 


l'évangile  selon  s.  JEAN  303 

da  ses  discipuls,  quselas  chinu  sunscrittasin  aquaist  cudesth: 
mu  aquaistas  sun  scrittas  (385)  par  che  uns  craias^  che  lesus 
Christus  saia  aquel  ûlg  da  Dieu,  &  che  craiand  uns  hâgias  la 
uita  aeterna. 


CAP.  XXI. 

(1)  Dsieua  s'apalantô  el  darchiô  lesus,  alg  mêr  da  Tiberia- 
dis,  &  s'appalantô  in  aquaista  guisa.  (2)  Elg  eran  însemmel 
Simon  Petrus,  &  Thomas  qusel  chi  ho  num  Didjmus  :  &  Na- 
thanael  qusBl  chi  era  da  Cana  da  Galilese,  &  Ts  ûlgs  da  Zebe- 
dei,  &  ôters  duos  da  ses  discipuls.  (3)  Simon  Petrus  dis  ad 
els  :  Eau  uing  a  pasckiêr.  Et  dissen  agli  :  Nus  uulain  er  nus 
gnir  cun  te.  Et  gietten  oura,  &  muntaun  impestiaunt  in  iina 
nef,  &  in  aquella  not  nu  pigliaun  é  iinguotta.  (4)  Et  siand 
gio  gnieu  ladamaun,  schi  stet  lesus  sii  la  riua,  imperscho  Vs 
discipuls  nu  Tg  cunschetten.  (5)  lesus  dis  ad  els  :  Giuuens, 
hauais  uiis  qualchiôsa  da  mangiêr  ?*  Arespundetten  agli  :  Na. 

(6)  Et  el  dis  ad  els  :  matté  giu  Parait  da  la  part  dretta  délia 
nêf,  &  gnis  ad  acchiattêr.  Et  mattetten,  &  gio  nun  eran  bas- 
tauns  da  trêr  su  aquella  per  la  granda  quantitêd  dais  pesths. 

(7)  Mu  aquel  discipul,  qusal  chi  amêua  lesus,  dis  â  Petro  :  Elg 
es  Tg  signer.  Et  Simon  Petrus  dimê  sco  el  hauét  udieu,  che 
fus  Tg  signer,  schi  s'schinto  elaintrarassa(per  chel  eraniid) 
et  s'mattét  îlg  mêr.  (8)  Et  Ts  ôters  discipuls  uennen  cun  la 
nauetta  (per  che  els  nun  eran  lœntsth  [386]  da  terra  dimperse 
dintuorn  duaschient  bratshmuots)  traiand  Tarait  dels  pesths. 
(9)  Et  SCO  che  sthmuntaun  in  terra ,  schi  uezetten  é  brasth- 
chias  chi  eran  missas  allô,  &  pesth  mis  siisura,  &  paun.  (10) 
lesus  dis  ad  els  :  Purtô  nô  da  nos  pesths,  quels  uns  hauais  ap- 
pigliô  huossa.  (11)  Et  Simon  Petrus  giet  sii  &  tirô  Tarait  in 
terra  plaina  da  schient  schinquau[n]ta  trais  grands  pesths. 
Et  siand  taunts  schi  nun  es  aruot  Tarait.  (12)  lesus  dis  ad 
els  :  gni  nô,  &  giantô.  Et  iingiiin  dais  discipuls  Vg  asckiéua 
dumandêr,  dschant:  chi  ist  tli?  sauiand  els  ch'elg  era  Vg  si- 
gner. (13)  lesus  uen  dimê,  &  prandét  Vg  paun,  &  det  ad  els,  & 
sumgiauntamaing  Vg  pesth.  (14)  Aquaista  es  huossa  la  terza 
uuotta  che  lesus  s'ho  manifestô  â  ses  discipuls,  cura  chel  fiit 


304  l'Évangile  selon  s.  jean 

arisûstô  dais  morts.  (15)  Et  cura  che  hauetten  gîantô,  scM 
dis  lesus  â  Simoni  Petro  :  Simon  da  loannis,  amas  me  plii  co 
quaists  ?  Et  dis  agli  :  schi,  signer,  tii  s»s  ch'eau  am  te.  Dis 
agli  :  paschainta  mes  agnels.  (16)  Et  dis  darchiô  agli  :  Simon 
da  lohannis,  amas  me  ?  Dis  agli  :  schi,  signer,  tii  sses  ch'eau 
am  te.  Dis  agli:  paschainta  mias  naorsas.  (17)  Dis  agli  la 
terza  uuota  :  Simon  da  loannis,  amas  me  ?  Et  Petrus  hauét 
mêla  uitta,  chel  hauét  dit  agli  la  terza  uuota  :  amas  me  ?  & 
dis  agli  :  Signer,  tii  sses  tuottes  chiôses^  tii  SS8S  ch'eau  am  te. 
lesus  dis  agli  :  (18)  Par  Tg  uaira,  par  Tg  uaira  dich  eau  â  ti, 
cura  che  [387]  tii  eras  plii  giuuen,  schi  schintêuas  te  dues  & 
giauas  innua  che  tii  uulaiuas,  mu  cura  che  tii  uainst  uijlg, 
schi  uainst  â  stender  oura  tes  mauns  &  tin  ôter  uain  â  schin- 
têr  te,&  uain  ad  mnér  innua  che  tii  nu  nous.  (19)  Etaqué  dis 
el  Tg  dant  ad  inclijr  cun  che  mort  chel  gniua  â  gluriûchiêr 
dieu.  Et  cura  chel  hauét  dit  aqué,  schi  dis  el  agli  :  Yitten 
dsieua  me.  (20)  Et  Petrus  s'uuluét,  &  uezét  aquel  discipul, 
quel  che  lesus  amêua,  chi  gniua  dsieua,  qusel  er  sii  la  schaina 
fiit  apuzô  sii  Tg  sieu  bruost,  &  dis  :  Signer,  chi  es  aquel  chi 
t'tradescha?  (21)  Et  hauiand  Petrus  uis  aquel,  schi  dis  el  â 
lesu  :  Signer,  &  aquaist  che  ?  (22)  lesus  dis  agli  :  Sch'eau  uœlg 
chel  arumagna  inûna  ch'eau  uing,  che  uo  â  ti  tiers  ?  Tii  uit- 
ten  dsieua  me.  (23)  Et  giet  oura  très  aqué  aquaist  plêd  traun- 
ter  Ts  frars,  che  quel  discipul  nu  gnis  â  mûrir.  Et  lesus  nun 
hauaiua  dit  agli  :  el  nu  muera,  dimperse  :  Sch'eau  uœlg  chel 
arumagna,  inûna  ch'eau  uing,  che  uo  â  ti  tiers?  (24)  Aquaist 
es  aquel  discipul,  qusel  chi  do  testimuniaunza  da  quaistas 
chiôses,  &  ho  scrit  aquaistas  chiôses.  Et  nus  sauain  che  la 
sua  testimuniaunza  es  uaira.  (25)  E  sun  aunchia  bgierras 
ôtras  chiôses,  chi  ho  fat  lesus,  qu'elas(s)chi  dessen  gnir  scrit- 
tas  scodiina,  dimperse  schi  pais  eaa  che  niaunchia  Tg  muond 
pudés  tigner  aint  aquels  chi  scriuessen  Ts  cudesths. 

Jacques  Ulrich. 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 

(Suite)  • 


[50  (c»  2)]  •*  Qe  ges  lo  temps  qan  leiba 

GIRARD  DE  BURNELL  (c  f.  1  vo)  ^^^^^ 

y_  g    Qj.  242   1)  Si  ben  se  gença  *  fuill  e  flors 

10  Tan  nou  maiuda  mon  chan- 

I.  Â  ben  chantar.Conuen  amars  [tar  ^ 

E  locs  e  graçirs  e  saços  Cum   prex   et  *  graçirs  do 

Mas  seu  agues  dels  ca[t]rels  [seignors. 

[dos  II.  E  per  amar.  Fo  ia  chantars 

5  Nô  par  ials  altres  espères  *  Graçif  (!)e  iois  eprez  ^  pels 

Qe  luoc  me  dona  lois  ades  [pros 

E  la  saço  pos  qeu  soi  gais  E  se  ^  qe  sola  sospeiços 

*  On  vient  de  signaler  trois  autres  cahiers  écrits  par  le  copiste  du  ms. 
a,  Jacques  Tessier  de  Tarascon.  Ils  ont  conservé  la  seconde  partie  du 
Chansonnier  de  Bernart  Amoros  qu'on  croyait  perdue  jusqu'ici.  Les 
cahiers  se  trouvent  dans  le  fonds  Campori  à  Modène,  et  sont  cotés 
n"'  494,  427,  426.  (Voyez  la  note  détaillée  de  M.  Giulio  Bertoni  dans  le 
Giornale  storico  délia  letteratura  italiana,  1899,  vol.  XXXIV,  p.  118  ss.). 
Les  trente-huit  chansons  de  la  première  partie  du  Chansonnier  omis 
par  Tessier  dans  notre  ms.  a  ne  sont  pas  insérées  non  plus  dans  les 
mss.  de  Modène.  On  n'a  donc  que  les  variantes  interlinéaires  des 
mss.  c*  et  F*.  C'est  pourquoi  j'imprime  ci-après  le  texte  de  ces  chansons 
selon  c*  et  F*  en  rejetant  les  variantes  interlinéaires  au  bas  des  pages. 
—  Le  reste  du  ms.c' vient  d'être  publié  par  moi  dans  la  ,,  Wissenschaft- 
liche  Beilage  zum  Vorlesungsverzeichniss  der  Universitàt  Greifswald, 
Winter  1899- 1900  »  (tirage  à  part  sous  le  titre  :  c  Die  altprovenzali- 
sche  Liedersammlung  c  dei"  Laurenziana  in  Florenz  nach  einer  in  seinem 
Besitz  befindltchen  alten  Absckrift  hei*ausgegeben  von  E.  Stengel, 
Leipzig,  Dieterichsche  Verlagsbuchhandlung,  Theodor  Weicher,  1899, 
in-8o,  76  pp.).  Par  une  coïncidence  fâcheuse,  le  même  chansonnier  a 
été  reproduit  en  même  temps  par  M.  Pelaez  dans  le  fasc.  20  des 
Studj  di  filologia  romanza  p,  p.  M,  Ernesto  Monaci.  C'est  une  re- 
production diplomatique  et  intégrale  du  ms.  c.  — 

**  Riscontra  col  libro  del  s'  Lione  Strozzi  (=  le  chansonnier  de  Ber- 
nart  Amoros)  : 

'  oblides  —  s  Si  tôt  lagenza  —  '  maiude  mos  chantars  —  *  precs  de  — 
•  Gracitz  e  prazatz  iois   —  •  E  fon 


306 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNÂRT  ÂMOROS 


5  Ses  autre  plus  qom  î  cuiges 
ËDsegnaua  qom  senantes  * 
Vas  ^  tôt  son  benestar  des 

[lais 
E  qes  pênes  enmans  '  assais 
Cum  ^   li  cregues  preç  e 

[ualors 
10  E  qes  chausis  *  de  mes(es}- 

[cabar 
Eil  fos  uils  segnorils  (e)  ho- 

[nors. 
III  *.  Era  non  par.  Qe  castîars 
Me  ^   ualgues  ni   clams  ni 

[tenços 
Pero  non  crei^qanc  amors 

[fos 
5  Plus  fin  sol  qamadors  ^  tro- 

[bes 
E  qi  per  dreit  *®  la  raiçones 
Tôt   iorn   meillura  e  "  ual 

[mais 
Mas   si    cum  *'  par  fin  als 

[uerais 

Sembla  trafan  als  tricbadors 

10  E  lor  enian  fal  nô  camar  *3 

Qeposfaillnones  fin  amors. 

IV.  De  chastiar.  Me  **  soi  tan 

[pars 
Qe  pro  ueç*5  nestau  con- 

[siros 
Qar  uei  qab  pogner  ^^  des- 

[peros 
5  Nô  puesc  tan  far    qe   iois 

[cobres 
Pero  si  sos  duz  "  aueres 


Mos  bels  seigner  lir  e  los- 

[lûais 
Qeu    nai   sofert   me   fora 

[iois  *• 
E  forç  e  ualors  ^*  e  socors 
10  E  deuriasen  plus  coichar^® 
Qar  non  deman  ni  uoilldail- 

[ors  «. 

V.  E  seu  dafar(8).Li  fos  auars 

Don  magues  mandat  ni  so- 

[mos 

Âssaz  aportera  ^'  raços 

5  Qe  ia  conuent  no  matendes 

Mas  seu  li  soi  uerais  penses 

Sis  3'   taing  qes  uolua  nis 

[biais 
Qe  la  bona  sperançam  pais 
E  macompaing  ab  cbanta- 

[dops 

10  E  ma  faich  solaz  acobrar  •* 

Don  mera  totz  cobrar  amors 

al,  a  cors  *5. 
VI.  (cf.  2r^)E  ges  dauer  ««.  Nô 

[par  afars 
Pos  *'  qe  trabailz  ni  messies 
No  toi  qe  '*  non  sia  ioios 
5  Qanc  nô   paret  *•   qe  ben 

[annes  3® 
Celui  '^  cui  iois  non  agrades 
Qanc  '^  senz  ni  poder  cui  ici 

[bais 
Non  magradetni  no  matrais 
Qe  deschai  ^'  irada  ricors 
10  E  qi  qe  sap  el  **  trop  pcn- 

[sar 


1  senanses  —  *  A  —  3  e  mains  —  *  Com  —  5  gares  —  •  questa  stanza  nel 
libro  L.  S.  è  dopo  la  seguente.  —  »  Mi  —  «  cug  —  *  fina  samadors  — 
10  dreg  —  **  se  mellurae  —  **  com  —  i^  camjar  —  **  Mi  —  **  pron  uetz 

—  *•  pôgier  —  *'  ditz  ^-  *»  iais  —  i»  ualers  —  '•  cochar  —  •»  demant  nin 
uoill  dailliors.  Qui  ua  la  stanza  :  A  merceiar  (  =  VI.)  —  •*  laportera 
S3  Ses  —  2<  atrobar  —  2*  acors  —  *•  dauar—  *'  Des—  ««  com  —  a»  parec 

—  3»  âmes  —  "  Selui  —  3«  Ni  —  »»  besa  —  3*  napel 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


307 


Saber  eu  die  qanz  es  follors. 

VII.  A  merceiar.  Taingmerceiars 

E  frankeç  als  fracs  amoros 

E  contrais  sobre[r]s  orgoil- 

[los 

5  Orgoils  e  mais  qe  sis  gardes 

DuQ  altre  pas  anz  qe  passes 

Ja  uils  ni  sobrers  ni  sauais 

Noill  plagraqe  noil  taing  sa 

[pais 
En  tal  obra  don  desonors 
10  Li  reman  ses  saraçonar 
Lan  auen  entrels  amadors, 
VIII.  Seigner  sobre  totz  de  colors 
Sô  li  drap  e  qil  sap  triar 
Faill  si  compra  del  *  sor- 

[deiors. 

[51  (ca  3)] 2 

GIRARD  DE  BRUNELL 
(=  B.  Gr.  242,  59) 

I.  Qant  la  bruna  auraseslucha 
Pel  soao  ter  mini  franc 
Era^  se  de  ioi  me  stanc 
Sil  bes  sonnela  nis  ^  clucha 

5  Lamors  qim  ^  fera  languir 
Si  uolam  de  logna  ublit  * 
Mal  mer  e  si  ^  fal  mos  chan 
Vos  naurez  tort  mal  amiia  *. 
II.  Qar  nos  mes  un  pauc  es- 

[clucha 
Mauez  uirat  brun  de  blanc 
Nô  per  SO  qeu  dises  '  anc 


Dom  maiaz  tal  ira  aducha 
5  E  si*®  auses  descobrir 
Gom  uos  madôna  pleuit** 
Qe  destratz  "  ni  mais  ni  dan 
Non  *3  lez  qe  plus  uos  en  di- 

[ia.» 
III  *5.  Lo  cor  dinz  men  crida  en 

[chucha  *• 
Qi  nol  rôpa  ni[l]  de(l)sbranc 
Del  vostramor  &  eu  plane 
Qar  uei  "  qe  ren  nô  a  frucha 
5  Ans  sai  qera  ner  a  fugir  *^ 
Se  ^9  uiure  nô  uoil  aunit 
E  temi  sobra  lafan'® 
Qem  toi  repaos  en  des  tri- 

[ia  21. 

IV.  Tal  mauez  tornat  qa  lucha 
Non  defendria  dun  manc 
(c  /*.  2  t?«)  E   uiz  anc  leu 

[clop  ni  ranc  ^2 
Qi  per  ^^  mal  pas   nô  tre- 

[bucha 
5  Qauant  nô  pusca    ^4  fugir 
Eissament  uaoe  febreçit  ^s 
Com  sel  desamat  aman 
Qe  de  ioi  se  desraiia  ^6. 
V.  E    la  noiç  qan  son  me   tur 

[cha  27 
Dorm  sobrascha  ^8  et  sobre 

[banc 
Trou  qe  me  ^'  dolen  li  flanc 
Per  qe  ^^  ma  ualors  destru- 

[cha 


Uos  —  2  Riscontrf'a  coUihroL.  S.  :  —  «  Eras  —  *  Si  bes  soneUla  ni  — 
»  qem  —  «  non  lam  des  luing  oblitz  —  '  sim  —  «  Tort  naurez  uos  mal 
amiga  -  ^  qeus  disses  — lo  sieu —  i*  madonam  pleuitz  —  *2  destrics  — 
*3  Nom  —  **  diga —  *5  Qtiesta  stanza  nel  libro  L.  S.  [u]a  al  contrassegno 
[c'est-à-dire  entre  la  str.  V  et  VI)  —  *«  cridem  ucha  —  *'  sai  —  **  Enanz 
men  er  a  partir—  lo  Si  —  "Et  es  tan  sobrers  lafan  —  ''  repaus  en  des- 
triga.  —  22  greu  clop  ni  rans  —  23  si  a  —  24  Lg^  non  puesc  auant  — 
25  Tan  souans  e  feblezitz  —  2e  desraziga  —  '^  nues  qan  le  sons  me  tru- 
cha  —  «8  sobrarco  —  ^*  Tro  qem  mi  —  30  on 


308 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


5  Qellech   '  non  pois  ren   ^ 

[dormir 
Ans  en  ^  leu  tôt  esbait  * 
E  pensde  uos  en  estan  ^ 
Contra  qe  mez  tant  eniia  •. 
VI.  A  '  ma  uolontat  pairrucha  * 
Non  mai  laissât  caiii  ni  sanc 
Pustel  en  son  oill  el  '  cranc 
Qius  me   cuid  auer  *<*  for- 

[ducha. 
5  Qabanz  "  merier  a  fenir 
Mon  uers  qe  sia  complit  *2 
E  sui  "  daiço  plus  daman 
Qar  anc  mi  noc  gent  mendi- 

[ia  H. 
VII    Qeu  ui  lora  e  uos  la  uit  *^ 
Non  cuiera  uns  amiran  *• 
Ni  noges  "  deus  los  al  mau- 

[diia  ". 

[52  (c»4) 

GIRARD  DE  BURNELL 

(=  B.  Gr.  242,  40) 

I.  Jois  e  chanz.  E  solaz 

E  cortesiam  plaz 

Mais  non  mes  gen 
5  Qieu  sols  ab  cen 

Chant  ni  mesbaudei 

Qapenas  uei 

Qa  ioi  iog  mi  sostegna 

Perqe  mestrang  ** 
10  E  pois  20  qem  plang  21 


Del  us  del  monseignors  '^ 
Qe  mauia  socors 
Ab  ioi  cobrar  *^  promes 
Mais  la  speranç  el  bas 

15  E  ço  de  quieu  2*  plus  uaill 
Mi  sui  25  fors  del  trebaill 
Per  qe  ma  sospeiços 
Se  2«  uai  uiran. 
Qe  mer  ab  ioi  raços. 

IL  El  maçanz.  Dereiaz  *^ 
Qe  ser  on  fol  leuaz  '® 
Ira  chazen  2» 

5  Qar  foUamen 
Enqier  e  donnei  ^o 
Cuei  n5  son  trei 
Gui  tan  souen  nauegna  '^ 
Mais  sen  gadang  ^2 

10  E  si  remang  ^3 
Entrels  fis  amadors 
Qe  qant  eu  cuit  2*  aillors 
Virar  on  conqeses 
Lom  diz  ma  bona  fes 

15  E  mostrem  ^^  son  miraill 
Qe  qi  per  faillir  faill 
Nô  es  ualenz  ni  pros  ^ 
Anz  son  dui  dan 
E  fora  mielç  qun  ^7  fos. 

III.  (c  f.3r^).  Aitan^s  danz.  Nai 

[celaz  ^' 
De  qem  fora  clamaz  ** 
Mais  no  menten 
5  E  clam  souen 
Ni  lei  non  desrei  ** 


*  Qen  leig  —  «  puesc  eu  —  3  mi  —  *  totz  esbaitz  —  b  estanz  —  «  eniga 

—  '  Qab  —  »  paurucha  —  9  &  —  10  mi  quid  —  "  Qenanz  —  12  com- 
plitz—  *3  Mas  —  *♦  genz  mendiga  —  i«  uiz  —  *6  amiranz—  i'  Mi  no- 
gues  —  18  lo  maldiga. 

Hiscontra  col  lihro  del  s''  Lions  Strozzi:  *»  qieu  mestrainh  —  *o  puis 

—  21  plainh  —  22  mosseignors  —  «3  cobrat—  «*  perqe  —  *»  fui  —  '«Sen 

—  27  dereiatz  —  ^«leuatz  —  «»  chaen  —  »<>  domnei  —  3i  uegna  —  32  ses 
gazain  —  38  remain  —  34  em  cuig  —  36  Em  mostre  —  36  uerais  ni  bos  — 
3'  quns  —  38  Ai  canz  —  ^  celatz  —  ♦•  Don  mi  f .  clamatz  —  ♦*  leu  n.  defrei 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


309 


Tôt  ben  am  nei 

Com|*  îam  diz  ni  messegna  ^ 

Qaissimjgauang  ' 
10  Qar  81  sofrang  ^ 

En  ^  loncB  temps  bonamors 

A  fins  entendedors 

Tôt  restaura  un  ^  mes 

Per  qieu  ni  tu  sim  cres 
15  Non  ai  cor  qe  '  nuaill 

Per  un  an  ^  sis  trassaill 

Anz  serai  uers  ^  e  bos 

Quanc  ab  enian  ^^ 

Non  sauenz  ^^  amoros. 
IV»  Mas  lemanz  ^^.  Es  intraz 

Qe  desteia  dains  laz  ^^ 

Vilanamen 
5  Cuns  ^^  a  presen 

Qe  bais  ni  manei 

Non  sec  tomei 

Ni  nescrida  ses  segna  ^^ 

Pero  nos  tang  *^ 
10  Qe  sacompang  *' 

Dôna  en  cui  es  *®  ualors 

Ab  tal  qan  *®  laura  sors 

Qe  iamielz^Onon  uolgues  ^* 

Anz  uolgrail  '^  conogues 
15  Anz  qe  trop  sagaçaill  *^ 

Nil  don  ganz  ni  fermaill 

Si  ner  genz  lo  resos  ^* 

Qar  gen  ^5  maçan 

Sol  hom  far  de  gaz  ^^  dos. 


y.  E  sil  manz.  Ses  tardaz  ^^ 

Qem  degresser  mandaz^^ 

Eu  lo  maten  *^ 
5  Si  tôt'®  uen  len 

Non  cug^'  mal  mestei 

Qar  ben  ^^  fadei 

Et  3'  Jesper  ia  non  uegna  '* 

Qar  gen  bargang  ^^ 
10  Sieuper  estang  '^ 

Don  mon  aur  per  "  foUors 

Zo  troban  '^  els  actors 

Aiuda  maintas  res 

Mais  er  a  gran  3*  dan  près 
15  Jois  ^®  e  demoraill 

Pos  si  feç  dautre  taill 

Domneis  e  fo  saços 

Com  **  per  un  gan 

Ëra  gais  ^^  et  ioios. 
VI.  Et ^5  es  granz.  Freuoltaz  ** 

Com  ben  am  desamaz  *^ 

Ses  iauçimen 
5  Per  tal  conuen  ♦• 

Qe  cill  segnorei 

Cui  rë  non  crei*"' 

Sien  uau  secan  ^^  coma  le- 

[gna  *" 

E  qam  qem  lang  ^^ 
10  111  iaçes  bang  ^^ 

Ë  gença  sas  ^^  colora 

E  mi  cres  tal  ^^  dolors 

Qe  Iam  ^^  las  &  espres  *^ 


1  Qi  —  *  ditz  ni  meseigna  —  3  gauain  —  *  sofrain  —  8  Un  —  «  Tôt  o 
r.  us  —  ''  qem  —  'P.  una  —  ^  fiz —  *•  engan  —  n  sauenc  —  ^^  Maig 
enianz —  **  Qemguereia  dams  latz  —  ï*  Cus   —  i^  non   crida  sa  seina 

—  16  Per  qe  nos  tain  —  i'  sacompain  —  18  ab  cui  uai —  i*  can —  '-i*  mais 

—  *i  ualgues  —  '2  Ben  uolgra  —  '^  sajassaill   —  ^4  ressos  —  •*  Qe  bel 

—  -8  bels  —  21  tardatz  —  '8  degrestre  uiatz  —  29  Eu  si  laten  —  3"  bes 

—  31  cuig  —  **  Si  bera  —  '3  Nil  —  3*  ueina  —  38  Qq  ben  bargain  — 
36  Si  per  estain  —  37  qe  —  3»  trobam  —  39  Per  qe  nan  —  *o  Joias  — 
*'  Qe  —  *2  Erom  bautz  —  ♦3  Ar  —  **  freuoldaz  —  **  desamatz  —  *"  couen 

—  *^  grei  —  *8  Seus  ses  secs  —  "  leinna  —  *®  Mais  qi  qes  lain  —  *i  iac  el 
bain  —  **  Defigenie  sa  —  ^i   E  lui  cresca  —  54   sec  ~38  despres 


310 


LE  CHANSONNIER  DE  BEHNAftT  AMOROS 


Mas  amors  ges  nous  pes  ^ 
15  Qe  non  par  ben  egaill  ^ 
Qieu  *  désir  e  badaill 
E  uiua  consiros^ 
E  qella  chan 

(c  f.  3  »«;.  Del  mieu  »  dol- 
sas  chansos] . 
Vil.  Perç  qi  qes  ait  •  dail 
Non  mou  de  las  senaill  ' 
Don  for  enqer  *  ioios 
Sil  »  traitz  daitan  " 
5  Nos  fos  uiraz  "  en  dos. 
[Ylll.  A  dieu  coman 

Mon  sobre  totz  ioios. 
IX.  E  plagram  cab  lui  fos.]  *• 

[53  (c-  5)] 

GIRARD  DE  BURNELL 

(B.  Gr.  242,  55) 

I.  Per  solaz  reueillar 

Qi  ses  trop  endurmiz^' 
E  per  prez  qi  es  faidiz 
Acuillir  e  tornar 
5  Me  cugei  trabailar 
Ma(r)  ar  men  soi  geqiz  ** 
Perço  men  "  sui  failliz 
Qar  non  es  dechabar  ** 
Com  plus  men   uen  uolon- 

[taz  e  talanz 
10  Plus  creis  de  lai  lo  danna- 

[ges  el  danz. 

II.  Greus  es  de  sosfraitar  *^ 


A  uoz  0  die  qouiz 
Com  era  ioi  grasiz 
E  tuit  li  benestar 
5  Ornai  poden  uirar 

Qi  ega  *•  de  fust  nouiz*' 
Ni  uilan  ueil  *®  forniz 
Ester  gart'*  caualchar 
Laiz  es  lafars  e  mais  e  mal 

[estanz 

10  Don  hom  perd   dea   e  re- 

[man  malanananz(!). 

III.  E  uiz  ^^  torneis  mandar 
E  segre  gens  garniz 

E  pois  dels  meis  feria 

m 

Unna  saisons  ^'  parlar 
5  Ar  es  prez  de  raubar 
E  dembraçar  **  berbiç 
Chaualer  ^^  sia  auniz 
Qil  met  a  donneiar  ^^ 
Pois  che  tocha  deus  mas 
[môtons^^  belanz 
10  Ni  chi  ^^  rauba  gleisas  ai 

[uiandanz. 

IV.  On  sum  ^^  gandit  ioglar 
Qeu  uit  3^  gent  acuiliz 
Qa  tal  a  mester  '*  guiz 
Qi  solea  '*  guidar 

5  E  pero  sens  reptar  *^ 
Auar  tan  es  chariz  '^ 
Pois  fo  bon  ^^  prez  failliz 
Qi  solean  '^  menar 
De  compagnons   e  non  sai 

[dire  qanz 


*  Ges  amors  mais  noil  pes  —  '  Non  mes  uis  ben  engail  —  '  Com  — 
*  cossiros  —  6  Dautrui  —  «  Mas  eu  qi  qes  crit  —  '  Nom  parc  de  lase- 
naill—  «alqes  —  •  Sel  —  lo  dantan  —  »«  Non  ses  changes.  —  **  VIII  et 
IX  manquent  dans  c. 

Riscontra  con  L.  S.:  i3  Qar  es  trop  adormitz  —  *♦  giqiz  —  18  en  — 
16  dachabar  —  *'  soferair  —  i8  Qega  — *9  nouitz  —  20  uilans  uieils  — 
*i  Estr  a  grat  —  22  Eu  ui  —  23  saizo  —  **  dembrassar  —  25  Ghaualers 
—  2*  en  donnerar  —  ^^  mans  moutons  —  '8  qe  —  «9  Ar  son  —  3i  ui  — 
81  mestier  —  32  Qe  sella  —  33  doptar  —  ^4  Anar  tal  escharnitz  —  ss  fon 
bos  —  '•  Qe  solia 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


311 


10  Gent  en  âmes  e  bels  eben- 

[estanz. 
V.  E  ui  per  cort  *  anar 
De  ioglaret  '  petiz 
Gent  chausat  ^&  uestîz 
Sol  per  donnas  laudar  * 
5  Ar  non  auden  ^  (of»  4  r^) 

[parlar 
Tant  es  lor  prez  desliz  ^ 
Dont  lo   tort  ensiz  ^ 
Délias  mal  rasonar  * 
Digas  *  de  qals  délias  o  dels 

[amanz 
10  Eu  die  de   totz  qel  prez  na 

[trait  leoianz  *®. 
[VI.  Qea  eis  qi  soil  sonar 
Totz  pros  hom  eissemitz 
Es  tau  tant  esbaitz 
Qe  non  sai  conseillhar 
5  Qen  luec  de  solassar 
Aug  et**  en  cort  los  critz 
Qaitan  leu  ser  grazitz 
Delauca  Ion  bramar 
Lo  comdes  lai  entre  lur  com 

[bons  chanz 
10  Dels  ries  afars  e  dels  temps 

[e  dels  anz. 
Vil.  Mas  acors  afranchar 
Qe  ses  trop  endurzitz 
Non  dieu  om  los  oblitz 
Nils  ueils  faigz  remembrar 
5  Qe  mal  es  a  laissar 
A  faiz  (c.  en:  sarz)  **  pos  es 

[pleuitz 
E  mal  don  sui  garitz 
Nom  chai  ia  metzinar 
Mas  zo  com  ue  uir  e  torn 

[embalanz 


10  E  preng  e  lais  e  forsi  dams 

[los  panz. 
VIII.  Daitant  puesc  eu  uanar 
Qanc  mos  estols  ^^  petitz 
Non  fon  de]s  êuazitz 
Quea  litz  (!)  per  tôt  doptar 
5  Ane  n6  fes  mas  honrar 
Los  uolpis  mal  arditz 
Dont  mos  seigner  chauzitz 
Si  deuria  pessar 
Qe  nOilhe*^  ges  pretz  ni  laus 

ni  bobanz 
10  Qieu  qim  lau  del  sia  de  lui 

clamanz.] 

54 

BERNARD  DEL  VENTADOR 
(=r  B.  Gr.  70,  36) 

I.  [p.  75)  Pos  mi  preiatz  segnior 
Quieu  chant  eu  chantarai 
E  qant  cug  chant  ar  plor 
Coras  qieu  men  essai 

5  Greu  venez  **  chantadors  *• 
Ben  chant  qant  mal  li  vai 
E  uai  me  mal  damor 
Anz  mieils  cane  no  fes  mai 
E  doncs  per  qe  mesmai. 
II.  Gran  ben  e  grant  honor 
Conosc  qe  dieus  me  fai 
Qeu  am  la  belazor 
Et  il  me  qieu  o  sai 

5  Mas  eu  soi  sai  alhor 
E  nom  sai  com  sestai 
Zo  mauci  de  dolor 
Car  ochaizon  non  ai 
De  souen  venir  lai. 
III.  Mas  per  *^  tant  mi  plai 


*  cortz  —  ■  ioglaretz  —  •  chausatz  —  <  lauzar  —  *  anzon  —  •  lur  p. 
delitz  —  7  Dont  es  lo  t.  eissitz  —  •  raisonar  —  »  Digatz  —  !•  lenjanz.  Ci 
mancan  le  3  stanze  appié  (=VI  VII  VIII).— n  /.:  eiv- 12  /.:  Afars  —  i»  /.: 
ostals  — ^^  /.:  noilh  es  —  ^s  c»  en:  veirez  —  *•/.: chantador  —  *"^  /. : pero 


312 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Qant  de  lieis  mi  soue 
Qi  qe  cride  ni  brai 
Eu  non  aug  nuillia  re 

5  Tan  douzament  mi  trai 
La  bellal  cor  a  se 
Qe  tais  ditz  qeu  soi  sai 
E  80  cag  e  so  cre 
Qe  de  sos  oilz  nom  ve. 
IV.  Amors  e  qe  farai 
Non  garraira  *  ab  re 
Tal  mal  ai  don  morrai 
Del  dezirer  qem  ve 

5  Sil  bella  lai  on  iai 
Nom  aizis  près  de  se 
Qieu  lembras  e  la  bai 
E  lestreinha  vas  me 
Son  gen  cors  graile  pie. 
V.  Bona  donna  merce 
Del  vostre  sin  ^  aman 
QeuB  am  per  bona  fe 
Cane  re  non  amei  tan 

5  Mas  iointas  e  col  cle 
Vos  mautrei  e  coman 
E  sen  luec  sesdeue 
Vos  mi  faitz  bel  semblan 
Qe  moût  nai  gran  talan. 
VL  Ges  damor  nom  recre 
Per  mal  ni  per  afan 
E  qant  dieus  mi  fai  be 
Nol  refut  ni  soan 

5  E  qant  bes  no  men  ve 
leum  sai  soffrir  mon  dan 
Calas  cochas  coue 
Com  se  vauga  loinham  ' 
Per  mieils  sallir  etran  *. 
VIL  Mon  escudier  e  me 
Don  dieus  cor  e  talan 
Gamb  dui  anem  au  an. 
VIII.  E  men  essems  ab  se 


Mon  aziman 

Per  far  tôt  son  coman. 

55 

BERNARD  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr.  70,  3) 

• 

I.  (p.  76)  Amors  anqeraus  preiara 
Quem  fosses  plus  amorosa 
Cuns  paucs  bes  desadolora 
Gran  re  de  mal  e  paregra 

5  Sera  maguesses.  merce 
Car  de  me  nous  desoue 
Mas    em  pens   qenaissim 

[preinha 
Con  fes  al  comensamen 
Can  me  mis  al  cor  la  flama 

10  De  lieis  qem  ses  estât  ^  len 

Et  anc  non  des  iauzimen. 
II.  Moût  viu  a  gran  aescarra 
E  ab  dolor  angoissoza 
Cel  qe  totz  temps  aseinhora 
Mala  dona  qeu  mestegra 

5  Jauzenz  mais  aissi  maue 
Qe  lieis  qe  désir  nô  cre 
Qeu  lam  tam  qa  mi  coueinha 
Lonors  nil  bens  qieu  naten 
E  an  tort  cals  nom  reclama 

10  Mos  cors  mas  lieis  solamen 
E  80  qa  lieis  es  plazen. 
III.  Totz  temps  de  lieis  mi  lau- 

[zara 
Seram  fos  plus  volontoza 
Camors  qel  cors  enamora 
Men  det  mais  no   mescha- 

[zegra 

5  Non  plazers  mas  fa  les  ®  qe 
Enuei  ^  e  désir  anc  se 
E  se  lieis  plaz.  qem  reteinha 


1  c.  en  :  garrai  ia  —  *  c.  en:  fin —  *  c.  eii  :  loinhan  —  ^  c.  en:  enan  — 
*  L  :  fes  estar  —  •  c.  ew  :  max  se  bes  —  "^  /.  :  Eu  uei 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


313 


Far  pot  de  mi  son  talen 

Miels    no  fal  ventz   de  la 

[rama 

10    Qenaissi  vaut  ^  lieis  segaen 

Con  la  foillja  sec  lo  uen. 

IV.  Tant    es    frescha   blancha 

[clara 

Camors  nés  vas  mi  doptoza 

Car  sa  beaatatz  alugera  ^ 

Bel   iom.    e   clarzis    nueg 

[negra 

5  Aut  3  sei  fait  on  miels  coue 

Son  siu  e  de  beaultat  pie 

Non  dio  *  laus  mas  mortz. 

[me  veinha 

Sien  nous  am  de  tôt  mon 

[sen 

Ma  donnamors  men  liama 

10  Qem  fai  dir  suau  e  gen 

De  vos  maint  vers  auinen. 

V.  Dousa  res  coinde  tenara 

Humilz  franche  orgoilloza 

Bella  genzer  qobs  no  fora 

Domnaper  merceusqe  segra 

5  Car  vos  am  mais  cautra  re 

Qeus  prezes  merce  de  me 

Car  tem   camors   mi  des- 

[treinha 

Si  pietat  nous  en  pren 

Et  si    muer  car  mos  cors 

[ama 

10  Vos  ves  cui  res  non  defen 

Tem  qe  faissatz  faHmen. 

VI.  (p.  77)  Souen  plor  tan  qe  la 

[cara 

Nai  desneu  ^  e  vergoniosa 

El  vis  sen  desacolora 

Car  vos  on  iauzir  me  degra 

5  Perd  *  qe  de  mi  nous  soue 


E  n5  don  dieus  de  vos  be 
Seu  sai  senz  vos  corn  cap- 

[tenga 
Caitan  dolotrosamen  ^ 
Viu  com  cel  qe  mori  e  flama 
10  E  si  tôt  nom  faz  paruen 
Nuls  homîels  de  ioi  nô  sen. 


66 

BERNARTZ  DEL   VENTADOR 
(      B.  Gr.  70,  41) 

I.  Qant  par  la  flors  iostal  vert 

[foil 
E  nei  lo  temps  clar  e  sere 
Lo  douz  chantz  dels  auzels 

[pel  broil 

Madouza  lo  cor  em  reue 

5    Cant  lauzel  canton  a  lur  for 

Eu  ai  plus  de  ioi  e  mon  cor 

Deî  ben  chantar  pos  tuit  li 

[mieu  iornal 

Son  ioi  e  chant  qieu    non 

[penz  de  ren  al. 

II.  Cela  del    mon  qe   eu  plus 

[vueil 
Cui  am  de  bon  cor  e  de  fe 
Au  ben  monpretze  lo  acueil 
E  lescouta  e  lo  rete 
5  Cora  qem  fos  damor  aillor 
De  lai  soi  ben  vengutz  al  cor 
Merces  domna  nom    ai  par 

[megal  * 

Res    non  suffraing   sol  qe 

[dieus  vos  mi  sal. 

III.  Tais  ni  a  qe  an  maisdorgoeîl 
Cant    grantz    bes  ni  granz 

[iois  lurve 


*  /.  :  vauc  —  *  /.  :  alngora  ^^  c.  en:  Tuit  —  ^  c.  en  :  die  —  «  c.  en: 
destreit  —  ^  c,  en:  Pero,  /.  :  Perc  —  '  c.  en:  doloirosamen  —  »  c.  e?i  : 
ni  égal 

21 


314 


LE  CHANSONNIER  DE 


Mas  eu  soi  de  melior  es- 

[cueil 
E  plus  francs  can  dieu  mi  fa 

[be 
5  Domna  *  per  qieu  chant  em 

[demor 
Per  la  bocham  metetz  al  cor 
Un  doutz   baisar  de  sin  * 

[amor  coral 
Qem  met  en  ioi  en  get  lira 

[mortal. 
lY.  Ben  fai  '  la  nueg  cant  mi 

[despoil 
El  leig  qeu  noi  dormirai  re 
Lo  dormir  perd,  car  eu  lom 

[toil 

Per  nos  donna  dO  mi  soue 

5  Car  lai  on  hom  a  son  tesor 

Vol  om  ades  tener  son  cor 

Per  Tos  ^  o  die  dOna  de  cui 

[me  cal 

Neguns  vesers  mon  ^    bon 

[pensar  nom  val. 

V.  Donna  si  nous  uezon  mei 

[ueil 
Ben  sapchatz  qe  mos  cors 

[vos  ve 
Ë  nous   doilljats  si  tôt  mi 

[dueil 
Qeu  fai  ^  com  vos  destrenh 

[per  me 
5  E  sil  gelos  vos  bat  defor 
Gardatz  qel  no  vos  batal  cor 
Seu  ^  fai  enoi  e  vos  a  lui 

[atretal 

Ni  ia'  ab  vos  non  gazaing 

[ren  per  mal. 

VI.  (p.  78)   Cant  mi  membra 

[cui  amar  soil 


BERNART  AMOROS 

La  falsa  de  mala  merce 
Beus  die  qe  tais  ira  macoil 
Qe  per  pauc  de  ioi  non  recre 
5  Si  ia  hom  per  ben  amar  mor 
Eu  men  morrai  qe  dinz  mon 

[cor 
Li  port  amor.   tan  sin  *  e 

[natural 
Que  cug  *  son  fais  vas  me 

[li  plus  leial. 
VII.  Sal  dieus  midonz.  e  mon 

[bel  vezer  sal 

Tôt  ai   quant  voil  qe  nom 

deman  ren  al. 

VIII.  Mon  bel  vezer  gard  dieus 

[dir  e  de  mal 
Sieil  soi  de  loin  h  e  de  près 

[autretal. 

57 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 

(  =B.  Gr.  70,  42) 

1.  Cant    par    la    flors  lerba 

[fresca  la  foilla 
Qaug  ^*  lo  chant  dels  auzels 

[pel  boscatge 
Ab  lautre  ioi  qeu  ai  e  mon 

[coratge 

Dobla  mos   lois,  e  nais  e 

[creis  e  broillja 

5  E  no  mes  vis  com  ren  puesca 

[valer 

Sel  eis  no  uol  amor  e  ioi 

[auer 

Mas  tôt  cant    es  salegree 

[sesbaadeia. 
II.  Ja  nos-  cug  hom  qeu  de  ioi 

[mi  recreia 


*  c.  en  :  Donna  —  *  c.  en  ;  fin  • 
en  :  mom  —  *  c.  en  :  sai  —  '  /. 
—  *•/.:  Et  aug 


•   c.   en  :  sai  —  ^  c,  en:  nos  —  •  c. 
Sius  —  8  c.  «1  :  fin  —  ^  c.  en:  tug 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


dl5 


Nim   lais  damor   per   dan 

[qauerne  soilha 

Qeu  non  ai  ies  de  poder  qe 

[men  toilha 
Camors   masail  [qem  sob- 

resegnjoreia 
5  Em  fai  amarj  zo  qeil  platz  e 

[voler 
E  seu  am  zo  non  ^  eschazer 
Forsa  damor  mi  fai  far  vase- 

[latge. 
III.  Mais  en   amor  non  a   hom 

[segniartge  » 
E  qi  li  qier  Tilanamendom- 

[pneia 
Camors  no  vol  rê  qe  esser 

[nô  deia 
Paubres  e  ries,    fai  amors 

[dun  paratge 
5  Se   luns  amies,   vol   lautre 

[vil  tener 
Greu  pot  amors   ab  orgoil 

[remaner 
Corgoilz  dechai  e   fin  amor 

[chapdoillha. 
IV.  Qeu  sec  selui  qe  plas  vas  mi 

[sorgoillha 
E  celhai  fui  qem  fo  de  bel 

[estatge 


Per  qi  mal  sal  qe  ia  domna 

[macoilha 
5  Ma  dreg  len  fatz  qeu  men 

[fazfol  parer 
Qar  per  cela  qem   toma   e 

[nOchaler 
Estau  aitan  de  lieis  qe  non 

[la  ueia. 


V.  (jî.  79)  Car  costum  es  tos- 

[ temps  qe  fols  foleia 

E  ia  nô  er  qeu  eis  lo  rain^ 

[non  ceiba^^ 

Qem  bat  en  *  fer  perqe  es 

[dregtz  qe  me  loilba  ^ 

Car  anc  me  près  pui   dau- 

[tramor  enueia 

5  Mas  fe  qe  dei  lieis  un  ora  ^ 

[bel  vezer 
Se  de  samor  me  toma  en  bon 

[esper 
Jamais  vas  lieis  non  farai 

[vilatnage. 
VI.  J a  non  aia  cor  félon  ni  sal- 

[uatge 

Ni  contra  mi  maluatz  con- 

[seil  non  creia 

Cades  soi  sieus  liges  on  qeu 

[mi  stera  * 
Si  qe  dessus  mon  cap  li  ten 

[mon  gatge 
5  Mas  mans  iontas  lim  ren  al 

[sieu  plazer 
E  ia  nom  voilh  mais  da  sos 

[pes  mouer 

Tro  per  mercem  mera  ^^  lai 

[on  "  depoilha. 

VII.  Laigua  del  cor  camdos   los 

[oils  mi  moilha 

Men  ^^   ben    guirenz    qeu 

[penet  *'  mon  solatge  ** 

Mas  ben  conosc  qe  mi  donz 

pren  dâpairatge  ^^ 

Sela  tant  sai  ^^  qe  perdonar 

[nom  voilha 
5  Mas  meus  nO  so  zil  ^^  ma 

[empoder 


*  /.  :  zo  qpie  nom  den  —  *  /.  :  segnioratge  —  '  lacune  non  indiquée  par 
le  copiste.  —  ♦  c.  en:  ram  —  *  /.  :  coUlia  —  •  /. :  em  —  '  /.  : doilha  — 
•  c.  en:e  mom  —  ^  c,  en  :  steia  —  *•  c.  en  :meta  —  "  c.  en  ;  oiz  —  *•  c.  en  : 
Mes  —  *'c.  en  :  penei  —  *♦  /.  :  folatge  —  **  c.  en:  dampnatge  —  *•  /.  ; 
fai  —  *'  c.  «1  :  80  e  il 


316 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Mais  pert  ella  qeu  el  meu 

[dechaer 

Per    qe  lier  mal  sab  son 

[home  plaideia. 

Ylil.  Mon  messatgier  man  a  mon 

[bel  uezer 
Qar  cel  qem  toi  lo  sen  e  lo 

[saber 

Ma  tout  mi  donz  e  lies  qe 

[non  la  ueia. 

68 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(  -=  B.  Gr.  242,  12) 

l.  Aqest  terminis  clars  e  gens 
Qes  tant  desiratz  e  volgutz 
Deu  esser  ab  ioi  receubutz 
Ë  chascons  en  sia  iaozens 
5  Car  ven  estatz 
Ab  sas  clardatz 
A  cui  non  platz 
Jois  mi  solatz 
Non  es  amatz 
10  Ni  amaire. 

II.  A  men  meilhura  mos  talens 
Per  ioi  car  issem  a  la  lutz 
Qe  totlo  déport  el  desclutz  * 
Coae  qesta  sazos  comenz 
5  Car  vei  los  pratz 
El  boscz  foilhatz 
Aiso  sapchatz 
Per  amistatz 
Soi  eu  vezatz 
10  E  chantaire. 
III.  Mos  cors  nés  plus  gais  es- 

[colhentz 
Car  mes   uns  messatgiers 

[vengutz 
Qem  terrais  ^  dun  amor  sa- 

[lutz 


Don   mi  uen  iois  e  iauzi- 

[mentz 
5  Sim  nai  estatz 
Loncs  temps  iratz 
Damor  sebratz 
Desacordatz 
Ar  post  *  assatz 
10  De  ioi  faire. 
IV.  (p.  80)  Molt  ez    granz  la 

[proez  el  senz 
Qeil    ha    tan   bos    sabers 

[adoitz 
Cane  per  leis  no  fo  menta- 

[gutz 
Orgoilz  ni  noil  passet  las 
5  Qamilitatz  [denz 

Don  es  cargatz 
Sos  cors  prezatz 
La  ten  em  patz 
El  bel  parlatz 
10  E  non  gaire. 
Y.  Sobre    totz   bos    ensegna* 

[mentz 
Es  lo  sieus  per  meillor  ten- 

[gutz 
Ni  genzers  cors  no  fo  vezutz 
Ni  no  len  er  ra  *  faitz  con- 
5  Anz  a  poiatz  [tentz 

Los  auzorz  gratz 
Qals  plus  membratz 
Er  so  sapchatz 
[Greu  la  meitatz 
10  A  retraire]. 

VI.  [Donna  mos  pens  e  mos  en- 

[tenz 
E  totz  mos  respeigz  e  mos 

[cuigz 
Es  en  uostra  merce  cautz 
E  prendaus  de  me  chauzi- 

[mentz 
5  Qeu  soi  dun  latz 


*  /.  :  desdutz  —  2  /.  ;  retrai  —  ^  /.  :  pose  —  *  c.  en  ;  ia 


r 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNÂRT  ÂMOROS 


31*7 


Pel  ool  lassatz 
0  ^  nos  donatz 
E  autreiatz 
Car  tan  siatz 
10  Debonaire.] 
VIL  Donna  voilhatz 
Qe  mos  pensatz 
Si  ^  vertatz 
E  sa  vos  platz 
5  Mayoluntatz 
Men  esclaire. 
YIII.  Donna  sius  platz 
Merce  naiatz 
E  nom  fassatz 
Lonc  mal  traire. 

59 

BERNARTZ  DEL  VENTAOOR 
(=  B.  Gr.  70,  35) 

I.  Per  miels  cobrir  lo  mal  pens 

[el  cossire 
Chant  e  déport  et  ai  ioi  e 

[solatz 
E  faz  eâors  ^  sieu  sai  chan- 

[tar  ni  rire 

Gades  me  muer,  e  nuil  sem- 

[blant  non  faz 

5  Qe  per  amor  soi  si  apode- 

[ratz 

Tôt  ma  vencut.  per  forza  e 

[per  batailha. 

II.  El  mont  non  ai  ni  trebail 

[ni  martire 

Senz  mal   damor  qieu  nol 

[sostis  *  en  paz 

E  daqel  mer  si  bem  peza 

[sofrire 
Camar  mi  fai  amors  lai  on 

[lei  plaz 


5  E  die  vos  ben  qe  seu  non 

[sai  s  amatz 
Nou  reman  ges  en  la  mia 

[nuailha. 

III.  Ins  e  mon  cor  me  voil  mal 

[em  pren  ira 
Car  eu  set  *  tant  las  mias 

[voluntatz 

Mas  neguns  hom   aital  re 

[nom  deu  dire 

Com  non  sab  ges  qui  ses 

[auenturatz 
5  Qe  farai   doncs    dels  bels 

[semblantz  '* 

Failhirai  lor  mais   voil   qe 

[dieus  mi  falhia. 

IV.  Ab  lauzengiers  non  ai  ren 

[a  deuire 
Qe  ia  nuls  iois  per  els  n6  er 

[celatz 
Daiso  no   mes  seuals  cab 

[escondire 

Et  ab  mentir,  lor  ai  chia- 

[miatz.  los  datz 

5  Ben  es  totz  iois  a  perdre  en 

[destinatz 
Qant  perdutz  es  per  la  lor 

[deuinailha. 

V.  (p,  81)  Mi  donz  soi  hom 

[et  amies  e  seruire 

Mais  noil  deman  plus  dau- 

[tras  amistatz 

Mas  qa  celât  los  seus  bels 

oils  me  [uire 

Qe  molt  me  fan  gran  ben 

cant]  sois  iratz 

5  E  ren  lor  en  laus  e  merces 

[e  gratz 

Qieu  non  ai  mais  amies  qe 

[tant  mi  vailha. 


1  c.  en  :  A  —  •  Z.  :  Sia  —  ^  e.  en:  esfors  —  ^  c,  en:  sofris  —  *  /.  : 
sui  —  *  Z.  :  sec  —  T  /.  .•  semblantz  priuatz 


318 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


VI.  Jam  voil  eu  mal  so  die  qant 

[la  remire 

Anz  menam  mais  car  anc 

[fui  ran  ^  auzatz 

Qeu  anc  en  lei.  auzei  mon 

[cor  assire 
E  faz  men  plus  cortes  e  es- 

[senhatz 
5  E  cant  la  vei  soi  tant  enue- 

[ziatz 
Cades  mes  vis.  qel  cor  ves 

[cel  •  sailha, 

VII.  Molt  pose  auer  grant  gaug 

[cant  la  remire 

La  bocha  els  oils  la  gola 

[els  m  anz  els  bratz 

E   lautre   cors  don   il  nés 

[ren  a  dire 
Aissi  es  totz  belament  faizo- 

[natz 
5  Genzer  de  se  non  sap  faire 

[beautatz 

Per  qeu  en  trai  gran  '  pena, 

[e  greu  trabailha. 

VIII.  Coronat  man  salutzet  amis- 

[tatz 
Eil  clam  merce  qe  m  ai  ut  e 

[qem  vailha. 
IX.  E  qem   voilha   sia  senz   o 

[foudatz 
Nom  pot  esser  ni  afanz  ni 

[trabailha. 

60 

BERNART    DEL  VENTADOR 

(=  B.  Gr.  70,  33) 

1.  Pel  douz  chant  qel    rossi- 

[gnols  fai 


La  noît  qant  me  soi  endor- 

[mitz 
Ressit  ^  de  ioi  totz  esbaitz 
Damor  pensius  e  cosslranz 
5  Car  ^  mos  meillers  mestiers 
Qe   tostemps  ai  ioi  volon- 

[tiers 
Et  ab    ioi    comensa    mos 

[chantz. 
II.  Qi  sabra*  lo  ioi  qeu  ai 
Qe  lois  fos  uegutz  ne  auzitz 
Totz  autre  iois  fora  petitz 
Mai  qeu  teing  qe  mos  iois 

es  granz 

5  Tais  se  fai  cortes  e  parlers 

Qen  cuid  esser  ries  e  so- 

[brers 
Definamor  qeu  nai  des'  tanz . 

III.  Donna  vostre  soi  e  serai 
Del  vostre  seruizi  garnitz 
Vostrom  sui  iuratz  e  pleuitz 
E  uostre  mer  a  desabanz 

5  Ëi    uos    es    lo  mieus   iois 

[primers 
E  si  seres  vos  lo  derrers 
Tant  con  la  uia  merduranz. 

IV.  (p,  82)  Quant  eu  remire  son 

[cors  gai 
Con    es    ben  faitz    a   totz 

[  chauzitz 
Sa  cortesia  sos  bels  ditz 
Ja  moslauzars  nO  mer  enanz 
5  Cobs  mi  auria  uns  anz  en- 

[tiers 
Sin  volia esser  vertadiers 
Tan  es  cortesa  e  benestanz. 
V.  Cil  qe  cudon  qeu  sia  gai 
No  sabon  jes  com  lesperitz 
Es  de  leis  priuatz  ni  auzitz^ 
Sitôt  lo  cors  sen  es  loignatz 


*  c.  en:  tan  -  '  /.  :  lo  cel  —  ^  c.  en  ;  greu  —  *  c.  en  .•  lessit  —  •  /.: 
Caisso  es  —  •  Z.  ;  sabia  --  '  /.  :  dos  —  «  c.  en  :  aizitz 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS  3 1  9 


5  Sapchatzlo  meillersmessat- 

[gers 
Gai  de  leî  es  mos  cossirers 
Qei  recorda  sos  bels  sem- 

[blanz. 

VI.  Non    sai    cora    mais   vos 

[veirai 
Mas  vau  men  îratz  e  marritz 
Per  vos  me  soi  del  rei  par- 

[titz 

E  prec  uos  qe  nô  sia  danz 

5  Qeu  serai  en  cort  presen- 

[ters 
Entre  donas  e  cauallers 
Franz  ^  e  dolz  e  humelianz . 
VIL  Nugo  mos  cortes  messat- 

[gers 
Chantatz  ma  chanson  volon- 

[tiers 
A  la  reina  dels  normans. 

61 

BERNART  DEL  VENTADOR 
(=B.  Gr.  70, 15) 

I.  Ghantars    non    pot    gaire 

[valer 
Se  dinz  dal  cor  no  mou  lo 

[chantz 
Ni  chantz  non  pot  dal  cor 

[mouer 
Si  noi  es  fin  amors  corals 
5  Per  so  es  mos  chantars  ca- 

[bals 
Qe  ici  damor  ai  et  enten 
La  bocha  els  oils.  el  cor  el 

[sen. 
1 L  Ja  dieus  nom  don  aqel  poder 

Qe  damor  non  prenga  ta- 

[lantz 


Si  ia  ren  non  sabîa  auer 
Mas  chascun  iornmen  ven- 

[gues  mais 

5  Tost'  naurai  bon  cor  siuals 

E  nai  molt  mais  de  iauzi- 

[ment 
Gar  nai  bon  cor  e  mi  aten. 

III.  Amorblasman  pernO  saber 
Fola  gens  mas  leis  non  es 

[danz 
Gamors    non   pot  ies    des- 

[chaer 
Si  nO  es  amors  comunals 
5  Aîsso  non  es  amors  aitals 
Nô  a  mais  lo  nom  el  paruen 
Qe  ren  non  amasinon  pren. 

IV.  Seu  en  volgues  dire,  lo  ver 
Eu  sai  ben  de  cui  mou  len- 

[ianz 
Daqellas  camon  per  auer 
E  sor  ^  merchadanz  e  uenals 
5  Mensoingiers    en   fos  eu  e 

[fais 
Vertat  en  die  vilanamen 
E  peza  me  car  eu  non  ment. 
V.  (p.  83)   En    agradar    ren  * 

[voler 
Es  lamors  de  doz  finz  amanz 
Nulha  resnoil  pot  pro  tener 
Sil  voluntatz  non  es  égals 
5  E  cel  es  bes  fols  naturals 
Qi  de  so  qe  vol  la  reprent 
Eil  lauza  so  qe  noilhes  gent. 
VI.  Molt  ai  ben  mes  mon  bon 

[esper 
Gant  celam  mostra  bel  sem- 

[blant 
Qeu  plus  désir  e  vol  vezer 
Franch  e  fina  douz  e  leials 
5  En  cui  lo  rei  serra  fais  * 


1  c.  en  :  Franc  —  «  /.:  Tostemps  —  »  c.  ew  :  son  —  *  c.  en  ;  e  en  - 
^  c,  en:  séria  sais 


320  LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Bel  e  coui  dab^  cors  auinent 
Ma  fait  rich  orne  de  nient. 
VII.  Rem  non  am  mais  nifai* 

[temer 
Ni  ia  res  nô  seri  afanz 

Solmidonzvengues  aplazer 
Caicel  iorns  mi  sembla  na- 

fdals 
5  Cab  sols  bels  oils  esperitals 
Mesgarda  mas  so  fai  ta  lent 
Cun  sol  dia  me  dura  cent. 
VIII.  Lo  vers  es  finz  e  naturalz 
E  bos  celui  qi  ben  lenten 
E  meilher  mes  quel  ioiaten. 
IX.  Bernartz  del  ventadorn  enten 
El  dig  el  fag  el  ioi  aten. 

62  3 

BERNART   DEL    VENTADOR 
(  =  B.  Gr.  70,  28) 

I.  Le  bel  temps  de  pascor 
Ab  la  fresca  uerdor 
Nos  aduz  foill  e  flor 

4 

5  Per  qe  tuit  amador 
Son  gai  e  chantador 
E  eu  sospir  e  plor 
Qen  lois  no  ma  sabor. 
II.  A  totz  me  clam  segnior 
De  ma  dôna  e  damor 
Aqist  diu  *  traitor 
Car  mi  fiaua  en  lor 
5  Me  fan  viure  a  dolor 
Per  ben  e  per  honor 
Cai  fait  a  la  genzor 
Qe  nom  val  nim  socor. 
III.  Pena  e  dolor  e  dan 


Na  •  aguda  e  ai  gran 
Mas  sofert  o  ai  tan 
No  mo  tien  ad  afan 

5  Ane  no  vegues  aman 
Tan  fort  am  ses  enjan 
Qeu  nom  vau  jes  camjan 
Si  com  las  donnas  fan. 
IV.   Pos  fom  andui  esfan  "^ 
Lai  amad  e  la  blan 
E  uai  mamors  duran 
A  cascun  jorn  del  an 

5  E  si  nom  fai  auan 
Amors  a  bel  semblan 
Qant  eil  «  deman 
Tem  qe  naia  talan. 
V.  (p,  84)  Non  fai  »  nuil  tant  leial 
Drut  sordeis  ait  son  al 
Qeu  lam  damor  coral 
E  lei  de  me  non  cal 

5  Anz  diz  ben  qe  per  al 
Nom  porta  ira  mortal 
E  si  per  som  vol  mal 
Pecchat  fai  criminal. 

VI.  Las  e  niures  *<>  qem  val 
Qant  no  uen  a  iornal 
Mon  fin  ioi  natural 

El  leit  dinz  fenestral 
5  Blanc  e  graz  atretal 
Coma  neus  a  nadal 
Si  camdui  cominal 
Mesurassem  égal. 

VII.  Ben  fora  oimais  razos 
Bona  domna  e  pros 
Qem  fos  faitz  guiardos 
Du  baizar  a  rescos 

5  E  ua  "  per  als  non  fos 
Car  nous  >2  soi  enoios 
Cus  bes  ual  dautres  dos 


le.  ^n  :  coind  ab  -  2  e.  en:  sai  -  3  £«  rnéme  chanson  attribuée 
aPetre  Vtdal  se  retrouve  n^  117  (p.  117  du  ms,)  -  ^Lacune  nonZlZ 
parle  copiste  -  ^  ,.  :  ^ui  -  •  /.  ;  Nai  -  '  /.  :  effan  -  •  T  HI 
no  leil  -  «  c.  «I.  ;  sai  -  10  c.  en:  uiures^  11  c.  en:  ia  -  li/*  nouT 


LE  CHANSONNIER  DE   BERNART  AMOROS 


321 


Quant  per  forsa  es  faitz  dos. 
VIII.  Quant  vei  vostras  faizos 
Els  bels  oils  amoros 
Bem  merauil  de  nos 
Gom  mes  de  mal  respos 
5  Qe  bem  par  traizos 
Qi  par  e  francs  e  bons 
Qes  ^  mas  orgoilhos 
Lai  on  es  poderos. 
IX.  Bel  uezer  si  non  fos 
Mos  clauandos  e  uos 
Eu  guerpira  chanzos 
Fermai  dels  enoios. 

63 

BERNA RTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr.  76,  18) 

I.  E  maint  engiein  torn  e  uira 
Mos  talanz  e  uen  a  iai 

Lai  on  mos  volers  s  a  irai 
Lo  cors  non  pausa  ni  fina 
5  Sim  te  coinde  e  gai 
Fin  amours  a  oui  mapai 
Non  sai  com  me  conteinha. 

II.  Ges  amors  no  fa  il  per  ira 
Ni  se  feing  per  ditz  sauai 
Qant  es  de  bon  près  verai 
Qe  la  ten  en  disciplina 

5  Re  non  sap  qes  fai 
Qe  nô  coue  ni   seschai 
Qe  nuls  homs  la  destreinha. 
111.  Gum  ^  son  cel  qe  ren  non 

[tira 
Si  tôt  ma  donnam  sostrai 
Ni  ia  declam  non  serai 
Qil  es  tan  pura  e  fiua 

5  Qe  ia  non  creirai 

Si  de  son  tort  li  qier  plai 
Qe  merces  non  lien  preignha. 


IV.  Per  mon  grat  eu  men  iauzira 
Et  pel  bon  talent  qieu  nai 
Mes  veiaire  qe  ben  val 
Gardatz  selam  fos  vezina 
5  S  eu  nagra  ren  mai 
Eu  co  caissi  me  aurai 
Sa  leis  platz  qem  reteignha. 
V.  [p,  85)  Mos  messatgiers  ma- 
Car  tost  non  es  lai      [taina 
Vias  ven  e  via  s  vai 
Ma  la  chanson  li  esseignha. 

64 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 

(=  B.  Gr.  70,  29) 

I.  Lo  rossigniols  sesbaudeia 
Josta  la  ilor  el  uerjant 
E  pren  men  tan  granz  enueia 
Qieu  non  puesc  mudar  mon^ 

[chant 

5  E  non  sai  de  qe  ni  de  cui 

4 

E  fas  esfors  car  sai  faire 
Bon  vers  pos  no  sui  amaire. 
II.  Mais  ad  amor  qi  donneia 
Ab  orgoil  et  ab  enjan 
Qaicel  qi  totz  iorns  merceia 
Nis  vei  trop  humelian 
5  Gapenas  vol  amors  celui 
Qes  francs  e  fins  si  co  eu  sui 
So  ma  toit  tôt  mon  aifaire 
Gancnoil  fui  fais  ni  trichai  re. 
III.  Aissi  com  lo  rams  se  pleia 
Lai  on   le  ^   uentz   lo  uai 

[menan 
Son  ieu  uas  leis  qiem  guer- 

[riera  ^ 
Àclins  per  far  son  coman 
5  Gent  ioga  de  mi  es  desdui 


»  /.  ;  Que  es  —  s  /.  :  Eu  —  3  /.  :  non  —  *  Lacune  non  indiquée  par  le 
copiste  —  s  /..*  lo  —  •  c.  en  :  guerrieia 


1 


322 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNARÏ  AMOROS 


Qar  del  seu  eus  tort  mi  con- 

[dui 
Et  es  ben  costum  de  laire 
Cuidon  tug  sion  seu  fraire. 
IV.  Totz  tempz  mauci  em  plai- 

[deia 
Em  va  ochaizon  troban 
E  nom  par  qeil  auer  deia 
Cor  félon  ni  mal  talan 

5  Mais  laiga  qe  soau  sadui 
Es  peler  qe  cela  qe  brui 
Enian  fa  qe  debonaire 
Sembla  e  non  o  es  gaire. 
V.  E  ia  nuls  hom  qe  la  veia 
Sos  bels  oils  ni  son  semblan 
E  qant  il  de  ren  foleia 
Vas  mi  versa  tôt  lo  dan 

5  Mas  aiso^  confonem  destrui 
Car  de  mal  linatge  redui 
Ambz  los  oilz  li  don  a  traire 
Sautre  tort  mi  pot  retraire. 
VI.  De  tôt  luec  on  il  esteia 
Mi  defui  em  vau  loignian 
E  per  so  qieu  non  la  ueu  ^ 
Pas  li  mos  oils  claus  denan 

5  Caicel  sec  amors  nesdui 
Eil  lencauza  qi  li  fui 
Molt  a  bon  cor  del  es  traire 
Tro  qe  vas  mi  dons  repaire. 

VII.  Ja  non  er  si  tôt  mi  greia 
Qenqer  fin  e  plag  noil  man 
Qemal  mes  caissim  recreia 
Ni  pergua  tan  lonc  afan 

5  Al  seu  obs  mi  gart  e  mestui 
E  se  non  em  amie  ambdui 
Dautramor  non  mes  veiaire 
Qe  ia  mos  cors  sen  esclaire. 

VIII.  {p.  86)  Enaissifos  près  con 

[eu  sui 


Mos  aluergniaz  e  foram  dui 
Qe  plus  nos  pogues  estraire 
Den  beluezer  de  belcaire. 
IX.  Tristan  se  nocaus  ue  gaire 
Mais  nos  am   qe  non  soil 

[faire. 

65 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr.  70,  10) 

I.  Bel  mes  gen  '  chant  en  aqel 

[mes 
Cant  flor  e  foilha  vei  parer 
Et  aug  lo  chant  pel  bioil 

[espes 
Del  rossigniol  matin  e  ser 
5  Adonc   seschai 
Qeu  aia  iauziment 
Dun  ioi  verai 
En  qe  mos  cors  salent  * 
Car  eu  fai   *  ben    qe  per 
[amor  morrai. 
IL  Amors  e  qals  honors  vos  es 
Ni  qals  pros  vos  en  pot  cha- 

[zer 
Saucies  celui  qavez  prez 
Qi    ves    vous    non    sauza 

[mouer 
5  Laig  vous  estai 

Car  de  mi  ^  nous  pren 
Qamat  aurei 
En  perdon  loniament 
Cela  on  ia  merce  non  tro- 

[barai. 

ÏIl.  Pos  vei  qe  preiar  ni  merces 

Ni  semis  ^  n5  pot  pro  tener 

Per  amour  de  dieus  mi  fe- 

[zez 


*  L  :  aisô   —  *  /.:  veia  —  ^  /.:  qeu  —  *  /.:  satent  —  *  /.:  sai  ~  •  /.  ;  mi 
dois  —  '  c.   en,:  seruirs 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


323 


Mi  donz    un  pauc  de  bon 

[saber 
5  Qe  grant  ben  fai 
Unz  paucs  de  iauziment 
A  cel  qe  trait 
Tant  de  mal  con  eu  sent 
E  saissi  moir  recrezentz  li 

[serai. 
IV.  Garitmagra  si  macizes  ^ 
Qadoncs  vagra  ^  fait  som 

[plazer 
Mas  808  bels  cors  francs  e 

[cortes 

Lo  genzers  corn  puésca  ue- 

[zer 
5  Nagra  esglai 

E  penedera  sen 

Ja  nô  creirai 

No  mam  cubertamen 

Mas  cela  sen  uas  mi    per 

[plana  ^  essai. 

V.  Del  maier  ♦  tort  qieu  anc 

[nagues 

Vos  dirai  sius  voles  lo  uer 

Amarai  la  ssa  lîei  plagues 

E  seruirai  de  mon  poder 

5  Mas  non  seschai 

Qeil  am  tan  paubrament 

Pero  ben  sai 

Qaissi  fora  viuent 

Qe  ges  amors  segon  ricor 

[no  uai. 

M.  Grant  mal  ma  fait  mabona 

[fes 

Quem  degra   vas  mi   donz 

[valer 

Mas  ar  ai  faillit  e  mespres 

Per  trop  amar  e  per  temer 

5  Doncs  qe  farai 

Ailaz  caitiu  dolent 


Qa  totz  autres  * 

De  bon  acuilliment 

Et  a  me  sol  dona  ira  et  es- 

[mai. 

Vil.  El  mont  non  es  mais  una  res 

Per  qieu  grant  ici  pogues 

[auer 
E  daqela  non  laurai  ges 
Ni  dautra  non   puesc  ges 

[voler 
5  (p.  87)  Car  pleitz  •  ai 
...^pretz  e  sen 
En  son  plus  gai 
E  tenc  mon  cors  plus  gen 
E  sil  no  fos  eu  non  amara 

[mai. 

66 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr,  70,  1) 

L  Ab  ioi   mou  lo  uers  el  co- 

[menz 
E  ab  ioi  reman  e  fenis 
E  sol  qe  bona  fos  la  fiz 
Bon  teing  qe  forai  ^  comen- 

[samenz 
5  Car  de  la^  bona  comensansa 
Mi  uen  iois  et  alegransa 
E  per  zo  deu  la  bona  finz 

[grazir 
Qe  tôt  bon  sag  *®  vei  lauzar 

[al  fenir. 
II.  Sim  apodera  amors em  venz 
Qem  merauil  com  sil  sofris 
Car  non  die  e  non  esbruiz 
So  don  sui  tan  ries  e  iaiizenz 
5  Mas  leu  veires  fin  amansa 
Ses  paor  e  ses  duptansa 


1  /.:  maucizes  —  *  /.:  magra  —  3  /.:  plan  —  *  /.:  maior  —-^  l.:  es  mai 
—  •  /.:  per  leis  —  ^  l:  Valor  e  -  »  /.  :  quer  lo—  » /.  :  de  -  *•  c.  en.  :  fag 


324 


LE  CHANSONNIER  DE 


Qades  rem  '  hom  ves  son 

[amicfailir 
Per  qea  non  auz  de  parlar 

[enardir. 

III.  Dana  ren    maoncla  '  mos 

[senz 
Cane  nais  hom  no    lom  ' 

[enqis 
Qe  volontiers  no  lin  mentis 
Ni  nom  par  bon  esseigna- 

[menz 
5  Ânz  es  folia  et  enfanza 
Qi  damor  a  benanansa 
Qe  vol  adaatre  tôt  son  cor 

[descnbrir 
Si  noUh  en  pot  o  valer  o 

[semir. 

IV.  Ben  seschai   a  dona  ardi- 

[menz 
Ëntranol  gen  e  mal  vezis 
E  sadreit  cor  non  lafortis 
Gréa  pot  esser  pros  ni  va- 

[lenz 
5  Perqiea  prec  naia  *  men- 

[branza 
La  beUa  en  coi  ai  fizansa 
E  nos  camge  per  paraolas 

[nis  vir 
Qenemics  qai  faz  den  vera  ' 

[morir. 
V.  Non  es  ennegz  ni  failjmenz 
Ni  vilania  so  mes  vis 
Mas  dôme  cant  se  fa  deais 
Daatrai  amor  e  conoissens 
5  Enoiose  qeos  enansa 
Sim  faitz  enoig  ni  pesansa 
Cascaz  si  vol  de  son  mes- 

[tier  farmir* 
Men  cofundetz  e  vos  non 

[vei  iaazir. 


BERNART  AMOROS 

YI.  Ane  sa  bella  bocba  menz 
Non  cniei  baizan  me  trais 
Car  àb  nn  dooz  bazar  mau- 

[ds 
E  sab  antre  no    mes  goi- 

[rentz 
5  Atretal  mer  per  semblanza 
Con  de  pelaos  la  lanza 
Qe  del  sien  colp  nom  po- 

[diom  gaerir 
Son  antra  vez  no  sen  fezes 

[ferir. 
VU.  (p.  88)  BeUa  donnai  vostre 

[cors  genz 
Eil  vostre  bel  oil  man  coo- 

[qais 
Le  donz  esgartz  e  lo  clers 

'^vis 
E  la  bella  bocha  rizens 
5  Qe  cant  en  men  prent  es- 

[manza 
Nons  traep  debeaatategan- 

[za 

Le  'genzers  estcom  puesc  el 

[mon  chauzir 
O  no  vei  clar  dels  oils  ab 

[qieas  remir. 

VllI.  Bel  vezer  ses  •  doptanza' 

Sa  *^  qe  vostre  pretz  enansa 

Qe  tant  sabes  de  plaser  far 

[e  dir 

Per  qe  nais  homs  nos  pot 

[damar  sufûrir. 

67 

BERNATZ  DEL  UENTADOR 

(— B  Gr.  70,27) 

1 .  Lonc  temps  a  qiea  non  chan- 

[tel  mai 


1  /.  :  tem '  /.  :  maonda  —  •  /.  :  hom  mon  joi  nom  —  ♦  /.  :  naia  en 

—  5  c.  en  :  denveia  —  •  c.  «i  :  tormir  —  '  /.  :  La  —  «  /.  :  senes  ^*c.en: 
duptanza  —  *•/.:  Sai 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


325 


Ni  saup  ^  far  captenemen 
Mas  ar  non  tem  plueia  ni  ven 
Anz  stti  intratz  en  gran  cos- 

[sire  ' 

5  Com  pogues  bons  mo tz  assire 

En  vn  vers  qai  aperit 

Sitôt  non  pars  flors  ni  fuelha 

Meils  men  vai  qel   temps 

[florit 
Pos  lamors  qieu  tant  vueil 

[me  vol. 
II.  Sabor  ai  gent  sotil  e  gai 
Cane  hom  nO   vi  tan  aui- 

[nent 
Pretz  e  beutat  valor  e  sen 
Et  a'  truep  mais  qeu  nô  sai 

[dire 
5  Res  non  es  de  lieis  a  dire 
Ab  sol  qil  fezez  *  dardir  * 
Cuna  nueg  lai  on  despuelha 
Me  menés  en  luec  aizit 
Em  fezez  del  béas  ^  las  al 

[col. 

III.  Si  nom  manda  lai  on  il  iai 

On  eu  remir  lo  sieu  cors 

[genz 
A  cal  obs  ma  fag  de  nien 
Ailas  comuer  de  désire 
5  Vol  mi  doncs  mi  donz   an- 

[cire 
Car  lam  o  qei^  ai  chauzit 
Aram  faza  so  qes  vueilha 
Truc  ^  son  talan  naia  com- 

[plit 
Qeu  nom  ^  plaing  si  tôt  me 

[dol. 
IV .  El  mon  tam  bon  amie  non 

[« 


Praire  *°  cozin  ni  paren 
Qe  sim  vam  on  "  ioi  enqeren 
Qeu  e  mon  cor.  non  lazire 
5  E  si  men  fai  escondire 
Non  sen  tenga  per  trait 
Non  vueil  lauzenia  mi  tuei- 

[Iha 
Mi  donz  nim  leu  aital  crit 
Per  qe  mi  lais  mûrir  de  dol. 

V.  Totz  me  desconois  tam  ben 

[vai 
E  sauzes  dir  en  au  ^^  men- 

[ten 
Ni  auzes  far  mon  ioi  paruen 
Pels  miels  del  mon  son  iau- 

[zire 

5  E  sieu  fai  ^'  chantar  ni  rire 

Tôt  mes  (p.  89)  per  leis  es- 

[carit 
Ai  qieu   no   sen   mal   qem 

[dueilha 
Tant  ma  lois  prez  e  sazit 
Non  sai  sieu  suiaqel  qe  sol. 

VI.  Per  sol  so  **   bel  semblan 

[qem  fai 
Cant  luecs  ni  aizes  lio  cosen 
Ai  tant  de  ioi  qe  sol  nom 

[cen  ** 
Souen  fail    ^*  em  nolf  em 

[uire 
5  E  sai  ben  can  la  remire 
Cane  hom  plus  bella  ^^  non 

[vi 
Per  merceil  prec  qe  ma- 

[cueilha 
E  pos  tant  ma  enrequit 
Nom  sia  qi  dona  qi  dol  ^^. 


*  /.:  saubi —  *  /. :  en  cossire  —  •  /.:  A—*  /.:  f.  tan  —  ^o.  en:  dardit 
—  6  €.  en  :  bras  —  '  /.:  qel  ^^c.en:  True  —  ^  /.  :  nomen  —  *o  /.  ;  F. 
ni  —  11  /.  :  va  mon  —  **  c.  en  :  cui  —  ^^  c.  en  :  sai  —  *♦/.:  lo  —  "  o. 
en;  den  —  *•  c.  en  :  sail  —  "  U  :  bellazor  —  **  /.  :  toi 


326 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


68 

BERNATZ  DEL  VENTADOR 
(=B.Gr.  70,4) 

• 

L  Amors  e  qeus  es  veiaire 
Non  trobas  mais  fol  cant  me 
Cuias    donc  qieu   siamaire 
E  qe  ia  non  truet  *  raerce 

5  Zo  qem   comandatz  affaire 
Parai  eu  caissis  coue 
Mas  aisso  non  esta  be 
Qem  fassatz  tostemps   mal 

[traire. 
11.  Eu  am  la  plus  debonaire 
Del  mont  mais  qenuilha  ren 
Mas  ela  nom  ama  gaire 
No  sai  perqe  sesdeuen 

5  Las  cant  eu  raen  cugestraire 
Non  puesc  qamors  me  rete 
Traitz  sui  per  bon  a  fe 
Amors  beus  o  puesc  re  traire. 

III.  Ab  amor  mer  a  contendre 
Qe  nom  ê  pose  mais  tener 
Qen  tal  luec  men  fai  enten- 

[dre 
Dont  eu  nuil  be  nô  esper 
5  Anz  pauc  ^  me  feira  pendre 
Car  sol  vai  ^  cor  ni  voler 
Mas  ieu  non  ai  ges  poder 
Qem  posca  damor  défendre. 

IV.  Pero  amors  sol  deissendre 
Lai  ont  li  ven  a  plazer 
Qem  pot  bengazardon  ren- 

[dre 
Del  maltrag  e  del  doler 
5  Tant  non  pot  mesfar  ni  ven- 

[dre 
Qe  mais  nom  pusca  valer 
Sol  ma  domnamdeing  voler 
Ë  sa  paraula  entendre. 
V.  Ieu  sai  ben  razon  e  causa 


Qe  puesc  a  mi  donz  mostrar 
Qe  ges  loniamen  non  auza 
Amors  aissi  conqistar 
5  Mas  amors  venz  tota  causa 
Qem  venqet  de  vos  amar 
Atretal  si  pot  lieis  far 
Per  un  a  petita  causa. 
VI.  (jp.  90)    Ben  es  enuegz  e 

[granz  nauza 
De  totz  iorns  merce  clamar 
Mas  amours  qes  e  menclau- 

[za 
Nos  pot  cubrir  ni  celar 
5  Las  mos  cors  non  dorm  ni 

[paaza 
Ni  pot  en  un  luec  estar 
Ni  eu  non  o  puesc  dorar 
Si  la  dolors  nom  saauza. 

VII.  Donna  nuls  hom  non  potdire 
Lo  mieu  bon  cor  mil  *  talan 
Qieus  ai  cant  de  vos  cossire 
Qe  anc  ren  non  amei  tan 

5  E  mort  magran  li  suspire 
Donna  passât  a  un  an 
Si  no  fossoil  bel  semblan 
Per  qem  doblon  li  coszire. 

VIII.  Non  faz  mas  gabar  e  rire 
Donna  can  res  vos  deman 
Mas  si  vos  marnasses  tan 
Al  re  vos  couengra  dire. 

69 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr.  70,  7) 

I.  Era  no  uei  luzir  soleil 
Tant  me  son  escurzat  ^  H 

[rai 

E  ges  per  aisso  non  mes- 

[mai 

Cuna  clardatz  me  soleillia 


i  l,  :  truep  —  ^  /.  ;  a.  per  pauc  —  *  /.  :  nai  —  *  /.  :  nil  —  »  /.  :  escuràl 


LE  CHANSONNIER  DE    BERNART  AMOROS  3?7 


5  Damor.  qinz  el  cor  me  raia 
E  cant  autra  genz  sesmaia 
leu  meillur  enanz   qe  sor- 

[dei 

Per  qe  motz  chantz  no  sor- 

[deia. 

II.  Paor  me  fan  maluais  con- 

[seil 
Per  qel  segles  mor  e  dechai 
Qera  saiustô  li  sauai 
Et  luns  ab  lautre  conseilha 
5  Con  *  fin  amors  dechaia 
Ai  maluaza  genz  sauaia 
Qi  vos  ni  vostre  cosseil  cre 
Domideuperd  e  descreia. 
m.  Prat  *  semblon  vert  e  ver- 

[meil 
Eissament  com  al  temps  de 

[mai 
Sim  te  fin  amors   coind  e 

|gai 
Neus   mes   fiers   ^    blanqe 

[vermeilha 
5  E  liueins  *  calenda  maia 
Car  la  ^  genzers  e  la  plus 

[gaia 
Ma  mandat  qa  samor  mau- 

[trei 

Sanqer  ®  no  lom  desautreia. 

IV.  Nueg  e  iorn  penz  consii*  e 

[ueil 
Plor  e  sospir  e  pueis  mapai 
Et  on  ^  penz    eu  plus  mal 

[trai 
Mas  bons  respeigz  mi  re- 

[ueilha 
5  Don  mos  coratges  sapaia 
Ai  fol  cai  dig  qeu  mal  trata* 


Pos  tan  rie  coratgem  vei  • 
Ries  soi  ab  sol  qe  la  veia. 
V.  Daqest  me  rancur  em  qereil 
Qeras  men  fan  dol  desmai  *^ 
E  peza  lur  lo  iois  qieu  ai 
E  pos  ehascuns  sen  qereilha 
5  Del  autrui  ioi  e  sesmaia 
Ja  ieu  meilhor  dreg  non  aia 
Cab  sol  déport  venz  e  guer- 

[rei 

Celui  qui  plus  mi  guerreia. 

VI.  (p,  92).  G  es  ma  donna  nos 

[merauil 
Siel   qier  qem   don  samor 

[nim  bai 
Contra  la  fondât  qeil  retrai 
Fora  leu  granz  merauilha 
5  Si  ia  maeoilha  nim  baia 
Ai  serra  "  com  me  retraia 
Ai  eal  vos  vi  e  eal  vos  vei 
Per  benananza  qem  veia. 
VIL  Fin  amors  ab  nos  mapareil 
Pero  non    eonuen  ni  mes- 

[chai 
Mas  car  per  vostra  mereeus 

[plai 
Dieus  eug  que  mo  apareilha 
5  Qe  tant  rie  amors  meschaia 
Ai  donna  per  mereeus  plaia 
Aias  de  vostre  amie  meree 
Pos  aitantgenvos  merceia. 

70 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr.  70,  43) 

1.  Cant  vei  la  lauzeta  mouer 
De  ioi  sas  alas  contrai  rai 


*  /.  :  Gosi —  *  /. :  Prat  me  —  ^  c.  en:  flors  —  *  /.: liuerns  —  *  /.:  Quel 
—  *  c.  en:  Fanqer  —  t  /.  :  on  plus  —  *  c.  en  :  traia  —  •  /.  :  enuei  — 
*•  /.:  dol  et  esmai  —  "  c.  en  :  ser  ia 


32B 


LE  CHANSONNIER   DE   BERNART  AMOROS 


Qe  sobli  es  laissa  chazer 
Per  la  douzor  qal  cor  li  vai 
5  Ai  las  cals  enueia  men  pren 
De  cui  qeu  veia  iauzion 
Merauil  me  ^  car  de  se 
Lo  cor  de  deztrer  ^  nô  fen.  ^ 
IL  Ailaz  tant  cudaua  saber 
Damor  eran  *  petit  en  fai  ^ 
Car  eu  damar  nom  puesc 

[tener 

Cela  don  ia  pron  non  aurai 

5  Tout   ma  mon  cor  e  tout 

[mal  sen 
E  si  meteis  e  tôt  lo  mon 
E  can  fun  ^  tolc  nom  laiset 

[ren 
Mas  dezirer  e  cor  uolon. 

III.  De  las  donnas  mi  desesper 
Jamais  en  lor  nom  fizarai 
Caissi  con  las  sueil  mainte- 

[nir 
Tôt  aissi  las  desmanterai 
5  Pos  vei  qe  nuilha  pro  nom  te 
Vas  lieis  qe  mauci  en  '  con- 

[fon 
Totas  las  dopt  e  las  mescre 
Qe  ben  sai  catretals  si  son. 

IV.  Ane  non  agui  de  mon  poder 
Ni  no  fui  mieus  de  pueis  en 

[sai 
Qem  laizet  en  sos  oils  vezer 
En  un  mirail.  qe  moût  mi 

[plai 

5  Mirails.  pos  mi  mirei  en  te 

Ma  8  mortli  suspir  de  preon 

Caissim  perdei  com  perdet 

[se 

Lo  bels  narcilis^  en  la  fon. 

V.  Daisso  fai  ben  femna  parer 


Ma  donna  per  qieli  lo  retrai 
Car  so  vol  qe  non  deu  voler 
E  so  com  li  deueda  fai 
5  Cazutz  sui  en  mala  merce 
Et  ai  ben  fag  con  fols  el 

[pen  *o 
E  no  fai  "  per  qe  mesdeae 
Mas  car  truep  pugei  con- 

tramon. 
Vl.  Qî.  92),  Pos  a  mi  donz  nom 

[pot  valer 
Precs  ni  merces  nil  dregtz 

[qieu  ai 
Ni  a  lieis  nom  ven  a  plazer 
Qieu  lam  iamais  non  ho  di- 

[rai 

5  Aissim  part  de  leis  en  *•  recre 

Mort  ma  e  per  mort  li  res- 

[pon 
E  uauc  men  pos  il  nom  rete 
Chazutz  en  essil  non  sai  on. 

71 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr.  70,  31) 

I.  Non  es  merauilha  sieu  chan 
Miels  de  mil  '^  autre  chan- 

[tador 

Qe  plus  ai  lo  cor  vas  amor 
E   miels  sui  fagz  al  sieu 

[coman 
5  Cor  e  cors  e  saber  e  sen 
E  force  poder  i  ai  mes 
Sim  tira  vas  amor  le  fres 
Qen  ren  als  mos  cors  non 

[saten. 
II.  Ben  es  mortz  qi  damor  non 

[sen 


1  l.  :  Merauillas  mai  —  *  /.  :  dezirer  —  3  /.  :  fon  —  *  /.  :  e  tan  *  /.  : 
sai—  «  c.  en  :  sim  —  '  /.:  cm  —  •  /.:  Man  —  •  /,;  Narcisus  —  lo  /.  :  pon 
—  "  c.  en:  sai  —  12  /.:  em  —  **  c,  en  :  nuil 


LE  CHANSONNIER  DE    BERNART  AMOROS 


829 


Al  cor  calqe  dousa  sabor 

E  qe  val  viures  senz  amor 

Ma  per  enueg  far  a  la  gen 

5  Ja  domidieus   non  mazit' 

[tant 

Qieu  ia  pueis  viua  iom  ni 

[mes 

Pos  ieu  de  miei  '  serai  re- 

[pres 

Ë  damor  non  airai  ^  talan. 

III.  Perbona  fe  e  ses  enian 
Am  la  plu  bell  e  la  meil- 

[hor 
Del  cor  suspir  e  del    oils 

[plor 
Mas  truep  lam  *  per  qei  ai 

[dan 
5  Eu  nO  pueis  mais  samor  ma 

[près 
E  la  carceren  qil  ma  mes 
Non  pot  clans  obrir  mas 

[merces 
E  daqella  non  truep  men  s. 

IV.  Cant  eu  la  veibemmes  par- 

[uen 
Als  ois  al  vis  a  la  color 
Catressi  trembli  de  paor 
Confaf  lafueilha  contra  el 

[ven 

5  Non  ai  de  sen  per  un  enfan 

Aissi  sui  damor  entrepres 

E  domen  caissi  es  sorpres 

Pod  om  auer  almoma  gran. 

V.  Bona  donna  ren  nous   de- 

[man 
Mas  quem  prendatz  a  ser- 

[uidor 
Seruirai  vos   con  bon  se- 

[gnior 
Calque  sial  guizardonam 


5  Veus  mal  vostre  comanda- 

[men 
Francs  cors  gentils  humils 

[certes 
Ors  ni  leons  non  es  vos  ges 
Qe  maucizatzsa  vos  mi  ren. 

VI.  Aqesta  amors  me  fer  tan 

[gen 
Al  cor  duna  douza  sabor 
Cent  vez  muert  *  lo  iom  de 

[dolor 
E  reuiu  de  iois  autras  cen 
5'  Ben  es  mos   mais   de  bel 

[semblan 
Qe  mais  val  mos  mais  cau- 

[tre  bes 
E  pos  lo  mais  autam  bos 

[mes 
Bons  mes   le    bens  après 

[lafan. 

VII.  Ai  dieus  caissi  fosson  trian 
lÀ  fais  drut  dels  finz  ama- 

[dors 
E  lauzengier  e  trichador 
Portesson    corns    el  front 

[deran  ' 
5  Tôt  laur  del  mon  e  tôt  lar- 

[gen 
Volgrauer  *  dat  sieu  lagues 
Sol  qe  ma  dOna  conogues 
Aissi  con  eu  lam  finamen. 

72 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 

(B.  Gr.  70,  16) 

I.    {p.  93)  Conortz  era  fai  ^  ieu 

[be 
Ne  ^®  ges  de  me  non  pen- 

[satz 


1  /.  .•  mazir  —  s  /.  :  denuei—  '  /.:  aurai—*  /.:  lam  eu  —  *  c.  en,:  nien 
—  •  /.  :  muerc  —  '  c,  en:  deian,  /.  :  denan  —  •  /. :  ï uolgr  —  *  c,  en: 
Bai  —  !•  ;.:  Que  22 


330 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Pos  salutz  ni  amistatz 
Ni  messatgiers  non  men  ue 
5  Truep  tug^   cai  fag   lonc 

[aten 
Et  es     ben     semblanz  oi- 

[mai 
Qieu  chanso  cautrui  *  pren 
Pos  no  men  ven  auentura. 

II.  Mon  conort  cant  mi  soue 
Con  fui   gent  per  vos  on- 

[ratz 
E  car  vos  mi  oblidatz 
Per  un  pauc  no  muer  de  se 
5  Qieu    mezeis    vauc    enqe- 

[ren 
Qem  mis  de  foudatz  em- 

[plai 
Qe  ia  mi  donz  sobrepren 
De  la  mia  forfachura. 

III.  leu  lencolpei  de  tal  re 
Dont  me  degra  saber  grat 
Qe  fe  qieu  dei  aluemjatz 
Tôt  o  fez  per  bona  fe 

5  E  sieu  en  amor  mespren 
Tort  a  qi  colpa  men  da  ' 
Car  qi  en  amor  qer  sen 
El  non  a  sen  ni  mesura. 

IV.  Per  ma  colpa  mesdeue 
E  ia  non  sia  priuatz 

Qe  vaz  leiz  no  sui  tornatz 
Per  fondât  qe  mi  rete 
5  Tant  ai  estât  loniamen 
Qe  de  vergoinha  quieu  ai 
Non  ans  auer  ardimen 
Lai  an  sil  nom  asegura. 
V.  Tant  er  gent  seruitz  per  me 
Sos  durs  cors  fels  et  iratz 
Tro  sia  totz  adousatz 
Ab  bel  s  digz  et  ab  merce 
5  Qieu  ai  ben  trobat  legen 


Qe  gota  daiga  cant  chai 
Fer  en  un  luec  tan  souen 
Tro  caua  la  peira  dura. 
YI.  Qi  ben  remira  e  ue 
Oils  e  gole  front  e  faz 
Caissi  ies  fina  beutatz 
Remais  *  ni  meins  noi  coue 
5  Cors  lonc  dreig  e  couinent 
Gen  afiblan  coind  e  gai 
Hom  non  la  lauza  tan  gen 
Com  la  saup  formar  natura. 

73 

BERNARTZ  DE  VENTADOR 
(=  B.  Gp.  70,  25) 

I.  Lant  cant  vei  la  fueilha 
Jus.  dels  arbres  chazer 
Cui  qe  peza  ni  dueilha 
A  mi  deu  bon  saber 

5  Non  crezatz  qez  eu^^  vueilba 
Flor  ni  fueilha  vezer 
Pos  vas  me  sorgoilha 
Cil  qeu  plus  veil  auer 
Cor  ai  qeu  men  tueilha 

10  Ë  non  ai  ges  poder 
Cades  cug  ma  tueilha  * 
On  plus  mi  desesper. 

II.  Estrainha  nouella 
Podes  de  me  auzir 
Cant  ieu  vei  la  bella 
Qem  solia  cuellir 
5  Ela  nom  apella 
Nim  fai  a  se  venir 
Lo  cors  sotz  laulella  "^ 
Me  fai  de  dol  partir 
Dieus  qel  mon  chapdella 

10  Men  don  de  lieis  iauzir 
Qieu  saisim  reuella 


1  /.  :  cug  —  s  /.  :  chas  so  que  a.  —  '  /.  ;  fai  —  ♦  /.  :  Qe  mais  —  *  /.  : 
queu  —  6  /.  :  macueilha  —  '  /.  :  laissella 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


331 


Noi  es  mas  del  morir. 
III.  Non  ai  mai  fizansa 
En  agur  ni  en  sort 
Ma  bona  esperansa 
Ma  contondut  ^  e  mort 

5  Ai  can  long  *  me  lansa 
La  bella  qieu  am  fort 
Can  lî  quer  samansa 
Con  sieu  agues  gran  tort 
Tant  nai  de  pezansa 

10  Qe  totz  men  desconort 
E  non  fas  semblansa 
Cades  chant  e  déport. 
IV.  {p.  94)  Non  fai  •  mais  qe  dire 
Mas  moût  fas  gran  folor 
Qieu  am  e  dezire 
Del  mon  la  bellazor 

5  Ben  fan  aueire  ^ 
Qi  anc  fei  mirador 
Qe  cant  mo  consire 
Non  ai  guerrer  peior 
Qe  la  *  iorn  qes  mire 

10  Ni  penz  de  sa  valor 
Non  serai  iauzire 
De  leis  ni  de  samor. 

V.  Ges  per  drudaria 
Non  lam  car  nom  coue 
Ma  sa  lieis  plazra  ^ 
Qem  fezes  qualqe  be 

5  leu  li  iuraria 
En  dieu  e  ^  ma  fe 
Qel  bez  qem  faria 
Non  fos  saubutz  per  me 
E  son  plazer  sia 

10  Qieu  sui  e  sa  merce 
Cil  plag  qem  aucia 
Qieu  non  men  clam  de  re. 

VI.  Ben  es  dreicz  qes  eu  ^  pla- 

[gnia 


Sieu  pert  per  mon  orgueil 
La  bona  compagnia 
El  solatz  cauer  sueil 
5  Petit  mi  gazaignha 
Le  foils  arditz  qeu  cuoil 
Pos  vas  me  sestraignha 
Cella  qeu  am  e  vueil 
Orgueill  dieus  afrainha 
10  Qaram  ploron  miei  oili 
Dreigz   es  qem  sofraignha 
Jois  qieu  meteis  lom  tueil. 

74 

RERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr.  70,  44) 

I.  Tant  ai  mon  cor  plen  de 

[ioia 
Tôt  meis  de  natura 
Flors    blancha    vermeill  e 

[groia 
Me  sembla  freidura 
5  A  lo  uent  et  a  la  plueia 
Mi  ven  auentura 
Per   qe  mos   pretz  mont  e 

[pueja 
E  mos  chanz  meillura 
Tant  ai  al  cor  damor 
10  De  ioi  e  de  douzor 

Qe  le  gels  me  sembla  flor. 
E  las  neus  verdura. 
11.  Anar  puesc  senz  vestidura 
Nutz  e  ma  camisa 
Pos  fin  amors  masegura 
De  la  freida  biza 
5  Mas  totz  hom  se  desmesura 
Qi  nos  ren  ^  de  guiza 
Per  qeu  na*®  prez  de  mi  cura 
Pos  lagui  enquiza 


^  e,  en:  confondut  —  *  c.  en  :  lonc  —  ^  c.  en  :  sai  —  *  c.  en  :  fari 
aueire  —  *  /. :  ia  —  ^  c.  en: plazia  —  '  /.  :  e  per  —  •  /.  :  qeu  —  »  /.  : 
ten  —  10  /.:  nai 


332 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


La  plus  bella  damor 
10  Don  aien  ^  gran  honor 
Senes  lieis  ab  ma  ricor 
Non  volgraaer  fnza. 

III.  De  samistat  mi  reisa  ^ 

Mais  eu  uai ^ 

^  conqisa 

La  bella  semblansa 

5  Et  ai  en  a  ma  deuiza 
Tant  *  benananza 
Qe  ia  iom  qieu  laia  viza 
Non  aurai  pesanza 
Lo  cor  ai  plen  damor 
10  Qe  lesperit  el  cor 
El  cors  es  sai  ^  aillor 
Loing  de  lieis  e  franza. 

IV.  leu  nai  ^  bon  esperanza 
Mas  petit  maonda 
Catressi  fui  ^  emblanza  ^ 
Con  la  naus  en  londa 

5  Delmalpensqemdesenanza 
N5  sai  on  mesconda 
Tota  nueg  me  vir  em  lansa 
Desobre  lesponda 
Peigz  trai  pena  damor 

10  De  tristan  lamador 
Qi  suffri  mainta  dolor 
Per  iseutz  la  blonda. 

V.  Ai  deus  car  semblés  yronda 
Qe  voles  per  laire 
E  uengues  de  nueg  prionda 
Ins  en  son  repaire 

5  La  bella ^®  donna  iauzionda 
Vostre  fiz  amaire 
A  paor  qel  cors  noil  fonda 
Sai  fil  "  dura  gaire 
Donna  vas  vostre  amour 


10  Jong  mas  mans  e  ador 
Gentz  cors  ab  fresca  color 
Grant  mal  me  faitz  traire. 

VI .  (p,  95)  El  mon  non  a  noil 

[afaire 
Don  ieu  tant  consire 
Ni  cant  cug  de  lieis  retraire 
Qe  de  ioi  nom  uire 
5  E  mos  semblantz  non  ses- 
Gui  qe  lauja  dire        [claire 
Si  cades  mi  es  vejaire 
Cai  talan  de  rire 
Talan  '^  de  bon  amor 

10  Qe  maintas  ves  em  plor 
Pero  qe  meilhor  sabor 
Men  an  ^^  suspire. 

75 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=B.  Gr.  70,12) 

1.  Be  mon**  perdut  en  lai  ves 

[ventador 
Tuit  mei  amie  pos  ma  donna 

[nomama 
E  non  es  dreigz  qe   eu  ia- 

[mais  lai  tor 

Qe  truep  estei  ves  mi  sal- 

[uatg  e  grama 

5  Toz  ioms  mi  fai  irat  sem- 

[blant  e  mor 
Car  en  samor  me  deleit  em 

[soior 
E  de  ren  als  vos  ^^  rancura 

[nis  clama. 
11.  Si  con  le  *^  peis  sesiaissa 

[de  caior 


^  c,  en  :  aieu,  /.  :  aten  —  ^  c,  en  :  teisa,  /.  :  men  raisa  —  3  Lacune 
non  indiquée  par  le  copiste;  l.  :  fizanza  —  ♦  /.  :  Que  siuals  eu  nai  —  */.: 
Tan  de  —  •  /.  :  E  lo  cors  estai  —  '  /.  :  nai  la  —  8  c.  en  :  sui  —  •  /.  :  en  ba- 
lanza  —  lo  /.  :  Bella  —  "  c.  en  :  SaisU  —  i^.  :  Tan  lam  —  i3  /.  :  an  li 
*♦(.  ;  man  —  "  c.  en  ;  nos  —  *«  /.  :  lo 


LE  CHANSONNIER   DE   BERNART  AMOROS 


333 


E  non  sap  mot  trut  *  qelcs 

[près  al  ama 

Meslaissei    ieu    de    truep 

[amar.  uniom 

Qieu  non  gardei  si  sien  '  el 

[mei  la  flama 

5  Mart  ^  plus   fort  no    feira 

[fuecs  de  forn 
E  desamor.  nom  paesc  par- 

[tir  un  torn 
Aissim  ten  près  samors  e 

[maliama. 
m.  Non  merauil  de  samor  sim 

[ten  près 

Qe  genzer  cors  non  cré  qel 

[mont  se  mire 

Gais    e    cortes   humils    e 

[francs  e  finz 

E  totz  aitalz  com   ieu  vueil 

[ni  dezire 
5  Non  puesc  dir  mal  de  lieis 

[car  non  i  es 
Qieu  lagra  dig  de   ioî   sieu 

[loi  saupes 
Mas  non  loi  fai.^  perqeu  me 

lais  del  dire. 
IV.  Tost  temps  voirai    sas    ho- 

[nors  e  sos  bes 
Eil    serai  homs  e  amies  e 

[seruire 
Amarai  la  cui  qe  plaiz  o  cui 

[pes 

Com  nom  pot  cor  destrein- 

her  sens  aucire 

5  Non  sai  donna volgueso  non 

[vol  gués 

5 

Mas  totas  res  pot  hom  mal 

[escriuire* 


V.  De  las  autras  soi  si  desca- 

[legutz  ^ 
Qe  cals  se  vol  me  pot  vas  se 

[atraire 
Ab  un  couen  qe  nom  sia 

[vendutz 
Lo  bens  nil  gaug  qe  ma  en 

[cor  a  faire 
5  Preiars  sens  prons  aber.ges^ 

[tôt  perdutz 
Per  me  o  die   qieu  en  son 

[coffondutz 
Qe  trait  ma  la  falsa  de  mal- 

laire. 

76 

BERNA  RTZ  DEL  VENTADORN 
(=B.  Gr.  70,21  ) 

1.  Ges  de  chantar  nom   pren 

[talanz 
Tant  me  peza  de   so    qe  vei 
Qe  merces  soli  om  en  granz 
Con  agues  pretz  honor  elau 
5  Mas  era  non  vei  ni  non  au 
Com  parle  de  drudaria 
Per  qe  pretz  e  cortesia 
E  solatz  torn  e  non  chaler. 
IL  Dels  barons  comensalenianz 
Cus  non  ama  de  bona  fe 
Per  '  son  sec  als  autres   le 

[danz 

E  negushom  de  lur  nos  iau 

5  Ni  amors  non  reman  per  au 

Car  ben  Ieu  tais  amaria 

Qi  sen  ten   qar  nos   sabria 

A  guisa  damor  captener. 

IlL  {p.  96)  Per  ren  non  es  hom 

[tan  presentz 


i  c.  en:  true  —  *  c.  en  :  fui  —  ^  l,  :  Que  mart  —  *  /.  :  sai  —  *  Lacune 
non  indiquée  par  le  copiste,  *^  ^  /.:  h.  em.  escrire  —  ^  L:  descasegutz  — 
^  /.:  sai  ben  es. 


334 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


Com  per  amor  e  per  donmei 
Qe    daqi  mueu  deportz  e 

[chantz 

E  tôt  canta  pretz  rie  cabau 

5  Nola  homs  aenz  amour  ren 

[non  van 
Perqieu  non  vneil  sia  mia 
Del  mon  total  segnioria 
Si  ia  ioi  non  sabiauer. 
IV.  De  mi  donz  mi  laa  cent  ai- 

[tanz 
Qtfieu  ni)n  sai  dir  et  ai  ben 

[drei 
Qe  tant  *  pot  me  fai  bels 

[semblanz 
E  sona  mi  gent  e  suan 
5  Emandet  me  perqieu  mesiaa 
Qe  per  paor  remania 
Car  ela  plus  vom  '  fazîa 
Perqieu  nestau  en   bon  es- 

[per. 
y.  De  tris  '  amor  son  fiz  amantz 
Don  duc  ni  comte  non  enuei 
E  non  es  reis  ni  amirantz 
El  mon  qe  si  nauia  tau 
5  Non  sen  fazes  rie  con  eu  fau 
Ë  si  lauzarla  volia 
Ges  tant  dire  nO  poiria 
De  ben  qe  mais  non  sia  ver. 
VI.  Bona  domna  cueind  e  pre- 

[zanz 
Per  dieu  aias  de  me  merce 
E  ia  nO  voz  ânes  doptanz 
Del  vostr  amie  fin  e  corau 
5  Far  me  podez  e  ben  e  mal 
En  la  vostra  merce  sia 
Qieu  son  gamitz  tota  via 
Com  fassa  tôt  vostreplazer. 


77 

BERNATZ  DEL  VENTADOR 

(=  B.  Gp.  70,6) 

L  Eram  conseilhatz  *  segnior 
Vos  cauetz  saber  e  sen 
Una  domnâ  det  sabor 
Qai  amada  loniamen 

5  Mas  ara  fai  ^  en  vertat 
Qil  ha  altramic  priuat 
Et  anc  de  nuil  compainhon 
Compaignhatan  greus  nom 

[fom  •. 

II.  Cella  vol  ^  amador 

Ma  donma  eu  non  ho  defen 
E  lais  ho  mais  per  paor 
Qe  per  autre  chauzimen 
5  E  sanc  hom  dec   auer  grat 
De  nul  seruizi  forzat 
Ben  dei  auer  gazardon 
len  qe  tant  grant  tort  per- 

[don. 

III.  De  laiga  qieu  dels  oils  plor 
Escriu  salutz  mais  de  cen 
Qieu  tramet  a  la  genzor 
Et  a  la  plus  auinen 

5  Maintas  ves  mespueis  mem- 

[brat 
Lamors  qem  fes  al  comnjat 
Qiel  vi  cubrir  sa  faizon 
E  nom  poc  dir  oc  ni  nô. 

IV.  Li  sieu  bel  oii  traidor 

Qe    mezgardanon  tau  gen 
E  saisi  gardon^  ailhor 
Moût  i  fan  gran  faillimen 
5  Mas  daitan  man  ben  honrat 
Qe  seron  trail  *  aiostat 
Mais  gardon  lai  on  ieu  son 
Qe  a  totz  cels  denuiron. 


*  c.  en  :  cant  —  *c.en:  nom  —  '  c.  en  :  Xsl  —  *  c.  en:  cosseilhatz  — 
*  c.   en  :  sai  —  •  c.  en  :  fon   —   '  /.  ;  vol  autr—  ■  c.  en:  mil] 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNÂRT  AMOROS  335 

Dun  vers  nouel  a  la  freida- 

[ra 


V.  Posvoutz  sonalafolor 
Gen  serai  fols  sieu  non  pren 
Daquetz  dos  mais  lo  menor 
Qe  mais  val  mon  ecien 

5  Auer  en  lieis  la  meitat 
Que  tôt  perdre   per  fondât 
Qe  anc  a  nuil  drut  fellon 
Damar  non  vi  far  son  pron. 

VI.  (p,  97)  Duna   ren  son  en 

[error 
Et  estau  en  pensamen 
Qe  loing  aurei  ma  dolor 
Sieu  aqest  plait  li  cpnsen 
5  E  sieu  li  die  mon  pensar 
Teinh  me  per  deseretat 
Damor  e  ia  dieus  nom  dom 
Pueis  faire  vers  ni  chanzon . 
VIL  Car  sieu  lam  a  desonor 
Esqerns  et  ^  a  tota  gen 
E  tenran  men  li  pluzor 
Per  comut  e  per  sufren 
5  E  saisi  p^rtmamistat 
Veus  mon  dampnatge  doblat 
Cal    qeu  fass  o  cal  qe  non 
Res  no  men  pot  tener  pron. 

78 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.   Gr.  70  13) 

I.  Bem  cuigei  de  chantar  suf- 

[frir 
Josta  sai  '  el  doutz  temps 

[suau 
Mas  er  pos  neguns  no  ses- 

[iau 
E  pretz  e  donar  vei  mûrir 
5  Non  puesc  mudar  non  pren- 

[ga  cura 


Qe  conortz  er  als  autres  en- 

[tre  lor 
E  couen  ben  pos  mi  vai  ben 

[damor 
Caia  meilhor  solatz  a  tota 

[gen. 
IL  Donna  vas  calqe  part  em  ' 

[vir 
Ab  vos  remainh   et  ab  vos 

[vau 
E  sapchas  qe  de  vos  me  lau 
Assatz  mais  qieu  non  sai 

[grazir 
5  Ben  conosc  qe  mos  pretz 

[meillura 
Per  la  vostra  bona  ventura 
E   car  vos  plac  qem   fezes 

[tan  donor 
Lo  iom  qem  detz  em  baizan 

[vostra  amor 

Del  plus  sius   platz   pren- 

[netz  esgardemen. 

III.  Amors  aissim  faitz  trassail- 

[lir 
Del  ioi  qeu  ai  nou  *  vei  ni 

[au 

No  sai  qe  en  die  ni  qe  fau 

Cen  vez  entreblit  ^  pel  consir 

5  Qieu  degrauer  sen  •  e  mesu- 

[ra 
Si  mai  adoncs  mas  pauc  mi 

[dura 
Tal  redirem  ^  toma  iois  en 

[error 
Pero  ben  fai  *  qe  cent  ves 

[es  damor 
Gom  cama  ben.  non  a  gaire 

[de  sen. 


U.:  er  —  ^cen:  sui,  L  :  Josca  sai  —  «  /.  :  qem  —  *  c.  en  :  non  — 
*  /.  :  mentroblit  —  «  c.  er»  :  cen  —  M.  :  Calreduirem  —  •  c.  en  :  sai 


336     LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


IV.  Greu  eu  sabrai  mon  meils 

[chanzir 
Si  fas  ^  bellas  faissos  men- 

[taa 
Qe  ren  mos  lauzors  nom 

[abau 

A  sa  gran  beutat  eissernir 

5  Res  mais  no  men   desase- 

[gura 
Pos  tant  es   douz  e  fin  e 

[pura 
Grant  paor  ai  cazesmes  sa 

[valor 
E  lauzengier  volon  mon  dan 

[damor 
E  dirai  len  moût  lieu  azira- 

[men. 

V.  Doncs  li  deurieu  ben  seruir 
Pos    vei   qe  ten  »   guerra 

[nom  val 
Qe  sap  lauzëgiers  en  anc  « 

[mal 
Greu  me  poiria  damour  jau- 

[zir 
5  Per  lieis  es  razos  e  mezura 
Qieu  serua  tota  creatura 
Neus   lenemic  deu  appellar 

[segnior 

Cab  gent  parlar  conqier  hom 

[miels  damour 

Tôt  lo  peior.  ad  obs  de  ben 

[volen. 
VI.  Amours   cil  qe  vos  ♦  volon 

[delir 
Son  enoios  e  desleiau 
E  sius  deschanton  men  qe 

[eau 
Nols  pot  hom  miels  envi- 

[lanir 
5  Ben  conosc  a  lur  parladura 


Qilteinhon  '  mal  contra  na- 

[tura 
Ast  *  an  perdut  uergoinha 

[e  paor 
Partit  de  dieu  tôt  pel  sor- 

[dei  damor 
E  eu  soi  fais  si  mais  ab  lur 

[conten. 

79 

BERNARTZ  DE  VENTADORN 
(=  B.  Gr.  70,  37) 

1.  (p.  98)  Cant  la  douza  aura 

[venna  ^ 
De  ves  nostre  pais 
Mes  veiaire  qieu  senta 
Un  vent  de  paradis 
5  Per  amor  de  la  genta 
Ves  cui  eu  son  aclis 
On  ai  meza  mentenda 
E  mon  corag  assis 
De  tôt  autram  partis 
10  Per  lieis  tant  matalenta. 
II.  Sol  lo  iois  qem  prezenta 
Siei  bel  oil  e  clars  vis 
Qe  *  plus  non  consenta 
Me  degrauer  conqis 
5  Non  sai  per  qieu  vous  men- 

[ta 
Qe  de  ren  non  fon  fis 
Mas  grieu  es  qem  repenta 
Qe  una  vez  me  diz 
Qel  pros  hom  safortis 
10  El  maluatz  sespauenta. 
m.  De  donnas  mes  veiaire 
Qe  gran  faillimen  fan 
Pero  car  non  son  gaire 
Amat  si  »  fin  aman 
5  Mas  eu  non  auz  retraire 


»  c.  en  :  sas  -  2  /.:  ren  -  3  /.:  estauc  -  *./.;  c.  qeus  -  W.  :  reinhon 
c.  en  :  Clst  —  »  c.  en:  vente  -r  •  /.:  Qe  ia  —  »  /.:  li 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNART  AMOROS 


387 


Mas  80  qellasvolran 
Qieu  sai  ben  eus  trîchaire 
Ha  damor  abnejâ^ 
0  plus  o  quatre  tanz 
10  Con  sera^fiz  amaire. 
IV.  Domna  qe  cuias  faire 
De  me  qe  vos  am  tan 
Per  qem  faitz  tan  maltraire 
Ni  mûrir  de  talan 
5  Ai  franche  debonaire 
Fazes  mun  bel  semblan 
Tal  don  mos  cors  sesclaire 
Qe  pen  e  maltrai  gran 
Ë  noi  dei  auer  dan 
10  Qieu  no  men  puesc  estraire. 

80 

BERNARD  DEL  VENTADOR 
(=B.  Gp.  70,  39) 

I.  Gan  lerbes  vertz  e  fueilla 

[par 
E  flors.  botonon  pel  uerian 
El  rossigniols  aut^  e  clar 
Leua  sa  uotz  e  mou  son 

[chan 
5  Joi  ai  de  lieis  e  ioi  ai  de  la 

[flor 
Joi  ai  de  me  e  de  mi  donz 

[maior 

Dans   totas  partz  fui^   de 

[ioi  claus  e  senz 

Mas  il  es  lois  que  totz  au- 

[tres  iois  venz. 

H.  Tant  am  mi  donz  e  la  teinh 

[car 
E  tan  la  dopt  e  la  reblan 
Qeiesdemenon  laus  preiar 
Ni  ren  noil  die  ni  ren  noil  man 


5  Pero  ben  sap  mon  mal  e  ma 

[dolor 
E  can  li  platz  fai  me  ben  e 

[honor 

Ë    car  noil   platz   suffrirai 

[men  almeinz 

Ga  ^  ieu  non  vueil  ca  lieis 

[sia  blasteinz. 

III.  Ben  la  volgra  sola  trobar 
Qe  durmis  on  fezes  semblan 
Adoncs    vemblet*  un  douz 

[baizar 
Pos  ren  non   uail  qeu  loil 

[deman 
5  Per   dieu  donna  pauc  es- 

[pleitan.  damor 

Pos  vai  "^  sen  le  temps  e 

[perdem  lo  melhor 

Parlar  pogran   ab   cubertz 

[antreseinhz 

E  pos  nom  val  arditz  val- 

[gues  mengienz. 

IV.  Sieusaupes  la  gent  enchan- 
Miei  enemic  fora,  enfan  [tar 
Qe  ia  nuls  non  saupra  pen- 

[sar 
Ni  dir  ren  qem  vengues  a 

[dan 
5  (p,  PP.)  Adoncs  veu*  remi- 

[rar  la  genzor 
Son  cortes  cors  et  sa  fresca 

[color 
Eil  baizeralabocha  a  blans 

[dens 
Si  qe  dos  mes  i  puegra  ^  lo 

[seinz. 

V.  Ben  deuriom  dona  blasmar 

Gan  truep  vai  son  amie  tar- 

[zan 


1  /.  :  ab  enjan  —  ^  c.  en:  fera  —  *  /.  :  autet  -^  *  c.  en 
Car  —  •  c.  en  :  liemblet  —  '  /.  :  Vai  —  *  c,  en  :  ireu 
gra 


sui  —  ^  /.  : 
•  /.  :  pare- 


338  LE  CHANSONNIER  DK 

Qe  longaa  paraola  damar 
Es  granz  enueiz  et  par  des- 

[man  ' 
5  Qamar  pot  on  e  fair  semb- 

[lan  ailhor 
E  gent  menar  '.  lai  on  non 

[es  autor 
Bona  douma  al  sol  clamar' 

[me  deinz  ^ 
Ja  per  mentir  ieu  non  serai 

.  [ateintz. 
VI.  Ailas  com  muer  de  consi- 

[rar 
Qe  maintas  ves  en  consir 

[tan 
Qem  laisera  lairos  emblar 
Qe  ren  non  sabria  qe  fan 
5  Per  dieu  amors  ben  trobatz 

[eissedor 
Ab  paucs  damis  e  sens  au- 

[tre  socor 

Car  una  vez  fan  ^  mi  Jonz 

[nom  destreinbz 

Anz  ^  qieu  foz   de  dezirer 

[esseinhz  '', 
VII.  Merauil  me   con  puesc  du- 

[rar 
Qe  noil  demostre  mon  talan 
Cant  ieu  mi  donz  uei  ni  es- 

[gard 
Li   sieu   bel  oil  tan  ben  li 

[s  tan 

5  Par  pauc  me  teinb  car  en- 

[ues  lieis  non  cor 

Si  feira  ieu  si  non  fos  per 

[paor 

Cane  DO  ui  cors  miels  tail- 

[lat.  ni  enpenz 


BERNA  RT  AMOROS 

Ad  obs.    damar  si    *    tan 
[grieus  nilenz. 

81 

BERNATZ  DEL  VENTADOR 
(B.  Gp.  70,19) 

I.  Estât  ai   con   homs  esper- 

[dutz 
Per  amor  on  lonc  estatge 
E  son  me  tart  aperceubutz 
Qe  fait  auia  folatge 
5  Qe  tôt  mera*  saluatge 
Caisi  fui  de  cban  recresutz 
E  on  ieu  plus  esteia  ^^  mutz 
Mais   feira  de  mon  damp- 

[natge. 
II.  Ga  tal  donna  mera  tendutz" 
Cane  non  amet  de  coratge 
E  eram  son  reconogutz 
Qe  truep    ai  fag   lonc  ba- 

[datge 
5  Mas  ieu  segrai  son  usatge 
De  cui    qem  vueilba    sarai 

[drutz 
E  mandarai  per  tôt  salutz 
Et  aurai  mais  cor  volatge. 
III.  Truanz   u  veil"   esser  per 

[damor'3 

Ca  leis  couen  qieu  aprenda 

E  prec  la  de  son  amador 

Qel  ben  qeil  fara  non  venda 

5  Masmais^^belmes  qen  liais 

[satenda 
Cautra  nam  plus  belle  meil- 

[hor 
Qê  ual  aman  ^^  em  socor 
Ëm  fai  de  samor  emenda. 


*  /.  :  enian  —  M.  :  mentir  —  3  /.  :  ab  s.  camar  -^  *  c.  en  :  teinz  — 
8  /.  :  tan  —  «  /.  :  Abanz  —  '  /.  :  esteinhz  —  «  c.  en  ;  fi,  /:  sia  —  •  /.  • 
mera  ades  —  ^o  /.  :  estera—  ^W.  :  rendutz  -  12  /.  :  t.  vueil  —  "  /. 
samor  —  i*  /.;  Mas  —  1*  /.:  v.  e  maiuda 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNA RT  AMOROS 


339 


IV.  Aqesta  me  fai  tan  donor 
Ca  leis  plazca  mercem  pren- 

[da 
Pero  non  uei  doneiador 
Qe  meils  de  me  sentenda  * 
5  Nom  fassa  far  long  atenda 
Qe  loncs  termes  me  fai  paor 
Qiea  non  uei  maliiaz  dona- 

[dor 
Cab  loncs  termes  nos  de- 

[fenda. 

V.  Donna  pensem  de  marnjar  ' 

Lauzengiers  oui  dieus  con- 

[trainha 
Per  caitan  com  lur  pot  em- 

[blar 
De  ioi  aitan  sen  gazalha 
5  Anz    qe   negunz  hom   sem 

[plaîha 

Pert  3   loncs  temps  nostra 

[amors  durar 

Ëcant  luecs  er  vuillatz  par. 

[lar 
E  cant  luecs  non  er  remai- 

[nha. 
VI.  {p,  100)    Ma    donna  fo    al 

[comensar 

Franch  e  de  bella  compaîha 

Per  qieu  la  deis  *  mais  amar 

Qe  sem  fos  fer  et  estrainha 

5  Dreitz  es  qé  donna  safraï- 

[ha5 
Ves  cellui  qe  a  cor  damar 
Qi   truep  fai  son  amie  tar- 

[zar 
Dreitz  es  qe  iois  li  soffrai- 

[nha. 


82 


BERNARTZ  DEL  VENTADOR 

(=  B.  gr.  m,  7) 

I.  De  lei  on  son*  mei  désir 
Car  sai  qe  cil  non  dezira 
Per  qieu  souen  plainh  e  sus- 

[pir 

Mas  il  non  plain  ni  suspira 

5  Per  so  de  leis  sort  ^  me  ran- 

[cur 
E  es  dreita  ma  rancura 
Qieu  non  penz   dautra  ren 

[ni  cur 

E  il  de  me  non  a  cura. 

H.  E  men  son  tuic  *  aqil  consir 

Don  nulz  fiz  amanz  consira 

E  si  bem  vau  nim  volf  nim 

[vir 
Mos   cors   nos  volf  ni  nos 

[vira 
5  De  lieis  qe  atent  qem  meil- 

[lur 
Qe  tôt  80  qes  vol  meillura 
E  sol  caillors  non  si  peuir  • 
Amors  ab  lieis  non  peiura. 

III.  Totzlos  afanz  qem  fai  sof- 

[frir 
Moût  volontiers  los  suffrira 
Cellâ  deinhes  sol  acullir 
Tan  gen  con  ieu  lacullira 
5  Ja  noil  agra  cor  fais  ni  dur 
Doncs  per  qes*®  il  tan  dura 
Qe  on  pins"  ues  lieis  matur 
Et  il  meinz  ves  me  satura. 

IV.  Si  sagrades  de  mon  seruir 
De  tôt  mo  sen  la  seruira 
Car  daqest  mal  qê  fai  lan- 

[guir 


W.  :  si  entenda  —  «  /.  :  eniannar  —  3  /.  :  Pot—  *  /.  :  dei  eu  —  »  c.  en  : 
sastaîha  —  •  /. :  son  tuit  —  '  /.  ;  fort  —  ^ c.  en:  luit  —  •  /.  ;  peiur  — 
^^  l.:  qe  mes  —  ii  /.:  plus  eu 


34  0  LE  CHANSONNIER  DE 

Sai  ben  qe  pueis  non  lan- 

[goira 
5  Mas  nO  valon  precs  ni  con- 

[iur 
B  si  mercea  noil  coniura 
Tant  cum  pauc  ues  me  sa- 

[dreitur 

[Non  aura  de  me  dreitara]. 

V.  Non  pues  mudar  cades  non 

[tir 
Lai  on  mos  malz  aiz  me  tira 
Car  tôt  mon   cor  ma  fag 

[partir 
De  lai  don  ia  nom  partira 
5  Sil  seu  esgart  doucet  e  pur 
Qim  fai  cnidar.  qil  es  pura 
Mi  disses  so  qem  fos  segnr 
De  leis  qe  nom  assegura. 

83 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr.  124.  1) 

L  Ab  lo  douz  temps  qes  re- 

[nouella 
Vueil  faire  nouella  chanzon 
Camors  nouella  men  somon 
Dun  nouel  ioi  qi  me  capdela 
5  E  daqest  ioi  autre  iois  nais 
E   sien  non  lai  non  potrai 

[mais 
Mas  ades  ador  e  soplei 
A  leis  oui  am  de  cor  e  uei. 
IL  Tant  mi   par   mesperanza 

[bella 
Qe  bem  valvna  reneson  ^ 
E  pueis   espers   mi  fai  tal 

[pron 
Ben  serai  ries  si  ia  mapella 


BERNART  ÂMOROS 

5  Nim  diz  bêla  douz  amies 

[verais 
Ben  vueil  qe  per  me  sias 


E  ia  nous  vir  per  noil  esfrei 
Vostre   fiz   cors,  del  mien 

[domnei. 

III.  (p,  î01)Ar  BÏ  dig 80 qem  pla- 

[zeria 
E  sai  qe  nos  pot  anenir 
Qe  donna  non  diz  son  désir 
Anz  cela  plus  so  que  uolria 
5  De  son  amie  cel  vol  onrar 
E  fai  sades  plus  a  pregar 
On  plus  la  destreinh  sos  ta- 

[lantz 
Mas  ben  val  dir  le  bels  sem- 

[blantz. 

IV.  Qui  2  ren  sap  de  drudaria 
Leu  pot  conoisser  e  chaazir 
Qeil  sembla  ^  el  douz  sous- 

•     [Pir 
No  son  messatge  de  fadia 

5  Mas  talant  ha  de  fadiar 
Qi  zo  qe  ten  vol  demandar 
Per    qeu    conseil   als  finz 

[amantz 
Qen    prendent    fasson   lar 

[demantz. 

V * 

Car  ieu  ai  dig  qe  fiz  amies 
I  fai  moût  qe  pros  e  qe  ries 
Si    can   pot  de   si  donz  sa 

[pana 
5  Mas  noi  cug  far  negun  or- 

[gueil 
Se  la  ren  qe  plus  am  e  uueil 
Bai  et  abratz  e  vueil  saber 
Sil  plai  qieu  aia  nul  plazer. 


î  /.  :  teneson  —  *  /.  :  E  qui  —  3  /.  ..  q.  bel  semblan  —  *  Lacune  non 
indiquée  par  le  copiste. 


LE  CHANSONNIER  DE  BERNA  RT  AMOROS 


34  1 


VI.  Lai  on  es  proeza  certana 
Ves  salue  ren  *  e  not  tries 
ChanzoB.  qel   segniers   ter 

[abrics 
Contra  la  fola  gent  vilana 
5  Els  dus  fraires  de  rocafueil 
En  cui  pretz  e  iouentz  sa- 

[cueil 
Sapchas  a  tos  obs  retener 
Si  vols  en  bona  cort  chaber. 

84 

BERNART  DEL  UENTADORN 
(=  B.  Gr.  124,  2) 

I.  Amors  menuida  ê  somon 

Quieu  chant  e  '  fassa  saber 

Consim  ten  amors  em  poder 

0  si  mes  truep  mala  o  non 

5  E  pos  vei  qe  sil  men  apella 

Kil  sazos  cades  renouella 

Ben  es  dreitz  qen  chantan 

[retraia 

Cosim  conorta  e  mapaia 

Us  iois  qi  ses  e  mon  cor  mes 

10  Per  bon  respeit  qe  ma  con- 

[qes. 

II.  De  totz  los  bes  qen  amour 

[son 
Ai  eu  ara  qalqe  plazer 

Car  ieu  ai  mes  tôt  monesper 

Mon  pensar  e  mentencion 

5  En  amar   domna   coind    e 

[bella 

E  soi  amatz  duna  puicella 

E  can  truep  sodadeira  gaia 

Deportemi  cossi  qem  plaia 

E  per  tant  non  son  meinz 

[après 

^  c,  en:  ten,  /.  :  ten  vai  —  *  J. :  e  qe  - 
—  »  /.  :  iaia  —  «  c.  en  :  Un  —  '  /.  :  dos 


10  Ad  amor  si  la  part  en  très. 

m.  Amors  vol  ben  qe  per  rason 

Ieu  am  mi  donz  per  mais 

[valer 
Et  am  puicella  per  tener 
E  sobre  tôt  qem  sia  ben  ^ 
5  Sap  toseta  de  prima  cella 
Cant  es  frescheta  e  nouella 
Dont  non  cal  temer.  qe  iam 

[traia 
Maiz  me  ^  tant  qe  ab  leis 

[Iaia  5 
Am^  ser  o  des.  '  de  mes  e 

[mes 

10  Per  pagar  ad  amor  lo  ces. 

IV.  Non   sap  de  donei  pauc  ni 

[pron 
Qui  del  tôt  uol  si  donz  auer 
Non  es  domneis  pos  torn 

[auer 
Ni  cors  si  ren  *  per  juizar- 

[don 
5  Aian  o  anel  o  cordella 
E  cug  nesser  rei  de  castella 
Pro  es  domneis  damor  ve- 

[raia 
Si  ioias  pren.    e   can   pot 

[baia 
Es  *  soble  plus  tengua  mer- 

[ces 
10  En  thesaur  e  nol  done  ges. 
V.  (jp,  102)  Franca  pucella  de 

[sazon 
Me  plaz  cant  mes  de  bel 

[parer 
Es  nai  ^®  de  iosta  me  sezer 
Can  son  vengutz  en  sa  mai- 

[zon 
5  E  sil  voil  baizar  la  maicella 

—  3  /.:  bon   —  *  L:  Mais   si  mes 
8  c.  en:  ten—»/.:  El—  lo  c. 


en  :  uai 


842  LE  CHANSONNIER  DE 

0  Testreing  un  pauc  la  ma- 

[mella 
Nos  mou  nis  vira,  ni  ses- 

[glaia 
Anz  poinha  com  ves  me  sa- 

[traia 

Trueque^  baizars  en  siapres 

10  El     douz    tocar    de    luec 

[deues. 
VI.  De  soudadeira  coind  e  pro 
Vueil  qê  don  ab  pauc  de 

[qerer 
Tôt  so  camors  vol  a  iazer 
E  nom  faza  plag  ni  tenzon 
5  Dostar  camisa  ni  gonella 
Anz  danzd  segon  qel  viella 
Cel  qe  non  ha  suinh  qe  ses- 

[traia 
De  fare  tôt  iuec  damors  ^ 

[latraia 
E  sil  nauia  mais  après 
10  J  a  del  esseinhar  nos  feizes. 


86 

BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
[=  B.  Gr.  79,  22) 

L  Ja    mos  chantars    no    mer 

[honors 
Encontral  grant  ioi  cai  con- 

[qes 
Cades  magrobs   si  tôt  ses 

[bos 
Mos  chanz  fos  meiller   qe 

[non  es 

5  Aissi  con  lamor  es  sobrana 

Per  î  mos   cors  meillur   e 

[sana 


BERNART  AMOROS 

Deuri  esser  meiller  lo  uerr* 

qeufaz 
E  sobre  totz  e  volgutz  e 

[chantatz. 
II.  Haideus  can  bonafor  amers 
De  do8  amies  sesser  pogues 
Qe  ia  negus  dels  enoios 
Lor  amistat  non  conogues 
5  Gortezia  moites  vilana 
Qar  aqesta  falsa  gent  vana 
Faz    conostre    semblan  ni 

[amistatz 
Car  es  cortes  lo  plus  mal 

[enseignatz. 

III.  Per  merceprec  als  amadors 
Pero  si  *  consir  e  pes 

Del  segle  con  es  enoios 
Ei  tan  *  pauc  ni  a  de  cortes 
5  Qamors  mas  hom  per  tôt  se 

[vana 
Non  es  ^  amors  mas  ufana 
Et  esenuegz  vilani  efoudatz 
Qi  non  garda  cui  de  ^  esser 

[priuatz. 

IV.  Se  tôt  me  '  vergoigne  paors 
Blasmar*  mer  damor  mas 

I  bem  pes 
Qar  aqest  lauzar  nom  es 

[pros 
E  pos  mos  conortz  non  es 

[res 
5  Qeu  vei  qe  mêina  pana  ' 
Cil  qi  nom  vol  esser  humana 
E  qar  non  puesc  auer.  joi 

[ni  solatz 
Chant  e  déport  mil  vetz  qe 

[sui  iratz 
V.  Chauzit  ai  entre  las  meil- 

[lors 


*  /.  :  far  t.  i.  camors  —  M.  :  Per  qe  —  3  /.  :  Gascus  per  se  —  ♦  /.  : 
can  —  B  /.  :  es  ges  —  •  /.  ;  deu  —  î  /.  :  mes  —  «  /.:  Blasmat  —  •  /.: 
qe  de  nienmapana 


LE  CHANSONNIER   DE   BERNA  RT   AMOROS 


S43 


Tôt  lo  miels  qe  anc  dieu  s 

[fezes 
Mas  tant  a  van  cor  e  doptos 
Qera  lai  era  non  lai  ges 
5  Qe  val  aitals  amors  aurana 
Qe  ges  non  pot  una  setmana 
Luns  bo8  amies  ab  laatr 
[estar  em  patz 
Ses  granz  enois  e  ses  ene- 

[mistatz. 
VI.  {p,  103)  Totz  temps  es  iois 

[ir  e  dolors 
E  totz  temps  ira  iois  e  bes 


5  Qi  pert  per  falsa  laus  hu- 

[mana 
Tal  ioi  de  fin  amor  certana 
Qe  qim  mezes  tôt  lo  mon  ad 

[un  latz 
Eu  preiral  ioi  per  oui  sui 

[enganatz. 

VII.  Bella  donna  vostre  secors 
Mauria  mestier  sius  plagues 
Qemoit  mes  mala  la  preizos 
En  qamors  ma  lassât  e  près 

5  Hai    dieus  quan  malament 

[mafana 
Qan  zo  qem  trais  e  mengana 
Me  fai  amar  se  tôt  me  pez 

fom  platz 
Era  sai  ieu  qeu  sui  apode - 

[ratz. 

VIII.  Messatgiers    vai    ten  via 

[plana 
A  mon  romeu  dreitvez  viana 
E  digas  li  qieu  lai  fora  tor- 

[natz 
Si  mos  décor  lagues  salutz 

[mandatz. 


86 


BERNARTZ  DEL  VENTADOR 
(=  B.  Gr.  70,  30) 

I.  Lo  temps  vai  e  ven  es  uire 
Per  iorns  per  mes  e  per  ans 
Et  eu  las  no  sai  qe  dire 
Qades  es  us  mos  talans 

5  Ades  es  us  e  nos  muda 
Qunon  ^  uoil.  e  nai  volguda 
Don  anc    non  agui'  iauzi- 

[men. 
II.  Pois  ella  non  pert  lo  rire 
A  miu  uen  e  dois  e  danz 
Qaital  ioc  ma  fait  assire 
Dont  ai  lo  peior  dos  tanz 

5  E  tais  amors  es  perduda 
Qes  duna  part  mantenguda 
Tro  qem  fai  acordamen. 

III.  Ben  deuri  esser  blasmaire 
De  mi  meteis  per  rason 
Cane  nO  nasqetcel  de  maire 
Qi  tant  seruis  en  perd  on 

5  E  cilla  no  mô  chastia 
Ades  doblarail  folia 
Qe  fols  non  tem  tro  qe  pren. 

IV.  Jamai  non  serai  chantaire 
Ni  de  lescola  ne  blo 

Pos  mos  chantars  nom  val 

[gaire 
Ni  mas  voltas  ni  mei  so 
5  Ni  rë  qeufassa  ni  dia 
Non  conosc  qe  pro  me  sia 
Ni  noi  vei  meilluramen. 
V.  Se  tôt  fas  de  ioi  paruenza 
Molt  ai  dinz  lo  cor  irat 
Qi  viant  ^  mais  penedenza 
Faire  denant  lo  pechat 
5  On  plus  la  prec  plus  mes 

[dura 


'  Lacune  non  indiquée  par  le  copiste,  —  *  /.:  Qunam 

Tianc 


—  M.:  aie—  ♦/.: 


34  4    LE  CHANSONNIER  DE  BERNÂRT  AMOROS 


Mas  si  em  breu  no  meil- 

[lura 
Vengud  er  al  partimen. 
VI.  Pepo  ben  es  qella  venza 
A  tota  sa  volontat 
E  cil  a  tort  o  bistenza 
Ades  naura  pietat 
5  Car  zo  mostra  lescriptura 
Qus  aiz  de  bon  auentura 
Val  us  fol  '  iomz  mais  de 

[ceu. 
VIL  (p,  104)  Ja  nom  partrai  a 

[ma  vida 
Tant  qô  sia  sais  ni  fanz  ^ 
Qe  pos  lay  maner  '  issida 
Balaia  totz  temps  lo   grâz 


5  E  se  tôt  nO  fes  ^  coitada 
Ja  per  me  non  er  blasmada 
Sol  der  ^  adenansesmen. 
VIII. Ai  bona  amor  e  complida 
Cors    ben    faitz    deliatz  e 

[planz 
Ai  fresca  cara*  colorida 
Cui  dieus    formet   de   sas 

[manz 
5  Totz  temps  vos  ai  desirada 
Qe  ren  als  ^  nom  agrada 
Daltra  amor  nO  ai  nien. 
IX.  Dolza  res  ben  ensegnada 
Cel  qiu8  a  tan  gent  formada 
Me  don  cel  ioi  qeu  natcD. 


1  /.:  sols  —  *  c,  en:  sanz  —    ^  L:  larma  ner  -    *  /.  :  ses  —  *  /.  :  des 
—  «  /.  :  cam  —  7  /.  :  res  altra. 


QUELQUES  LETTRES  DUCALES 
DE  LOUIS  XII 

(Paris,  Archives  nationales^  JJ,  233,  234,  235) 

Les  lettres  patentes  données  par  Louis  XII  comme  duc  de 
Milan  sont  encore  bien  loin  d'être  toutes  connues  et  impri- 
mées. La  majeure  partie  s*en  trouve,  sans  doute,  conservée 
dans  les  registres  Ze^^ere  ducali  des  archives  de  Milan,  et  no- 
tamment dans  ceux  désignés  par  les  cotes  et  titres  HR  Dona- 
sioniy  essensioni,  concessioni;  IV,  Lettere  e  concessionidiLodovico 
re  dt  Francia  (1470-1512)  ;  VI,  Concessioni  e  privilégia  dont 
j'ai  publié  précédemment  un  minutieux  dépouillement.  Mais 
il  s'en  faut  que  dans  ces  registres  aient  été  insérées  toutes  les 
lettres  de  Louis  XII.  On  en  trouve  dans  les  registres  JJ  des 
Archives  nationales  de  Paris,  qui  n'existent  pas  dans  les  regis- 
tres parallèles  des  archivesmilanaises.il  pourra  donc  être  utile 
aux  historiens  du  Milanais  que  Ton  mette  sous  leurs  yeux  ces 
divers  textes.  Je  me  bornerai,  quant  à  présent,  à  publier  des 
lettres  patentes  relatives  à  Tépoque  delà  conquête  delà  Lom- 
bardie  par  le  roi  Louis  XII,  et  toutes  dd.tées  des  années  1499 
à  1501. 

Je  n'ai  nullement  la  prétention  de  donner  un  commentaire 
de  ces  lettres, —  commentaire  pour  l'établissement  duquel  plu- 
sieurs des  instruments  de  travail  nécessaires  me  manquent 
aujourd'hui  ;  mais  le  texte  tout  cru  des  documents  est  ce  qu'il 
importe  avant  tout  de  faire  connaître.  Les  lettres  ci-dessous 
sont  relatives  aux  affaires  les  plus  diverses,  et,  par  leur  suite, 
rappellent  la  marche  même  des  événements  au  cours  desquels 
elles  ont  été  données  par  le  roi  victorieux.  Les  premières  dans 
l'ordre  chronologique, —  qui  est  celui  que  je  suis  pour  les  pu- 
blier, —  sont  des  confirmations  de  privilèges  pour  des  éta- 
blissements publics  et  religieux  de  Pavie  :  l'université,  les 
couvents  de  Santa  Maria  délie  Grazie  (la  Chartreuse)  et  de 

28 


346  QUELQUES  LETTRES  DUGÂLES 

SS.  Marco  ed  Aoreliano;  elles  ont  été  données  lors  de  la 
<c  nouvelle  et  première  entrée  »  du  roi  dans  cette  ville,  en  oc- 
tobre 1499.  Mous  savons  qu'il  s'j  arrêta  du  2  au  5  octobre,  et 
qu'il  j  fut  charmé  par  l'accueil  des  habitants,  la  beauté  da 
parc,  et  les  chasses  qu'il  y  fit  avec  le  marquis  de  Mantoue.  — 
Entré  à  Milan,  c'est  par  des  actes  de  clémence  que  le  roi  ma- 
nifesta tout  d'abord  sa  présence  (il  ne  devait  pas  tarder  à 
changer):  il  accorda  des  lettres  de  rémission  à  divers  indivi- 
dus coupables  de  meurtre  ou  d'assassinat  ;  en  voici  deux,  Vune 
en  faveur  d'un  prisonnier,  Giovanni  Antonini  dit  Gacto  (?), 
qu'il  délivre,  l'autre  en  faveur  d'un  a  latitante  »  Gaspare  Pe- 
gro,  qu'il  amnistie.  Dès  ce  moment  (octobre  1499)  va  commen- 
cer la  pluie  des  donations^  privilèges,  concessions  de  toutes 
sortes,  tant  sur  les  Milanais  fauteurs  de  l'expédition,  comme 
les  Trivulce  et  les  Tornielli^  ou  ralliés  à  la  domination  fran- 
çaise, tels  les  Borromeo,  les  Pallavlcini  et  bien  d'autres, 
que  sur  les  Français  ayant  pris  part  à  Texpédition  même  ou 
au  voyage  royal.  Les  registres  de  Milan  sont  pleins  de  privi- 
lèges et  donations  accordés  aux  divers  membres  de  l'illustre 
famille  Trivulce  ;  cependant,  nous  trouvons  dans  le  registre 
JJ.  233  des  lettres  nouvelles  en  faveur  de  Catalan  Triulzi,  de 
Bernardine  et  de  Teodoro  Triulzi  et  de  Barbara  Yisconti. 
Nous  y  trouvons  aussi  des  lettres  que  le  mépris  de  ses  con- 
citoyens pour  celui  qui  en  fut  le  honteux  bénéficiaire  a  sans 
doute  empêché  de  faire  enregistrer  à  Milan,  —  sans  doute  on 
a  craint  un  soulèvement  de  l'opinion  publique  contre  ce  traî- 
tre, —  je  veux  dire  le  dernier  châtelain  de  Porta  Giovia,  le 
Bernardine  da  Corte,  à  qui  Ludovic  Sforza  avait  si  chaleu- 
reusement confié  le  dernier  rempart  de  la  résistance  et  qui, 
d'une  âme  si  lâche,  trahit  sa  confiance.  Son  frère  Jacopo  da 
Corte,  complice  de  la  trahison,  fut  aussi  part  prenante  à  sa 
récompense:  l'un  et  l'autre  devinrent  en  vertu  des  lettres 
patentes  de  Louis  Xll,  propriétaires  d'immeubles  à  Milan. 
Parmi  les  Français,  nombreux  furent  ceux  sur  qui  s'épancha 
la  manne  des  générosités  royales  :  une  lettre  ducale  du  re- 
gistre JJ.  233,  nous  permet  d'y  ajouter  un  Italien  francisé, 
Nicolas  Gaynier,  frère  du  célèbre  médecin  du  roi,  originaire 
de  Pavie,  et  dont  Tinfluence  était  si  grande  sur  son  client 
princier.  Parmi  les  grandes  familles  qui  avaient  servi  Ludo- 


DE  LOUIS  XII  347 

vie  Sforza,  celle  des  San  Severini  eut  alors  une  politique  bien 
personnelle  et  bien  complexe  :  elle  se  trouva  divisée  entre 
Tancien  et  le  nouveau  régime:  cependant  c'est  à  Louis  XII 
qu'elle  finit  par  se  rallier  ;  ici  nous  trouvons  deux  lettres  con- 
cernant l'un  des  San  Severini,  le  comte  de  Gaiazzo,  Tancien 
général  de  Ludovic:  par  Tune,  il  obtient  sa  naturalisation 
comme  sujet  du  roi  de  France  ;  par  l'autre,  il  obtient  des  pri- 
vilèges et  des  concessions.  H  est  à  noter  toutefois  que  Louis 
XII  attendit  plus  d'un  an  (de  mai  1500  à  décembre  1501)  pour 
lui  en  accorder.  Il  se  déûa  toujours  de  Gaiazzo  et  de  ses  frè- 
res, même  de  son  grand écujer:  il  exigeait  de  celui-ci,  six  ans 
plus  tard,  une  déclaration  que  tel  fief  ne  lui  était  concédé 
qu'en  usufruit  et  non  en  propriété  :  l'original  de  cette  décla- 
ration est  aux  archives  nationales.  —  Les  lettres  suivantes 
nous  portent  après  la  soumission  définitive  de  la  Lombardie 
à  la  domination  française  :  les  villes  adhérentes  à  Ludovic 
Sforza  restauré  sont  sévèrement  punies  de  leur  révolte  ;  ce- 
pendant comme  il  n'était  pas  de  l'intérêt  du  roi  de  ruiner  ses 
nouveaux  sujets  ou  d'exciter  parmi  eux  une  haine  durable, 
après  les  menaces  et  les  rigueurs,  il  j  eut  des  accommodements 
et  des  amnisties.  En  juillet  1500,  Louis  XII  donnait  à  Pavie  des 
lettres  d'abolition  et  confirmait  ses  privilèges,  montrant  ainsi 
que  la  part  qu'elle  avait  prise  àla  restauration  sforzesque  était 
oubliée.  —  La  domination  française  est  désormais  établie  d'une 
façon  durable  :  de  nouvelles  confirmations  de  privilèges  sont 
accordées  (ici,  à  l'ordre  de  St-Jean  de  Jérusalem),  de  nouvel- 
les concessions  ou  donations  faites  à  ceux  qui  n'ont  pas  eu 
leur  part  à  la  première  curée  :  c'est  le  tour  des  Pallavicini 
(en  octobre  1500,  avril  et  décembre  1501),  des  capitaines 
ou  gentilshommes  français  de  troisième  plan  ;  le  secrétaire 
de  Trivulce,  Angelo  Sacco,  tire  lui  aussi  son  épingle  du  jeu. 
—  Ces  quelques  lettres  ducales  de  Louis  XII  ajoutent,  on  le 
voit,  plus  de  précision  dans  le  détail  au  tableau  que  j'ai 
tenté  de  tracer  naguère  de  l'établissement  de  la  domination 
française  en  Lombardie. 

Léon-G.  PÉLissiEB. 


348  QUELQUES  LETTRES  DUCALES 


Confirmation  des  privilégos    des  rollgionses  dn  Convent 
de  SS.  Mare  et  Anrélien  de  Pavie. 

[Octobre  1499] 
Archiyes  nationales  JJ,  233,  n*  38 

Ladovicns,  Dei  gracia  Francornm  Sicillie  et  Jhemsalem  Rez,  dax 
Mediolani,  notum  facûnus  nniversis  presentibus  et  futuris  nos  récé- 
pissé hamilem  supplicacionem  dilectarum  nostrarum  in  Christo  ab- 
bâtisse  et  monialinm  monasterii  sanc  torum  Marcie  et  Aoreliani  quod 
nuncapatar  monasterium  senatoris,  ordinis  sancti  Bénédicte  Papie  de 
Observancia,  dicencium  ad  causam  dicti  eorum  monasterii  habere 
plura  privilégia  et  immunitates  ipsis  supplicantibus  per  predeces- 
sores  nostros  duces  Mediolani  concessa  et  concessas,  qu^bns  preteritis 
temporibus  et  continue  use  sunt  et  ntentur  de  presentî,  sed  in  illis 
formidant  turbari  sea  inquietari,  nisi  eadem  per  nos  confîrmentar  ; 
petendo  preterea  qnatenus  predicta  earum  privilégia  et  immunitates 
laudare,  approbare  et  confirmare  juxta  ipsorum  privilegiorumformam 
et  tenorem,  et  super  hiis  graciam  liberalitatemque  et  litteras  nostras 
de  super  concedere,  Nos  vero  supplicacioni  dictarum  abbatisseetmo- 
nialium  supplicancium  tanquam  equitati  et  racioni  consone  bénigne 
annuentes,  aliisque  justis  causis  et  racionibus  moti  ;  ex  nostra  certa 
sciencia  et  de  nostre  plenitudine  potestatis,  maturaque  deliberacione 
super  hoc  prehabi  ta;  omnia  et  singula  privilégia,  immunitates  ipsarum 
supplicancium  laudavimus,  ratifficavimus  et  approbavîmus,  laudamus- 
que  ratiffîcamus  et  approbamus  per  présentes  ;  volumusque  et  conce- 
dimus  ut  quod  ipse  abbatissa  et  moniales  supplicantes  dictis  privile- 
giis  et  libertatibus  utantur  et  gaudeant,  prout  illis  hactenus  riteetrecte 
use  sunt  temporibus  retroactis,  utunturque  de  presenti,  omni  contra- 
dicione  cessante  ;  mandantes  preterea  universis  et  singulis 

Datum  Mediolani  in  mense  octobris,  anno  domini  millésime  cccc^ 
nonagesimo  nono  et  regni  nostri  secundo .  Sic  sigruUum  :  Per  regem 
ducem  Mediolani  in  suo  consilio:  0.  Budé.  Vita  conUntor  :  0.  Budé. 
Collation  faicte  à  Toriginal.  J,  ëra.rt. 


DE   LOUIS  Xll  349 


Gonllrmatloii  des  prlTilèffes  du  Couvent  de  Santa  Maria 

délie  Oraale  près    de  Pavle. 

[Octobre  1499] 

Archives  nationales,  JJ,  233,  n<*  32 

Ladovicus,  Dei  gracia  Francorum,  Sicillie  et  Jherusalem  Rex  Dux 
Mediolani  Papieque  Cornes  i,  etc.  Universis  notum  facimus  quod  nos 
supplicacioni  parte  dilectorum  nostrorum  venerabilium  monacorum 
et  religiosorum  sancte  Marie  de  Gracia  prope  civitatem  nostram 
Papie  ordinis  cartusiensis  ^,  requirentium  privilégia,  concessiones, 
imunitates,  literas,  exempciones,  franchisias,  donaciones  et  prero- 
gativas  eisdem  monasterio,  priori,  mognachiis,  {sic)  bonis  et  personis 
in  eis  expressis  per  illustrissimes  olim  duces  Mediolani,  antecessores 
nostros  et  alios,  tam  pro  dote  quam  pro  fabriqua  ejusdem  ecclesie 
concessas  etindultas  sibi  per  nos  confirmari  et  ubi  opns  sit  de  novo 
concedi  benigniter  incUnati,  presertim  cum  satis  ample  cerciorati  simus 
quanta  fuerit  devocione  f  undatum  ipsum  monasterium  per  illustri- 
mum  condam  Johanem  Galiaz  Vicecomitem,  ducem  Mediolani,  proa- 
vum  nostram,  et  ipsis  privilegiis  et  concessionibus  ab  eodem  et  suc- 
cessoribus  inde  donatum  ;  quorum  pium  animum  atque  institutum,  ut 
eisdem  in  hocdominio  légitime  successimus,ita  circa  preservacionem 
ecclesiarum  et  locorum  religiosorum,  quse  semper  nobis  precipue  cure 
et  veneracioni  fuerunt,  insequi  omnino  volumus:  ex  nostra  certa  scien- 
cia  et  de  potestatis  pienitudine,  matura  magni  consilii  nostri  nobis 
assistantes  deliberacione  prehabita,  ea  omnia  et  singula  privilégia, 
indulta,  concessiones,  libertates,  immunitates  et  cetera,  de  quibus 
supra,  eisdem  monasterio,  priori,  monacis  et  personis  in  eis  expressis  ac 
bonis,  tam  dotis  quam  fabrice,  ejusdem  monasterii,  tam  per  prefatum 
illustrissimum  Johanem  Galiaz  et  ejus  filios,  ducesque  alios,  qui  succes- 

*  On  remarquera  que  dans  Tacte  précédent  Louis  XII  prend  seulement 
le  titre  de  dux  Mediolani,  et  qu'ici  il  y  ajoute  celui  de  Papie  Cornes. 
Nul  doute  que  cette  addition  ait  été  commandée  par  le  désir  de  satis- 
faire le  vieil  esprit  de  jalousie  qui  animait  sans  cesse  Pavie  contre  Milan. 
Ludovic  Sforza  avait  fait  porter  à  son  fils  aîné  le  titre  de  comte  de 
Pavie  et  avait,  tout  à  la  fin  de  son  règne,  obtenu  de  Maximilien  pour 
cet  enfant  le  titre  de  prince  de  Pavie  :  il  ne  fallait  pas  que  le  nouveau 
régime  parût  faire  moins  de  cas  que  l'ancien  des  privilèges  ou  des  désirs 
de  Pavie. 

>  La  Gertosa  di  Pavia. 


350  QUELQUES  LETTRES  DUCALES 

Bvre  domini  status  Mediobuii  et  comîtttns  Papie  qnovismodo  potiti 
sont,  conoessas  et  confinnatas  coneesaaque  et  oonfinnata  ;  atqœ 
rdaidonem  haberi  Tolamns  hamm  sme;  confirmaiima,  ratiffieamns,  el 
approbamos,  et  pio  confinoatis  mt  wupra  ab  omniboa  habeii  debere 
▼olumoB  et  obsenran,  et  qnatenoa  opos  sit  ea  omnia,  modo  preraisso, 
concedimos,  proat  illis  actenns  rite  et  lecte  nsi  et  gavisisunt  Man- 
dantes preterea  oniTeniSy  «.  9.  s. 

Datum  Mediolani,  in  mense  octobris,  anno  domini  milleaimo  cccc** 
nonagesimo  nono,  et  regni  nostri  secundo.  Sic  ngmaJbam:  per  regem 
ducem  Medioanli,  in  suo  consilio  :  Garbot.  Vimi  eontador  :  O.  Badé, 
Collation  ùdcte  à  Toriginal:  J.  Er^&t. 


Ckiallrmaiioii  des  pii-vilèses  antérieurement  eoneédés 

&  r  Université  de  Pavle. 

[Octobre  1499] 
Archives  nationales,  JJ,  233,  n*  3i 

Ludovicus,  Dei  gracia  Francorom,  Sicillie  et  Jherusalem  Rex,  Ddx 
Mediolani  Papieque  cornes,  etc.  Universis  facimas  manifestum  quod 
nossummopere  gaudentes  immanitates  et  privilégia  quibusqae  sub- 
dictis  nostris  induite  continue  preservare  dignum  inprimis  existi- 
mamus,  ut  colegia  doctorum  sint  nobis  in  his  preceteris  commendata  : 
Quippe  que  ab  eis  eorumingeniis  dominia  nostra  plurimum  illustrentur 
et  rébus  status  nostri  totîque  reipublice  optime  consulatur  ;  qaare 
supplicacioni  benedilectorum  fîdelium  nostrorum  doctorum  juristanim 
et  medicorum  sive  artistarum  utriusque  colegii  civitatis  nostre  Papie, 
super  iis  nobis  facte,  benigniter  annuentes  ;  ex  nostra  certa  sciencia 
et  de  potestatis  nostre  plenitudine  matura,  et  magni  consîlii  nostri 
nobiscum  assistantis  deliberacione  prehabita  :  capitula,  statuta,  fran- 
chisias,  immunitates,  exempciones  et  quaecumque  privilégia  eisdem  de 
u troque  colegio  tam  per  illustrissimos  predecessores  nostros  duces 
Mediolani  quam  alios  quoscumque  de temp tores,  concessa,  indulta  et 
confirmata,  ac  omnia  etsingulain  eis  contenta,  confirmamus,  ratifica- 
mus  et  approbamus,  ac  roboris  firmitatem  obtinere  volumus,  et  quate- 
nus  opus  sit,  eisdem  de  novo  concedimus  juxta  illorum  formam  et 
tenorem,  ut  jacent  et  prout  hactenus  illis  rite  et  recte  usi  et  gavisi 
sunt;  et  ulterius  eisdem  liberaliter  et  de  gracia  speciali,  presencium 
teuore,  concedimus  et  indulgemus,  ut  nullus  qui  non  sit  doctoratus  in 
studio  publico  et  in  rigoroso  examine  gaudeat  privilegiis  doctorum  in 
ducatu  nostro  Mediolani   et   comitatu   Papie.  Sic  enim  Reipublice 


DE  LOUIS  XII  351 

commodo  omnino  fieri  volumus.  Mandamus  praaterea  gubernatori.... 
Datum  Mediolani,  in  mense  octobris,  anno  Domini  millesimo  cccc<^ 
nonagesimo  nono  et  regni  nos  tri  secando.  Sic  signatum:  per  Regem 
Mediolani  ducem,  episcopo  Lucionensi,  magistro  Goffrido  Caroli,  in 
curia  parlamenti  Delphinatas  consiliario,  et  aliis  presentibus.  Visa 
contentor:  0.  Budb. 

4 

Lettres  de  rémission  pour  Gaspare   Pegro 

[Octobre  1499] 
Archives  nationales,  JJ,  233,  n°  22 

Loys,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  France,  de  Sicille  et  Jérusalem 
duc  de  Milan.  Sçavoir  faisons  à  tous  présens  et  à  venir  que  nous 
avons  reçu  humble  supplication  de  Gaspart  Pegro,  jeune  gentilhomme 
âgé  de  33  ans  ou  environ,  demeurant  en  notre  ville  et  cité  de  Milan 
contenant  que,  en  Tannée  passée,  ung  nommé  Jacques  Brunel,  qui 
es  toit  plein  de  malice,  paillardie  et  mauvaise  vie,  et  qui  ne  serchoit 
toujours  que  question,  noise  et  débat,  s'adressa  un  jour  audit  sup- 
pliant, et)  sans  qu'il  eût  cause  de  ce  faire,  Toultragea,  par  plusieurs  foy s, 
tant  de  parolles  que  autrement  en  maintes  manières,  et  davantaige 
devant  plusieurs  gens  le  menaça  de  le  tuer,  quelque  part  qu^il  le 
rencontreroit.  A  quoi  ledit  suppliant,  qui  ne  lui  demandait  rien,  ré- 
sistoit  le  mieux  et  le  plus  sagement  qu'il  pouvait.  Mais  ledit  Brunel, 
non  content  de  ce  et  continuant  toujours  en  son  dit  mauvais  voulloir  et 

malice,  le  16^  jour  de  février  dudit  an,  rencontra  en suppliant, 

lequel  il  assaillit  et voulut et  qu'il  est  vraisemblable  à  douster 

en  le  frappant,  et  lui  baillant  plusieurs  coups,  ne  scet  ledit  suppliant  de 
quoy,  pour  ce  qu'il  était  si  pressé  qu'il  n'avait  loisir  de  le  regarder. 
Touteffois  ledit  robe,  suppliant  trouva  que  ledit  Brunel  lui  avait  fait 
plusieurs  pertuis  en  sa  lesquels  sembloient  avoir  esté  faits  d'un  Cous- 
teau. Et  voyant  ledit  suppliant  ainsi  estre  assailli  par  icelluy  Brunel,  et 
le  danger  où  estoit  sa  personne,  tira  ung  pougnal  pour  s'en  defFendre  ; 
duquel,  ainsi  que  ledit  Brunel  le  suivoitet  le  pressait  toujours,  comme 
dit  est,  icelluy  suppliant  en  se  recullant  devant  lui  en  tira  un  coup 
contre  icelluy  Brunel,  et  l'en  frappa  à  la  poitrine;  au  moyen  duquel 
coup  ledit  Brunel  alla  de  vie  à  trespas;  et,  avant  que  trespasser,  reco- 
gneut  et  confessa  qu'il  avait  tort,  et  à  ceste  cause  pardonna  libérale- 
ment sa  mort  audit  suppliant. 

Toutefois,  ledit  suppliant,  redoutant  rigueur  de  justice,  scet  absenté 
de  notre  ville,  pays  et  duché  de  Milan,  auquel  ne  ailleurs  en  notre 
royaume  il  n'oserait  jamais  seurement  converser  ne  demeurer,  se  nos 


352  QUELQUES  LETTRES  DUCALES 

grâce  et  miséricorde  ne  lui  estoient  sur  ce  imparties,  en  nous  humble- 
ment requérant  que,  attendu  ce  que  dit  est  et  mesmement  que  ledit 
suppliant  a  fait  et  commis  ledit  cas  en  soy  deffendant,  et  que  le 
deffunt  a  été  agresseur,  et  aussi  que  icelluy  suppliant  a  toujours  esté 
de  bonne  vie  et  honneste  conversacion,  sans  jamais  avoir  été  attainct 
ne  convaincu  d'aucun  autre  vilain  cas,  blasme  ou  repronche,  lui  im- 
partir sur  ce  nos  grâce  et  miséricorde. 

Pourquoy  nous,  ces  choses  considérées,  voulant  miséricorde  préférer 
à  rigueur  de  justice,  audit  suppliant  avons  tenu,  quitté  et  pardonné,  et 
par  la  teneur  de  ces  présentes,  de  grâce  espéciale  et  pleine  puissance 
et  auctorité  royale,  remettons,  quictons  et  pardonnons  le  fait  et  cas 
dessus  dit,  avec  toute  peine,  offense  et  amende  corporelle,  criminelle  et 
civille,  en  quoy,  pour  occasion  dicelluy  cas,  il  pourroit  estre  encouru 
envers  nous  et  justice  ;  en  mectant  au  néant  tout  adjournement 
appeaulz,  ban  et  defifaulx,  s'aucuns  sont  ou  estoieutpour  ce  contre  lui 
ensuiz  ;  et  l'avons  restitué  et  restituons  à  sa  bonne  famé  et  renom- 
mée, au  pays  et  à  ses  biens  non  confisqués;  satisfaction  faite  à  partie 
civilement,  tant  seuUement  si  faicte  n'est  ;  et  quant  à  ce,  imposons 
silence  perpétuel  à  notre  procureur  commis  et  à  tous  nos  autres  jus- 
ticiers et  à  leurs  lieutenants  présens  et  à  venir,  et  à  chacun  d'eus 
si  comme  à  lui  appartiendra,  que  de  nos  grâce,  quittance,  par- 
don et  rémission,  ils  facent,  souffrent  et  laissent  à  toujours  ledit  sup- 
pliant joir  et  user  plainement  et  paisiblement,  sans  lui  faire  ou  donner 
ne  souffrir  estre  fait  ou  donné  aucun  destourbier  ou  empeschement 
au  contraire  en  aucune  manière  ;  ains,  se  son  corps  ou  aucun  de  ses 
biens  sont  ou  estoicnt  pour  ce  prins,  saisis,  arrestés,  ou  autrement  em- 
peschés,les  lui  mectent  ou  fassent  mettre  bientost  sans  délay  à  pleine 
délivrance.  Car  tel  est  notre  plaisir.  Et  afin  que  ce  soit  chose  ferme  et 
estable  à  toujours,  nous  avons  fait  mettre  notre  scel  à  cesdites  pré- 
sentes, sauf  en  autres  choses  notre  droit  et  l'autrui  en  toutes. 

Donné  à  Milan  au  mois  d'octobre,  l'an  de  grâce  1499,  et  de  notre 
règne  le  Becond,  Ainsi  signé:  Par  le  roy,  duc  de  Milan,  en  son  conseil  : 
Barbot  ;  Visa  contentor  :  0.  Budk. 


Lettres  de  rémission  pour  Jehan  Antoine,  alias  Gacto 

[Octobre  1499] 

Archives  nationales,  JJ,  233,  n'»  25 

Loys,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France,  de  Sicille  etJhérusalem, 
duc  de  Milan.  Savoir  faisons  à  tous  présens  et  à  venir,  nous  avoir 


1 


DE    LOUIS  XII  353 

receue  humble  supplicacion  de  Jehan  Anthouine  alias  Gacto,  mais- 
tre  consturier  juré  de  la  cité  de  Pavje,  aagé  de  vingt  quatre  ans  ou 
environ,  chargé  de  femme  et  enfans,  contenant  que:  le  premier  jour  de 
septembre  dernier  passé,  le  dict  suppliant,  estant  au  marché  auquel 
Ton  aaeoustumé  de  vendre  et  distribuer  le  sel  gabelle,  avec  plusieurs 
autres,  vit  et  apparceut  illec  ung  nommé  feu  Jehan  Jaques  de  Be- 
cherie  S  dudict  lieu  de  Pavie,  lequel  avait  essayé  et  essayoit  à  desro- 
ber  dicelluy  sel,  et  pour  ce  que  le  dict  Becherie  vit  que  le  dict  suppliant 
Tavoit  apperceu,  incontinent  vint  audevant  de  luy,  disant  telles  paroles 
que  :  «Ah!  traitre,es-tuicy  ?  Je  tetueray  !  »,  et,  en  ce  disant,  mistlamain 
à  Fespée  qu'il  avoit,  de  laquelle  il  B*esforça  frapper  sur  le  dict  suppliant, 
et  le  poursuyvit  tellement  que  le  dict  suppliant  fut  contraint,  pour  soy 
desfendre  et  repuiser  la  force  du  dict  Jaques  Becherie,  de  tirer  une 
espée  qu'il  avoit  ;  de  laquelle  en  soy  desfendant  audict  conflict  et  dé- 
bat, il  donna  sur  la  teste  dudict  Becherie  qui  le  pourchassoit  tous- 
jours,  comme  dit  est  ;  à  Toccasion  de  quoy,  le  dict  suppliant,  de  chaulde 
colle  tout  esmeu,  en  seste  instant  d'un  poignal  qu'il  avoit  donna  ung 
autre  coup  audict  feu  Becherie  en  la  poictrine,  dont  il  tomba  par 
terre  ;  à  l'occasion  de  quoy,  tentost  après,  alla  de  vie  à  trespas.  Pour 
lequel  cas  le  dict  suppliant  a  esté  mis  et  constitué  prisonnier  es 
prisons  du  Chastel  dudict  Pavye  ;  desquelles  nous  l'avons  fait  déli- 
vrer ^  à  nostre  première  et  nouvelle  entrée  en  la  dicte  cité  ;  en  nous 
humblement  requérant  par  le  dict  suppliant  que,  actendu  qu'il  a  com- 
mis le  dict  cas  de  chaulde  colle  et  en  son  corps  dépendant,  et  que  en 
tous  ses  autres  affaires  il  s'est  bien  honnestement  conduit  et  gouverné, 
sans  avoir  esté  reprins  d'aulcun  aultre  villain  cas,  blasme  ou  re- 
prouche,  il  nous  plaise,  etc.,  Pourquoy  nous,  en  faveur  de  nostre  dicte 
nouvelle  entrée,  et  en  usant  des  droits,  prérogatives  et  préhéminen- 
ces,  desquelz  noz  prédécesseurs  roys  de  France  ont  accoustumé  joyr 
et  user,  avons  quicté,  etc.  Sy  donnons  etc.,  au  gouverneur  et  potes- 
tat  dudict  Pavye  et  à  tous  noz  autres  justiciers,  etc.  Et  affin  etc., 
sauf  etc.  Donné  à  Milan  au  moys  d'octobre,  l'an  de  grâce  mil  cccc 
quatre  vingt  dix  neuf  et  de  nostre  règne  le  deuciesme.  Ainsi  signé  : 
Par  le  Roy  en  son  Conseil  :  Picart.  Visa  contenter:  0  Budé. 

'  Gian  Giacomo  de  Beccaria,  d'ailleurs  inconnu.  Ce  voleur  de  sel  était- 
il  de  la  même  famille  qu'Agostino-Maria  di  Beccaria,  le  dernier  ambas- 
sadeur de  Ludovic  Sforza  à  Sienne? 

*  Coutume  traditionnelle  des  rois  de  France. 


354  QUELQUES  LETTRES  DUCALES 


6 

Don  à  Nicolas  Gasrnler  de  Pavie  dos  bions  Jadis  possédés 

par  Pietro  de  Vesano. 

[Octobre  1499] 
Archives  nationales,  JJ,  233,  n"*  42 

Lojs,  par  la  grâce  de  Dieu,  roj  de  France,  de  Sicille  et  Jhérusalem, 
duc  de  Millan.  Savoir  faisons  à  tous  présens  et  à  venir,  que  nous, 
ayans  regard  et  considération  à  plusieurs  bons  et  agréables  services 
que  nostre  cher  et  bien  amé  Nicolas  Guaynier  de  Pavye,  nous  a,  par 
cy  devant  et  par  longtemps,  faiz,  mesmement  enlaprésente  conqueste 
de  Millan  ;  aussi  ceul&  que  nostre  amé  et  féal  conseiller  et  médecin 
ordinaire  M*'  Théodore  Guaynier,  son  frère,  nous  a  faiz  et  fait  conti- 
nuellement en  grand  labeur  et  sollicitude  à  Tentour  de  nostre  per- 
sonne et  autrement  ;  à  icelluy  Nicolas  Guaynier,  pour  ces  causes  et 
autres  à  ce  nous  mouvans ,  avons  donné,  cédé,  transporté  et  délaissé, 
et  par  la  teneur  de  ces  présentes,  de  nostre  certaine  science,  grâce 
spéciale,  plaine  puissance  et  auctorité,  donnons,  cédons,  transpor- 
tons pour  luy,  ses  hoirs,  successeurs  et  ayans  cause,  à  tousjours,  tous 
et  chascun  les  biens  meubles  et  immeubles  qui  furent  et  appartin- 
drent  à  Pierre  de  Vésan,  despiéça  pour  bonnes,  justes  et  raisonnables 
causes,  advenuz,  confisquez  et  applicquéz  à  notre  cEambre  ducalle,  et 
que  le  seigneur  Ludovic  Sforce,  injuste  occupateur  de  notre  dit  duché, 
avoit  donnés  et  transportés  à  André  de  Ferrare  ;  pour  desdits  biens  joir 
et  user  par  le  dit  Nicolas  Guaynier,  sesdits  hoirs,  successeurs  et  ayans 
cause,  et  en  prendre,  percevoir  et  recevoir  les  fruiz,  prouffix,  revenues 
et  esmolumens  qui  y  appartiennent,  à  quelque  valleur  et  estiœacion 
qu'il/  soient  et  puissent  estre  et  monter,  et  les  applicquer  àleurprouf- 
fit,  et  en  faire  et  disposer  à  leur  plaisir  et  voulenté,  comme  de  leur 
propre  chose  et  héritage;  sans  aucune  chose  en  réserver  à  nous  et  aui 
iiostres,  fors  seullement  au  regard  desdicts  héritaiges  les  foy  et  hom- 
raaige,  saulcuns  y  appartiennent,  ressort  et  suppériorité,  et  à  la  charge 
de  payer  et  acquiter  les  charges  et  devoirs,  saulcuns  sont  deubz  à 
cause  desdittes  choses,  où  et  ainsi  qu'il  appartiendra.  Sy  donnons  en 
mandement,  etc. 

Donné  à  Millan,  au  mois  d'octobre,  Tan  de  grâce  mil  cccc  iiii"  dix 
neuf  et  de  nostre  règne  le  deuxiesme:  Ainsi  signé:  Loys.  Par  le  Roy, 
duc  de  Millan,  le  seigneur  Jean  Jacques,  mareschal  de  France,  et 
autres  présens;  Robertet. 


DE    LOUIS  XII  855 


Confirmation  des  privilèges  des  liabitants 
de  BuBto  Arsizio. 

[Octobre  1499] 

Archives  nationales,  JJ,  233,  n"*  35 

Ludovicus,  Dei  gracia,  Rex  Francorum,  Sicilie  et  Jherusalem,  dux 
Mediolani,  6tc.  Universis  presentibus  et  futuris  notum  facimus  quod 
dileçti  et  fidèles  nostri  communitas  et  homines  habitantes  in  villagio 
Bargi  Busti  Ârsicie,  diocesis  Mediolani,  ad  nos  humiliter  pervenerunt 
dicentes  quod  temporibus  retroactis  per  predecessores  nostros  multa 
faerant  eis  privilégia  concessa  pluresque  f ranchisie  et  libertates,  quibus 
usi  sunt  continue  ;  sed  dubitant  absque  confirmacione  nostra  impos- 
terum  in  illis  inquietari  ;  supplicantes  humilime  ut  illa  seu  illas  nobis 
placeat  confirmare,  ratifficare  et  approbare,  et  super  iis  litteras  nos- 
tras  concedere  opportunas.  Nos  vero  supplicacioni  dictorum  suppli- 
canciam  bénigne  annuentes,  et  cupi entes  eosdem  ut  veros  fidèles  et 
subdictos  nostros  humane  tiactare;hiis  de  causis,etaliis  justis  nos  et 
animum  nostrum  juste  moventibus,  matura  deliberacione  super  hoc 
prehabita,  ac  de  potestatis  plenitudine  et  auctoritate  ducali,  quibus 
fungimur  in  hac  parte,  easdem  privilégia,  libertates,  franchisias  et  jura 
a  predecessoribus  nostris  ducibus  Mediolani  concessa,  cum  eorum 
omnibus  pertinentiis  et  appendentibus,  ratas  et  gratas,  rataque  etgrata 
habentes,  laudavimus,approbavimusetconfirinavimus,laudamusque  et 
tenore  presencium  approbamus,  et  confirmamus,  volumusque  et  conce- 
dimus  ut  a  modo  ipsi  supplicantes  et  eorum  descendentes,nati  etnascituri 
in  futurum,  dictis  privilegiis,  libertatibus,  et  omnibus  quibus  preteritis 
temporibus  rete  et  recte  usi  fuerunt  et  gavisi,  utunturque  de  presenti 
diebus  hodiernis,  utantur  et  gaudeant  in  futurum,  quacumque  contra- 
dicione  cessante.  Quocirca  omnibus  et  singulis  justiciariis  officialibus, 
vassallis  et  subdictis nostris,  presentibus  et  futuris,  tenore  presentium, 
damus  inmandatis  quatenus  prefatos  supplicantes  et  eorum  successores, 
presentibus  ratifficacione,  approbacione,  confirmacione  et  gracia,  uti 
et  gaudere  pacifice  sinant  et  promictant,  in  contrariumque  facta  sic  ut 
sint  ad  statum  pristinum  et  debitum  reducant  seu  reduci  faciant  in 
judilate.  Quod  ut  fîrmum  et  stabile  perpeluo  maneat  in  futurum,  pre- 
sentibus diximus  apponi  sigillum,  nostro  et  alieno  jure  in  omnibus 
semper  salvo.  Datum  Mediolani  in  meuse  octobris  anno  domini  mil- 
lésime cccc°*°nonagesimonono  et  regni  nostri  secundo.  Sic  signatum: 
per  Hegem  ducem,  in  suo  consilio:  Robertet.Visa  contenter:  0  Budé. 


356  QUELQUES  LETTRES  DUCALES 

8 

Don  à  Beraardino  da  Gorta  d^una  maison  à  Milan 

[Octobre  1499] 
Archives  nationales,  JJ,  233,  n<*  34 

Loys,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France,  de  Sicile  et  Jhérusalem, 
duc  de  Milan.  Savoir  faisons  à  tous  présens  et  à  venir  que  nous,  ayant 
regard  et  considéracion  à  plusieurs  bons,  agréables  et  recomman- 
dables  services  ^  que  nostre  cher  et  bien  amé  Bernardin  de  Curte, 
nous  a  faiz,  et  à  la  fidélité  dont,  comme  nostre  bon  et  loyal  subgeet,  il 
a  usé  envers  nous,  fait  et  espérons  quHl  fera  en  Tavenir  ;  à  iceluy,  pour 
ces  causes  et  desdits  services  aucunement  le  rémunérer,  avons,  oultre 
et  par  dessus  les  autres  dons  et  bien£faiz  ^  qu'il  a  de  nous,  donné, 
ceddé,  transporté  et  délaissé,  et,  parla  teneur  de  ces  présentes,  de  nos- 
tre certaine  science,  grâce  espécial,  pleine  puissance  et  autorité,  don- 
nons, cédons,  quictons,  transportons  et  délaissons  pour  lui,  ses  hoirs, 
successeurs  et  aians  causes,  une  maison,  court,  jardin,  aisances  et 
appartenances,  que  tenoit  ou  estoit  tenu  au  nom  de  Jehan  Sforce,  sei- 
gneur de  Pensauro  ^,  prouchain  parent  du  seigneur  Ludovic  Sforce, 
assise  en  nostre  ville  de  Milan  sur  le  court  de  laiivière  de  Porte  neufveS 
en  la  parroisse  de  sainct  Barthélémy,  advenue  et  applicquée  à  nostre 
chambre  ducalle  pour  aucunes  bonnes,  justes  et  raisonnables  causes, 
pour  de  ladite  maison,  court,  jardin,  aisances  et  appartenances,  joyr 
et  user,  et  icelle  avoir,  tenir  et  posséder  par  le  dit  Bernardin  da  Corte, 
sesdits  hoirs,  successeurs  et  ayant  cause,  en  payant  les  charges  et  de- 
voirs deuz  à  cause  de  la  dicte  maison,  où  et  ainsi  qu*il  appartiendra. 
Si  donnons  en  mandement,  etc. 

Donné  à  Milan  au  moys  d'octobre.  Tan  de  grâce  mil  quatre  cccc  (sic) 
quatre  vingt  dix  neuf,  et  de  nostre  règne  le  deuxiesme.  Ainsi  signé: 
Loys.  Par  le  Roy  duc  de  Milan,  Monseigneur  le  Cardinal  d'Amboise, 
le  seigneur  Jehan-Jacques,  mareachal  de  France,  et  autres  présens  : 
Robertet.  Visa  contentor:  0.  Budé.  Collation  faicte  à  Toriginal.  J. 
Erart. 

1  II  est  digne  de  remarque  que  le  rédacteur  de  ces  lettres  n  a  pas 
osé  ou  voulu  spécifier  de  quelle  nature  étaient  les  services  rendus  par  B. 
da  Corte  au  roi  de  France.  Il  les  qualifie  d'agréables^  soit  !  Mais  recom- 
mandables  ! 

*  Stipulés  par  le  traité  de  capitulation. 

3  Giovanni  Sforza,  seigneur  de  Pesaro,  le  premier  mari  de  Lucrèce 
Borgia. 

*  Naviglio  di  Porta  Nuova. 


DE   LOUIS  XII  357 

9 

Donation  à  Jacques  da  Gorte 

[Août  1500] 

Archives  nationales,  JJ,  234,  n»  56 

Loys,  roj  de  Sicille  et  Jhérusalem,  duc  de  Millan,  savoir  faisons 
etCy  que,  pour  considëracion  en  faveur  et  recongnoissance  de  plusieurs 
bons,  grans,  agréables  et  recommandables  services,  que  nostre  amé 
et  féal  Jacques  de  Courte,  chevalier,  nous  a  par  cy-devant  faiz  mesme- 
ment  au  fait  de  la  réduction  en  noz  mains  et  obéissance  de  nostre 
chastel  de  Millan,  et  en  ensuivant  certain  traicté  par  nostre  amé  et 
féal  cousin,  conseiller  et  chambellan,  le  seigneur  Jehan  Jacques,  mares- 
chai  de  France,  lors  nostre  lieutenant  général  de  nostre  dit  duché, 
touchant  la  réduction  en  noz  mains  dudit  chastel  de  Millan,  et  icellui 
traicté  entretenir  à  icellui  ;  pour  ces  causes  et  pour  autres  considéra- 
cions  a  ce  nous  mouvans,  avons  donné,  transporté  et  délaissé,  don- 
nons, transportons  et  délaissons  de  nostre  plaine  puissance  et  aucto- 
rite  ducal,  par  ces  présentes  les  choses  qui  sensuyvent  :  c'est  assavoir 
le  lieu  et  vallée  appelé  la  vallée  de  Gessie,  compris  les  terres,  lieux, 
confins  et  ce  qui  est  deladite  vallée,  avec  tous  et  chascuns  les  droiz, 
fruictz,  prouffitz,  rentes,  revenues  et  esmolumens  quelz  conques 
dicelle  vallée  ;  item  tous  telz  biens  immeubles  que  le  dit  Jacques  de 
Courte  choisira  en  nostre  vieil  parc  de  Pavye,  jusques  à  la  valleur  de 
douze  cens  escuz  par  an  de  commune  estimacion  :  item  une  maison 
ou  maisons  qui  furent  àAngel  Symonnete,  assise  en  Porte  Cymairede 
Cussano  (sic),  parroisse  sainct  Marcel  de  Millan,  en  la  rueDenissavo 
avec  une  petite  maison  estant  devant  lesdites  maisons  où  se  faisoit 
Tes  table  des  chevaulx,  avec  les  édiffices  dicelle  maison,  cours,  jardins, 
ensemble  tous  les  autres  droiz  et  appartenances  d'icelle,  lesquelles 
maisons  et  biens  sont  despieça  advenuz,  escheuz  et  applicquez  à  nos- 
tre cbambre  ducalle,  pour  bonnes,  justes  et  raisonnables  causes  comme 
Ton  dit,  pour  desdites  choses  joir  et  user  par  ledit  Jacques  de  Gurte, 
ses  hoirs,  successeurs  et  ayans  cause,  et  en  prendre,  percevoir  et  rece- 
voir les  fruictz,  proufQtz,  revenus  et  esmolumens,  à  quelque  valleur 
et  estimacion  qu'ilz  soient  et  puissent  estre  et  monter,  les  applicquer 
à  leur  prouffit  ou  autrement  en  faire  et  disposer  à  leur  plaisir,  ainsi 
et  par  la  forme  et  manière  qu*il  est  contenu  audit  traicté  ;  en  réservant 
et  retenant  pour  nous  et  noz  successeurs  audit  duché  les  foy  et  hom- 
mage, ressort  et  souveraineté  des  lieux  dessudits  et  aussi  moyennant 
que  le  dit  de  Gurte,  sesdits  hoirs  successeurs  et  ayans  cause,  paye- 
ront et  acquicteront  les  charges  et  devoirs  deuz  à  cause  desdits  heri- 


358         QUELQUES  LETTRES  DUCALES 

taiges  ou  ainsi  qa'il  appartiendra.  Si  donnons  en  mandement  par  ces 

mesmes  présentes,  etc 

Donné  à  Meleun,  an  moys  d^aoust  Tan  de  grâce  mil  cinq  cent  et  de 
nostre  règne  le  troisiesme.  Ainsi  signé:  par  le  roy  duc  de  Millan, 
Monseigneur  le  cardinal  d*Âmboise  et  autres  présens  :  RobertetViaa 
contentor:  Garbot. 


10 

Don  d^one  maison  à  Milan  à  Gathelan  Trlvnlzio 

[Novembre  1499] 

Archiyes  nationales,  JJ,  235,  n"*  346 

Loys,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France  de  Sicille  et  Jhérusalem, 
duc  de  Millan.  Savoir  faisons  à  tous  présens  et  à  venir  que  nous, 
ayans  regard  et  considéracion  aux  bons  et  agréables  services  que 
nostre  cher  et  bien  amé  Cathelan  de  Trévoul  nous  a  faiz  à  la  con- 
queste  de  nostre  duché  et  estât  de  Millan,  où  il  nous  a  servy  vertueu- 
sement et  à  son  povoir;  àicelluy,  pour  ces  causes  et  pour  desdits 
services  aucunement  le    récompenser,  et  autres  considéracions  à  ce 
nous  mouvans,  avons  donné,  ceddé,  transporté  et  délaissé,  et  par  la 
teneur  de  ces  présentes,  de  nostre  certaine  science  et  auctorité  don- 
nons, cédons,  transportons  et  délaissons,  pourluy,  ses  hoirs,  succes- 
seurs et  ayans  cause,  une  maison  assise  en  nostre  bonne  ville  et  cité 
de  Milan,  en  porte  Commasne,  en  la  paroisse  Saint  Thomas-en-Terra- 
mare,  nommée  la  maison  de  Pigeai  avec  ses    appartenances  et  dep- 
pendances,qu6  tenoitfeu  Loys  de  Tre8ac^,en  son  vivant  secrétaire  du 
seigneur  Ludovic  ;  laquelle  maison,  pour  aucunes  causes,  à  ja  pieça 
esté  déclairée  appartenir  et  confisquée  à  nostre  chambre  dacalle; 
pour  la  dite  maison  et  ses  appartenances  avoir,  tenir  et  posséder  par 
le  dit  Cathelan,  sesdits  hoirs,  successeurs  et  ayans  cause  en  prendre 
les  fruiz,  prouffitz  et  esmolumens  en  payant  et   acquictant  toutes 
voyes  les  cens,  rentes  et  autres  charges  ordinaires  deues  danciennecté 
sur  la  dite  maison.  Sy  donnons  en  mandement,  etc 

Donné  à  Vigesne  au  moys  de  novembre  Tan  de  grâce  mil  cccc 
quatre  vingts  dix  neuf  et  de  nostre  règne  le  second.  Ainsi  signé  iLojs. 

Par  le  Roy  duc  de  Millan,  le  seigneur  Jehan  Jacques  de  Trevoul 
mareschal  de  France  et  autres  présens  :  Robertet.  Visa  contentor  :  Budé. 

*  Lodovico  Tersago. 


DE   LOUIS  XII  859 

11 

Autre  donation  au  même 

[Novembre  1499] 

Archives  nationales,  JJ,  235,  n*"  347 

* [donnons] 

tous  et  chascun  les  biens  meubles  et  immeubles  qui  furent  et  appar- 
tindrent  au  comte  Ludovic  Bargamin  et  Charles  Bargamin  son  cou- 
sin, lesquelz  ont  tenu  le  parti,  service  et  obéyssance  du  seigneur  Ludo- 
vic à  rencontre  de  nous,  en  commectant  crime  de  rébellion  ;  et  par  ce 
confisquant  ces  dits  biens  à  nostre  chambre  ducalle  ;  pour  desdits 
biens  joir  et  user  par  le  dit  de  Trévoul  jusques  à  la  valleur  de  quatre 
cens  escus  de  rente  ou  revenu  par  an,  excepté  toutes  voyes  du  lieu  et 
place  de  Genye,  dont  avons  ailleurs  disposé,  sans  autre  chose  réserver 
à  nous  des  dits  héritaiges,  en  payant  et  acquictant  toutes  voyes  les 
charges  et  devoirs  ordinaires  que  les  dits  héritaiges  doivent  et  peuent 
devoir  d'anciennecté,  où  et  ainsi  qu*il  appartiendra.  Sy  donnons  ^.. . . 


12 

Donation  à  Bernardino  Trivolzio 

Archives  nationales,  JJ,  235,  n*  369 

Loys,  par  la  grâce  de  Dieu,  Roy  de  France,  duc  de  Millan.  Savoir 
faisons,  etc,  que  nous,  ayans  regard  et  considéracion  aux  bons  et 
agréables  services  que  nostre  amé  et  féal  conseiller  Bernardin  de  Tré- 
voulse,  chevalier,  nous  a  faiz  en  la  conqueste  de  nostre  duchié  de 
Millan,  où  il  nous  a  servy  à  son  povoir;  pour  ces  causes  et  desdits  ser- 
vices aucunement  le  récompenser,  et  mesmement,  moyennant  la  somme 
de  trois  cens  cinquante  escus  qu'il  a  par  nostre  ordonnance  baillée  à 
nostre  amé  et  féal  Aymé  d'Aurillac,  dit  Pocquedenare,  auquel  en 
avons  fait  don  ;  à  icelluy  Bernardin,  pour  ces  causes  et  autres  à  ce 
nous  mouvans,  avons  donné,  ceddé,  transporté  et  délaissé,  et,  par  la 
teneur  de  ces  présentes,  de  nostre  certaine  science,  pleine  puissance 

*  Le  texte  de  cette  donation  est  identique  à  celui  de  la  précédente 
jusqu'à  ces  mots  :  Donnons,  etc. 

s  La  formule  de  la  fin  est  identique  à  celle  de  Tacte  précédent. 


360  QUELQUES  LETTRES    DUCALES 

et  auctorité,  donnons,  cédons,  transportons  et  délaissons,  pour  luy, 
ses  hoirs,  successeurs  et  ayans  cause,  la  Plèbe  de  Berbat  et  sa  juridi- 
cion,  ainsi  quelle  se  comporte  et  poursuyt,  assise  en  nostre  duché  de 
Millan  que  tenoit  Charles,  dit  le  baron  de  Ferrart,  lequel  a  tousjours 
tenu  le  parti,  service  et  obéyssance  du  Seigneur  Ludovic  à  rencontre 
de  nous  ;  au  moyen  de  quoy  il  a  confisqué  le  dit  lieu  et  plèbe  à  nostre 
Chambre  ducale,  pour  icelle  plèbe  et  juridiction  avoir,  tenir,  posséder, 
joir  et  user,  par  le  dit  Bernardin  de  Trévoulse,  ses  dits  hoirs,  succes- 
seurs et  ayans  cause»  et  prendre,  recevoir  et  percevoir  les  fruiz,  re- 
venuz  et  esmolumens,  sans  aucune  chose  en  excepter  ne  retenir  k  nous  ; 
fors  seullement  les  hommage,  ressort  et  souveraineté,  en  payant  et 
acquictant  les  charges  et  devoirs  de  la  dite  plèbe  et  juridicion,  où  et 

ainsi  qu*il  appartiendra.  Sy  donnons 

Donné  à  Vigesne,  au  mois  de  Novembre  mil  quatre  cens  quatre 
vingt  dix-neuf  et  de  nostre  règne  le  second.  Ainsi  signé  :  Lojb,  Par  le 
roy,  duc  de  Millan,  le  Seigneur  de  Gyé,  mareschal  de  France  et  autres 
présens:  Robertet.  Visa  contenter:  Budé. 


13 

Donation  faicte  à  Th.  de  Trivulce 

Archives  nationales,  JJ,  235,  n"  121 

Loys,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France,  de  Napples  et  Jhérusalem, 
duc  de  Millan,  savoir  faisons  que  nous,  ayant  regard  et  considéracion 
aux  bons,  agréables  et  recommandables  services  que  nostre  amé  et 
féal  Théodore  de  Trévoul,  conte  de  Lanoie,  nous  a  par  cydevant  faitz, 
tant  au  recouvrement  de  nostre  estât  et  duchié  de  Millan  que  autre- 
ment en  plusieurs  manières,  fait  et  continue  chacun  jour,  et  espérons 
que  plus  face  cy-après;  àicelluy,  en  aucune  remunéracion  des  dits  cer- 
vices,  et  pour  autres  causes  et  considéracions  à  ce  nous  mouvans, 
avons  donné,  octroyé  et  délaissé,  donnons,  octroyons  et  délaissons, 
de  nostre  certaine  science,  grâce  spéciale,  plaine  puissance  et  aucto- 
rité  royal  et  ducal,  par  ces  présentes,  pour  luy,  ses  hoirs,  successeurs 
et  ayans  cause,  les  bourgs  de  Glarea,  comprins  la  Rocquecte  et  fron- 
tière de  Pizicon*,  décade  la  rivière  deEldua  *  etaussi  de  Cavercurta^à 
nous  appartenans,  avecques  la  justice  haulte,  moyenne  et  basse,  mère 
nuyte  et  impere,  appartenans  et  deppendants  diceulx  bourgs,  le  revenu 

*  Pizzîghctone. 

2  Adda. 

3  Gavacorta? 


DE  LOUIS  XII  361 

desquelz  Ton  dit  n*excéder  soixante  dacatz  de  revenu  par  chacun  an, 
pour  desdites  choses  joir  et  user  par  ledit  Théodore  *. 

Donné  à  Ohalon,  au  moys  d*avril  Tan  de  grâce  mil  cinq  cens  et 
ung^  après  Pasques,  et  de  nostre  règne  le  quatriesme.  Ainsi  signé  : 
Loys .  Par  le  Roy,  duc  de  Millan  :  Robertet.  Visa  contenter  :  Amys. 


14 
Donation  à  Barbara  Visconti 

[Août  1500] 
Archiyes  nationales,  JJ,  234.  n**  48 

Loys,  etc.,  roy  de  France,  de  Sicille  et  de  Jhérusalem,  duc  de  Millan, 
savoir  faisons,  etc,  que  nous,  considérans  plusieurs  bons  et  agréables 
services  que  nostre  très  chère  et  bien  amée  la  Dame  Barbe  Visconti, 
fille  de  nostre  amé  et  féal  cousin,  conseiller  et  chambellan,  le  Sei- 
gneur Jehan  Jacques  de  Trévoust,  mareschal  de  France,  nous  a  par 
cy-devant  faiz,  en  tenant  tousjours  nostre  party  et  querelle,  à  l'encontre 
de  tous  noz  adversaires,  et,  pour  ce  faire,  supporté  de  grans  despan- 
ces  ;  à  icelluy,  pour  ces  causes,  et  autres  à  ce  nous  mouvans,  avons 
donné,  ceddé,  transporté  et  délaissé,  et  par  la  teneur  de  ces  présentes, 
donnons,  ceddons,  transportons  et  délaissons  pour  elle,  ses  hoirs  et  suc- 
cesseurs, tous  et  chacun  les  biens  et  héritaiges,  tant  féodaulx  que  allô  • 
dyaulx,  qui  furent  et  appartindrent  au  Seigneur  Jehan  Marie  Visconti,  à 
nous  appartenant,  advenuz  et  escheuz  en  nostre  chambre  ducalle  par 
droit  de  forfaicture  et  confiscacion  par  ce  qu'il  a  tenu  le  party,  querelle, 
faveur  et  service  du  More,  nostre  ennemy,  avec  quatre  ou  cinq  ses  en- 
fans  ;  lesquelz  enffans  sont  encores  à  nous  rebelles,  et  de  présent  hors 
dudit  duché,  tenans  party  à  nous  contraire  ;  pour  lesdits  biens  et  héri- 
taiges féodaulx  et  allodyaulx  dudit  Jehan  Marie,  avoir,  tenir  et  possé- 
der parla  dite  dame  Barbe,  ses  dits  hoirs  et  successeurs,  et  enprandre, 
parcevoir  et  recevoir  les  fruictz,  prouffitz,  revenues  et  esmolumens  à 
quelque  valleur  qu*ilz  soient  et  puissent  estre  et  monter,  pourveu  toutes 
voyes  que  déclaracion  sera  faicte  de  la  confiscacion  diceulx  biens 
à  nostre  dite  Chambre  ducalle  ;  et  en  cas  que  iceulx  biens  ne  nous 
^feussent  adjugés  et  déclairés  confiscquéz,  nous  voulons  et  entendons 
néanmoins  pour  la  seurté  de  nostre  estât  dudit  duché  et  pour  la 
suspicion  que  avons  de  la  personne  dudit  Jehan  Marie  Visconti  aux 
causes  desus  dites,  que   les  places  et  forteresses   de   Fontenete, 

*  La  formule  qui  suit  est  identique  à  celle  de  Tacte  précédent. 

24 


302  QUELQUES  LETTRES   DUCALES 

Saguanty  et  Albiza,  appartenantes  ou  qui  appartiendrent  pour  la 
moictié  à  icelluy  Jehan  Marie,  soient  mis  es  mains  et  povoir  d'icelle 
dame  Barbe,  dont  avons  trouvé  seurté  et  fiance,  pour  icelles  tenir  et 
garder  jusques  à  ce  que  par  nous  autrement  en  soit  ordonné.  Si  don- 
nons en  mandement,  etc 

Donné  à  Montargis,  au  moys  d'aoust,ran  de  grâce  mil  cinq  cens  et  de 
nostre  règne  le  troysiesme.  Ainsi  «igné  :  par  le  Roy,  duc  de  MillaD, 
Robertet.  Visa  contentor  :  Garbot. 

15 

Lettres  de  nataralité  pour  Francesco  San-Severini, 

Conté  de  Gayazzo. 

[Mai  1500] 
Archives  Nationales,  JJ,  235,  n**  166 

Loys,  etc.,  roy  de  France,  de  Sicille,  Jhérusalem,  duc  de  Millan; 
savoir  etc.  Nous  a  vons  receu  humble  supplicacion  de  nostre  cher  et 
bien  amé  cosin  Jehan  Francoys  de  Saint  Severin,  conte  de  Cayasse,  et 
de  Barbara  de  Gonzague,  sa  femme,  contenant  que,  tantost  après  la 
conqueste  et  recouvrement  de  nostre  duché  et  estât  de  Millan,  nostre 
dit  cosin  et  sa  dite  femme  viendront  et  se  sont  retirez  en  cestuy  nostre 
royaume,  où  ilz  sont  de  présent,  en  entencion  de  y  demeurer  et  vivre  le 
restede  leurs  jours;  et  à  ceste  cause,  désireroient  pour  lentretenement 
de  leur  estât  y  acquérir  aucuns  biens  ;  mais,  pour  ce  qu'ilz  sont  natifz 
hors  de  nostre  dit  royaume,  ilz  doubtent  que  noz  officiers  ou  autres, 
après  leurs  trespas,  au  moyen  de  noz  ordonnances  sur  ce  faictes,  voul- 
sissent  prandre  et  appréhender  leurs  dits  biens,  et  iceulx  prétendre  nous 
appartenir  par  droict  d'aubayne,  et  en  fruster  leurs  enfans  ou  autres 
héritiers  qu'ilz  auroient  lors  de  leur  trespas,  se  par  nous  ils  n*estoient 
habillitez  et  dispensez  d*en  povoir  dispenser  et  tester  ainsi  qu'ilz 
nous  ont  dit  et  remonstré,  en  nous  requérant  humblement  leur  impartir 
sur  ce  nostre  grâce  et  libéralité.  Pourquoy  nous,  les  choses  dessus 
dites  considérées,  inclinans  libéralement  à  la  requeste  desdits  sup- 
pliants et  désirans  favorablement  les  traicter,  en  considéracion  des 
bons,  grans  et  recommandables  services,  que  nostre  dit  cosin  nous  a 
faiz,  fait  et  continue  chacun  jour,  et  espérons  que  encores  face  ;  à 
icelluy  notre  cousin  le  conte  deCayasse  etsa  dite  femme  etàcbacuQ 
d'eulx,  pour  ces  causes  et  autres  à  ce  nous  mouvans,  avons  donné  et 
donnons,  de  nostre  certaine  science,  grâce  spéciale,  plaine  puissance  et 
auctorité  royale  par  ces  présentes,  congié,  licence,  permission  et  oclroy 
d'acquérir  en  nostre  dit  royaume  tous  telz  biens  meubles  et  immeubles 
qu'ils  y  pourroient -licitement  acquérir,  et  d'iceulx,  e  nserable  de  ceulx 
qu'ilz  y  ont  jà  acquis,  disposer  et  ordonner  par  testament  et  ordon- 


DE  LOUIS    XII  363 

nance  de  dernière  voulenté,  donacion  faicte  entre  vifz,  et  autrement 
ainsi  que  bon  leur  semblera»  et  voulons  que,  après  leur  dit  trespas, 
leurs  dits  hoirs  ou  autres,  à  qui  ilz  en  pourroient  disposer,  leur  puis- 
sent succéder,  prandre  et  recueillir  leurs  ditz  biens  et  successions,  tout 
ainsi  et  par  la  forme  et  manière  que  s'ilz  estoient  natifz  et  extraicts  de 
nostre  dit  royaume;  et  quanta  ce,  les  avons,  eux  et  leurs  ditz  héritiers, 
habillités  et  habillitons  de  nostre  plus  ample  grâce  par  ces  dites  pré- 
sentes, sans  ce  que,  à  la  cause  dessus  dite,  aucun  destourbier  ou 
empeschement  leur  soit  faict,  mis  ou  donné  au  contraire,  ores  ne  le 
temps  advenir,  ne  pour  raison  de  ce  ilz  ou  aucun  d'eulx  nous  soient 
tenuz  payer  à  nous  ou  aux  autres  aucune  finance  ou  indampnité  ;  et 
laquelle  finance,  à  quelque  somme  quelle  se  puisse  monter,  nous  leur 
avons  en  faveur  et  considéracion  que  dessus  donnée,  acquittée,  don- 
nons et  quictons  par  ces  dittes  présentes  signées  de  nostre  main.  Par 

lesquelles  donnons  en  mandement  k  etc 

Donné  à  Lyon,  au  moys  de  may.  Tan  de  grâce  mil  cinq  cens,  et  de 
nostre  règne  le  troisiesme.  Ainsi  signé.  Par  le  Roy,  Robertet.  Visa 
contentor  :  Amys. 

16 

Confirmation  de  privilèges  pour  la  veuve  et  le  fils  mineur 
du  comte  de  Gayazzo,  Jehan  de  St  Severin. 

[Décembre  1501] 
Archives  nationales,  JJ,  235,  n°  134 

Ludovicus,  Dei  gracia,  Francorum,  Neapolis  et  Jherusalem  rex,  dux 
Mediolani  etc.  Notum  facimus  universis  presentibus  et  futuris  quod 
nos,  attendentes  per  optima,  grata  et  recommandabilia  obsequia,  per 
deffunctum  consanguineum  nostrum  Johannem  Franciscum  de  Sancto 
Severino,  comitem  Cayacii,  in  rébus  nostris  grandissimis  impensa,  et 
presertim  in  recuperacione  et  adeptione  regni  nostri  Neapolitani  pre- 
custodiam  exercitus  et  belli  ordinendo,  ubi  demum  deffunctus  est; 
desiderantes  etpreoptantes  per  dicta  servicia  ad  utilitatem  et  comodum 
nostre  consanguinee  ejusdem  deffuncti  relicte,  et  nostri  consanguinei 
eorum  filii  infantis  minoris,  ejusdem  tutricis  et  gubernatricis  addere  ; 
etiam  animadvertentes  quod  ante  ipsam  adepcionem  dicto  deffuncto 
polliciti  fueramus  bona  quse  possidebat  in  dicto  regno  Neappolitano 
confirmare  ut  in  simili  confîrmaveramus  ea  quse  tenebat  in  ducatu  et 
dominio  nostro  Mediolani  ;  hiis  causis  et  aliis  consideracionibus  ad  hoc 
animum  nostrum  moventibus,  predicte  consanguinee  nostre  tutrici  et 
consanguineo  nostro  ejus  filio,  confirmavimus,  stabilimus  et  corrobo- 


364  QUELQUES    LETTRES  DUCALES 

ramas,  et  per  présentes  nostras  mota  proprio,  certa  sciencia  et  aucto- 
lite  regîa  et  ducali,  confirmamus,  stabilimus  et  corroboramus  bona  qu» 
seqimtur,  sita  et  situata  ia  dicto  nostro  regno  Neapolitano,  videlicet 
Comitatum  Cayacii,  cura  suis  villis  Campaignano,  Yignarello  et  Esquillo 
in  Principatu  infrascriptis  villis,  scilicet  Cere,  Albanella,  Cometo, 
Lacaufoy  a  Filleto  et  sancto  Petro,  cum  aliis  suis  pertinenciis,  juribus 
etjuridictionibus  per  dictum  deffunctumconsanguineumnostnimetejus 
successores,  a  quinquaginta  annis  citra  continuis  et  consecutivis  débite 
detentisetpossessîs,  tamentempore  expulsionis  et  usurpacionis  eisfacte 
de  eisdem  bonis,  via  guerre  et  hostiiitatis,  in  hiis  annis  comprebenso 
et  numerato  ;  de  quibus  omnibus  ac  etiam  ceteris  quibuscumque  bonis 
mobilibus,  immobilibus,  juridictionibus,  juribus  et  privilegiis,  qualibas 
etquantiscumque  sint,  sitis  in  dicto  nostro  regno  Neapolitano,  sive  sint 
feudalibus,  sive  alodialibus,  quse  et  quomodocumque  per  dictum  def- 
functum  et  successores  tenebantur  et  possidebantur,  et  quorum  ipsam 
consanguinea  nostra  tutrix  et  noster  consanguineus  sunt  in  légitima 
tenuta  possessione,  et  quibus  recte  et  débite  uti  et  gaudere  possunt  et 
debent,  de  novo  et  in  quantum  opus  foret,  investimus  ac  investiti  esse 
volumus  et  mandamus,  ita  quod  ipsa  bona  tenere  et  possidere  possint 
et  de  eisdem  disponere  ad  suarum  libita  voluntatum,  prout  per  retroacta 
tempera  poterant;  reservata  tamen  nobis  superioritate  et  juribus  nostris 

et  alienis  semper  salvis.  Mandantes  propterea,  etc 

Datum  Blesis  in  raense  decembris,  anno  domini  millésime  quinqua- 
gesimo primo,  et  regni  nostri quarto.  Sic  signatum:  Per  regem,  domino 
Cardinali  de  Ambasia  inFranciam  legato,  et  aliis  presentibus:  Gedoyns. 
Visa  contenter:  Amys. 


17 
Abolition  pour  les  habitants  de  Pavie 

[Juillet  1500] 
Archives  nationales,  JJ,  135,  n°  168 

Loys,  etc.,  roy  de  France,  de  Sicile  et  Jhérusalem,  duc  de  Milan, 
comte  de  Pavye.  Savoir  faisons  à  tous,  présens  et  à  venir,  comme  noz 
très  chers  et  bien  amez  les  nobles,  citadins  et  communauté  de  nostre 
ville,  cité  et  conté  de  Pavye,  ayent  envoyé  par  devers  nous  noz  chers 
et  bien  amez  Gristophore  Albercia,  docteur  en  chacun  droit,  Jehan 
Estienne  Rigié,  Silvestre  Bucigella,  leurs  ambassadeurs  et  depputez, 
etpareulx  fait  faire  plusieurs  remontrances,  reques tes,  supplicacions; 
et  entre  autres,  nous  ont  très  humblement  faict  supplyer  et  requérir 
que   nostre  plaisir  soit  remettre,  quiter,  abolir  et  pardonner  à  tous  et 


DE   LOUIS    XII  365 

chascuns  les  citadins  et  habitans  de  nostre  dite  ville,  cité  et  conté  de 
Pavye,  tous  les  crimes,  délictz  et  malesfices  par  eux  commis  et  perpé- 
trez, durant  le  temps  que  le  seigneur  Ludovic  Sforce  a  tenu  et  occupé 
nostre  paysetduché  deMillan,  soitpour  crime  de  lèse  majesté  ou  autres, 
et  les  restituer  et  rappeller  à  leur  bonne  famé  et  renommée  et  à  leurs 
biens,  et  au  surplus  mectre  au  néant  tous  et  chascun  les  appaulx,bans, 
bannissemens,  pertes,  procès  et  procédures  qui  contre  eulx  pourroient 
avoir  esté  faiz  pour  cause  desdictz  crimes,  délictz  et  malesfices,  et  sur 
ce  leur  impartir  noz  grâce  et  miséricorde.  Pour  ce  est-il  que  nous,  ces 
choses  considérées,  voulans  et  désirans  humainement  et  doulcement 
traicter  lesdicts  nobles,  citadins  et  communauté  de  ladite  ville,  cité  et 
conté  de  Pavye  à  ce  qu  ilz  soient  doresnavant  plus  enclins  de  vivre  et 
eulz  entretenir  soubz  nostre  obéissance,  comme  bons  et  loyaulx  sub- 
jectz  ;  pour  ces  causes  et  autres  à  ce  nous  mouvans,  avons  quicté,  aboly, 
remis  et  pardonné,  et  par  la  teneur  de  ces  présentes  quictons,  abo- 
lissons, remectons  et  pardonnons,  de  nostre  certaine  science,  grâce 
espéciale,  plaine  puissance  et  auctorité  royal  et  ducal,  tous  et  chascun 
les  dits  cas  crimes,  délitz  et  malesfices  commis  et  perpétrez  par  lesdits 
citadins  et  subgectz  de  nostre  ville ,  cité  et  conté  de  Pavye,  pendant 
ledit  temps  que  ledit  seigneur  Ludovic  a  esté  occupateuret  détenteur 
de  nostre  dit  pays  et  duché  de  Millan,  soit  que  lesdits  délictz  aient 
esté  poursuivis  ou  non  et  compostez  ou  non  par  ledit  seigneur  Lu- 
dovic, et  aussi  soit  pour  cas  et  crime  de  lèse  majesté  ou  autres  ré- 
servez, et  exceptez  ceulx  qui  seront  ci-après  déclairéz,  c'est  assavoir 
hérésie,  boutement  de  feuz,  sacrileiges,  assassinemens ,  homicides, 
faiz  de  guet-apens,  forcemens  et  violemens  de  femmes ,  crimes  de 
faulx;  et  avec  ce  leur  avons  quicté,  remis,  abolly  et  pardonné,  exceptez 
lesdits  cas  ainsi  réservez,  toutes  peines,  amandes  et  offenses  corporel- 
les, criminelles  et  civilles,  en  quoy,  pour  raison  desdits  cas,  crimes  et 
délictz  ains  non  réservez,  ilz  pourroient  estre  encouru  envers  nous  et 
justice,  et  les  avons  restituez  et  restituons  à  leur  bonne  famé  et  re- 
nommée, au  pays  et  à  leursdits  ;  biens  en  mectant  au  néant  tous  et 
chascun  les  appaulx,  bans,  banissemens,  sentences,  procès  et  procé- 
deures,  qui,  contre  eulx  et  chascun  d'eulx,  en  pourroient  estre  pour  les 
causes  dessus  dites  ensuivy;  et  sur  ce  imposons  silence  perpétuel, 
tant  à  nostre  procureur  général  et  fiscal,  satisfaction  faite  à  partie 
civillement  tant  seulement  ;  si  donnons  en  mandement  par  ces  dites 
présentes  à  nos  amez  et  féaulx  les  gens  de  nostre  Sénat  de  Millan,  au 
gouverneur  etpotestat  dudit  Pavye,  et  à  tous  nos  autres  justiciers  et 
officiers  et  à  leurs  lieutenants  présens  et  à  venir  et  à  chascun  d'eulx, 
si  comme  à  luy  appartiendra,  que  de  nos  présens  lettre,  commis- 
sion, abolission  et  pardon,  ils  facent,  seuârent  et  laissent  ausdits 
citadins    et  habitans  et  chascun  d'eulx  respectivement,  joyr  et  user 


366  QUELQUES  LETTRES  DUCALES 

plainement  et  paisiblement,  à  tousjoors  et  perpétaellement,  sans 
poar  occasion  desdits  cas,  crimes  et  délictz  leur  faire  mectre  ou 
donner,  ne  souffrir  estre  faict,  mis  ou  donné  aucun  destourbier  ou  em- 
peschement  à  leurs  personnes  et  biens  ;  et  se,  en  quelque  manière 
que  ce  soit  pour  ceste  cause,  ils  ont  leurs  dits  biens,  sont  ou  estoient 
pour  ceprins,  saisiz,  levez,  arrestés,  emprisonnés  ou  empeschés,  mec- 
tiez  les  luy  ou  faictes  mectre  incontinent  et  sans  délay  à  plaine  déli- 
vrance. 

Donné  à  Lyon  au  moys  de  juillet,  Tsin  de  grâce  mil  cinq  cens  et  de 
nostre  règne  le  troisième.  Ainsi  signé  ;  Par  le  roy,  duc  de  Millan, 
monseigneur  le  cardinal  d*Amboise  Louis  Tévesque  d*Alby,  les  sei- 
gneurs de  Gyé  et  de  Trimoille,  mareschaulx  de  France  et  autres  pré- 
sens :  CoTTKRAU.  Visa  contentor  :  Amt8. 


18 

Confirmation  des  privilèges  de  Pavie 

[Juillet  1500] 

Archives  nationales,  JJ,  235,  n*  169 

Loys,  etc.  roy  de  France,  de  Sicille  et  Jhérusalem,  duc  de  Millan* 
conte  de  Pavje,  savoir  faisons  à  tous  présens  et  à  venir  comme  noz 
très  chers  et  bien  amez  les  nobles,  citadins,  manans  et  habitans  de 
nostre  ville  et  cité  de  Pavye,  nous  ayent  par  leurs  embaxadeurs  et 
depputez  Cristofore  Albericia,  docteur  en  chacun  droit,  Jehan  Estienne 
Rigie  et  Silvestre  Bucigella,  fait  dire  et  remonstrer  que,  combien  que 
aux  potestat^  vicaire  et  juge  dudit  lieu  de  Pavye,  qui  sont  les  juges 
ordinaires,  et  non  à  autres  apparteigne  la  congnoissance  de  traicter 
et  décider  des  causes  et  matières,  tantcivilles  que  criminelles,  devant 
noz  subgectz,  et  des  despences  de  ladite  ville,  cité  et  conté  de  Pavye, 
laquelle  de  tout  temps  et  d'ancienneté  avait  acoustumé  de  ainsi  en 
user;  ce  néantmoins,  aucuns  cappitaines  et  gens  de  guerre  et  autres, 
s'esforcent  chacun  jour  entreprandre  congnoissance  d'aucunes  matières 
tant  criminelles  que  civilles;  combien  qu'ilz  n'aient  aucune  puissance 
de  ce  faire,  et  y  font  et  commectent  plusieurs  abbus;  qui  estoit  très 
grans  grief,  préjudice  et  dommaige  de  noz  subgectz  dudit  pais,  en 
nous  humblement  requérant  que  nostre  plaisir  soit  les  faire  régir  et 
gouverner  touchant  ledit  fait  de  la  justice  par  les  dits  juges  ordi- 
naires, ainsi  qu'il  est  acoustumé  par  cy  devant  et  d'ancienneté,  et  dé- 
clairer  sur  ce  nostre  voulloir  et  intencion,  et  aussi  les  entretenir  en 
leurs  droitz  et  privilleiges  du  grand  magistrat  de  la  dite  ville,  et  les 
leur  confirmer,  ratiffier  et  approuver,  et  sur  le  tout  leur  impartir  noz 


DE  LOUIS  XII  367 

grâce  et  libéralité  ;  pour  ce  est-il  que  nous,  ces  choses  considérées, 
voulans  et  désirans  les  dits  suppliants  favorablement  et  humainement 
traicter  et  les  entretenir  en  leurs  piivilleiges,  libertez  et  franchises,  à 
ce  qu*ilz  aient  meilleur  couraige  de  vivre  soubz  nostre  obéissance 
comme  noz  bons  et  loyaulx  subgectz  ;  et  pour  autres  considéracions  à 
ce  nous  mouvans,  avons  voulu,  dict,  éclairé  et  ordonné,  et  par  ces 
dites  présentes,  de  nostre  certaine  science,  grâce  espécial,  plaine  puis- 
sance et  auctorité  royal  et  ducal,  disons,  déclairons,  ordonnons,  vou- 
lons et  nous  plaist  que  doresnavent,  en  nostre  ville,  cité  et  conté  de 
Pavye,  ny  aist  que  lesdits  potestats,  vicaire  et  juges  ordinaires  qui 
congnoissent  desdites  causes  et  matières  tant  civillesque  criminelles 
des  subgectz  et  des  dépendances  de  la  dite  ville,  cité  et  conté  de 
Pavye,  ainsi  qu*il  est  acoustumé  faire  et  qu'il  a  esté  par  cy  devant 
observé  et  gardé  ;  et  en  avons  interdist  et  desfendu,  interdisons  et 
desfendons  à  tous  autres,  de  quelque  estât  ou  condicion  qu'ils  soient 
toute  juridiction  et  congnoissance.  Et  en  oultre,  à  iceulx  suppliants 
avons  confirmé,  ratiffié  et  approuvé,  et  par  ces  présentes  confirmons, 
ratiffions  et  approuvons  lesdicts  privilleiges,  libertez  et  franchises 
à  eulx  donnez  et  concédez  par  noz  prédécesseurs,  ducz  de  Millan  et 
contes  de  Pavye,  touchant  ledit  grant  magistrat  de  la  dite  ville;  vou- 
lons et  nous  plaist  qu'ilz  enjoissent  doresnavent,  plainementet  paisi- 
blement, etàtousjours  perpétuellement,  tout  ainsi  et  par  la  forme  et 
manière  qu'ils  en  ont  par  cy  devant,  deuement  et  justement,  joy  et  usé. 

Si  donnons  en  mandement  ,etc 

Donné  à  Lyon  au  moys  de  juillet.  Tan  de  grâce  mil  cinq  cens  et 
de  nostre  règne  le  troisiesme.  Ainsi  signé:  Par  le  Roy,  duc  de  Millan, 
Monseigneur  la  cardinal  d'Amboise,  Louis,  évesque  d'Alby,  les  sei- 
gneurs de  Gié  et  de  Trémoille,  mareschaulx  de  France,  et  autres  pré- 
sens :  Cotterau.  Visa  contenter  :  Amys. 

19 

Confirmation  des  privilèges  de  Tordre  de 
S.  Jean  de  Jhéruaalem  à  Milan. 

Archives  Nationales,  JJ,  235,  n"  185 

Loys,etc.,  roi  de  France,  de  Secille,deJhérusalemet  duc  de  Millan, 
savoir  faisans  etc.  Nous  avons  receu  humble  supplicacion  de  nostre  très 
cher  et  féal  amy  le  Cardinal,  grant  maistre  de  Roddes,  et  de  noz  chers 
et  bien  amez  les  prieurs,  commandeurs,  chevaliers  et  religieux  de  l'or- 
dre Saint  Jehan  de  Jhérusalem,  contenant  que,  par  les  privilleiges  et 
libertez  anciens  de  la  dite  religion,  ilz  ont  le  privilleige,  de  toute  an- 
cienneté, tant  en  nostre  royaume  que  autres  royaumes  et  pays  de  cres- 
tienté  de  prandre  les  despeulles  des  commandeurs  de  ladite  Religion, 


368  QUELQUES  LETTRES  DUCALES 

après  qu*ilz  lont  allés  de  vie  à  trespas,  aaasi  les  yaccans  et  mortuo- 
rum  ;  pareillement  de  donner  et  conférer  les  commanderies  de  la  dite 
religion  ;  et  de  ce  ont  accoustumé  user  de  toute  ancienneté  par  tous 
lesdits  royaumes  et  pays,  et  joissent  encores  à  présent,  réservé  en  nos- 
tre  duché  de  Millan,  que,  despuis  Texurpation  dicelle  faicte  par  ceulx 
de  Sforce,  lesdits  Sforces  les  ont  empeschez  en  iceulx  droiz  et  plu> 
sieurs  autres  à  la  dite  religion  appartenant,  et  depuis  ny  en  ont  peu 
avoir  la  joissance,  à  leur  très  grand  préjudice  et  interest  ;  requérans 
par  nostre  grâce  et  libéralité  leur  estre  imparties.  Pour  quoy,  nous, 
ces  choses  considérées,  voulans  et  désirans  les  droiz  anciens  de  la 
dite  religion  leur  estre  renduz  et  restituez,  gardez  et  observez,  ayans 
regard  mesmement  aux  grans  et  insupportables  fraiz,  chargez, 
peines  et  travaulx  qu'ilz  ont  supporté  de  tout  temps  et  supportent 
jor  et  nuict  por  le  soustenement,  tuicion  et  desfense  de  la  crestianté, 
ensemble  au  service  divin  fait  Jor  et  nuit  en  la  dite  religion,  parquoy 
ne  vouldrions  leurs  droiz  estre  detenuz  ne  diminuez,  mais  plustost 
augmentez  à  iceulx  grant  maistre,  chevalliers,  commandeur  et  reli- 
gieux de  la  dite  religion  suppliants  à  nous  ;  pour  ces  causes  et  autres 
à  ce  nous  mouvans,  avons  octroyé  et  octroyons,  de  grâce  spécial, 
plaine  puissance  et  auctorité  royal;  par  ces  présentes,  voulons  et  nous 
plaist,  quilz  et  leurs  successeurs  en  ladite  religion  présens  et  à  venir 
ayent  doresnavent  en  nostre  duchié  de  Millan  tous  les  ditz  droiz  et 
despeuilies  desdites  commanderies,  après  qu'ilz  seront  allez  de  vie  à 
trespas,  mortuorum  et  vaccans,  qu*ilz  puissent  donner  et  conférer  les 
commanderies  quant  elles  seront  vaccans  en  icelle  duchié  et  joissent 
et  usent  de  tous  les  droiz,  privilleiges,  franchises,  libertez,  préroga- 
tives et  préhéminances  comme  leur  ordre,  par  ce  qu'ilz  faisoient  d'an- 
cienneté et  qu'ilz  font  encores  à  présent  en  nostre  dit  royaume,  pays 
et  seigneuries  et  autres  royaumes  chrétiens.  Si  donnons  en  mande- 

ment,  etc 

Donné  à  Lyon  au  moys  de  juillet.  Tan  de  grâce  mil  cinq  cens,  et  de 
nostre  règne  le  troisiesme.  Ainsi  siyné:  Par  le  Roy,  duc  de  Millan, 
Monseigneur  le  Cardinal  d'Ambboise,  l'evesque  d'Alby  le,  seigneur  de 
Gyé,  mareschal  de  France  et  autres  présens  :Cottereau.  Visa  contentor 
Amys. 

20 
Donation  à  Galéas  de  Sallesart  et  Jacques  de  Gardonne 

[Septembre  1500] 
Archives  nationales,  JJ,  234,  n®  30 

Loys  etc.  Savoir  faisons  à  tous  présens  et  avenir  que  nous,  aiant 
regard  et  considération  aux  bons  et  recommandables  services  que  noz 


DE  LOUIS  XII  369 

chers  et  bien  amez  Oallais  de  Sallezart,  seigneur  de  Laz,  et  Jacques  de 
Cardonne,  gentilzhommes  de  nostrehostel,  nous  ont  parcy  devant  faiz 
au  fait  de  noz  gueres  et  conqueste  de  nostre  duché  de  Millan  et  au- 
trement en  mainctes  manières,  font  et  espérons  que  encores  facent  au 
temps  à  venir  à  iceulx  ;  pour  ces  causes  et  autres  à  ce  nous  mouvans, 
avons  donné,  ceddé,  quicté,  transporté  et  délaissé,  et  par  la  teneur 
de  ces  présantes,  donnons,  ceddons,  quictons,  transportons  et  délais- 
sons pour  eulx,  leurs  hoirs,  successeurs  et  aians  cause,  la  mestairie  de 
Douzonville,  terres  et  appartenances  d'icelle,  assiz  en  la  paroisse  de 
Manchecourt  et  chastellenie  dTerre-le-Chastel,  et  tous  et  chascuns 
les  biens  tant  meubles  que  immeubles  et  arréraiges  d'icelle  mestairie, 
qui  furent  et  apparandrent  et  qui  povoient  corapecter  et  appai'tenir  à 
feu  Charles  le  Picart,  filz  de  feu  Perrinet  le  Picart  ;  icelle  mestairie, 
terres  et  appartenances  et  autres  biens  dessusdiz  à  nous  advenuz  et 
escheuz  par  droict  daubaine,  et  déclarez  appartenir  par  sentence  de 
nostre  bailly  d'Orléans  ou  son  lieutenant,  parce  que  icellui  feu  Char- 
les le  Picart  est  allé  de  vie  à  trespas  sans  hoirs  ni  héritiers  habilles 
à  lui  succéder;  pour  de  ladicte  mestairie,  terres  et  appartenances 
d'icelle  et  biens  dessusditz  joir  et  user  par  lesditz  de  Laz  et  Car- 
donne,  et  en  prandre,  parcevoir  et  recevoir  les  fruiz  et  prouffiz,  reve- 
nues et  émolumens,  à  quelque  somme  qu'ilz  soient  et  puissent  estreet 
monter,  et  autrement  les  appliquer  à  son  prouffit  et  en  faire  et  dispo- 
ser à  leur  plaisir  et  voulonté,  comme  de  leur  propre  chose  et  héritaige; 
sans  aucune  chose  en  réserver  ni  retenir  pour  nous  ou  les  nostres,  fors 
seullement  les  foy  et  hommaige,  ressort  et  souverainté,  eu  faisant  et 
paiant  les  charges  et  devoirs,  s'aucuns  sommes  sont  deuz  pour  raison 
de  ladite  mestairie  et  biens  dessusditz  où  et  ainsi  qu'il  appartiendra. 

Si  donnons  en  mandement,  etc ; 

Donné  àBloys,  au  moys  de  septembre.  Tan  de  grâce  mil  cinq  cens  et 
de  nostre  règne  le  troysiesme.  Ainsi  signé:  Par  le  Roy,  Robertet. 
Visa  contenter  :  Amys. 

21 

Donation  à  Hiaronimo  Pallavicini,  évéque  deNovare 

[Octobre  1500] 
Archives  nationales,  JJ,  234,   n*  38 

Loys  etc.  Savoir  faisons,  eic,  que  nous  aians  regard  et  considéra- 
tion à  plusieurs  bons,  notables,  vertueux  et  recommandables  servi- 
ces que  nostre  amé  et  féal  conseiller  Jherosme,  marquis  Palvesin, 
évesque  de  Nouvarre,  nous  a  par  cy  devant  faiz,  tant  à  la  conqueste  et 


370  QUELQUES   LETTRES    DUCALES 

redduction  par  nous  faits  de  nostre  duchié  de  Millan,  à  laquelle  mes- 
mement  pour  la  dernière  conqueste  et  redduction  dicelle  lui  et  les 
siens  nous  ont  très  bien,  loyaumentet  vertueusement  servy,  sans  riens 
esparner;  àicelui  nostre  conseiller,  pour  ces  causes  et  autres  à  ce  nous 
mouvans,  avons  donné,  transporté  et  délaissé,  donnons,  transportons 
et  délaissons  de  nostre  plaine  puissance  et  auctorité,  par  ces  pré- 
sentes, pour  luj,  ses  hoirs,  successeurs  et  aians  cause,  ung  petit  villaige 
à  nous  appartenant  assiz  en  nostre  duchié  de  Millan  en  Tévesché  de 
Parme,  nommé  Montepaille,  qui  n'est  que  de  la  valleur  que  de  vingtz 
ducatz  d*or  de  rente  et  revenu  par  an  ;  pour  dicelluy  villaige,  sesdroiz 
et  appartenances,  ainsi  qu'il  se  comporte  à  la  dite  valeur  de  vingt  du- 
catz par  an  ou  environ,  avoir,  tenir  et  posséder  par  nostre  dit  Conseil- 
ler, sesditz  hoirs,  successeurs  et  aians  cause,  et  dicelluy  joir  et  user 
plainement  et  paisiblement,  en  faisant  et  aquictant  les  charges  et  de- 
voirs deuz  à  cause  dudit  villaige,  où  et  ainsi  qu'il  appartiendra  ;  moyen- 
nant et  parmy  toutes  voyes  que,  toutes  et  quantes  foiz  que  nous  ou  noz 
prédécesseurs  baillerons  ou  ferons  bailler  à  nostre  dit  conseiller  ou  à 
celui  ou  ceulx  qui  auront  son  droit  la  somme  de  cinq  cens  ducatz 
pour  une  fois,  nous  pourons  avoir  et  retirer  le  dit  villaige,  et  le  re- 
mettre à  nostre  dominance  ducal.  Si  donnons  en  mandement,  etc. ... 
Donné  à  Bloys  au  moys  d'octobre  l'an  de  grâce  mil  cinq  cens  et  de 
nostre  règne  le  troysième.  Ainsi  signé  :  Par  le  Roy.  Gedoyn.  Visa 
contentor. 

(A  suivre.) 


BIBLIOGRAPHIE 


Loeseth  (E.).  —  Obserrations   sur  le  Polyeucte  de  Corneille.  —  Chris- 
tiania^   Jacob  Dj/bwad,  1899,  gr.  in-S".  [18  p.]. 

[Extrait   des    Videnskabsselskabets    Skrifter.   II,    Historik-filosofisk 
Klasse,  1899,  n»  4.] 

TjG  mémoire  de  M.  E.  Loeseth,  communiqué  au  cinquième  congrès 
des  philologues  Scandinaves,  mais  rédigé  en  français,  comprend  : 
1®  une  revue  des  jugements  portés  sur  Polyeucte,  depuis  Tapparition 
de  cette  oeuvre  jusqu'à  nos  jours  ;  —  2°  un  examen  rapide  de  ces 
jugements  ;  —  3*  une  conclusion. 

L'exposé  des  jugements  émis  est  intéressant,  bien  qu'on  pût  Tamé- 
liorep  ou  le  compléter  çà  et  là  :  Sarcey  devrait  être  cité  d'après  son 
feuilleton  du  Temps,  non  d'après  le  compte  rendu  fantaisiste  d'une  de 
ses  conférences  qu'a  donné  M.  Jules  Lemaître  ;  —  M.  Moûnet-Sully 
a  publié  da.ns  la.  Revue  d'art  dramatique  (15  avril  1891)  une  inter- 
prétation de  Polyeucte,  qui  me  paraît  parfaitement  insoutenable, 
mais  qui  est  curieuse  et  par  elle-même  et  par  la  situation  de  son 
auteur. 

L'examen  des  jugements  est  souvent  judicieux,  par  exemple  dans 
les  pages  consacrées  aux  critiques  de  Lessing  :  je  ne  crois  pas  qu'il 
le  soit  partout,  et  on  le  voudrait  parfois  plus  explicite. 

La  conclusion  est  que  Polyeucte,  ayant  suscité  des  explications 
diverses,  manque  fâcheusement  de  clarté.  Pourquoi  Corneille  n'a-t-il 
pas  peint  son  martyr  de  telle  sorte  qu'on  ne  pût  voir  en  lui,  tantôt  un 
pur  néophyte  chrétien,  tantôt  un  mari  jaloux  ?  «  Pourquoi  n'a-t-il  pas 
indiqué  clairement  la  part  de  l'amour  et  la  part  de  la  religion  dans  la 
conversion  de  Pauline  ?  »  «  Le  poète  a  fait  une  trop  grande  place  au 
vague,  et  l'incertitude  qui  en  résulte,  loin  de  rehausser  le  charme  de 
la  pièce  comme  dans  certains  drames  saturés  de  pensées  et  sombre- 
ment  philosophiques,  ceux  d'Ibsen  ou  de  Renan,  par  exemple,  ou 
dans  quelques  poésies  délicieusement  et  artistement  crépusculaires 
des  meilleurs  symbolistes,  en  diminue  au  contraire  la  valeur  intrin- 
sèque. »  —  Il  y  aurait  beaucoup  à  dire  là-dessus.  Je  me  contenterai 
de  remarquer  que  les  critiques  ne  discutent  pas  seulement  sur  les 
personnages  d'un  Ibsen,  mais  sur  ceux  d'un  Shakspeare,  d'un  Gœthe, 
voire  d'un  Racine.  Quand  un  Scribe  fait  mouvoir  les  pantins  qu'il  a 
mis  en  scène,  il  a  bien  soin  —  et  il  lui  est  aisé  —  de  nous  dire  quelles 
ficelles  il  tire  pour  cela.  Mais  le  poète  qui  peint  ou  qui  crée  des  êtres 


372  BIBLIOGRAPHIE 

▼i  van  te  ne  peat  rendre  un  compte  aussi  rigoureux  des  actions  de  ses 
personnages  :  savons-nous  jamais  nous-mêmes,  alors  que  nous  pre- 
nons une  décision  grave,  quelle  part  exacte  il  faut  faire  aux  divers 
motifs  et  mobiles  qui  ont  ag^  sur  nous  ? 

Somme  toute,  M.  Loeseth  n'a  pas  senti  avec  quel  art  et  avec  qaelle 
force  de  génie  Corneille  a  fondu  dans  son  Polyeucte  un  drame  hagio- 
graphique, dont  le  ressort  essentiel  est  la  grâce,  et  une  tragédie  ra- 
tionnelle, où  tout  s'explique  par  les  sentiments  et  par  les  passions 
des  personnages.  Bien  qu'il  prononce  deux  fois  le  mot  de  tragi-comé- 
die, il  n'a  pas  vu  non  plus  avec  quelle  ingéniosité  Corneille  a  fait 
entrer  dans  une  tragédie  classique  les  plus  utiles  éléments  de  la 
tragi-comédie  antérieure.  11  a  mieux  étudié  les  critiques  de  PolyeucU 
que  Polyeucte  même.  Mais  son  mémoire  n^est  pas  sans  mérite,  et, 
puisqu'il  est  l'œuvre  d'un  étranger,  nous  devons  en  remercier  autant 
qu'en  féliciter  l'auteur. 

Eugène  Rigàl. 

Béer  (Rudolf). —  Zur  Ueberlieferung  altspanischer  Literafurdenkmàler. 
Wien,  Cari  Gerold,  1898,  in-8»  [45  p.].  (Extrait  de  la  Zeitschrift  fur  die 
ôsterreichischen  Gymnasien,) 

Il  se  peut  que  notre  connaissance  fort  modeste  de  l'allemand  nous 
trompe,  mais  il  nous  semble  que  M.  B.  donne  à  Ueberlieferung  un 
sens  qu'il  n'a  pas  ordinairement.  Nous  nous  attendions  à  ce  qu*on  nous 
énumère  et  nous  décrive  les  manuscrits  et  les  éditions  qui  nous  ont 
conservé  tel  ou  tel  texte,  ou  à  ce  qu'on  nous  parle  des  catalogues  de 
ce  genre  déjà  existants  :  mais  la  tâche  que  s'est  imposée  M.  B.  est 
tout  autre. 

Dans  un  premier  chapitre  intitulé  :  Der  gegenwàrtige  Stand  der 
Quellenkunde^  il  cite  et  apprécie  rapidement  la  Bibliotheca  Eispana 
de  Nicolas  Antonio  (2*  édition),  la  littérature  deTicknor,  celle  d'Ama- 
dor  de  los  Rios,  les  travaux  entrepris  par  MM.  Ëwald,  Lœwe  et 
lui-même  pour  les  Monumenta  Germaniae  ou  la  Bibliotheca  patrum 
latinorum  hispaniensis.  Ce  sont  là  en  réalité  des  œuvres  d'ordre 
divers,  et  dont  deux  au  moins  n'ont  que  des  rapports  lointains  avec 
V Ueberlieferung  telle  que  nous  l'entendons. 

Mais  nous  voyons  bientôt  quelle  est  l'idée  véritable  de  M.  B.  :  il  a 
voulu  faire  un  petit  traité  de  méthodologie.  Après  avoir  montré,  en 
quelques  lignes  trop  brèves,  qu'il  n'existait  pas  de  manuel  de  litté- 
rature espagnole  bien  fait,  répondant  aux  exigences  de  la  science 
moderne,  il  indique  au  savant  ou  plutôt  aux  savants  courageux  qui 
se  proposeraient  de  combler  cette  lacune,  le  plan  qu'ils  devront  sui- 
vre pour  y  parvenir.  Mais  au  fait,  encore  ici,  s'agit-il  de  bibliogra- 


BIBLIOGRAPHIE  37  3 

phîe  011  de  littérature  proprement  dite,  du  manuel  de  littérature  idéal, 
ou  du  manuel  de  bibliographie  qui  devra  le  précéder  et  lui  servir  de 
base  solide.  On  nous  parle  tantôt  de  Tun,  tantôt  de  Tautre,  et  parfois 
de  telle  façon  que  nous  ne  savons  plus  au  juste  duquel  des  deux  il 
s*agit  :  confusion  fâcheuse,  surtout  chez  un  auteur  de  méthodes. 

Heureusement  M.  B.  appuie  ses  théories  d'un  exemple,  qui,  sans 
doute,  va  tout  éclairer.  Il  occupe  dans  notre  brochure  le  chap.  II:  Das 
Poema  del  Cid  :  die  Handschrift  ;  et  le  chap.  III  :  Das  Poema  del 
Cid  :  die  Provenienz,  Dans  ces  quelques  pages,  toutes  les  ques- 
tions relatives  knoscantares  sont  touchées  :  description  du  manuscrit, 
son  histoire,  éditions  qui  en  ont  été  faites,  et  ici  nous  sommes  dans 
VUeberlieferung  ;  date,  lieu  de  la  composition,  auteur,  et  ici  nous 
sortons  de  VUeberlieferung  ;  car  on  comprend  bien  que  pour  résoudre 
ces  derniers  problèmes,  M.  B.  est  obligé  d'étudier  plus  ou  moins  son 
texte,  d'en  recueillir  les  allusions  historiques,  de  jeter  un  coup  d^œil 
sur  son  vocabulaire  et  sa  grammaire.  Il  est  même  amené,  quoiqu'il 
8*en  défende,  à  en  esquisser  une  appréciation  littéraire.  De  telle  sorte 
que  nous  ne  voyons  pas  bien  ce  que  Thistorien  de  VUeberlieferung 
laisse  ici  à  faire  à  l'historien  de  la  littérature  proprement  dit. 

En  réalité  M.  B.  a  mal  choisi  son  exemple.  Un  manuscrit  unique, 
sans  date  et  sans  nom  d'auteur,  doit  forcément  jouer  de  ces  tours  au 
bibliographe  trop  consciencieux  qui  se  croira  obligé  de  lui  trouver  un 
état  civil.  Mais  peut-être  aussi  le  bibliographe  sort-il  ici  de  ses  attri- 
butions, et  peut-être  sa  fonction  véritable  est-elle  de  regarder  les  textes 
de  ce  genre  par  le  dehors,  de  les  mesurer,  d'en  compter  les  feuillets 
sans  les  lire,  d'en  dater  l'écriture.  Disons  mieux,  dans  ees  cas-là, 
l'étude  ne  peut  plus  être  partagée  entre  le  bibliographe  et  le  littéra- 
teur :  ils  doivent  travailler  ensemble,  s'aider  mutuellement  et  se 
compléter  l'un  l'autre. 

Voyons  donc  ce  que  vaut  Pétude  bibliographique  et  littéraire  que 
nous  présente  M.  B. 

Elle  est  fort  confuse  et  embrouillée.  Elle  porte  de  plus  les  traces  ma- 
nifestes, matérielles,  d'un  travail  hâtif.  Par  exemple,  p.  12,  M.  B.  ouvre 
une  parenthèse  pour  nous  inviter  à  ne  pas  confondre  Angel  Amador 
de  los  Rios,  auteur  d'articles  parus  dans  la  Revista  de  Espana  sur 
l'exactitude  historique  et  géographique  du  Poème  du  Cid,  avec  José 
Amador  de  los  Rios,  auteur  de  la  littérature  bien  connue.  Or  le  pre- 
mier s'appelle,  en  réalité,  Angel  de  los  Rios  y  Rios,  sans  rien  d'Ama- 
dor.  P.  18,  M.  B.,  non  content  de  changer  l'état-civil  de  Angel  de  los 
Rios,  l'accuse  de  ne  pas  indiquer  la  provenance  de  deux  documents 
dont  il  se  sert  :  ce  qu'il  a  fait  pourtant,  comme  on  pourras'en  convain- 
cre en  se  reportant  à  la  Revista  de  EspaHa,  t.  LXXI,  p.  521,  n.  P.  38 
on  nous  renvoie  pour  le  catalogue  des  manuscrits  originaires  de  Car- 


374  BIBLIOGRAPHIE 

dena,  para  en  1851,  et  dans  le  Mémorial  histôrico  espanol,  BJiBoletin 
de  la  Real  Acadernia  de  la  Eistoria^  qui  n'a  vu  le  jour  qu'en  1877. 

Les  déclarations  de  M.  B.  nous  faisaient  espérer  un  travail  définitif 
digne  de  former  un  chapitre  de  Thistoire  idéale  de  la  littérature  espa- 
gnole à  laquelle  il  doit  servir  de  modèle  :  nous  sentons  dès  maintenant 
que  nous  serons  déçus.  Nos  inquiétudes  s'accroissent  en  constatant 
que  de  tous  les  sujets  qu'il  aurait  pu  traiter  M.  B.  a  choisi  celui  qui 
lui  convenait  le  moins.  Lui  qui  avait  le  choix  entre  tant  de  manuscrits 
qu'il  a  maniés  pendant  deux  ans  de  séjour  en  Espagne,  en  a  choisi  un 
qu'il  n'a  jamais  vu.  Aussi  la  description  qu'il  nous  en  donne  n'est  ni 
meilleure  ni  pire  que  celles  que  nous  connaissions  déjà  et  qui,  malheu- 
reusement, n'étaient  pas  parfaites,  D.  RamonMenéndez  Pidal  vient  de 
nous  l'apprendre  ^  11  ne  manque  pas  seulement  une  feuille  après  le 
V.  2337  ;  une  autre  a  été  coupée  après  le  v.  3507,  comme  le  prouve 
outre  le  sens,  le  talon  visible,  quoique  personne  ne  l'eût  encore  vu. 
Il  n'y  a  pas  eu  un  seul  correcteur,  il  y  en  a  eu  plusieurs  d'époques 
différentes. 

Les  éditions  sont  expédiées  p.  15  en  quatre  lignes  :  Fénumération 
des  trois  premières  terminée  par  un  etc.,  avec  un  supplément  tout 
aussi  sec  p.  45.  Comme  on  le  voit,  la  partie  Ueberlieferung  n'est  pas 
brillante. 

Pour  ce  qui  est  des  diverses  questions  soulevées  par  le  Poème  du 
Cid,  M.  B.  nous  résume  lui-même  le  résultat  de  ses  recherches,  p.  45: 
«  La  première  rédaction  du  Poème,  qui  ne  nous  est  pas  parvenue,  eat 
lieu  au  commencement  du  XI1I«  s.  et  à  Cardena.  Le  texte  dont  se  servit 
Alphonse  X  pour  la  rédaction  du  quatrième  livre  de  sa  Crônica  gênerai 
en  est  proche  parent.  Cette  chronique  alphonsine  dans  les  parties  où 
le  Poème  lui  sert  de  source  est  importante  pour  la  connaissance  de 
celui-ci,  dans  les  paraphrases  elle  est  précieuse  pour  l'expliquer^.» 
M.  B.  a  voulu  dire  sans  doute  que  la  chronique  nous  aide  a  retrouver 
la  forme  primitive  du  Poème  lorsqu'elle  le  suit  pas  à  pas,  presque  mot 
par  mot,  et  nous  aide  à  l'entendre  lorsqu'elle  le  paraphrase.  Mais  il 
me  semble  que  dans  les  deux  cas  le  Poème  est  source,  u  Dans  les 
vieux  catalogues  de  bibliothèques  le  Poema  n'est  pas  nommé.  Les 
Hechos  del  Cid  qui  y  figurent  se  rapportent  à  la  chronique...  » 

Il  n'est,  dans  ces  résultats,  rien  de  bien  nouveau.  Dozy,  Bello, 
et  d'autres  ont  déjà  placé  la  composition  du  poème  au  commence- 
ment du   XIII^  siècle.   Les  raisons  qu'ils  apportaient  n'étaient  pas 

*  Poema  del  Cid.  Nueva  ediciôn.  Madrid  1898. 

'  Voici  le  texte  :  Dièse  alfonsinische  Crônica  ist  in  den  Theilen,  wo  das 
Poema  als  Quelle  herangezogen  wird,  nicht  unwichtig  fur  die  Kenntnis 
der  Dichtung,  in  den  Paraphrasen  wertvoU  fur  die  Erklârung. 


BIBLIOGRAPHIE  375 

décisives  ;  celles  de  M.  B.  ne  le  sont  pas  davantage.  Elles  consis- 
tent en  considérations  générales  sur  Tétat  de  la  civilisation  espa- 
gnole aux  XII»  et  XIII*'  siècles,  sur  les  conditions  matérielles  de  la 
production  littéraire  à  cette  époque  :  arguments  dont,  pour  notre  part, 
nous  faisons  peu  de  cas,  parce  qu'il  nous  paraît  qu'ils  peuvent  servir 
également  toutes  les  causes.  Nous  en  dirons  autant  des  preuves 
tirées  de  la  qualité  de  la  langue  du  poème.  M.  B.  apporte  ici  le 
témoignage  de  M.  Araujo  qui  dit  dans  sa  grammaire  du  Cid  que 
cette  langue  «  reâète  fidèlement  le  dictionnaire  castillan  du  XII*  et 
du  XIII*  siècles  ».  On  est  étonné  de  voir  un  érudit,  nourri  à  la  bonne 
école,  faire  état  d'une  telle  affirmation  qui  ne  repose  sur  rien,  comme 
on  peut  s'en  rendre  compte  en  se  reportant  à  l'ouvrage  d'où  elle  est 
tirée,  et  qui  porte  même  en  elle,  dans  sa  rédaction,  la  preuve  évi- 
dente de  sa  nullité  scientifique.  D'ailleurs,  serait-elle  rigoureusement 
établie,  de  quoi  peut-elle  nous  servir  ?  Elle  nous  ouvre  une  marge 
de  deux  cents  ans  et  nous  sommes  déjà  enfermés  entre  1136  et  1270, 
entre  Alphonse  l'empereur,  qui  est  nommé  dans  le  poème,  et  Al- 
phonse le  Sage,  qui  s'en  est  servi  dans  la  première  moitié  de  son 
règne.  De  plus,  Floranes,  l'érudit  qui  a  le  plus  rajeuni  notre  texte, 
ne  l'a  mis  qu'en  1245.  Enfin  M.  Lidforss  nous  a  enserrés  entre  1135 
et  1 139.  On  peut  ne  pas  admettre  sa  solution,  mais  comme  elle  est 
fondée  sur  des  données  précises,  tirées  du  poème  lui-même,  sur  des 
allusions  historiques  qu'il  renferme,  il  n'est  pas  permis  de  la  passer 
BOUS  silence,  et  il  fallait  la  ruiner  avant  d'en  proposer  une  autre. 

Au  sujet  des  relations  de  la  chronique  alphonsine  avec  notre  poème, 
M.  B.  refuse  d'admettre  la  théorie  émise  par  D.  Ramôn  Menéndez 
Pidal  dans  ses  Infantes  de  Lara,  Il  nous  paraît  avoir  tort  et  peut- 
être  l'a-t-il  reconnu  lui-même,  après  avoir  lu  l'article  du  même  auteur 
paru  dernièrement  dans  la  Reime  Hispanique.  Aussi  nous  n'insiste- 
rons pas. 

Les  a  hechos  dd  Cid  »  qui  figurent  dans  les  vieux  catalogues  se 
rapportent  à  la  chronique  et  non  au  poème.  En  effet,  dit  M.  B. 
p.  25,  le  quatrième  livre  de  la  Crônica  gênerai  qui, plus  d'une  fois,fut 
copié  à  part,  qui  était  un  texte  d'une  lecture  plus  facile  que  le  Poème, 
qui  était  recommandé  d'ailleurs  par  l'autorité  royale  de  son  auteur, 
c  par  son  pavillon  »  dut  se  substituer  dans  tout  le  moyen  âge  à  la 
vieille  geste,  comme  «  Livre  du  Cid  ».  Il  me  semble,  quant  à  moi, 
que,  quel  quefiit  le  discrédit  d'une  œuvre,  cela  ne  pouvait  empêcher 
Fauteur  d'un  catalogue  de  l'inscrire  sur  ses  listes,  s'il  la  trouvait 
dans  le  fonds  qu'il  inventoriait.  De  plus,  si  l'on  pouvait  être  embar- 
rassé pour  donner  un  titre  générique  exact  à  des  œuvres  relatives  au 
Cid,  c'était  plutôt  pour  la  Geste,  monument  d'un  genre  dont  on  avait 
oublié  le  nom,  que  pour  une  chronique,  genre  qui  n'a  cessé  d'être 


376  BIBUOGRAPHIB 

connu  depuis  Alphonse  X  jusqu^à  nos  jours  ;  et  par  snite  ce  titre 
vague  Hechos  dd  Cid  devrait  plutôt  nous  £ûre  songer  au  poème, 
qu*à  la  chronique.  Mais  au  fait,  le  mot  Crôniea  ne  se  trouve-t-il  pas 
dans  le  catalogue  en  question?  La  citation  qu'en  fait  M.  B.  est 
rédigée  de  telle  façon  qu'on  ne  peut  pas  le  savoir  au  juste.  Si  le  mot 
y  figure,  la  démonstration  de  M.  B.  est  oiseuse,  s'il  en  est  absent, 
elle  est  notoirement  insuffisante. 

Mais  la  partie  la  plus  originale  du  travail  de  M.  B.  est  celle 
où  il  essaie  de  préciser  le  lieu  où  le  Poème  du  Cid  a  été  composé. 
Il  nous  assure  d^abord  qu'un  monument  aussi  important  n'a  pu  être 
matériellement  exécuté  que  dans  un  grand  monastère.  —  A  mon  avis 
nous  n*en  savons  rien  au  juste.  —  Ce  monastère  est  celui  de  Cardena, 
qui  joue  un  grand  rôle  dans  la  Geste,  ce  qui  indique  que  la  Geste 
a  été  composée  à  Cardena,  par  un  moine  de  Cardena.  M.  B.  calcule 
que  plus  de  deux  cents  vers  sur  trois  mille  sept  cents,  compte 
rond,  lui  sont  consacrés.  Mais,  peut-on  dire,  ce  rôle  a  été  attribué 
à  San  Pedro  par  l'histoire  même.  Le  Cid  de  son  vivant  eut  de 
nombreuses  relations  avec  ce  cloître  ;  c'est  là  qull  fut  enterré, 
après  sa  mort,  et  que  furent  enterrées  sa  femme,  ses  filles»  plusieurs 
de  ses  parents,  plusieurs  de  ses  compagnons  d'armes  et  jusqu'à  son 
coursier,  le  célèbre  Bavieca.  Par  suite,  quoi  d'étonnant  à  ce  que  ce 
cloître  occupe  dans  la  Geste  une  place  que  lui  assignait  l'histoire,  et 
que  ne  pouvait  lui  refuser  le  poète  quel  qu'il  fût,  moine  de  n'importe 
quel  cloître  de  Castille  ou  jongleur  laïque  du  même  pays.  M.  B. 
prévoit  Tobjection  et,  pour  y  parer,  il  s'attache  à  prouver  que  les 
vers  consacrés  à  Carde&a  sont  d'un  tel  caractère,  révèlent  un  tel 
souci  des  intérêts  moraux  et  matériels  du  couvent,  donnent  des 
détails  si  nets  sur  les  événements  du  Poème  qui  s'y  déroulent,  qu'ils 
n'ont  pu  être  écrits  que  par  un  moine  de  ce  monastère,  dans  le  but 
d'être  utile  au  monastère,  en  s'inspirant  de  traditions  qui  ne  se  per- 
pétuaient que  là  dans  toute  leur  force,  et  sans  doute  aussi  en  s'ai- 
dant  de  documents  qui  ne  se  trouvaient  que  là.  La  démonstration  de 
M.  B.  est  forte,  elle  n'est  pas  inattaquable.  Pour  ma  part,  je  m'é- 
tonne qu'un  moine  si  bien  intentionné,  si  bien  pourvu  de  renseigne- 
ments de  toutes  sortes,  que  l'histoire  autorisait  à  se  donner  libre 
carrière,  n'ait  su  tirer  que  deux  cents  vers  d'une  aussi  ample  ma- 
tière. Il  écrivait  à  une  époque  où  la  légende  pieuse  du  Cid  s'était  déjà 
développée  sans  doute,  et  il  ne  lui  a  pas  fait  le  moindre  emprunt,  lui, 
moine.  Lors  du  premier  voyage  de  Minaya  en  Castille,  après  la  dé- 
faite de  Ffariz  et  de  Galue,il  le  laisse  aller  à  Sainte-Marie-de-Burgos 
commander  et  payer  mille  messes  et  ne  le  charge  pas  du  moindre 
présent  pour  San  Pedro  de  Cardena.  Enfin  lui  qui  avait  à  sa  dispo- 
sition les  annales  du  couvent,  où  devait  se  trouver  la  liste  authenti- 


BIBLIOGRAPHIE  377 

que  des  abbés,  introduit  un  don  Sancho  qui,  à  ce  qu